De Michel Noblecourt et des apparatchiks

 

Qui est Michel Noblecourt ? Depuis qu’il écrit dans le Monde, on me l’a toujours présenté comme un libéral s’occupant de la rubrique sociale. Et la rubrique sociale du Monde n’est ni la principale ni la meilleure.

Est-ce pour cela qu’il a été chargé de faire un portrait de moi dans Le Monde du 19 septembre 2016 ? Certains s’en sont réjouis, tellement ils étaient peu habitués à ce que Le Monde parle de moi ou me donne la parole. Mais pas moi : chaque ligne est tracée au verre pilé pour blesser et faire mal. Chaque tournure est ciselée pour détruire : il y coule une sorte de fiel malsain mais savamment distillé.

 

Cet homme, que je ne connais pas particulièrement, sauf l’avoir croisé de loin en loin, doit avoir, pour une raison inconnue, une solide dent contre moi – parce qu’il fait ça pour la deuxième fois en 25 ans. Lorsque j’avais publié chez Flammarion, un livre de mémoires militantes et qui fut apprécié par les militants, en 1998,  intitulé « Mai 68 histoire sans fin » il m’avait déjà traité « d’apparatchik ». Le mot doit lui plaire puisque 18 ans plus tard il me le ressert.

Un apparatchik est un homme d’appareil qui s’appuie sur l’appareil et s’en sert pour exercer son pouvoir, c’est le sens commun du mot, semble t il.

Sans doute est-il difficile de me l’appliquer puisque Noblecourt me qualifie aussitôt « d’apparatchik en guerre permanente contre les appareils » (sic). Les apparatchiks essaient généralement de se fondre dans la grisaille bureaucratique : Noblecourt précise « il siège au bureau national de son parti où il fait entendre chaque semaine sa singularité ». Un apparatchik est conformiste, Noblecourt me qualifie « d’atypique ». Un apparatchik est un opportuniste dans l’appareil : pour Noblecourt cependant « Gérard Filoche a une culture minoritaire ».

Quand il mentionne que je suis « candidat à la primaire »  il mentionne « petit »… « que l’on néglige au point de croire qu’il ne l’est plus » (sic). Que voulez vous, pour être candidat il faut être un notable, « main stream », pas fils d’ouvrier, ni ouvrier soi même, il faut être inspecteur des finances, pas du travail.

Quand il parle de primaire, il dit  « primaire du Parti socialiste » alors que celle ci s’appelle « Primaire citoyenne »  – ne pouvant ignorer qu’elle résulte d’un compromis suite à la longue bataille menée pour qu’elle soit justement une grande primaire de toute la gauche.

Quand il parle de « candidature commune de toute la gauche », il utilise le mot « rêve ».

Quand il me compare aux autres candidats de l’aile gauche du PS c’est tout en négatif, « ni ministre, ni député, ni maire ». Ce n’est pas lui qui soulignera que ça peut être un avantage, par les temps qui courent,  de n’être pas mouillé dans le quinquennat : il vaut mieux ressembler aux citoyens si on veut les rassembler, que de les avoir trahi.

« Je veux battre Hollande par tous les moyens » :  cette phrase est tirée du titre article du Progrès de Saint-Etienne, déformation de mon propos puisqu’il s’agissait soit d’écarter Hollande en le convaincant de ne pas se présenter, soit en le battant démocratiquement à la primaire. Mais il fallait une note agressive, Noblecourt l’a trouvée.

 

Quand il me dit « incollable sur le droit du travail », « sujet dominant de ses 33 livres », c’est « quitte à prendre des libertés avec son interprétation ». En quoi ? Sur quoi ? Le lecteur ne le saura pas. Noblecourt le sait il ? Parce que si c’est le cas, dans 33 livres, il doit y avoir moyen de le prouver, citation à l’appui.

Il me qualifie de « bête noire des patrons » et aussi « d’impitoyable sur l’application du droit du travail ». Et il rajoute « à sa sauce »…  Comment peut-on appliquer le droit du travail « à sa sauce » ? Qu’est ce que ça veut dire ? C’est le droit ou non ? Un inspecteur n’a que le pouvoir administratif de dresser procès-verbal, ensuite ce sont les juges… qui jugent, et généralement ils ne le font pas de façon impitoyable. Noblecourt ne sait sans doute pas combien, il faut de doigté, de sens du compromis, de patience et pas seulement d’autorité, pour faire respecter, toujours insuffisamment hélas, l’ordre public social dans les entreprises.

Il trouve le moyen de préciser que l’exercice des missions d’inspection du travail « à sa sauce » (sic) lui « vaudra des démêlés avec la justice, dont il sortira à chaque fois blanchi » (sic). Lourd, non ? Ce n’étaient justement pas des « démêlés avec la justice » mais avec des démêlés avec un patron voyou, un seul, (sur 10 000 entreprises visitées en 30 ans) qui a tenté d’esquiver ses actes délinquants en tentant de poursuivre l’inspecteur, mais qui en 8 ans a perdu 14 procès et a été condamné autant de fois. Et ce patron là n’a pas été « blanchi », les juges l’ont condamné « à leur sauce ». Et il y avait de quoi en mettre !

 

Quand Noblecourt dit que je suis entré en politique au Parti communiste, c’est pour dire que j’ai été « exclu sans ménagement ». Vous ne saurez pas pourquoi, sauf à en lire le récit détaillé dans  « Mai 68 histoire sans fin ».

Quand Noblecourt me mentionne parmi les fondateurs de la LCR, ce n’est pas pour décrire mes actions militantes, ni les idées que j’y ai défendu, (il l’a pourtant lu, décidément « Mai 68 histoire sans fin » nous le savons) mais pour donner mon pseudonyme, révélation décisive auprès de ses lecteurs. Matti ça vient de Brecht, bien sur, j’avais choisi le valet, pas le maître, pas l’apparatchik.

Quand il mentionne que j’ai été déclaré « hors normes » au congrès de juin 1994, par Daniel Bensaid, il ne mentionne que moi, alors qu’il s’agissait de la tendance à laquelle j’appartenais, et du coup, tous mes camarades avec moi, alors que nous faisions 20 % de la LCR et nous avions alors décidé au cours d’un stage en juillet 1994 d’aller au Parti socialiste.

Quand il annonce que j’ai « rejoint le PS » c’est pour dire que je « navigue dans différents courants, toujours minoritaires, sans se convertir au réformisme ». Tant de mensonges en un seul membre de phrase !

1°) Nous adhérons collectivement, c’est pas « je ». Avec tous mes amis, nombreux, toujours socialistes, de la revue « Démocratie & socialisme »

2°) Nous sommes tout de suite majoritaires avec le texte « Tourner la page de Maastricht » (que Melenchon est obligé de soutenir malgré son vote de l’époque) adopté à 52 % en février-mars 1996 lors de la grande Convention nationale Europe.

3°) Nous ne « naviguons » pas, nous sommes et restons dans la gauche socialiste en permanence, première et deuxième et troisième version, nous incarnons sa continuité, et l’excellente revue mensuelle « D&S », notre « fil à plomb »,  publiée opiniâtrement durant 23 ans en atteste (Mais Noblecourt ne mentionne pas D&S naturellement).

4°) Pas besoin de se « convertir au réformisme », selon notre théorie, nous sommes réformistes, car, nous l’avons défendu avec constance, et nous croyons ferme en cette théorie, le réformisme ne s’oppose pas à la révolution, il n’y pas de coupure entre les deux, l’un nourrit l’autre.

Quand il écrit que « je campe à l’extrême gauche du PS » c’est pour me qualifier « d’incurable trotskiste » « adepte de la stratégie du coucou qui fait son nid dans celui des autres ». (sic) Qu’il aille dire cela à Weber, Dray, Cambadelis s’il le veut.  Mais moi je ne « campe » pas, je suis socialiste, il est vrai façon Jaurès, pas façon Hollande ni Valls, ni Macron. Je ne fais pas mon nid dans celui des autres, je bâtis la maison commune, en collectif, avec mes camarades, plus que d’autres, je la construis jour après jour, avec mon énergie, mes idées, mon temps, mes livres, mes articles, mes milliers de réunions, mes cotisations. Je me situe au cœur de la gauche, pas à ses marges. J’ai toujours assumé comme Lionel Jospin ma culture trotskiste, « une grande et exceptionnelle culture » dont il faut souhaiter qu’elle soit vraiment incurable, car elle est faite d’une grande tradition de lutte contre les apparatchiks !

Quand Noblecourt me qualifie de « bon orateur à la verve gouailleuse » c’est pour ajouter aussitôt que je « franchis souvent la ligne jaune » comme quand je qualifie le patron de Total de « suceur de sang » le 20 octobre 2014 (pas dans un discours « gouailleur » mais par tweet) . Mais c’est pourtant vrai que le nom de cet homme-là, De Margerie, patron du principal trust du pays, 185 milliards de chiffre d’affaires, principale figure de l’oligarchie française, est définitivement associé à Erika, AZF, à la France-à-fric, il a aussi été poursuivi à titre posthume pour corruption d’agents publics dans la filière iranienne. Seul le regretté Bernard Maris m’avait défendu en se félicitant qu’au moins un socialiste n’ait pas participé au concert de louanges envers le disparu.

4 lignes sur 42 sont consacrées aux idées que je défend, résumées on ne peut plus succinctement, et, disons-le, avec morgue et mépris, comme tout le reste, Noblecourt revient sur mon espoir de « réussir à être la cheville ouvrière de l’unité de la gauche » pour dire « mission impossible ».

La fin est apothéose.

Noblecourt cite Le Point « même une chèvre gagnerait contre Hollande » assure Filoche. « De quoi lui donner beaucoup d’espoir. » De quoi bêler en effet. Là, il a raison, c’est le coup de pied de la chèvre.

Noblecourt, ne peut pas le savoir, mais c’est vrai, j’avais exactement dit à Ugo Domenach au Point : « Il ne faut surtout pas le dire qu’une chèvre pourrait battre Hollande ». J’aurais pas dû. Mais on peut faire confiance à ceux qui vous mènent la guerre, non seulement pour déformer vos propos mais pour les répéter en boucle. Et puis, ce n’est pas gentil pour ces gentilles chèvres avec lesquelles j’aimais jouer dans mon enfance.

Tout ça, de la part cet homme, c’est du verre filé pour blesser.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

9 Commentaires

  1. Posted 25 octobre 2016 at 18:13 | Permalien

    Bonsoir à tous,
    En complément de ce qu’a écrit notre camarade Gérard Filoche, je vous invite à lire l’article intitulé « Quand Michel Noblecourt voit rouge », disponible à l’adresse suivante : http://www.acrimed.org/Quand-Michel-Noblecourt-voit-rouge
    Solidairement.

  2. Médusa
    Posted 25 octobre 2016 at 19:49 | Permalien

    Ce type est une immonde caricature de chien de garde prêt à tout pour défendre le statu quo favorable à ses maîtres. Réjouissez-vous de sa hargne, c’est le signe que vous êtes à la bonne place.

  3. Posted 25 octobre 2016 at 23:17 | Permalien

    Bonsoir,

    Je rejoins Medusa, le mépris des caniches de garde du MEDEF tels ce Noblecourt ou les aparatchiks bobos-salonards Davet/Lhomme du même torchon, ce mépris est un hommage du vice à la vertu.

    Cette bande servile à la solde de Hollande fera demain de semblables courbettes à un pouvoir de droite assumée.

    Et qui sait si demain ces tristes clowns ne ramperont pas devant Le Pen car ils sont de la même classe et la haine qu’ils nous vouent est une haine de classe.

    Amitié fraternelle.

    Tanguy

  4. sintes
    Posted 26 octobre 2016 at 10:46 | Permalien

    Ce journaliste est immonde mais il a fait exactement ce que vous faites quand vous parlez de Mélenchon. L’arroseur arrosé en quelque sorte.

  5. Hermes de Saint Phalier
    Posted 26 octobre 2016 at 12:53 | Permalien

    Merci Fredesud pour cette excellente référence, qui éclaire M. Noblecourt d’une lumière qui ne laisse aucune zone d’ombre ! :-)

  6. Posted 26 octobre 2016 at 16:48 | Permalien

    je ne parle jamais de melenchon, je reponds aux questions ici des supporters en meute de melenchon, c’est différent

  7. Posted 27 octobre 2016 at 12:43 | Permalien

    Bonjour Hermes de Saint Phalier (post n° 5),
    Content d’avoir pu vous rendre service en publiant sur ce blog un lien vers le site de nos camarades d’Acrimed.
    Solidairement.

  8. JLB
    Posted 20 novembre 2016 at 16:12 | Permalien

    Belle Réponse Mr Filoche.

    Vous partagez avec JLM l’expérience d’être insultés par les sociaux-démocrates.

    Profitons-en ensemble pour se rappeler de ne pas le faire entre nous (Filoche vs JLM, ni « en réponse » ni jamais, de part et d’autre).

  9. Posted 20 novembre 2016 at 16:30 | Permalien

    oui, dites seulement a la meute des melenchoniens qui n’y connaissent rien, de cesser leur bashing : unité
    ici c’est un site unitaire, pour un candidat commun, pour une plate-forme commune,
    pas pour la meute inéduquée des sectaires qui se relaient pour la combattre, diviser et nous conduire au desastre le 23 avril à 20 hb

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