Défibrillateurs ?

Au boulot n°30

Avez-vous vu déjà, les employeurs anticiper sur la prévention des risques en matière de sécurité que courent leurs salariés ? Non, n’est-ce pas ? Quand il n’y a pas d’obligation de moyens et de résultats dans le Code du travail, les patrons ne songent pas spontanément à dépenser des sous pour s’occuper de la santé des salariés…

Hé bien, pourtant, incroyable mais vrai, il y a une mode qui se répand et qui devance la législation : des employeurs installent des défibrillateurs alors que rien ne les y oblige ! Remarquez, il y a une raison égoïste, ils ont peur… pour eux-mêmes aussi !

Car ce ne sont plus les coups de grisou qui tuent comme du temps de Zola, mais les accidents cardiaques et vasculaires. Il y a 150 000 accidents cardiaques et 100 000 accidents vasculaires par an, me disait le professeur André Grimaldi, et entre un tiers et la moitié sont liés au travail.
En ce sens, le slogan réactionnaire « travailler plus pour gagner plus » est mortifère.

Sur le trottoir, l’autre jour, au coin de la rue de Richelieu, un homme qui sort du travail tombe, foudroyé. Crise cardiaque massive, il meurt. Il vient de faire une journée de 15 h. Est-ce un accident du travail ? Non répond l’entreprise. Est-ce un accident de trajet ? Non, répond encore l’entreprise, il était « cardiaque ». Assurément. Peut-être serait-il décédé de toute façon. Mais peut-être pas ce jour-là s’il n’avait pas effectué 15 heures de travail dans un stress violent.

Ainsi des dizaines de milliers d’AVC ne sont pas analysés, étudiés, reliés au travail. Que voulez-vous, à l’Assemblée nationale, la majorité UMP-Medef supprime la spécialité de la médecine du travail, déqualifie les intervenants en santé qui l’ont en charge, et en donne le contrôle au patronat…
Est ce que des défibrillateurs vont la remplacer ? En 2008, la France, avec 77 défibrillateurs implantés par million d’habitants, est en queue pour l’Europe de l’Ouest (où ils ont progressé de 115 % en 4 ans, pour arriver à une moyenne… de 99 appareils par million d’habitants).

C’est un paradoxe, alors que la prévention de la santé au travail est déconstruite, de voir certains employeurs, par défaut, d’acheter des défibrillateurs. Ils poussent leurs salariés au surtravail, au burn out, avec un management féroce : en contrepartie, ils se croient avisés de dépenser 3500 euros pour un appareil, utile mais fragile, qui ne peut réduire la mortalité que de 23 % et permettre la resynchronisation cardiaque que dans 20 à 36 % des cas. À condition bien sûr, que les salariés présents soient formés pour savoir s’en servir… ce qui est encore loin d’être le cas. Là, il faudrait que le Code du travail l’impose…

En attendant, il reste sans doute plus efficace de réduire la durée du travail et de conforter la médecine du travail.

Gérard Filoche

One Commentaire

  1. Bob
    Posted 9 octobre 2012 at 3:47 | Permalien

    Bonjour
    J’ai écouté votre speech chez les Déconnomistes. Très bien.

    Que peuvent faire les précaires et les pigistes? Concrètement, en dehors d’écouter des conférences sur Youtube ou d’aller applaudir telle ou telle conférencier?

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