Vers le déclin et la suppression du Smic ?

Selon une étude du cabinet Proxinvest, diffusée  le 14 décembre, le salaire des patrons du CAC 40 était en 2009 de 3,06 millions d’euros en moyenne, stock-options comprises soit 191 fois le Smic annuel. Avec Liliane Bettencourt, François Pinault, Bernard Arnault,  etc. l’Hexagone est le 3° pays des millionnaires, avec 2,2 millions de millionnaires, soit 9 % du total mondial. Selon le « Rapport 2010 sur la richesse mondiale de l’Institut de recherche » de Crédit Suisse, la richesse par adulte en France a triplé entre 2000 et 2007. Alors que 0,5 % de la population possède 35.6 % des richesses mondiales, les Etats-Unis sont en tête avec une richesse évaluée à 54 600 milliards de dollars, devant le Japon (21 000 milliards de dollars), la Chine (16 000 milliards de dollars) et la France est la première nation européenne (4e rang) avec 12 100 milliards de dollars, devant le Royaume-Uni et l’Allemagne.  Les profits, pendant la crise financière et économique mondiale ont « amputé de moitié la croissance mondiale des salaires en 2008 et 2009 », d’après un rapport du Bureau international du Travail (BIT) publié le 15 décembre.

La France n’a jamais été aussi riche.

Pourtant le gouvernement Sarkozy-Fillon – condamné par tous les syndicats –  refuse un coup de pouce au Smic au-delà du minimum légal. Le rattrapage annuel, le 1er janvier 2011, sera donc limité à 1,6 %, pour les  2,3 millions de salariés concernés en France, soit 1 salarié sur 10, qui gagneront désormais 1073 euros mensuels… à peine ce que gagne en une heure les PDG du CAC 40. Avec 9 euros de l’heure, le Smic atteindra 1.365 euros bruts et 1073 euros nets par mois pour 35 h et 151 h 66. Une « hausse » mensuelle de 17 € ou 204 € par an 56 centimes par jour, alors que les tarifs de l’électricité, du gaz, des transports, notamment ont augmenté substantiellement, Et alors que la masse salariale des entreprises, en 2008, ayant baissé de 9,9 %, en 2009 en plein cœur de la crise, les dividendes ont progressé de 3 %.

Un choix délibéré d’appauvrir les pauvres :

Le 28 février 2010, à Blois, Fillon s’était autocritiqué d’avoir cautionné sous le gouvernement Raffarin une hausse trop rapide du Smic et depuis 5 années, il réappauvrit donc sciemment les plus bas salaires. C’est un choix délibéré, comme ce fut le cas aux USA sous les présidences Reagan et Bush, d’organiser le déclin du Smic. Le but est de le supprimer comme le Medef le préconise. L’opération est masquée, mais elle se déroule inexorablement :

1°) la fixation du taux du Smic en janvier au lieu du 1er juillet, vise à peser par le bas sur les négociations de branche ou d’entreprise qui ont lieu en début d’année.

2°) la fixation se fait sur les propositions d’une « commission d’experts » prétendue indépendante selon le souhait de Laurence Parisot.

3°) Le COE (commission d’orientation de l’emploi) étudie soit une désindexation du Smic soit une modification du mode d’indexation.

4°) le gouvernement a supprimé jusqu’en 2013 les sanctions éventuelles applicables aux entreprises bénéficiant d’exonérations de cotisations (à hauteur de 20 milliards entre 1 et 1,3 fois le Smic ) et qui ne respecteront pas le Smic.

5°) Les branches dont le salaire minima conventionnel est inférieur au Smic ont obtenu l’autorisation d’y rester pendant deux ans.

6°) le Medef pousse à l’annualisation du Smic et sa régionalisation. Ce qui aurait pour double effet de le rendre incontrôlable et de le supprimer comme instrument d’une politique nationale des salaires.

Eternels mensonges pour justifier cette injustice  :

Le prétexte serait de ne pas pénaliser l’emploi ou la hiérarchie des salaires, parce que le Smic serait trop contraignant, trop élevé, etc.  C’est évidemment faux puisque que les cotisations sociales des employeurs ont baissé de 40 à 14 % depuis 1993. La moyenne de nos salaires, non seulement, n’est pas trop élevée, mais elle est dans la moyenne de ceux de l’Union européenne. Dans un pays comme l’Espagne ou les salaires sont plus bas, il y a davantage de chômage, dans les pays scandinaves ou les salaires sont plus élevés, il y en a moins. Ce sont les pays les plus pauvres qui ont des durées du travail plus élevées.  Ce sont les salariés ayant les plus bas salaires et le moins de qualifications reconnues qui sont les plus exposés au chômage. Les salariés de la restauration, par exemple, qui ne sont soumis à aucune concurrence internationale, ont le plus triste sort.

Encart

1600 euros
Le Smic est un salaire minimum, dû par l’employeur pour un travail effectué. Ce n’est ni une allocation, ni une assistance, ni un revenu. C’est un salaire interprofessionnel et un salaire de croissance pour assurer aux salariés une participation au développement du pays. C’est une question de justice sociale, de reconnaissance du travail, et d’efficacité économique. Le Smig avait été augmenté en juin 68 de 33 % et le Smag (minima agricole) de 55 % pour créer le Smic : cela n’a fait fermer aucune entreprise, cela a stimulé l’économie, alors que les salaires étaient même indexés sur les prix : une hausse comparable porterait aujourd’hui le Smic à 1750 euros. Cette redistribution des richesses est  exactement ce qu’il faut opposer à la politique de Sarkozy-Fillon.
La CGT, d’ailleurs, revendique de façon raisonnée, une augmentation du Smic à 1600 euros et non une aumône de 56 centimes par jour, soit le prix d’une demie baguette de pain.  Et puisqu’il faut prendre de l’argent là où il est, la gauche doit s’unir pour réclamer et imposer un salaire maximum, un revenu qui ne puisse être supérieur à 20 fois le Smic.

9 Commentaires

  1. Gilbert
    Posted 22 décembre 2010 at 19:25 | Permalien

    Pour que la gauche s’unisse pour réclamer une augmentation du SMIC, faudrait peut-être que le PS arrête de cracher sur les « gauchistes » et commence par la réclamer, cette augmentation. J’ai bien écouté les leaders du PS, je ne les entends pas sur ce sujet.
    Par contre, le PG, le NPA, le PCF la réclame…

  2. Posted 22 décembre 2010 at 22:15 | Permalien

    Gilbert,
    quand vous serez décidé à faire cesser la concurrence, la lutte des classes pourra commencer.

  3. LeJeune
    Posted 23 décembre 2010 at 1:19 | Permalien

    Encore bravo et merci Monsieur Filoche. Vous etes le veilleur qui nous alerte sur ce que trame cette UMP en train de devenir UMP/FN.
    Français pas riches nous sommes majoritaires en nombre! réveillons nous!

    tous nos acquis obtenus de haute lutte et nos libertés sont menacées!
    gauche ou pas gauche il n’est que temps d’agir!

  4. patrice
    Posted 29 décembre 2010 at 8:44 | Permalien

    la CGT réclame un éventail des salaires de 1 à 4 à l’embauche, avec doublement du salaire sur la durée de carrière : cela fait donc un éventail de 1 à 8

    , pas de 1 à vingt

    Quand au SMIC CGT, il y a bien longtemps qu’il n’a pas été revalorisé; il y a des abandons…

    Dans ma FD – CGT des Organismes Sociaux- , on exigeait 2000 euros (embauche sans aucune qualification)…. en 2008

  5. dans-le-brouillard
    Posted 30 décembre 2010 at 17:31 | Permalien

    Bonjour,
    J’ai entendu pas mal de discours au sujet du smic et je n’arrive pas à savoir qui dit vrai, quelle serait la meilleure option :
    - L’augmentation du SMIC permetrait à bon nombre d’entre nous de mieux vivre. On évite les « sous » salaires et on assure une certaine richesse à l’ensemble de la population.
    - Néanmoins cela ne cause-t-il pas des effets pervers ? A quoi bon faire des études si sans qualification j’ai 2000€ (et avec des études pas beaucoup plus) ? Les employeurs ne deviennent-ils pas plus sélectifs justement ? (main d’oeuvre plus chère donc recherche du plus « apte » du plus « productif » pour compenser les 2000€ ? Et donc création de chômage ?

    J’aimerais en savoir davantage…

  6. Posted 1 janvier 2011 at 20:17 | Permalien

    La hausse su SMIC est profitable aux meilleures entreprises qui payent leurs salariés (qui sont bons) plus que le minimum. Donc elle pousse tout le monde vers le haut.

  7. RIVOT
    Posted 2 janvier 2011 at 21:04 | Permalien

    la hausse du SMIC est en effet une excellente chose pour les entreprises qui sous payent leurs excellents salariés à peine au dessus de ce minimum : en effet, elles les dispensent (les chomeurs sont actuellement près de 7 000 000) de toute augmentation envers ces salariés ! La létargie avec laquelle les salariés ont subis l’imbécile et scandaleuse réforme des retraites (à peine 3 500 000 dans la rue pour 42 000 000 de soi-disants hostiles), les autorisent en effet au maximum de mépris envers leurs serviteurs dociles, soumis, serviles et maléables à merci…
    Nos exploiteurs ont encore de bons jours devant eux !

  8. Posted 3 janvier 2011 at 0:08 | Permalien

    j’aimerais savoir ce qui vous fait choisir ce seuil de 20 fois le smig.
    Pourquoi pas cinq ou six fois ?

    j’aimerais aussi savoir combien de fonctionnaires atteignent ou dépassent ce seuil – combien de salariés de boites prospères aussi.

    Il me semble que l’argent va aussi (par le jeu des augmentations à l’ancienneté que je trouve assez débiles) essentiellement aux vieux. Qu’en pensez-vous ?

  9. Posted 3 janvier 2011 at 0:21 | Permalien

    je me demande aussi si, si nous renoncions à l’exploitation du « tiers » monde, nous aurions encore les moyens de nous servir des smics mirobollants… sans aussi mettre fin à la spéculation immobilière, financière, boursière et quels moyens de régulation il faudrait alors mettre en place.

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