Analyse de l’ordonnance Macron, suite, chapitre inspection du travail

Analyse du projet de loi MACRON (suite)

Inspection du travail

L’inspection du travail a déjà vu son indépendance foulée au pied par le décret SAPIN de mars 2014.

Le projet d’ordonnance MACRON en est la suite que SAPIN n’avait pas eu le temps de terminer. Aussi est-il facile de voir ce que cache les intentions affichées par l’ordonnance à venir (« 1° Renforcer le rôle de surveillance du système d’inspection du travail et réviser les modes de sanction en matière de droit du travail ; 2° Réviser la nature et le montant des peines applicables en cas d’entrave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel de façon à créer un nouveau régime de sanctions dont l’application sera plus effective ; 3° Abroger les dispositions devenues sans objet et assurer la cohérence rédactionnelle des renvois au sein des codes. »).

Le changement pour les sanctions consiste, sous prétexte d’une meilleure efficacité, à passer des amendes pénales aux amendes administratives. Et le pouvoir de sanction passerait des mains de l’inspecteur du travail dans ceux du D.I.R.E.C.C.T.E dont il est nécessaire de cerner nomination, fonctions, et profil qui en découle pour voir le sourire du MEDEF derrière cette prétendue avancée. Le D.I.R.E.C.C.T.E, créé en 2009 est le Directeur Régional des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi, un titre qui résume la place que l’inspection du travail occupe désormais (les agents de contrôle ne représentent qu’un quart des effectifs) et sa subordination aux intérêts des employeurs. Les Directeurs régionaux de ce regroupement interministériel sont choisis pour leur aptitude à servir les entreprises et à accompagner leurs objectifs : sur les 22, 9 ne viennent pas de la filière Travail-Emploi, et les 13 de cette filière, quand ils ne sont pas issus de l’ENA ou n’ont pas été manager chez Arcelor-Mittal, ont depuis longtemps quitté la section d’inspection pour les soutiens divers aux entreprises. Et la recodification scélérate du Code du travail en 2008, soigneusement rédigée pendant deux ans par les petites mains du Medef, leur a transféré des pouvoirs autrefois attribués aux Directeurs Départementaux et même aux Inspecteurs du travail.

 

Pour les peines applicables pour entrave aux fonctions des délégués du personnel, des membres du comité d’entreprise, du C.H.S.C.T et des délégués syndicaux, changer la « nature » des peines fait craindre le pire quand on le rapproche de « l’application sera plus effective ». Plaider coupable, amende administrative ?  dans les deux cas, le patronat échappe au procès-pénal et accède à tous les arrangements possibles entre amis.

 

Enfin, l’expérience de la recodification en 2008 permet de prévoir que l’abrogation des dispositions « devenues sans objet » vaut qu’on y regarde de plus près, ainsi que les « renvois au sein des codes », la recodification de 2008 ayant éclaté le code du travail en de multiples codes, permettant ainsi de ne plus assurer le même droit pour tous les salariés.

 

La loi MACRON n’oublie pas de supprimer d’ores et déjà quelques attributions des inspecteurs du travail. Ce qu’elle ne donne pas encore, aux D.I.R.E.C.C.T.E, elle l’octroie aux juges qui vont remplacer « l’autorité administrative » (nouveaux articles L.2312-5, L.2314-11, L.2314-31, L.2322-5, L.2324-13, L.2327-7) ou même directement « l’inspecteur du travail » (nouveaux articles L.2314-20 et L.2324-18)

 

Ces transferts de décision ne sont pas anodines :

 

L’actuel article L.2312-5 permet à « l’autorité administrative » de décider de la mise en place de délégués du personnel dans les établissements de moins de 11 salariés, mais sur un site où sont employés plus de 50 salariés (centres commerciaux par exemple). Jusqu’à la recodification de 2008, l’autorité était le directeur départemental du travail, depuis ce pouvoir a été transféré à l’indispensable D.I.R.E.C.C.T.E.  A défaut d’accord électoral avec les organisations syndicales, le D.I.R.E.C.C.T.E décide du nombre et de la composition de collèges électoraux ainsi que du nombre de sièges et de leur répartition entre les collèges. Des questions souvent très importantes qui font souvent la différence entre avoir un délégué qui soit vraiment un délégué du personnel ou bien un délégué du patron.

Transférer ces décisions relatives aux élections à un juge n’est sans doute pas de bon augure : outre l’asphyxie judiciaire, les décisions de la hiérarchie de l’inspection du travail étaient au moins préparées par les agents de contrôle compétents.

 

Le même transfert (nouveaux articles L.2314-11, L.2324-13) est prévu pour toutes les élections de délégués du personnel dans les établissements de plus de 11 salariés et pour les élections au comité d’entreprise dans les entreprises de plus de 50 salariés

 

Passerait également à l’autorité judiciaire (nouveaux articles L.2314-31, L.2322-5, L.2327-7) la reconnaissance d’un « établissement distinct » qui permet d’organiser dans une entreprise autant d’élections de délégués du personnel ou de membres de comité d’établissement qu’il y a d’établissements considérés comme distincts du point de vue de la gestion du personnel. Un enjeu parfois important dans de grandes ou moyennes entreprises, pouvant permettre à l’employeur de peser sur le choix des délégués.

 

Enfin, l’inspecteur du travail perd au profit du « juge judiciaire » (une formule nouvelle introduite dans la recodification de 2008 qui, déjà, prévoyait derrière ce terme générique la disparition à terme des juges prud’homaux, car dans la plupart des articles du code, juge judiciaire voulait évidemment dire juge des tribunaux d’instance ou de grande instance) les décisions de dérogation aux conditions d’ancienneté pour les électeurs et les éligibles aux élections de délégués du personnel et des membres du comité d’entreprise. Au passage, le juge ne sera apparemment plus obligé pour cette décision de consulter les organisations syndicales pour les élections de délégués du personnel et seulement pour les éligibles pour les élections aux comités d’entreprise.

 

 

« Dialogue social »

 

Derrière cet euphémisme qui cache depuis des lustres le monologue patronal ou le duo qu’il forme avec le gouvernement, le projet de loi MACRON a inscrit : les dispositions précédentes de dessaisissement de l’inspection du travail, qui n’a aucun rapport ; un gadget (la transmission rapide des PV des élections professionnelles aux organisations syndicales), destiné sans doute à nourrir les divisions et distractions qui sont l’effet des nouvelles règles de représentativité ; et enfin l’ajout de la possibilité pour les entreprises, conséquences de l’ANI du 11 janvier 2013, de réduire désormais le « dialogue social », par exemple pour les licenciements pour motif économique à la fourniture au comité d’entreprise de la « base de données unique » dont le contenu limitatif est fixé par décret. Il eut été plus logique de verser ce prétendu progrès dans la rubrique intitulée par le projet MACRON « Simplifications pour les entreprises »

 

« Simplifications pour les entreprises »

Pour pouvoir se soustraire à l’obligation d’embaucher des travailleurs handicapés, les employeurs pouvaient déjà passer des contrats à des « entreprises adaptées », des « centres de distribution de travail à domicile », des « établissements ou services d’aide par le travail.

Le projet de loi MACRON voit plus loin (articles L.5212-6 et L.5212-7-1) : désormais, il suffirait de faire appel :

-       à des personnes que l’employeur ne paierait pas et qu’il n’aurait pas l’obligation d’embaucher (« personnes handicapées pour des périodes de mise en situation en milieu professionnel dans les conditions fixées par les articles L. 5135-1 et suivants » – la mise en situation en milieu professionnel est issue d’une loi scélérate du 5 mars 2014 qui permet de fournir de la main d’œuvre gratuite sous couvert de « découvrir un métier »,  de « confirmer un projet professionnel » ou d’ « initier une démarche de recrutement »)

-       ou à des non salariés (« travailleurs indépendants handicapés »), ce qui constituera sans nul doute une occasion supplémentaire de travail non déclaré.

 

 

Lutte contre la prestation de service internationale illégale

Le projet de loi MACRON a eu raison de ne pas inscrire cette question dans la rubrique « Simplification ». Il s’agit ici (nouveaux articles L. 1263-3 et L. 1263-4) de l’organisation du laisser-faire pour les infractions au détachement illégal de salariés.

 

Si un agent de contrôle constate des infractions au salaire minimum, à la durée du travail ou « des conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine », il doit…donner un « délai » (qui sera fixé par décret…) à l’employeur pour se mettre en règle !

Si rien n’est fait au terme du délai, l’agent de contrôle doit…faire un « rapport administratif » à l’ « autorité administrative » (non désignée par le projet de loi, mais ce sera le D.I.R.E.C.C.T.E).

Celui-ci, au vu de ce rapport et « eu égard à la répétition ou à la gravité des faits constatés » pourra, par « décision motivée » suspendre la prestation en question pour « une durée ne pouvant excéder un mois » ; il met bien sûr fin à la mesure si l’employeur justifie de la cessation de ses manquements ; et si l’employeur refuse de suspendre son activité, il peut fixer une amende administrative mais avec circonspection : il doit en effet tenir compte, non seulement les « circonstances et la gravité du manquement » mais aussi le « comportement de son auteur ainsi que ses ressources et ses charges ». Les employeurs ne sont décidément pas des citoyens comme les autres.

3 Commentaires

  1. Mohamed
    Posted 5 décembre 2014 at 11:00 | Permalien

    Cette loi scélerate qui veut réduire en esclavage les salariés français! Merkozy en a rêvé! Macrovalls l’a fait! Le gouvernement souhaite mettre en pratique le principe de laurence parisot, faire en sorte que les salariés soient vis à vis de l’employeur des soumis consentent!
    Un chef d’entreprise était entrain d’expliquer calmement que ce qui entrave la croissance de son entreprise sont les acquis sociaux des salariés et faisant du chantage à l’emploi disait qu’il ne pouvait pas embaucher à cause des acquis issu du CNR! quel scandale! voilà les criminels! et de continuer: prévenir les salariés que leurs entreprise peut être vendu n’est pas concevable! puisque chef d’entreprise ne s’improvise pas! quel mépris de classe! je suis ulcéré par les coups de boutoir contre le code du travail et contre les acquis sociaux! Si c’est la guerre civile qu’ils souhaitent, il me semble que nous sommes bien partie! J’ai adhéré au PS lorsque la majorité sont partis! parce que je pense que le PS doit absolument mettre un coup de barre à gauche.L’alliance doit être objective! ne laissons pas le MEDEF mettre en coupe réglé les acquis sociaux issu du CNR. La richesse existe! Si les états généraux ne permettent pas de mettre en place une véritable politique socialiste, je quitterai ce parti! Mais pour le moment, nous devons pesez de tout notre poids, faire de la pédagogie autour de nous et surtout permettre une convergence des forces socialistes pour proposer une alternative à cette politique Zarkosyste menée par le duo Macron-Valls. Je n’ai pas adhéré pour cela au PS! pas pour ces lois scélérate! en tout cas cela ne se fera pas en mon nom! Si cette loi passe, je risque de m’abstenir concernant les scrutins à venir! Et bien évidemment je ne participerai pas à cette mascarade de vote utile ! Finalement dans cette guerre ouverte contre les salariés !
    Permettons une alliance, Rose, Rouge, Verte! pour permettre de reconquérir un électorat qui s’abstient en majorité ou qui vote par dépit Front National lorsqu’il constate que le libéralisme en matière économique est le même sous Sarkozy ou Hollande! parce qu’à continuer comme cela, c’est ce dernier qui sera au pouvoir! Entre Naboléon et Normal 1er le choix est fait ! Vive l’abstention. Quitte à avoir Marine comme président. Nous ne sommes plus à une contradiction prêt! des pseudos socialistes comme Macron qui font une politique que même sarkozy n’avait pas osé faire!

  2. nelly
    Posted 6 décembre 2014 at 11:07 | Permalien

    Bien dommage que je n ai pas pu avoir a faire a vous comme inspecteur du travail. Je vous raconterais vous n en croiriez pas vos oreilles. Il me semble qu’ il y a toujours des failles dans lesquelles le patronat peut s engouffrer. J en saurais plus après un passage au tribunal d instance . C est compliqué comme toujours . Le résultat pas de prorogation de mandat (il me semble au il y a un vide la car ni le juge ni l inspection du travail ne peut intervenir a ce sujet) résultat plus de représentants du personnel dans l entreprise et combien de temps ca va durer ?

  3. Milan
    Posted 6 décembre 2014 at 13:51 | Permalien

    a Nelly

    s’il y a des bons inspecteurs du travail il en existe hélas des véreux
    J’étais délégué du personnel ; j’ai expliqué a l’inspectrice du travail pourquoi elle devait refuser le licenciement.
    Elle en a pas tenu compte…résultat licencié puis recours auprés du Ministère du travail qui finalement annule le licenciement.
    Mais le mal est fait …l’employeur refusant ma réintégration pour cause de suppression de poste
    et 3 ans après toujours sans emploi apres 1500 cv envoyés…
    aujourdh’ui …ASS soit 480 euros /mois
    C’est ça la réalité de la vie des salariés soi disant abusant des …acquis sociaux

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