CGT de l’inspection du travail : lettre ouverte à Myriam El Khomri, nouvelle ministre du travail

Madame la Ministre,

Vous prenez place à la tête d’un ministère qui, contrairement aux commentaires cyniques des médias, n’est pas celui du chômage. Il est avant tout celui du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle.

Contrairement à vos prédécesseurs sous l’ère Hollande, nous espérons que votre nom ne soit pas associé à de nouvelles lois régressives envers les droits des salariés, de leurs représentants et des institutions en charge de faire respecter le code du travail, encore un peu protecteur, comme l’ont pu l’être les lois Sapin, Rebsamen et Macron.

Dans le contexte économique actuel, l’heure n’est pas de succomber une fois de plus aux gémissements et revendications du patronat, MEDEF en tête, demandant plus d’exonérations de cotisations sociales sans contrepartie et plus de « simplification » – et en réalité encore moins de droit pour les salariés. Les politiques menées depuis plus de 30 ans (par exemple, facilitation du licenciement économique depuis 1986, création des ruptures conventionnelles en 2008, aménagement et modulation de la durée du travail en 2000, création des DUP, possibilités de conclure des accords moins favorables que le code du travail, extension du travail du dimanche et de nuit, la multiplication des cadeaux aux entreprises comme le CICE ou le pacte de responsabilité…) montrent leur inefficacité en matière de créations d’emploi.

Au contraire, il convient de renforcer le droit du travail protecteur des salariés, créateurs de richesses et de valeur ajoutée. Pour cela, il faut que l’Etat commence par rétablir le principe de faveur, selon lequel un accord collectif ne peut déroger au code du travail qu’en faveur des salariés, et rejette les futures conclusions de la mission Combrexelle.

Les politiques d’austérité et de réduction drastiques des effectifs (- 10 % des effectifs en 5 ans) asphyxient les services et mettent dans l’incapacité les collègues de rendre un service public de qualité. Ce n’est pas l’externalisation des missions et les mesures prévues par la loi NOTRe et la revue des missions qui absorberont la suppression de 192 postes prévue en 2016. L’accès libre et égal au service public sur tout le territoire est remis en cause.

Par exemple, certains services de renseignements en droit du travail ferment dans les UT faute d’agents. Les effectifs d’agents de contrôle de l’inspection du travail ont diminué de 10% avec la réforme dite du « ministère fort ». Les services de l’emploi et de la formation professionnelle doivent faire avec les moyens du bord – donc plus avec toujours moins.

Dans ce cadre, nous exigeons l’embauche conséquente de personnel par concours dans toutes les catégories et pour tous les corps (adjoints, SA, attachés, contrôleurs du travail et inspecteurs du travail) permettant aux services de fonctionner correctement, ainsi que le doublement du nombre d’agents de contrôle et de secrétariat.

Nos statuts sont mis à mal (extinction du corps des contrôleurs du travail, disparition programmée de la catégorie C) ainsi que leurs droits associés.

Spécifiquement, pour le corps des contrôleurs du travail, la CGT, opposée à sa mise en extinction, revendique fortement sa réouverture, le passage de tous les CT qui le souhaitent en IT sans examen ni concours (avec une affectation sur des postes qui peuvent être hors section) et la garantie que les CT en section qui resteront CT à la fin de l’EPIT conservent leur poste.

Nous revendiquons également un plan massif de passage de nos collègues de catégorie C en catégories B afin de répondre à leurs exigences de revalorisation salariale et professionnelle.

Pour tous les agents du ministère, nous revendiquons l’arrêt de la règle des postes ouverts à la vacance en infra-régionale, règle non écrite qui restreint le droit à mutation géographique.

De même, la CGT dénonce fermement le gel des primes cette année et la sixième année de gel du point d’indice et demande l’arrêt de la mise en place de la RIFSEEP dans tous les corps de notre ministère. Cette prime, en plus de casser le statut de la fonction publique, met en concurrence les agents entre eux.

L’avenir de l’ensemble des services du ministère est menacé.

Il est urgent et nécessaire de recruter des agents pour faire fonctionner les services d’inspection du travail et de renseignements. Nous n’accepterons aucun affaiblissement des prérogatives de contrôle et sommes opposés au remplacement des sanctions pénales par des sanctions administratives, qui visent à éloigner les patrons des tribunaux.

Nous demandons à ce que cessent les restructurations incessantes des services de l’emploi et que ceux-ci soient tournés vers les besoins des demandeurs d’emploi et des travailleurs précaires, et non ceux du patronat.

Dans la cadre de la fusion des régions, nous vous demandons de vous engager à ce qu’aucun agent du ministère ne subisse de mutation géographique et ou fonctionnelle de manière forcée.

Dans le cadre de la revue des missions, nous demandons qu’aucune mission, tant dans les services de l’emploi que dans les services « support » ne soit régionalisée, mutualisée, transférée ou externalisée.

Nous vous demandons d’examiner les revendications des agents des services de contrôle de la formation professionnelle, qui réclament des moyens et des prérogatives supplémentaires pour contrôler des masses financières de plus en plus importantes.

Comme vous pourrez le constater, les conséquences de toutes les réformes énoncées précédemment conduisent à une détérioration de nos conditions de travail.

Aussi, nous vous demandons de prendre les mesures nécessaires afin de les améliorer. Cela pourrait commencer par l’arrêt des objectifs annuels et chiffrés, la suspension des applications informatiques ODR et CAP-SITERE / WIKIT, ainsi que, pour l’inspection du travail, l’arrêt des campagnes prioritaires pour 2016 en cours de rédaction.

Nous sommes également en attente d’une véritable politique d’égalité professionnelle au ministère. 91% des agents à temps partiel sont des femmes, mais les postes ne sont pas aménagés, de sorte que les femmes font autant de travail avec moins de temps et moins de salaire. La répartition des emplois est particulièrement sexiste, puisque 77% des DIRECCTE sont des hommes et 85% des collègues de catégorie C sont des femmes. La CGT est également intervenue dans plusieurs cas de discrimination qui n’ont pas leur place dans nos services. Vos prédécesseurs se sont refusés à nous communiquer un rapport de situation comparée digne de ce nom.

Au sein du ministère, le dialogue social est inexistant à tous les niveaux et a trop souvent été méprisé par les ministres auxquels vous succédez. Les réformes qui cassent le service public sont menées tambour battant alors qu’une majorité d’agents y est opposée (les syndicats opposés aux réformes ont rassemblé plus de 60% des électeurs dans les DIRECCTE avec 80% de participation, dont 26% pour la CGT, lors des élections du 4 décembre 2014). Nous continuerons de notre côté à mobiliser nos collègues sur l’ensemble de nos revendications.

Des signes forts d’apaisement de votre part sont attendus, comme le retrait de la note du 11 décembre 2014 ou l’octroi d’une journée banalisée le 16 octobre pour les collègues souhaitant apporter leur soutien sous quelques formes que ce soit auprès de notre collègue Laura Pfeiffer. Nos collègues attendent de votre part une condamnation ferme et publique des agissements de Tefal.

Nous réclamons enfin la fin des procédures d’expulsion des locaux actuellement occupés par les syndicats nationaux de votre ministère.

Paris, le 2 septembre 2015

10 Commentaires

  1. Gilbert Duroux
    Posted 2 septembre 2015 at 15:45 | Permalien

    J’ai bien peur que la nomination de quelqu’un d’aussi peu expérimenté en matière de droit social, avec aucun poids politique (ce n’est pas une mise en cause des qualités personnelles de Myriam El Khomri) soit le signe que des dossiers aussi importants que le démantèlement du code du travail seront gérés directement par le premier ministre, avec son homme de main Macron.

  2. socrate
    Posted 2 septembre 2015 at 16:59 | Permalien

    je partage le point de vue de Gilbert
    sauf surprise on va assister a la mise a mort du Code du Travail
    Il va falloir tous se mobiliser pour éviter cela a commencer par les syndicats et les gens de gauche de tous bords qui ont encore quelques convictions….

  3. Posted 2 septembre 2015 at 18:39 | Permalien

    C’est bien se que je crains moi aussi, le trio Hollande-Valls-Macron,va sévir.. C’est un cadeau empoisonné fait à cette néo ministre, déjà qu’avec Rebsamen c’était Macron qui tirait les ficelles… J’espère me tromper !

  4. Posted 2 septembre 2015 at 20:10 | Permalien

    a nous de combattre pour defendre le code du travail unité

  5. Jean-Jacques
    Posted 3 septembre 2015 at 7:54 | Permalien

    Hollande ira jusqu’au bout de sa trahison malgré l’unité . Il a déjà sacrifié un grand nombre d’élus socialistes . il a déclaré que votre parti n’était pas mature pour sa politique .
    Quand la gauche n’assume pas sa mission de transformation sociale, elle risque de renforcer l’extrême droite et d’attiser le vote protestataire . Il le sait et va jouer là-dessus pour faire rentrer tous les contestataires dans le rang . Il va se débarrasser des fossiles en les remplaçants par des jeunes qui ont les dents longues .Il fut plus rusé que Jospin ,qui lui avait un programme qui n’était pas de gauche, en multipliant les promesses mensongères . Reconnaissons qu’il nous a bien roulé dans la farine et que nous le payons maintenant .

  6. Gilbert Duroux
    Posted 3 septembre 2015 at 23:14 | Permalien

    Oui. Je crois que Gérard se trompe de combat en croyant que Hollande et Valls peuvent être convaincus qu’il faut changer de politique.

  7. Posted 4 septembre 2015 at 9:13 | Permalien

    Mes chers camarades, mes chers amis,

    La photo d’un enfant mort échoué sur une plage nous a tous terrassés ce jour.

    J’ai vu et lu comme vous nombre de commentaires, qui sans pudeur blâmaient déjà celui-ci, celle-là, ceux-ci et ceux-là… mais combien ont parlé de cet enfant, de son Humanité que nous partagions avec lui, et de ce pourquoi sa mort nous sépare, comme elle nous relie à lui?

    Je voulais vous faire partager ce poème de John DONNE, qu’E. HEMINGWAY avait choisi comme préambule à son chef-d’oeuvre « Pour qui Sonne le Glas? »:

    « Aucun homme n’est une île, un tout, complet en soi ; tout homme est un fragment du continent, une partie de l’ensemble ; si la mer emporte une motte de terre, l’Europe en est amoindrie, comme si les flots avaient emporté un promontoire, le manoir de tes amis ou le tien ; la mort de tout homme me diminue, parce que j’appartiens au genre humain ; aussi n’envoie jamais demander pour qui sonne le glas : c’est pour toi qu’il sonne. »
    ***
    John Donne (1572-1631)

    Amitiés,

    Didier CHARRASSIN

  8. Posted 4 septembre 2015 at 9:59 | Permalien

    J’espère que du bon boulot sera fait. Tricotage ou détricotage n’est pas la question : j’espère juste que le résultat sera que le droit du travail (et son application) soit plus clair, et plus juste. Bon courage donc.

  9. socrate
    Posted 5 septembre 2015 at 11:45 | Permalien

    en quoi le code du travail serait injuste ???
    si on veut qu il soit plus simple pas de probleme accordons a tous les salariés les memes avantages , les memes doits , les memes obligations mais en tirant par le haut tout cela.
    Supprimons par le droit les possibilités de créer des filiales  » bidons  » n’ayant aucune indépendance financière et économique.
    simplifions les procédures pour que les pme puissent répondre aux appels d’offre , favorisons les circuits courts , le commerce local voila des mesures simples qui pourraient relancer l’économie et cesser de diviser les salariés.
    Mais pour ça il faut une volonté politique….

  10. Posted 5 septembre 2015 at 13:59 | Permalien

    _____ Howard ZINN ______
    ____ Karl Marx, le retour __
    Pièce historique en un acte

    Troisième édition (2002, 2010)
    Préface de l’auteur (1999)
    Traduit de l’anglais par Thierry Discepolo

    « Moins de cinq cents personnes contrôlent deux mille milliards de dollars en actifs commerciaux. Ces gens sont-ils plus nobles ? Travaillent-ils plus durement ? N’ai-je pas dit, voilà cent cinquante ans, que le capitalisme allait augmenter la richesse dans des proportions énormes mais que cette richesse serait concentrée dans des mains de moins en moins nombreuses ? « Gigantesque fusion de la Chemical Bank et de la Chase Manhattan Bank. Douze mille travailleurs vont perdre leur emploi… Actions en hausse. » Et ils disent que mes idées sont mortes !… »

    Howard Zinn fait revenir Marx parmi nous, le temps d’une courte pièce de théâtre, pour le sauver des pseudocommunistes d’hier et d’aujourd’hui comme de ceux qui s’extasient devant le triomphe du capitalisme. « Je voulais montrer un Marx furieux, truculent et bien vivant, explique l’auteur ; le sauver non seulement des pseudo-communistes mais aussi des essayistes et des politiciens qui s’extasient devant le triomphe du capitalisme. »

    Auteur de « Une histoire populaire des États-Unis » et d’une vingtaine d’ouvrages consacrés à l’incidence des mouvements populaires sur la société américaine, Howard Zinn (1922–2010) a été tour à tour docker, bombardier, cantonnier et manutentionnaire avant d’enseigner à la Boston University. Militant de la première heure pour les droits civiques et contre la guerre du Vietnam, il a conçu son métier d’historien comme indissociable d’un engagement dans les luttes sociales.

    Parution : 03/09/2015
    96 pages (12 x 17 cm) 8.50 €
    ISBN : 9782748902457

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