SH 64 : Des « plans sociaux » d’aubaine

Le nombre des plans dits de « sauvegarde de l’emploi » depuis le début de la crise est considérable : l’effet qu’ils ont produit, c’est 600 000 chômeurs officiels de plus à ce jour. On a eu 2000 chômeurs de plus par jour et 52 800 chômeurs de plus encore en octobre. On dépasse à coup sûr 3 millions de demandeurs d’emploi auxquels il faut ajouter ceux qui ont été découragés ou radiés, ou encore ceux qui ne figurent pas sur les listes car ils sont en convention de reclassement professionnel. Il faut recenser prés de 600 000 salariés qui ont été soumis au « chômage partiel » (travailler moins pour gagner moins). On doit aussi décompter 160 000 « ruptures conventionnelles », ces « ruptures de gré à gré » et sans besoin de motivation, un système réclamé par le Medef et accordé par la loi Bertrand dés août 2008. On doit encore rajouter 160 000 départs en retraite non remplacés (des postes que les jeunes n’auront pas) dans la fonction publique depuis six ans, Sarkozy étant, de ce fait, le premier licencieur du pays. C’est « avec les dents » que Sarkozy est allé chercher le chômage ! Et c’est avec ce chantage à l’emploi qu’il a bloqué le pouvoir d’achat.

La crise bancaire a finalement été une aubaine pour le patronat qui s’est empressé de mettre l’épée de Damoclès du Pôle emploi sur la nuque de millions des salariés : « Tenez vous bien, bossez plus, ne réclamez pas plus de salaire, sinon c’est la porte ». Employeurs et actionnaires se sont rué sur l’occasion pour « dégraisser » ou menacer de le faire : quatre plans sociaux sur cinq n’étaient pas justifiés, pourquoi se priver ? Hop, un petit coup de pression, ça met les syndicats et les salariés sur la défensive.

J’ai vu une entreprise célèbre de jeux et de chaîne hôtelière, ayant 3800 salariés proposer un « plan de sauvegarde » pour supprimer… 23 emplois, histoire de ne pas être en reste, même s’il n’y avait aucune nécessité. J’en ai vu une autre de 450 salariés dans la parfumerie de luxe, proposer 32 suppressions de postes, puis réduire à 28, puis à 22 : la seule fonction de la démarche était de faire sentir à ses salariés le vent du boulet.

Les patrons ont utilisé la crise pour protéger leurs marges, épuiser leurs stocks et ils ont fait payer cela à leurs salariés respectifs. Les Echos viennent de titrer : « Les surcapacités de production freinent la sortie de la crise » ! Quel aveu ! Ils préfèrent produire moins pour gagner plus plutôt que de hausser les salaires. Les usines fonctionnent donc à 71 % de leurs capacités !

C’est ce qu’instinctivement les salariés ont compris depuis de longs mois, en demandant des indemnités substantielles de licenciement plutôt que des promesses « creuses » de reclassement professionnel. Plus de 40 entreprises, au cours de l’été, ont agi comme les « Contis » manifestant audacieusement, séquestrant, occupant, menaçant de tout faire sauter, parce qu’il n’y avait pas d’autre moyen de se faire entendre face à la rapacité des actionnaires et des banques. Dommage seulement qu’à la différence des Contis toutes ces entreprises soient restées isolées, pour 50 000 ou 80 000 euros par licencié, sans qu’il y ait eu une revendication unifiante du type « un mois de salaire par année d’ancienneté » pour tous en plus des droits légaux et conventionnels. Les dirigeants des huit syndicats qui avaient su mobiliser 3,5 millions de manifestants le 19 mars dernier auraient dû se relayer, pour faire unitairement le tour de chacune de ces entreprises, et les soutenir jusqu’à ce qu’ensemble elles puissent partout imposer cet objectif.

Gérard Filoche

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