Les PME : un alibi pour les grandes entreprises

 

Bien souvent, lorsqu’un mauvais coup se prépare contre les salariés au profit des grandes entreprises, ces dernières se cachent derrière le paravent des PME. Une autre forme de « sociétés-écrans »…

La directive « secret des affaires »

La directive européenne sur le « secret des affaires » met en danger les lanceurs d’alerte, les journalistes, les syndicalistes qui rendraient publiques des informations que des entreprises voulaient garder secrètes. Les fichiers du cabinet panaméen Mossack Fonseca, par exemple.

Le justificatif de cette directive, destinée à protéger les « secrets » des firmes transnationales, a été la protection des PME européennes contre l’espionnage industriel. La protection des firmes transnationales contre cette forme d’espionnage aurait laissé l’opinion publique indifférente. Il fallait donc utiliser le paravent des PME.

Le projet de loi El Khomri

Dans l’argumentaire du parti socialiste  vantant les « principaux apports de la commission des affaires sociales », figure un chapitre entier sur « des mesures en faveur de nos petites et moyennes entreprises ». Il ne s’agit pas d’un projet de collectivisation des PME, le mot « nos » est uniquement employé pour tenter de faire oublier que se sont les droits des salariés de ces entreprises qui sont gravement remis en cause.

Sous prétexte de mesures en faveur des PME, noyées au milieu d’autres mesures qui devraient relever du  code du commerce et non du code du travail, deux mesures sont directement tournées contre les salariés de ces entreprises.

1ère mesure. Les entreprises de moins de 50 salariés auraient la possibilité de déduire de leurs résultats (et donc de leur impôts) une provision pour risque lié à un contentieux prud’homal, quand bien même aucune procédure ne serait effectivement engagée. Non seulement cette mesure permettrait à une PME de programmer, plusieurs années à l’avance, le licenciement de ses salariés, mais en plus, elle serait encouragée à constituer ces provisions puisqu’elles lui permettraient de diminuer le montant de ses impôts. Ceinture et bretelles pour la sécurité des entreprises mais sécurité zéro pour les salariés.

2ème mesure. Les critères des licenciements économiques, en fonction de la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, seraient appréciés en fonction de la taille de l’entreprise. Il suffirait d’une baisse, durant un seul trimestre, de son chiffre d’affaires ou de son carnet de commande pour qu’une entreprise de moins de 11 salariés puisse procéder à des licenciements économiques. Les licenciements deviendraient donc plus faciles pour une TPE ou une PME que pour une grande entreprise. Au nom de quoi les salariés des TPE ou des PME, déjà plus vulnérables, devraient-ils être encore plus mal traités que ceux des autres entreprises ?

Les entreprises embauchent lorsque leurs carnets de commande se remplissent. Ils se remplissent lorsque les salaires augmentent et que l’État et les collectivités territoriales investissent. La facilitation des licenciements n’a jamais facilité les embauches. C’est à peu près aussi pertinent que de croire que c’est en crevant un pneu qu’il serait plus facile à gonfler.

Les PME sont bien souvent sous la domination d’un grand groupe

L’étude de l’Insee de mars 2012 « Un tissu productif plus concentré qu’il ne semblait » remet radicalement en cause les idées reçues au sujet des MPE. Elle n’a guère eu de publicité dans les médias. Il est facile de comprendre pourquoi.

Selon cette étude, les PME indépendantes n’emploient que 2,070 millions de salariés alors que les PME sous contrôle d’un groupe (français ou étranger) emploient 1,450 millions de salariés soit 42 % du nombre total des salariés employés par les PME.

De nombreuses unités légales, en effet, ont été créées pour « externaliser » un service de l’entreprise-mère, pour échapper à l’élection de représentants du personnel ou pour faire sortir des salariés du champ d’une convention collective. De nombreuses PME ont été rachetées par des grands groupes. De nombreuses PME ne sont que des sous-traitantes d’une entreprise donneuse d’ordre, sans laquelle elles n’existeraient pas.

Les conséquences de cette concentration

La 1ère concerne la fiscalité. A chaque fois que des avantages fiscaux, des garanties publiques, sont accordés à une PME dépendante d’un grand groupe, ce sont, par le jeu des comptabilités consolidées et des prix internes, les actionnaires des grands groupes qui finissent par engranger des dividendes.

La 2ème concerne les cotisations sociales. A chaque fois que des exonérations de cotisations sociales sont accordées à une PME dépendante d’un grand groupe, ce sont, là encore, les actionnaires des grands groupes qui en profitent. Le mécanisme qui leur permet d’y parvenir est assez simple : le « coût du travail » diminuant pour la filiale, la société-mère diminue le montant de ce qu’elle verse à cette filiale pour lui payer un produit ou un service sous-traité. Les profits des grands groupes augmentent donc du fait des exonérations de cotisations sociales accordées aux PME.

L’exemple le plus visible de cette mécanique est le chantage éhonté exercé par les grands groupes sur les PME sous leurs dépendances économiques, en exigeant que ces dernières leur reversent tout ou partie du Crédit d’impôt compétitivité emploi (Cice) qu’elles percevaient. Le médiateur des relations interentreprises, Pierre Pelouzet, avait tiré la sonnette d’alarme, tant le procédé était grossier et Fleur Pèlerin avait dû intervenir. Mais ce phénomène n’est que la pointe émergée de l’iceberg.

 

L’amendement de la commission des Affaires sociales encouragerait les grandes entreprises à créer des PME artificielles

L’amendement de la commission des Affaires sociales permettrait aux grandes entreprises voulant licencier dans certains secteurs de leurs activités, d’« externaliser » ces secteurs en créant, pour l’occasion, plusieurs PME. Ces dernières seraient des entreprises juridiquement indépendantes des grandes entreprises qui les auraient créées mais resteraient sous leur entière dépendance économique.

Grâce aux PME ainsi créées, les grandes entreprises pourraient licencier au moindre coût. Elles pourraient, même, indirectement, provisionner les licenciements qu’elles prévoient d’effectuer dans les PME de moins de 50 salariés restées sous leur dépendance. Elles diminueraient du même coup leurs impôts car, au final, ce sont toujours les grandes sociétés qui ratissent.

 

jean jacques chavigné

 

8 Commentaires

  1. socrate
    Posted 25 avril 2016 at 12:52 | Permalien

    je voudrais attirer l’attention sur ce que vit Antoine Deltour et Edouar Perrin journaliste
    lanceurs d’alerte de l’affaire Lux leaks qui ne bénéficient d’aucune aide du gouvernement français malgré le discours officiel pronant le contraire
    une fois de plus entre les promesses et les actes …..

    https://support-antoine.org/#support

  2. Posted 25 avril 2016 at 17:26 | Permalien

    Dans les média, c’est plus qu’à son tour, une TPE qui est donnée en exemple.
    De « PME », on retient Petite, et pense « très petites ».
    Et que dire des filiales et autres PME à client unique vantées sur le site du MEDEF.

    Souvenir des années 80′ à Rennes, où les petits éleveurs porcins étaient mis en tête des manifs FNSEA pour défendre les gros.

  3. Posted 25 avril 2016 at 18:29 | Permalien

    Bonsoir à tous,
    En complément de ce qu’a écrit notre camarade Jean-Jacques Chavigné, je vous invite à lire l’article intitulé « Dans les TPE-PME, entre arrangements individuels et arbitraire patronal », disponible à l’adresse suivante : http://terrainsdeluttes.ouvaton.org/?p=5733
    Solidairement.

  4. CRAYENCOUR
    Posted 28 avril 2016 at 20:40 | Permalien

    Tient, ça faisait longtemps que je n’avais pas été censuré; je suppose que dénoncer l’hypocrisie du PS qui s’extasie devant les lanceurs d’alerte mais ne fait rien pour ceux par qui le scandale des luxleaks a éclaté, et de rappeler qu’il avait déjà soutenu le roi de l’évasion fiscale Junckers à la commission européenne, c’était trop pour toi et que tu considères ça comme du bashing. Tu es finalement très révélateur du fonctionnement de ton parti; on peut s’exprimer tant qu’on est sur la ligne! Sinon explique moi ce que j’ai dit d’insultant ou de faux.
    Et je répète que si tu veux vraiment l’unité de la gauche, tu devrais cesser de taper sur Mélenchon car les seuls responsables de l’échec probable de la gauche en 2017 sont au PS. Mélenchon, au moins est de gauche et rien que pour cela, si ton but est de rassembler, tu devrais le respecter; c’est ton parti, au moment où il avait tous les pouvoirs, en 2012 qui a refusé toute alliance programmatique.

  5. CRAYENCOUR
    Posted 29 avril 2016 at 7:04 | Permalien

    Et je dirais aussi que le positionnement de Mélenchon et les sondages flatteurs pour lui ont un autre gros avantage; cela rappelle à ces traitres soutenus par le PS que, contrairement à leurs allégations mensongères, il y a une demande pour une politique de gauche en France! Et je constate qu’une fois de plus, au PS on préfère taper sur lui (voire Leguen ou Sapin) que sur la droite! Je reste favorable à une primaire, mais, après tout si JLM et un candidat PS se retrouvent avec des sondages équivalents, ça les amènera peut-être à s’entendre et à élaborer un programme de gouvernement commun…

  6. Chriseus
    Posted 3 mai 2016 at 10:18 | Permalien

    Ouaip, pas tout lu mais l’idée en gros est que stratégiquement on concentre les pouvoirs sur un monopole (en fait c’est le modèle de l’état, le grand remplacement ?)
    mais qui cadenassent pour survivre et ensuite on se retrouve bloquer. Ça grossit et ça avale tout le reste afin de prévoir toute concurrence futur, merci la finance, les actions, la bourse etc … l’idée, soyons naïfs, était peut-être au départ de se dire qu’en agrégeant on consoliderait ^^
    2 M d’emploi pour des PME indépendantes ? Pas si mal que ça, j’aurai imaginé pire ;

    Le souci avec ce modèle est clair, net et précis : on concentre le pouvoir dans quelques individus et pas tous les individus comme le fait le suffrage universel, peut-être mal mais rien n’est parfait !

  7. martin
    Posted 3 mai 2016 at 12:20 | Permalien

    oui il faut arrêter de taper sur JL Mélenchon.
    Au contraire s’il était un peu plus soutenu par tous ces partis de gauche (je ne veux pas d’un soutien du style Cambadélis)JL Mélenchon serait encore plus visible parmi les médias et nos idées mieux perçues par les gens .Le rassemblement prendrait beaucoup plus d’ampleur.
    Le temps presse .Tirer la couverture à soi c’est
    révolu.Je n’ai pas encore envie de me farcir 5 ans de plus de capitalisme ou du social libéral.

  8. Posted 3 mai 2016 at 16:03 | Permalien

    mais enfin quel sens de la réalité avez vous ? cela ne se fera jamais,
    mélenchon a choisi de faire cavalier seul, pas d’unifier, il a scelle la division
    vous rêvez tout debout a un « ralliement » nul n’imposera une candidature, ni une plateforme par la force de TF1
    mélenchon a parié sur la défaite en 17, celle dont vous dites ne pas vouloir,
    une seule issue : des primaires et un candidat unique sinon désastre automatique

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