Fielleux Fillon : principe de défaveur

« Au boulot » n° 5 : nouvelle série, la rubrique de Siné Hebdo continue dans l’Humanité Dimanche. ici le 22 juillet 2010


Fielleux Fillon

Comment peut-on soumettre des salariés comme ceux de General Motors à pareil chantage ? Soit vous travaillez en France pour le coût des Mexicains, soit on vous met à la porte ? Acceptez une baisse de salaire, acceptez de perdre vos congés payés, acceptez que les heures supplémentaires ne soient plus payées…sinon « au boulot », c’est fini.

Normalement, c’est la possibilité même d’un tel chantage qui devrait être interdite par le droit du travail au nom de l’ordre public social. En effet, la négociation annuelle (NAO) des salaires et des conditions de travail est obligatoire et aucun employeur ne devrait pouvoir imposer  une disposition contraire à la loi en bloquant les salaires sur plusieurs années.

Les 35 h sont d’ordre public social, 100 % des salariés dépendent d’une durée légale hebdomadaire à 35 h. C’est le seuil de déclenchement des heures supplémentaires, au point que toute attaque contre les 35 h est en fait une attaque contre les salaires puisque son seul résultat concret est d’en supprimer la majoration. Les majorations des heures supplémentaires sont « d’ordre public social » fixées à 25 %, de 50 % ou de 100 % selon les cas… L’ordre public social, ce sont les lois de la République qui s’imposent au marché. Le droit du travail est normalement constitutif du fameux « droit de la concurrence ». La prétendue formalité d’un « referendum » proposant aux salariés, par chantage, de renoncer à l’ordre public social est un non-sens : s’il y a un droit, il doit l’être pour tous et doit protéger y compris les salariés contre eux-mêmes, contre leur état de faiblesse.

Alors comment est-ce devenu possible ?

Notamment à cause de la loi Fillon du 4 mai 2004, une des plus scélérates des huit dernières années dans la destruction du Code du travail. Elle remet en cause ce qu’on appelait le « principe de faveur » et la hiérarchie des sources du droit du travail.  Le « principe de faveur » intervenait lorsqu’il y avait plusieurs sources de droit : entre la loi et un accord collectif, on retenait ce qui était le plus favorable au salarié. Ainsi l’ordre public social se diffusait comme source de progrès, il était impossible de « déroger » à ce qui était le plus avantageux pour les travailleurs. La hiérarchie des textes se déclinait depuis les lois, les accords interprofessionnels, les accords de branche jusqu’aux accords d’entreprise qui ne pouvaient être plus négatifs que les lois républicaines. Ce qu’a permis le fielleux Fillon, c’est de renverser cet ordre-là et d’autoriser les « dérogations » défavorables : un accord d’entreprise peut déroger à un accord de branche qui peut déroger à un accord interprofessionnel qui peut déroger à une loi, dès lors que celle-ci le prévoit. Ce qui est acquis au plus haut niveau peut être rogné au niveau le plus bas, là où le rapport de forces syndical est plus faible. Confirmé par la loi Bertrand en 2008, cela permet par exemple, de faire travailler plus en gagnant moins en ne majorant plus les heures supplémentaires. Abrogez aussi cette loi Fillon-là !

Déposer un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera jamais transmise.

*