Chronique n°98 lisez dans l’Humanité dimanche : Ali le livreur

Il est encore en forme Ali, le livreur de chez Franprix. En forme, cela veut dire qu’il a 32 ans et des biceps, de bonnes jambes, des épaules. Il le faut dans son cas. Car je l’ai vu franchir avec tout le poids de son caddie, les cinq marches lui permettant d’accéder au hall de l’immeuble. Rien que pour cet exercice, il en faut une force phénoménale, car l’engin à soulever contient les six grands sacs en plastique de la livraison de Mme  Rodriguez, la dame du 5°. Quand Ali est arrivé avec le caddie au pied de l’escalier, vu qu’il n’y a pas d’ascenseur, il va chercher à prendre le maximum de sacs pour ne pas monter trop de fois. Chaque sac pèse au moins 30, 35 ou 40 kilos. Pas facile des sacs dans une main, alors deux sacs par main, vous pensez… Ça glisse, la prise est difficile, ça tire, et il faut faire les 150 marches irrégulières, et les 5 paliers du vieil escalier en toboggan. Et recommencer. En sueur. Trente à quarante livraisons par jour. Ne parlez pas d’ergonomie. Ni de limites de charges.
Combien de temps tiendra t il en forme Ali ? Car c’est la toute dernière fin de sa jeunesse qui s’épuise là. Au fur et à mesure que le temps passe, il aura de plus en plus de mal, Ali, il va s’user, il aura mal au dos, aux genoux. Un livreur, c’est un peu comme un coureur cycliste ou un danseur de l’Opéra, la carrière est courte.
Et comme le sous-traitant de Franprix qui l’embauche, le paie au Smic (22 euros de plus récemment) Ali essaie d’en faire le maximum : parce que presque chaque fois, il a un pourboire. Même Mme Rodriguez lui donne 2 euros pour les 5 étages. Les pourboires, c’est traître, en fait, quand on y réfléchit, ça vous gonfle artificiellement le salaire sans que le patron ait à faire un effort. Si Franprix utilise un sous-traitant comme le font Monoprix et tous les autres, pour les livraisons, c’est pour pas qu’Ali compte dans les effectifs du personnel, c’est pour pas qu’il bénéficie des salaires de la convention collective (pas terribles), et même qu’il soit plus difficile de contrôler ses horaires. C’est contre le code du travail, mais Ali va jusqu’à 11 h par jour, vite et tard dans la soirée, il travaille « dur » jusqu’à épuisement, ça doit être ça « le vrai » travail.

Il n’aura jamais de formation Ali, jamais de promotion, ça ne se fait pas pour des « livreurs ». Le jour où Ali ne pourra plus, les reins brisés, son patron le licenciera et il en prendra un autre, plus jeune, plus fort, plus rapide. Afin de rester « compétitif » dans la zone de livraison. Le Pôle emploi ne retrouvera rien à Ali, lorsqu’il aura plus de 50 ans. Il n’aura même pas ses annuités retraite. C’est de ça dont on parle au « sommet social » ?

2 Commentaires

  1. padovani
    Posted 22 août 2012 at 11:03 | Permalien

    Et les postiers dans tout çà????? jamais un mot, pas d’augmentation depuis des lustres alors que le timbre n’arrete pas d’augmenter, pas de promotion du personnel, usé apres 50 ans, espérance de vie??? j’en parle meme pas,4 morts cette année dans l’entité de 200 personnes ou je travail….sans compter les injustices flagrantes

  2. Posted 22 août 2012 at 14:42 | Permalien

    oui, les postiers, la poste comme service public, et tous les salariés…

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