Compte-rendu de la rencontre du 24 septembre 2010 avec Jean-Denis Combrexelle. Directeur général du travail.

Compte-rendu de la rencontre du 24 septembre 2010 avec Jean-Denis Combrexelle. Directeur général du travail.

Les représentants des initiateurs de la pétition ( plus de 20000 signatures dont 1100 médecins , inspecteurs et contrôleurs du travail ) ont été reçus à leur demande par le directeur général du travail, rendez-vous qui était prévu pour exprimer leur désaccord vis-à-vis du projet de réforme de la médecine du travail. Les représentants se sont vus, du fait de l’actualité récente et de l’urgence et la gravité de la question, devoir discuter de l’amendement 730 adopté à l’Assemblée du 15 septembre  alors qu’il a été introduit sans débat ni annonce préalable , comme s’il s’agissait d’une infime et banale partie de la réforme.

Les représentants  dénoncent cet amendement , véritable arrêt de mort organisé de la médecine du travail , qui, en légalisant la mise des médecins sous tutelle des directeurs de service donc des employeurs, lapide toutes possibilités d’une authentique médecine du travail, à un moment où les constats en santé au travail n’ont jamais été aussi alarmants , constats en lien avec une dégradation régulièrement aggravée du monde du travail.

Amendement voté au mépris de toutes les voix qui se sont élevées contre le projet, notamment lors du refus syndical unitaire de septembre 2009.

Monsieur Combrexelle nous  demande d’exprimer des critiques très précises du texte de loi (Article 25), affirmant  que cet amendement n’est pas contradictoire avec le fait que le gouvernement considère  cette question de santé au travail comme essentielle , qu’elle est en lien avec la pénibilité et les retraites , et que les décrets d’application représenteront une partie très importante de la réforme.

Position que les représentants trouvent justement très contradictoire avec le fait que cet amendement ait été proposé au dernier moment à l’assemblée , sans débat , comme le rappelle Gérard Filoche, qui déplore que ce qui est proposé dans la loi soit conforme en tous points aux demandes du Medef.

Monsieur Combrexelle dénie , et ceci à plusieurs reprises, que le Medef ait eu une quelconque influence sur les décisions du gouvernement ; il demande qu’il n’y ait pas de procès d’intention car les intentions du gouvernement sont bonnes , mais souhaite des critiques précises.

Voici les critiques exprimées précisément sur le texte par les représentants de la pétition des 20 000 :

— la première nécessité était de supprimer le lien direct de l’autorité du patronat sur les médecins du travail,  leur efficacité  en vraie prévention étant directement liée à leur degré d’ indépendance dans leur capacité à diagnostiquer, à alerter, à demander les transformations nécessaires ;

les représentants médecins déplorent que concrètement, leur marge d’action est complètement annihilée dans ce texte de réforme ; la responsabilité des missions de santé au travail n’est plus donnée au médecin , il n’a plus l’autorité mais devient un acteur parmi d’autres, et  tout ceci dans une grande confusion. Le texte parle de contrats d’objectifs et de démarche qualité , totalement dés-insérés des constats du médecin du travail.

Articles L 4622-1-2; 6-1 ; 7-2.

—les représentants dénoncent le fait que le lien santé-travail soit officiellement cassé par la suppression de l’article du Code du Travail qui définit actuellement la mission princeps du médecin du travail «  éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait du travail  »,

pour remplacer par «  préserver la santé physique et mentale du travailleur tout au long de son parcours professionnel ».

Les médecins signalent que dans les faits ,  il y a de plus en plus de pression pour que ce lien soit cassé ; ils  voient au quotidien cette volonté patronale ; ce qui historiquement a abouti aux grands drames en santé au travail tels que celui de l’amiante.

- alors qu’une authentique médecine du travail a été construite malgré tous les obstacles , permettant des diagnostics précis dans chaque entreprises et des propositions concrètes de changements, le morcellement d’activité sur des professionnels moins bien formés et de plus, ayant encore moins de garantie d’indépendance, vient encore plus casser toutes possibilités de vraie prévention.

Une vraie pluridisciplinarité est possible, les médecins l’affirment, avec les acteurs déjà présents tels que les inspecteurs et contrôleurs  du travail pour peu que ceux-ci aient les moyens suffisants à faire appliquer le droit dans les entreprises, et ceci était un fondamental indispensable à énoncer , complémentaire à la suppression du joug patronal sur les médecins.

A aucun moment de cette rencontre il n’y a eu de réponse précise sur tous ces points , si ce n’est , précise monsieur Combrexelle, la volonté du gouvernement de répondre à la pénurie médicale et  son souhait  de susciter des actions régionales de prévention, mais rien de convainquant sur les difficultés réelles exprimées.

Devant l’insistance des représentants sur le fait que l’indépendance des médecins est par ce texte, encore plus mise à mal par une tutelle directe de l’employeur sur leur activité, et d’une manière générale sur la question de l’indépendance de médecins, le directeur du travail ne reconnaît à aucun moment qu’il y a conflit d’intérêt, donnant comme argument les cas très peu fréquents de licenciements de médecins du travail. Gérard Filoche , faisant référence à sa propre expérience, témoigne de ce qu’il a observé des pressions faites sur les médecins, et que la question des licenciements rares de médecins n’est pas un indice pertinent de ce qui se passe en réalité.

Dans la même ligne, il ne comprend pas que les médecins du travail soient terriblement inquiets à propos de l’article L 4622-2 : «  le directeur du service organise les actions définies par le conseil d’administration ».Cela est clair pour les représentants : ça n’est plus le médecin qui définit et organise ses actions. Et pire encore : «  le directeur est garant de l’indépendance du médecin du travail ».

Les médecins témoignent qu’ils ont été régulièrement atteints dans leur indépendance, c’est la principale cause de l’étouffement de l’alerte sur les questions de santé au travail et du silence de la profession. Ils demandent à ce que soit retirée cette phrase et que soit inscrit que l’indépendance est garantie par la loi,la déontologie, le directeur devant en assurer les moyens.

Ils signalent l’intervention du Conseil national de l’Ordre des Médecins  qui proteste contre cette réforme , contre la non-garantie de l’indépendance des médecins dans ce texte et contre le fait que le médecin du travail ne soit plus le coordonateur de l’équipe de prévention.

Monsieur Combrexelle ne comprend pas le fondement de ces protestations aussi bien des médecins que du CNOM

Au total, un directeur du travail qui reste sur ses positions de déni des réalités des dangers d’un tel texte , nous ne l’avons vu à aucun moment vouloir avancer un tant soit peu avec nos propositions ; une grande hypocrisie sur la question des conflits d’intérêt des employeurs qui vont être encore un peu plus en capacité d’organiser «  leur médecine du travail » et ceci de façon légalisée.

Déposer un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera jamais transmise.

*