Salaires des patrons Valls et Gattaz : une bataille dans un verre d’eau qui coûte cher

 

Par Jean-Jacques Chavigné

Le projet de loi El Khomri vise à diminuer brutalement toutes les protections des salariés, à faire sauter les principaux obstacles à leurs licenciements et à permettre, ainsi, leur exploitation accrue. Sous prétexte de faire reculer le chômage, le seul objectif est d’augmenter les profits des entreprises et cela commence à se voir, à une échelle de masse.

 

Dans un tel contexte, les rémunérations indécentes de plusieurs dirigeants de sociétés du CAC 40 (Carlos Ghosn chez Renault, Carlos Tavares chez PSA, Olivier Brandicourt, de Sanofi ou Paul Hermelin, de Capgemini…) font très mauvais effet. Ces rémunérations indiquent clairement que les sacrifices ne sont pas imposés à tout le monde et qu’au contraire, les sacrifices des uns nourrissent la cupidité sans limite des autres.

 

François Hollande et Manuel Valls se devaient donc de réagir, de faire beaucoup de bruit ; mais surtout ne rien changer pour ne pas froisser le patronat.

 

La rémunération indécente des dirigeants des entreprises du CAC 40

La rémunération de Carlos Ghosn atteint 7,25 millions d’euros, pour l’année 2015, (sans compter les 8 millions d’euros perçus pour la direction de Nissan). Celle de Carlos Tavares a doublé pour atteindre 5,24 millions d’euros. Les résultats dont il se prévaut ont, pourtant, pour source principale le licenciement de 8 000 salariés de l’entreprise, lors du « plan de sécurisation de l’emploi » (sic) de 2013. Le sommet est, cependant, atteint par Olivier Brandicourt, à la tête de Sanofi : 16,6 millions de rémunérations. Le PDG du groupe Capgemini, Paul Hermelin, autoproclamé « seul patron socialiste du CAC 40 », voit sa rémunération augmenter de 18 % et atteindre 4,43 millions d’euros.

Mais le scandale ne s’arrête pas là, la rémunération des quarante patrons du CAC 40 représente, 4,2 milliards d’euros, au total, En moyenne, 240 fois le Smic, pour chacun de ces dirigeants. Il est difficile de penser que les 41 milliards d’euros accordés aux entreprises par le CICE et le « pacte de responsabilité » n’ont pas servi, d’une façon ou une autre, à maintenir ou augmenter ce pactole.

Le débat entre Manuel Valls et Pierre Gattaz ne porte pas sur le montant des rémunérations patronales

Le débat entre le Medef et le Premier ministre se cantonne à savoir qui doit décider du montant des rémunérations des dirigeants d’entreprise, et peu importe le montant de ces rémunérations.

Pour le Medef, il faut faire confiance aux conseils d’administration des entreprises pour s’autoréguler, même s’il a fini par admettre que ces conseils devraient « examiner » le résultat du vote des assemblées générales d’actionnaires. Le léger recul de Pierre Gattaz tient au fâcheux effet produit par le maintien de la rémunération de 7,2 millions d’euros de Carlos Ghosn, alors que l’assemblée générale des actionnaires de Renault avait émis un vote négatif de 54 %.

Pour Manuel Valls, c’est aux assemblées générales d’actionnaires de décider du montant des rémunérations des dirigeants. C’est ce qu’il propose d’inscrire dans la loi Sapin 2 qui devrait bientôt être soumise au Parlement. Dans cette optique, l’augmentation de 18 % de la rémunération du PDG de Capgemini, votée à 91,55 % par l’assemblée générale, ne sera pas remise en question et Paul Hermelin pourra parfaitement percevoir sa rémunération de 4,43 millions d’euros.

Avec Manuel Valls, la loi est aussi dure pour les salariés qu’elle sait être douce pour le patronat.

Suffrage universel contre suffrage censitaire

L’amendement que Manuel Valls se propose d’intégrer au projet de loi Sapin 2 n’a pas pour fonction de limiter l’écart maximum des rémunérations pour faire avancer l’égalité dans la société française toute entière. Il s’agit simplement de savoir qui décide du montant de la rémunération des dirigeants d’une société, quel que soit le montant de cette rémunération : le conseil d’administration ou l’assemblée générale des actionnaires.

Pourtant, alors que la loi est (excepté lorsqu’il est fait usage du 49.3) l’expression du suffrage universel - un humain, une voix -, il n’en va pas de même dans une assemblée générale d’actionnaires où règne le suffrage censitaire : une action, une voix.

C’est pourtant ce suffrage censitaire que le Premier ministre de la République fait prévaloir sur le suffrage universel.

Pas de rémunération supérieure à 20 smic

Aucun travail d’un être humain ne peut valoir plus de 20 fois celui d’un autre humain. Quels résultats Carlos Ghosn pourrait-il obtenir, sans tous les salariés qui s’échinent sur les chaînes de production, dans les bureaux d’étude de Renault ?

La fuite des « cerveaux », brandie par le Medef et Emmanuel Macron, est une étrange menace. Il suffit de constater les résultats de l’économie française, lorsque la loi cesse d’encadrer les agissements de ces « cerveaux », pour constater que ce ne serait pas une très grande perte. Leur seule véritable compétence est de se montrer plus habiles que d’autres pour exploiter, licencier les salariés, délocaliser… afin d’augmenter les profits et les rémunérations des actionnaires.

Un gouvernement de gauche, soucieux d’égalité sociale, devrait voter une loi limitant la rémunération maximale d’un dirigeant d’entreprise (salaire fixe, salaire variable, primes diverses, stock-options…) à 20 smic.

L’unité de 99,99 % de la population française pourrait se réaliser sur cette mesure. Pourquoi Manuel Valls, qui affirme pourtant avoir pour seul objectif l’ « unité nationale », s’obstine-t-il à ne défendre que les seuls intérêts des 0,01 % restants ?

 

9 Commentaires

  1. gribouille
    Posted 24 mai 2016 at 21:21 | Permalien

    On pourrait proposer aussi que toute augmentation du salaire des dirigeants s’accompagne d’une augmentation équivalente des salaires de leur boîte… Chiche !… Rappelons ici que SMIC est censé signifier salaire minimum interprofessionnel de CROISSANCE -ce qui n’empêche pas quantité de salariés de rester au SMIC toute leur vie…

  2. JeanLouis
    Posted 25 mai 2016 at 9:37 | Permalien

    Tout à fait d’accord. Peut être rajouter la notion de limitation des rémunérations insensées moralement et économiquement par la mise en place d’une fiscalité adaptée… comme cela a été le cas partout y compris aux EU ou an GB avant Reagan et Thatcher..

  3. Posted 25 mai 2016 at 18:43 | Permalien

    Bonsoir à tous,
    En ce temps de lutte sociale, rions un peu grâce aux chiens de garde médiatiques, en lisant l’article intitulé « L’éditocratie unanime, haro sur les grèves ! », disponible à l’adresse suivante : http://www.acrimed.org/L-editocratie-unanime-haro-sur-les-greves
    Solidairement.

  4. Dominique Babouot
    Posted 27 mai 2016 at 19:40 | Permalien

    Je suis membre sans discontinuer de la confederation cgt depuis plus de quarante ans!
    La cgt : 700000 adhérents, plus que tous les partis politiques Français réunis!
    Si un jour je dois choisir entre une organisation politique dominée par Monsieur Valls et la CGT, il n’y a pas photo!

    N’en déplaise à Messieurs Valls et Hollande la confédération fait son travail et uniquement celui-là!

    J’aimerais que les responsables politiques de notre courant et au de là dans notre parti le disent autrement qu’en sourdine mais publiquement dans les médias, comme Mr Valls ne s’était pas gené d’exprimer sa propre opinion personnelle en contradiction avec les positions de son parti alors qu’on était dans l’opposition, j’ai de la mémoire!

    Les provocations CA SUFFIT Negociez!!!!!

  5. Dominique Babouot
    Posted 27 mai 2016 at 19:54 | Permalien

    La lettre de celui qui dirige notre parti a envoyé aux adhérents ou il se permet de s’ingérer dans le travail de la centrale syndicale CGT: une honte!

    M Cambadelis choisi sa centrale la cfdt aux dépens ddu u libre arbitre des adhérents du ps quant au choix de leur syndicat!

    Quel dirigant de notre courant va le recadrer?

  6. Posted 27 mai 2016 at 21:15 | Permalien

    Le combat continue. Le mercredi 11 mai, 56 députés, opposés à la loi travail, avaient élaboré le texte d’une motion de censure de gauchecontre le gouvernement. Parmi eux, Christian Paul, Benoît Hamon, Thomas Thevenoud, André Chassaigne ou Cécile Duflot. Toutes les couleurs de la gauche. Mais le dépot de leur motion a échoué à deux députés (il en aurait fallu 58). Ce vendredi, après une rencontre à l’Assemblée cette semaine pour aborder le futur, ils reviennent. Ils s’adressent au chef de l’Etat par courrier. Ils demandent à François Hollande d’agir «sans attendre pour que le dialogue s’engage avec tous, et pour la sortie de crise que nous croyons encore possible.» (lire ci-dessous)

    Au fil des mots, ils ajoutent: «Il est encore temps d’abandonner ces réformes qui inquiètent légitimement et divisent inutilement la gauche, qui flexibilisent et insécurisent l’ensemble de nos concitoyens, pour enfin affirmer des choix, en matière d’emploi et de Code du travail en faveur desquels il existe, en France et au Parlement, une majorité à gauche.»Puis, ils concluent: «Il n’y a jamais de déshonneur à prendre en compte les aspirations du peuple, à faire le choix courageux de l’apaisement et de la construction collective. Il y a un chemin capable de rassembler en France comme au Parlement.»

    Ce courrier arrive alors que ce vendredi matin, sur l’île japonaise d’Ise-Shima, où il participe à un sommet du G7, François Hollande a affirmé qu’il «tiendrait bon» sur le projet de loi sur le droit du travail car «c’est une bonne réforme». «Je veux que nous puissions aller jusqu’au bout». Une sortie qui conforte les derniers propos de Manuel Valls.

  7. DESMORTIER JOEL
    Posted 30 mai 2016 at 10:43 | Permalien

    Avec l’équipe actuelle aux commandes de l’état, nous assistons au déni total de la démocratie comme nous ne l’avons jamais connu en France sous quelque gouvernement -même Rocard n’avait pas osé aller jusque là.
    De plus, par leur attitude, nos dirigeants sont en train de laminer la gauche socialiste. Je pense qu’il serait opportun que les socialistes qui ont encore des idées sociales, travaillent à trouver un autre nom pour leur parti car les Français n’ont pas la mémoire courte et se souviendront longtemps de l’ère Hollande-Valls et de leurs comparses qui les auront soutenus.

  8. Posted 30 mai 2016 at 14:24 | Permalien

    oh si on a eu ca déjà

  9. LE BARS
    Posted 3 juin 2016 at 13:38 | Permalien

    Ily a ceux qui gagent et ceux qui touchent… Un ministre a-t-il le droit de faire campagne durant ses heures de travail ? Nos impôts servent à le payer (salaire = travail…), on est en droit d’attendre qu’il bosse non ? Est-ce légal ? Un salarié qui n’est pas à son poste sans justification est viré ! N’y a-t-il pas moyen de porter plainte contre lui ?

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