Tabourets de bois rond : Copé veut élever les seuils pour les DP de 10 à 50 et les CE de 50 à 100

 

C’était rue Notre Dame de Nazareth. Elles étaient huit. Des femmes assises, le dos courbé, les fesses endolories, sur des tabourets de bois ronds autour d’une grande table métallique. Toute la journée. 8 heures par jour, 35 h par semaine, 151 h 66 par mois, et les heures supplémentaires pas comptabilisées. A peine plus que le smic. Avec de petites mains, elles faisaient de la petite bijouterie fantaisie, des petits assemblages, des enchâssements méticuleux. A côté d’elles quelques hommes, aux bras plein d’eczéma, trempaient des métaux dans divers « bains » d’acide. Au total la petite entreprise, comptable inclus, était composée de 14 salariés

Ce qu’elles voulaient, ces huit femmes, c’était des vrais sièges, si possible ergonomiques, avec un rembourrage, un dossier, des accoudoirs, équilibrés avec cinq roulettes. Juste pour moins souffrir.

Après avoir timidement une par une demandé au patron, elles avaient fini par faire une pétition. Signée à 8. Même les hommes à côté n’avaient pas osé signer. Le patron s’était aussitôt emporté ! Un colérique : «  – Ca on ne me la fera jamais, moi je suis un ancien ouvrier, je sais ce que c’est, j’en ai bavé, elles me l’auraient demandé poliment, d’accord, mais là avec une pétition, pourquoi pas une grève pendant qu’on y est ! Jamais, jamais je ne céderai pas à ce genre de chantage ! ».

Elles saisissent l’inspection du travail (c’était avant le plan Sapin, l’inspecteur pouvait encore décider d’y aller, en opportunité). L’inspecteur demande des sièges, le patron s’empourpre, refuse. Lettre recommandée, mise en demeure. Le patron conteste encore. Puisqu’il y a plus de dix salariés, l’inspecteur demande de mettre en place des élections de délégué du personnel. Le patron refuse toujours : «  Des délégués chez moi, jamais, si on veut me parler, ma porte est ouverte, des élections, on est 14, grotesque, ridicule, pas la peine, pas ici ». Nouvelle lettre recommandée, nouvelle mise en demeure, menace de procès verbal. Pourtant c’était par là qu’il fallait passer.

Il faudra trois mois, trois lettres, trois visites, pour arriver à des élections qui soient réelles. L’inspecteur doit menacer à plusieurs reprises le petit patron irascible. Il doit expliquer aux salariées elles-mêmes comment faire. Les huit femmes se mettent d’accord. A la fin, il y a une date, une candidate, une suppléante, une urne, des bulletins de vote, et enfin deux élues. Le patron dut s’incliner.

Je me rappelle, en retard dans un nombre trop important de visites, je revins dans cette entreprise, en coup de vent, peu après, car la déléguée élue des femmes m’avait appelé. Et comme j’arrivais à l’atelier, bêtement distrait, la tête ailleurs, elles me dirent éclatantes de sourires : « - Alors, alors, vous avez vu, vous avez vu ? » Elles étaient toutes assises sur des fauteuils confortables, appropriés, avec dossiers et accoudoirs. Elles avaient gagné !

L’ANI et la loi Medef qui en est issue, ont reculé les délais avant qu’un patron soit obligé d’organiser des élections de délégués du personnel. Puis Jean-François Copé l’a dit : si la droite revient, elle modifiera les seuils sociaux, au lieu que les délégués du personnel soient obligatoirement élus à partir de 11 salariés, ce sera à partir de 50.

 

Gérard Filoche

 

 

One Commentaire

  1. MATHE AURORE
    Posted 3 août 2013 at 7:54 | Permalien

    Encore une fois il est prouvé que lorsque les salariés s’unissent le patron ne peut rien. Mais voilà, un gouvernement de « goche » vient de mettre en place l’ANI qui « anihile » les droits des salariés et il faut le dire aidé en cela par un syndicat dont on se demande comment se fait-il qu’il y ait encore des adhérents quand on voit les accords fallacieux signés par celui-ci.

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