La BCE bouge ? Mario Draghi et Angela Merkel la main dans la main

En juillet, le taux des obligations d’Etat espagnoles à 10 ans (malgré les 100 milliards d’euros de crédit accordés par l’Union européenne aux banques espagnoles) avait atteint 7,75 %. Celui des obligations italiennes frisait 7 %. Des taux identiques à ceux qui avaient amené la Grèce, l’Irlande et la Portugal à faire appel à l’Union européenne et au FMI en 2010 et 2011.

L’été de la finance s’annonçait meurtrier et la zone euro risquait de voler en éclat, écartelée entre les taux négatifs de l’Allemagne (et de la France) et les taux exigés de l’Espagne et de l’Italie.

Le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, était alors intervenu (le 26 juillet) pour affirmer que la BCE ferait « tout ce qui est nécessaire pour préserver l’euro ». Il avait ajouté « Croyez moi, cela sera suffisant ». Les tensions sur les taux espagnols et italiens s’étaient alors fortement atténuées.

Le 26 juillet, Mario Draghi avait fait une triple démonstration.


La première c’est que  la puissance de feu illimitée de la BCE (c’est elle qui crée les euros) pouvait faire rapidement reculer les spéculateurs.

La deuxième c’est qu’une politique visant à mettre au pas les spéculateurs en leur disant (en substance «  continuez à spéculer contre l’euro, vous en paierez le prix » est d’une tout autre efficacité que la politique qui vise à « rassurer » ces mêmes marchés.

La troisième, c’est que la catastrophe sociale imposée par la Troïka à la Grèce, à l’Irlande, au Portugal et à l’Espagne aurait parfaitement pu être évitée si la BCE était intervenu avec détermination en 2010 et 2011.

Le bazooka de la BCE était-il chargé ?


La menace d’utiliser « le bazooka » de la BCE avait calmé l’ardeur des spéculateurs. Mais tous attendaient la conférence de Marion Draghi, prévue le 6 septembre, pour vérifier si le bazooka en question était vraiment chargé.

Mario Draghi confirmait le 6 septembre que le bazooka était chargé : « La Banque centrale européenne a décidé de lancer un nouveau programme de rachat d’obligations dans le but de faire baisser les coûts de financement des Etats de la zone euro en difficulté ».

Qu’y a-t-il de nouveau dans la politique de la BCE ?


Le rachat des titres des dettes publiques des Etats européens en difficulté sur le marché secondaire n’est pas nouveau, même si de nombreux médias semblent la découvrir.  En 2010 et 2011, la BCE avait lancé des programmes de rachat des titres des dettes  grecque, irlandais, portugais puis de ceux de l’Italie et de l’Espagne pour un total de 225 milliards d’euros.

Il y a, cependant, trois nouveautés dans l’intervention de Mario Draghi.

La première c’est l’annonce du caractère « illimité » des interventions de la BCE  afin de dissuader les spéculateurs.

La deuxième est que cette intervention ne concernera que « les obligations d’Etat de 2 à 3 ans ». Un moyen pour la BCE d’imposer une laisse très courte aux Etats en difficulté qui devront très vite se refinancer.

La troisième, que la plupart des médias se contentent d’évoquer, alors qu’il s’agit pourtant de la nouveauté essentielle de la politique annoncée par Mario Draghi le 6 septembre, c’est que la BCE mettra en œuvre son  programmes de rachat au profit d’un Etat européen uniquement si cet Etat fait appel au Fonds européen de stabilité financière (FESF) ou au Mécanisme européen de stabilité (MES). L’intervention de la BCE est donc maintenant soumises aux  « strictes conditionnalités » que le FESF ou le MES imposeront, ce qui n’était pas le cas lors des précédentes interventions de la BCE en 2010 et 2011.

Les « strictes conditionnalités » imposée par le FESF ou le MES


Les « strictes conditionnalités » du FESF et du MES annoncées par Mario Draghi dans son intervention du 6 septembre, nous ne les connaissons que trop. Ce sont des plans d’austérité de même nature que ceux qui ont été imposées par l’Union européenne et le FMI à la Grèce, à l’Irlande et au Portugal. Ces plans ont provoqué dans ces pays une triple catastrophe : sociale, économique (tous ces pays sont plongés dans une profonde récession) et financière (le poids de la dette à considérablement augmenté dans ces trois pays).

La politique annoncée par Draghi signifie que pour que l’Espagne et l’Italie obtiennent une intervention de la BCE, ils devront accepter de nouveaux plans d’austérité alors que le chômage augmente à toute vitesse et que la récession économique s’approfondit dans ces deux pays.

Loin d’être un « décès définitif du Merkozy » comme l’annonce Bruno Leroux, la nécessité de passer par les plans d’austérité du FESF et du MES pour obtenir l’intervention de la BCE indique malheureusement que c’est, bien au contraire, la politique de Merkozy qui continue.

La seule véritable avancée pour les peuples européens aurait été que la BCE rachète directement et sans condition les titres des dettes publiques des Etats européens. C’est d’ailleurs ce que pratiquent pour les dettes de leur propre Etat toutes les autres banques centrales, que ce soit la Réserve fédérale des Etats-Unis, la Banque du Japon ou la Banque d’Angleterre.

Merkel et Draghi : une parfaite complicité


Angela Merkel n’a émis aucune protestation après l’intervention de Mario Draghi le 6 septembre. Et pour cause ! Cette intervention allait exactement dans le sens qui lui convenait : généraliser l’austérité dans l’Union européenne sans pour autant (c’est du moins ce qu’elle souhaite) entraver sa réélection en octobre 2013.

La politique préconisée par Draghi pourrait, au moins d’ici là, éviter l’éclatement de la zone euro. L’Allemagne aurait tout à perdre d’un tel éclatement alors que 40 % de ses exportations se font dans la zone euro. Le Mark fort qui en résulterait et les dévaluations de la lire, de la peseta, du franc mettraient rapidement fin à l’excédent commercial de l’Allemagne. Malgré ses déclarations frisant la xénophobie contre certains pays du sud de l’UE, Angela Merkel est parfaitement consciente de cette situation.

La politique de Mario Draghi aurait un autre avantage pour Merkel : lui éviter tout nouveau vote au parlement allemand pour augmenter les moyens du FESF et du MES. Ce vote mettrait en pleine lumière l’éclatement de sa majorité avec le refus des Libéraux et de la CSU bavaroise de voter cette augmentation. Ce qui serait du pire effet à proximité de l’échéance électorale décisive pour elle de 2013.

jean jacques Chavigné

4 Commentaires

  1. Posted 8 septembre 2012 at 23:19 | Permalien

    tu noteras camarade que si la fin de l’euro couterait à l’allemagne, elle rapporterait à l’italie, à la grece et à l’espagne.
    Si ça n’est pas une façon de dire que c’est l’existence même de l’euro qui est responsable de la crise, et pas sa mauvaise gestion…

  2. Posted 9 septembre 2012 at 15:11 | Permalien

    et alors ce serait mieux, tu veux dire, comme avec la livre en grande bretagne ?

  3. Posted 9 septembre 2012 at 15:47 | Permalien

    ben oui, évidemment. l’euro est non pas la cause de tous nos maux, mais le responsable principal du lent déclin de l’europe du sud. Vouloir le préserver, même en prônant des accommodements que vous n’obtiendrez jamais, c’est faire durer le supplice des grecs, des espagnols et des italiens. ouvrez les yeux bon dieu !
    en finir avec l’euro rééquilibrera d’un coup toutes les économies de la zone : l’allemagne devra viser une croissance plus autocentrée (comme la chine), l’espagne, la grèce et l’italie redémarreront et pour nous l’impact sera à peu près nul à court terme et positif ensuite.
    pourquoi laissez-vous ce point évident au FN ? peur d’aller contre le sens de l’histoire ? vous croyez vraiment que l’europe est un truc fraternel ?

  4. Posted 10 septembre 2012 at 16:41 | Permalien

    L’intervention de la BCE sur la dette italienne était déjà inscrite dans les cours. depuis l’été la pente sur les taux italiens ne cesse de s’accentuer.
    Cette distorsion donne d’ailleurs aux investisseurs une bonne opportunité.
    En savoir plus ici : http://bit.ly/Q3DFxj

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