SH 53 : Grippe A : état d’urgence contre le droit du travail ?

Une circulaire de la DGT (direction générale du travail) aux ordres de Xavier Darcos, datée du 3 juillet (n°2009-16) laisse entendre que la pandémie de grippe A (H1N1), selon qu’elle dure une ou plusieurs semaines, qu’elle affecte 25 % ou 40 % des effectifs, pourra être l’occasion d’un « état d’urgence » dans les entreprises.

On aurait pu croire qu’un tel risque de pandémie serait au contraire l’occasion de faire très attention aux conséquences sur les millions des salariés. Car ce sont eux qui vont subir les risques, les fatigues et souffrances, les perturbations à tous niveaux. Les « plans de continuation d’activité » (PCA) concoctés pour faire face à la pandémie devraient essentiellement être élaborés par les Comités hygiène sécurité conditions de travail (CHSCT) qui sont les institutions représentatives du personnel spécifiquement destinées à cela. Les aménagements d’horaire, les adaptations de productivité, les ré organisations temporaires du travail devraient viser à faciliter la vie, dans de telles conditions, aux salariés et à leurs familles.

Mais ce n’est pas ce que promeut la circulaire de la DGT. Il n’y est pas question de la santé des salariés, ni de leur protection. Au contraire, elle se situe du seul point de vue de « l’entreprise » donc de l’employeur. Comment assurer la productivité et les marges de profit contre les vents et marées de la pandémie ? Le ministère appelle cela « éviter un mode de fonctionnement dégradé de la société ». Alors il formule des préconisations pour permettre aux employeurs de jouer sur la flexibilité : « Il en va de la survie de l’économie nationale, des entreprises et de la sauvegarde de l’emploi ». En cas de passage en phase 6 de la pandémie, l’employeur pourra « adapter l’organisation de son entreprise et le travail des salariés ». Le volume horaire de travail ou le nombre de tâches à effectuer pourront augmenter « par décision unilatérale de l’employeur ». Et l’administration Combrexelle-Darcos précise que « le refus du salarié, sauf s’il est protégé, constitue une faute pouvant justifier le licenciement ».

S’agissant de modifications plus importantes, telles que la dérogation à la durée maximale journalière en cas de surcroît temporaire d’activité, ou la dérogation à la durée maximale hebdomadaire de 48 heures, l’employeur sera dans l’obligation de recevoir une autorisation administrative. Mais la circulaire invite l’administration du travail à « faire preuve de souplesse et de réactivité face aux demandes des entreprises ». « Ces mesures se feraient dans des circonstances très particulières et pour une durée limitée, précise le ministère. Elles seraient mises en œuvre pour limiter l’impact économique d’une telle pandémie ».

C’est déjà trop, cela s’appelle un coup de force contre le droit, un état d’urgence pour faire de l’employeur un petit dictateur.

Précisons que cette circulaire n’est qu’une circulaire, qu’elle n’a pas force de loi, même si elle représente un coup de force contre la loi. Elle ne saurait avoir ce caractère obligatoire. L’inspection du travail, indépendante des gouvernements en place, n’est pas tenue d’encourager de telles violations du droit du travail.

Gérard Filoche

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