Le chômage et sa courbe (2ème partie) – La « courbe du chômage » s’est-elle inversée en janvier 2016 ? Une leçon de chose

 

La façon dont est traité le chiffre des demandeurs d’emploi de janvier 2016, rendu public par la Dares, est une véritable leçon de chose.

Comme d’habitude, l’attention est focalisée, par le gouvernement et les médias, sur le chiffre quasi officiel du chômage, celui de la catégorie A, limité à la France métropolitaine. Selon ce chiffre, le chômage aurait diminué de 27 900 au mois de janvier 2016 et, au total, de 27 500 depuis novembre 2015.

 

Il y a encore peu de temps, le communiqué mensuel donnait le chiffre total des catégories A, B et C. Dorénavant il ne donne plus que le chiffre de la catégorie A. IL suffit donc de faire passer des catégories A en… B et C… par exemple avec des formations.

 

Le Monde du 24 février 2016 titrait : « La baisse du chômage gâchée par une incertitude statistique ». Le terme « gâchée » est d’autant plus étonnant que la suite de l’article indiquait clairement que cette incertitude statistique ne « gâchait » pas mais expliquait cette baisse du chômage : « La Dares averti que le chiffre de 3,55 millions de chômeurs, après une baisse de 27 900 personnes, était à prendre avec des pincettes : à la fin de chaque mois, les demandeurs d’emploi sont tenus de déclarer leur situation au Pôle emploi, sous peine d’être radiés d’office. En janvier, 238 900 personnes sont sorties des listes pour ce motif, soit plus de 40 000 de plus qu’en décembre ».

La Dares précisait, également, que, loin de diminuer sur l’ensemble des trois derniers mois, le chômage avait augmenté de 0,3 % sur la France entière et de 0,4 % pour la seule France métropolitaine, si l’on prenait en compte les demandeurs des catégories A, B et C.

 

L’objectif de François Hollande se limite à la catégorie A


L’objectif de François Hollande et de Manuel Valls est confirmé par les propos de Myriam El Khomri qui se félicite de cette « stabilisation du nombre de demandeurs d’emploi, préalable à la baisse du chômage ». Il s’agit donc bien de se limiter à l’inversion de la courbe du nombre de chômeurs de la catégorie A, en France métropolitaine. La nature des emplois créés n’a aucune importance : une personne qui travaille 6 heures par semaine (catégorie B) n’est pas, par exemple, dans cette perspective, un demandeur d’emploi.

 

Un alignement sur les politiques de l’emploi de l’Allemagne, du Royaume-Uni et des Pays-Bas


Le chômage en France, insistent le gouvernement, la droite et le Medef, est dû au manque de « flexibilité du travail ». Il suffit de regarder la situation en Allemagne, au Royaume-Uni ou au Pays-Bas pour comprendre qu’avec un droit du travail beaucoup plus souple, le chômage est deux fois moins important.

 

Ils citent à l’appui les taux de chômage calculés selon les critères du Bureau International du Travail. (BIT). Selon ces calculs, le taux de chômage est de 10,3 % en France mais de seulement 6,5 % au Pays-Bas ; 5 % au Royaume-Uni et 4,3 % en Allemagne.

 

Le problème est que le taux de chômage calculé selon les critères du BIT n’a plus aucun sens. Ils considèrent que si une personne à travaillé pendant une heure au cours de la semaine précédente, elle n’est pas considérée comme demandeur d’emploi. Cette définition du chômage pouvait avoir un sens il y a 30 ou 40 ans, lorsqu’on avait un travail à temps plein en CDI ou qu’on était au chômage.

Aujourd’hui, avec cette définition, une personne qui travaille 4 heures par mois ou par semaine n’est pas au chômage. Une caissière de supermarché qui travaille 80 heures par mois mais voudrait travailler à plein temps n’est pas considérée comme une demandeuse d’emploi. Il n’est pas sûr que les personnes concernées aient la même perception du chômage que les statistiques du BIT.

Cette définition du chômage n’a plus aucun sens aujourd’hui. Elle ne permet pas de prendre en compte tous les travailleurs pauvres qui survivent avec des emplois précaires, des emplois en pointillés, des emplois à temps partiels ou très partiels,  alors qu’ils voudraient un travail à plein temps.

Cette constatation est pleinement confirmée par les chiffres de l’OCDE concernant les salariés travaillant moins de 20 heures par semaine.

Salariés travaillant moins de 20 heures par semaine / nombre total d’emplois

- France :                     5,9 %

- Allemagne :               12,4 %

- Royaume-Uni :          12,7 %

- Pays-Bas :                   21,3 %

Salariés entre 15 et 24 ans travaillant moins de 20 heures par semaine / nombre total d’emplois occupés par des jeunes du même âge

- France :                     9 %

- Allemagne :               12, 7 %

- Royaume-Uni :          24,2 %

- Pays-Bas :                  50,7 %.

 

Comment avec de tels modèles Myriam El Khomri peut-elle se permettre de s’adresser à la jeunesse pour leur dire que son PDL a pour ambition d’en finir avec la précarité ?

 

L’avenir que nous réserve ce projet de loi est tout tracé :

- les 8 millions de « min-jobs » allemands à 400 euros ou moins par mois ;

- les « contrats zéro heures » britanniques qui laissent le temps de travail d’un salarié à la totale discrétion de son employeur, tant en ce qui concerne la durée (zéro heure, 1 heure, 10 heures 15 heures par semaine…) que l’organisation du temps de travail. Les intérêts de l’entreprise l’emportent alors totalement sur ceux des salariés qui n’ont plus aucun droit et doivent être à la totale disposition de l’entreprise (grâce à leur téléphone portable) pour ne pas perdre leur  « contrat ».

 

Voilà ce qu’Emmanuel Macron appelle « s’adapter à un monde qui change » : le retour au libéralisme sauvage du XIXème siècle.

 

Jean-Jacques Chavigne (2° partie d’une série de 3 articles, cf. la première sur ce même blog  ci dessus)

2 Commentaires

  1. socrate
    Posted 6 mars 2016 at 11:49 | Permalien

    apres un arret de travail le demandeur d’emploi est radié des listes pole emploi.
    S’il le souhaite il pourra par la suite procéder a sa réinscription.
    Je suppose que cela permet également de fausser le nombre de chomeurs de classe A
    C’est donc le chiffre de demandeurs d’emplois de toutes les catégories qui doit etre pris en compte pour avoir du sens.

  2. Posted 6 mars 2016 at 12:58 | Permalien

    j’ai épluché votre analyse de la loi Travail et regarder ne même temps le projet de loi. JE en comprend pas votre analyse de l’article Article L3121-2 où vous écrivait : « la loi ne prévoit plus (par suppression du deuxième alinéa de l’article L.3121-2 du code du travail) la possibilité, par accord collectif, de rémunérer les temps de pause et de restauration même s’ils n’étaient pas considérés comme temps de travail effectif. » . Or ce dispositif est prévu dans l’article 3121-5 même si’l est est dans le paragraphe négo collective. Ce n’ets aps la négoc collective qui prévoit d’avoir une négo collective mais bien le CdT
    Alnar Tenjo · @gogoitz 5th Mar 2016 from TwitLongerBonjour,

    Toute la perversité, et la difficulté de compréhension, du renversement de la hiérarchie des normes opérée par la loi El Khomri, est dans cet article.
    Le principe général figure dans ce qui devrait être le préambule du futur code du travail (articles 55, 56, 57) : c’est la loi (et donc le code du travail) qui dit si on peut déroger à la loi et si oui, c’est encore la loi qui dit (explicitement ou implicitement) que la dérogation peut être plus défavorable pour le salarié (l’accord d’entreprise, contrairement à la situation actuelle, primant sur l’accord de branche). Avec une petite couche supplémentaire (article 57) disant que, lorsque la loi le prévoit, l’accord collectif peut déroger au contrat de travail en lui imposant des clauses moins favorables.
    Dès lors tout le code du travail va être réécrit en 3 parties : une pour la loi (très générale), une pour les négociations collectives (précise), une pour ce qui s’applique l’absence d’accord collectif. L’intérêt de la manoeuvre est bien de pouvoir diminuer les droits des salariés.
    Par exemple, pour les congés pour évènements familiaux, le nombre de jours n’est plus prévu par la loi. La négociation peut donner un nombre jours plus faible qu’actuellement. Bien sûr, on peut objecter qu’à défaut d’accord, les droits actuels sont maintenus par la troisième partie du code donnant les « dispositions supplétives ». Il n’en reste pas moins qu’en fonction du rapport de forces dans l’entreprise, c’est chaque entreprise qui pourra diminuer les droits actuels.
    Pour la question des temps de restauration et de pauses, la partie de la loi qui renvoyait à la négociation collective (deuxième alinéa de l’article L.3121-2) a, comme vous l’indiquez, été transférée à l’article L.3121-5 avec au passage deux modifications très importantes : la première, c’est que l’accord d’entreprise primera sur l’accord de branche (et il n’est pas difficile de voir dans quel sens), la deuxième c’est que la possibilité de prévoir la rémunération de ces temps par contrat de travail a disparu.
    Cordialement. Richard Abauzit

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