Mon intervention au CN du PS samedi 13 décembre 2014

Reconquérir les municipalités pour 2020 ? Recruter 500 000 adhérents pour 2017 ?  Bien, bien, il faut s’organiser ! Toujours s’organiser, mieux… notre parti doit être un parti de militants, pas d’adhérents virtuels, qui viennent voter une fois tous les trois ans. Il faut convaincre, influencer physiquement la société,  à commencer par les entreprises, les bureaux, les quartiers, banlieues, villes et villages… Je suis pour les beaux organigrammes qui nous ont été présentés,  mais vous savez comme moi que ça ne fonctionne pas sans dynamique politique : le carburant, c’est les idées de gauche, les désirs de gauche, les avancées sociales…  et je le dis, ça me chagrine qu’on renonce à ce que les militants soient présentés en section avant de pouvoir être membres réellement. Je proposerai même l’inverse : que les militants aient au moins participé à deux réunions de débat, sur les contributions et les motions. Sinon, s’ils n’ont pas participé au débat, qu’ils n’aient pas le droit de voter pour le congrès… Trop facile de venir en touriste ou en client, et de voter sans militer, sans échanger avec les autres socialistes… Ce n’est pas la télé qui forge nos idées, mais les discussions entre nous.

 

Bien ; mais pour gagner 500 000 adhérents, combien en avons-nous aujourd’hui ? Et si nous en perdons alors que nous sommes au pouvoir et  qu’il y a à peine plus de deux ans, nous dirigions tout le pays, c’est que nous rencontrons  un problème qui n’est pas d’organisation… mais bel et bien politique. On ne peut pas influencer et recruter en faisant une politique contraire à nos idéaux, à notre projet socialiste, à nos traditions, à nos électeurs. Voilà pourquoi nos électeurs se réfugient dans l’abstention : ils sont mécontents et ça va s’aggraver avec la loi ou ordonnance Macron. C’est une loi qui dérégule, et on sait tous que la dérégulation, ça veut dire chômage, reculs de droits et de salaires. Ce sont les pays pauvres qui dérégulent. Ce sont les pays riches qui régulent. Déréguler, flexibiliser, c’est nuire à la compétitivité, à la productivité, c’est seulement augmenter les dividendes des actionnaires au détriment des salariés, ce qui produit toujours du chômage.

 

D’ailleurs, la preuve du pudding c’est quand on le mange. On l’a vérifié. La loi Macron nous vante le travail de nuit : mais le travail de nuit, il a été dérégulé en France,  par nous, en 1992, et autorisé pour les femmes. Ce, en suivant des directives erronées de l’UE et de la CJCE, et alors même que l’OIT nous préconisait avec justesse, autorité et légitimité, de ne pas le faire. Mais bon, le travail de nuit a été autorisé pour les femmes, Un million de femmes ont été frappées de plein fouet par cette nuisance. Elles sont aujourd’hui plus de 9 % à être des travailleuses de nuit : deux fois plus qu’il y a 20 ans ! Et il y a un million et demi de chômeurs de plus ! Et Macron nous propose, dans sa nouvelle et maudite loi libérale, de travailler « en soirée » : ça n’aura pas plus de résultats !

 

Il en va de même pour le dimanche : nous nous étions opposés à la loi Giraud, dite « loi quinquennale »,  en 1993, qui devait créer de l’emploi en passant de 3 dimanches d‘ouverture à 5. Résultats : ni emplois, ni chiffres d’affaires, ni meilleurs salaires. Alors pourquoi en proposer 12  ou 7 ? Notre parti a fait de très belles campagnes contre la loi Maillé, dix de nos actuels ministres l’ont combattu, on a défendu la civilisation en défendant le repos du dimanche collectif, commun, convivial, familial, associatif, culturel, (sauf pour les métiers contraints, nécessaires ce jour-là). Il faut un temps de rencontre, de vie commune qui rythme la semaine de toute société ; sinon elle régresse, se renferme, s’atomise…  Sinon, des femmes pauvres et précaires et des étudiants désargentés qui s’y colleront, ce sera le caddie pour les salariés au supermarché, et le caddie au golf pour leurs patrons et actionnaires… Les conséquences pour la famille, les enfants, vous les mesurez ?

On sait tous que ça n’aura aucune portée économique, ça n’élèvera aucun chiffre d’affaires ; même les magasins déjà ouverts actuellement en infraction vendent moins le dimanche que les autres jours. Si tous sont ouverts, ils seront vides, et puis ce qui sera vendu le dimanche ne le sera pas le lundi, un emploi précaire créé le dimanche sera supprimé le mardi… D’ailleurs si la loi Macron REFUSE de prévoir une majoration de salaire le dimanche, c’est bien pour ça. Car elle le REFUSE ! Qu’on n’essaie pas de manipuler l’opinion en faisant croire à un salaire majoré, alors que c’est renvoyé à  la négociation, à des accords ultérieurs et il n’en sera rien, bien sûr…

On nous dit que c’est pour le tourisme, mais la mairie de Paris a  fait l’analyse : les touristes chinois restent 6 jours et demi, et leurs tours opérateurs prévoient, comme pour les Occidentaux qui vont à Pékin, une matinée ou un après-midi pour faire des courses, et pas le soir. Et s’ils achètent  du parfum ce ne sera pas le soir aux Champs-Elysées, mais en duty free à l’aéroport, surtout si en plus on vend les aéroports à des fonds chinois…

Faire vendre du parfum le soir, est-ce utile ?  Le seul résultat c’est que les vendeuses rentreront à 2 h du matin en banlieue, bien après que leurs patrons auront fini de souper après le théâtre…

Mais la loi Macron, ce n’est pas seulement faire bosser des pauvres gens le dimanche et la nuit ; c’est faciliter les licenciements, c’est accroître les concessions déjà faites dans l’ANI et la loi du 14 juin 2014, pour licencier sans procédure et sans motif, de façon boursière et abusive. L’ANI et la loi du 14 juin n’ont pas « sécurisé l’emploi » du tout : il y a 250 000 chômeurs de plus, les plans sociaux ont été systématiquement homologués sur ordre du ministère, à un point tel que même les TA les jugent expéditifs, illégaux et les retoquent. L’ANI avait modifié l’ordre des critères sociaux de licenciement individuels qui étaient quatre, critères sociaux, critères d’ancienneté, critères de qualification, critères de postes ; la loi Macron supprime ces critères carrément ! On a mis 25 ans à ce qu’il y ait une jurisprudence pour qu’un plan social soit apprécié au niveau du groupe et pas de l’établissement, et voilà que la loi Macron supprime ce progrès et décharge les groupes de leurs responsabilités, puisque c’est renvoyé à l’entité de base. Et même si le salarié parvient encore à saisir les prud’hommes, (car les prud’hommes et l’inspection du travail sont mis à mal, le droit pénal du travail est défait), si le contrat de travail n’est pas, par la loi Macron,  ramené à un contrat de droit civil, ordinaire de gré à gré, ce salarié ne pourra plus être réintégré dans son poste. On dira qu’« il ne l’était pas ou rarement » : oui, mais ça lui permettait de négocier au moins, dans une meilleure position, des indemnités plus élevées…

 

Je n’ai plus de temps pour dire comment Uber va déréguler la G7, comment les firmes juridiques US vont se ruer sur les ex officines des notaires (qui devraient être des services publics à 100%) ; je ne peux pas non plus vous parler de l’archaïsme des autocars contre les TGV Il paraît que l’UE et Merkel jugent que la loi Macron ne va encore assez loin dans la dérégulation : l’UE et Merkel veulent-elles qu’on en revienne aux diligences ?

Mais ma conclusion sera que déréguler ne crée pas de l’emploi mais du chômage : il faut aller dans le sens exactement contraire à celui de la loi Macron si on veut regagner des électeurs et des adhérents, parce qu’enfin nos électeurs c’est notre « carnet de commande » à nous. Pour pour avoir plus d’électeurs, pour recruter, on le voit bien, il faut s’organiser ; alors pourquoi faire le contraire, dans les entreprises, déréguler ? Avec des salariés flexibles, précaires, aléatoires, elles produiront moins bien, et elles recruteront moins, il y aura moins d’affaires et moins d’emplois… Ce n’est pas ce qu’il faut, ni pour le parti, ni contre le chômage…

 

11 Commentaires

  1. jofe
    Posted 15 décembre 2014 at 22:48 | Permalien

    Comme d’habitude je souscris à ce qui est dit et comme d’habitude je ne comprends pas pourquoi vous restez au PS

  2. Lyonnais
    Posted 16 décembre 2014 at 8:56 | Permalien

    Et pendant ce temps-là les saloperies ordinaires continuent :

    http://bernard-gensane.over-blog.com/2014/12/universites-l-enfumage-solferinien.html

    http://www.les-crises.fr/reprise-les-etiquettes-des-viandes-changent-un-nivellement-par-le-bas/

  3. IT
    Posted 16 décembre 2014 at 9:29 | Permalien

    Bonjour à tous,

    à propos du travail de nuit des femmes, que j’ai décidément du mal à voir comme un progrès, fût-ce vers plus d’égalité, il faut savoir que des études scientifiques récentes le classent en cancérigène probable.

    Le travail de nuit posté des femmes augmente la prévalence du cancer du sein.

    Je suppose qu’au sein (si j’ose dire) de l’actuel gouvernement socialise, tout le monde s’en fout.

    @+,

    Un IT, écrasé par son ministre « de gauche ».

  4. Gilbert Duroux
    Posted 16 décembre 2014 at 16:49 | Permalien

    Sur le constat, rien à redire. Mais il y a une chose que j’ai du mal à m’expliquer. S’il est si mauvais que ça, Valls, pourquoi vous ne le faites pas gicler puisque le PS est, parait-il, un parti de gauche ?

  5. JEAN
    Posted 16 décembre 2014 at 20:42 | Permalien

    Je vous ai lu monsieur Filoche. C’est assez déchirant ce que vous écrivez sur la loi putride de cet infâme Macron.Quelle nausée, quel dégoût !

    Il y aurait beaucoup à rire dans ces conditions sur le vœu de M.Cambadélis qu’en 2017, il y ait subitement, comme par miracle, 500 000 nouveaux adhérents.

    Le Saviez-vous M.Filoche ? Il m’a fallu deux jours pour comprendre.

    500 000 nouveaux adhérents, ce n’est pas 500 000 nouveaux militants.

    M.Cambadélis n’en a rien à faire des militants. Il s’en fiche comme d’une guigne des êtres qui parlent,qui ressentent et qui pensent.

    Pourquoi M.Cambadélis a t-il plutôt besoin de 500 000 zombies et autres ectoplasmes virtuels ?

    - Parce qu’il manque 12 millions dans les caisses du parti socialiste.

    500 000 X 20 euros le prix d’entrée, ce sera toujours ça de pris : 10 millions d’euros,c’est proche de 12 millions.

    Extrait Article :  » Pour le moment, la défaite en 2017 n’est qu’une hypothèse. Mais plusieurs clignotants sont déjà allumés sur le tableau de bord du PS. Le premier tient à… François Hollande, le précédent premier secrétaire. En décidant une baisse de 10 % de la dotation de l’Etat aux partis politiques, il a privé son ancien parti de près de 3 M€ en 2014, le budget du PS (pour le siège national) passant de 30 à 27 M€. Et le scénario a toutes les chances de se reproduire jusqu’en 2017. Résultat : sur quatre ans, le PS s’attend à un « manque à gagner » de 12 M€. »

    Article complet : « Le PS veut réduire ses effectifs  »

    http://www.boursorama.com/actualites/le-ps-veut-reduire-ses-effectifs-daaf4e39cb509179884fbdb676783e56#xtor=CS3-35

  6. antoine
    Posted 16 décembre 2014 at 21:07 | Permalien

    Très bon commentaire, qui rassure… j ai l impression d être un OVNI en ce moment !

  7. sylvie
    Posted 17 décembre 2014 at 20:49 | Permalien

    Je connais une personne qui a adhéré au PS et il était du MODEM …

  8. Mohamed
    Posted 17 décembre 2014 at 22:42 | Permalien

    Je ne peux qu’être d’accord avec Gérard Filoche, aujourd’hui ce qui va se jouer au PS surtout au moment du congrès va être décisif. Nous sommes à un tournant historique de l’histoire de la gauche. Le PS devra se positionner. Il me semble qu’à l’issu du congrès, il y aura soit une scission entre d’un côté une alliance avec l’aile gauche du PS, L’aile gauche d’EELV, du Front de Gauche, du PC et de tout les partis politiques de la gauche radicale et de l’autre une alliance entre l’aile droitière du PS avec le MODEM. Je viens de ce que certains appellent l’extrême gauche et si j’ai franchis le pas en rejoignant le PS, c’est que je pense qu’aujourd’hui c’est en son sein que l’on peut bouger les lignes.

  9. Posted 18 décembre 2014 at 0:01 | Permalien

    je connais une poule, elle avait des dents d’âne

  10. André Wolff
    Posted 21 décembre 2014 at 15:15 | Permalien

    bonjour et merci à vous,

    j’ai lu que pour ne pas avoir suivi les louanges Elyseo-Matignonesque concernant De Margerie,vous deviez passer en  » Conseil de Discipline » au Bureau national du Parti Socialiste.avez vous été fusillé du regard à minima pour vous être exprimé librement dans la Patrie des Droits de l’Homme ,où ce qu’il en reste???
    il vaut mieux que vous qui êtes socialiste restait au PS et que les sociaux libéro,cousins des sarcosystes sociaux crée un seul et même parti !je suggère le PPP qui signifie le Parti des Plumeurs du Peuple-;)
    amitiés André

  11. Posted 22 décembre 2014 at 10:42 | Permalien

    il parait que je suis censé passer devant une « haute autorité » dont j’ignore tout, elle m’enverrait devant un « rapporteur » le 9 janvier à 14 h 30, je ne sais pas pourquoi…

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