Témoignage de M. Maurice COHEN Directeur de la Revue Pratique de Droit Social Auteur de l’ouvrage « Le droit des comités d’entreprise et des comités de groupe »

A propos de la plainte de la Sté Guinot  contre M. Gérard Filoche, inspecteur du travail

 

Beaucoup d’employeurs n’aiment pas les contrôles de l’inspection du travail. En 2004, un employeur a même assassiné à coups de fusil deux contrôleurs du travail en mission d’inspection.

Mais c’est la première fois, à notre connaissance, qu’un employeur objet d’un contrôle, porte plainte contre un inspecteur du travail, en l’occurrence M. Gérard Filoche, qui était venu vérifier les conditions du licenciement d’une déléguée syndicale, sur lequel il devait prendre une décision conformément à la loi.

Ce moyen de défense inédit d’un employeur non respectueux du code du travail est grave au delà du cas d’espèce. Il risque d’encourager des employeurs à s’affranchir de tout contrôle , dans l’esprit des résolutions du MEDEF en faveur de la déréglementation du droit du travail sous prétexte de simplification. Le MEDEF a déjà réussi à faire retirer du projet de loi sur le Défenseur des droits (loi du 29 mars 2011) un droit de visite inopinée, en cas de discrimination , droit semblable à celui des inspecteurs du travail.

Un tel encouragement par une plainte « à l’envers » est grave aussi en ce qu’il légitime la délinquance patronale en droit du travail. Les inspecteurs du travail ne sont déjà pas assez nombreux eu égard au nombre des entreprises qu’ils doivent contrôler. Les employeurs récalcitrants leur font perdre un temps indispensable à leur mission de contrôle.

Certes, en s’attaquant d’une manière mensongère à M. Gérard Filoche, inspecteur du travail d’une grande compétence, très estimé dans la profession et dans les syndicats, auteur de plusieurs ouvrages sur le droit du travail, la Société Guinot  s’expose notamment aux peines du délit d’obstacle aux fonctions d’un inspecteur du travail ( art. L 8114-1 code trav.) et à celles de la dénonciation calomnieuse (art.226-10 code pénal), mais l’intimidation du corps des inspecteurs du travail qu’elle escompte serait bénéfique à tous les employeurs peu soucieux de respecter le code du travail.

Certes aussi, en multipliant les tentatives de licenciement de Mme Nassera F, déléguée syndicale, la société Guinot s’expose aux peines du délit d’entrave à l’exercice du droit syndical (art.L.2146-1 code trav.), et en ne consultant pas au préalable d’une manière régulière le comité d’entreprise sur son projet de licenciement, la société s’expose aux peines du délit d’entrave au fonctionnement régulier du comité d’entreprise (art.L. 2328-1 code trav.).

S’attaquer à un inspecteur du travail qui demande le respect de ces textes constitue non seulement un subterfuge, mais aussi et surtout un moyen de montrer urbi et orbi qu’on peut user d’audace pour violer la loi.

Bien sûr, M. Filoche n’est accusé ni de corruption, ni de conflit d’intérêts, ni de malversations, ni d’agression sexuelle , ni de vacances aux frais de Ben Ali, et autres délits à la mode, mais , aux yeux des tricheurs qui se disent vertueux, il a commis un crime bien plus grave : s’obstiner à faire appliquer la loi.

La condamnation d’un inspecteur du travail qui s’efforce de faire respecter les textes serait une aberration. M. Gérard Filoche doit au contraire être félicité par les juges et par les autorités administratives pour sa conscience professionnelle et pour sa volonté de faire respecter le code du travail malgré tous les obstacles.

 

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