« Le kwassa kwassa amène du comorien » l’énarque Macron blague élististe et raciste

POLÉMIQUE

Quand Macron plaisante sur les bateaux qui «amènent du Comorien» à Mayotte

Par LIBERATION — 3 juin 2017 à 11:31
Emmanuel Macron dans le port de Lorient, jeudi. Photo Stéphane Mahe. AFP 

  • Quand Macron plaisante sur les bateaux qui «amènent du Comorien» à Mayotte

Pour l’Elysée, c’est «une plaisanterie pas heureuse». Ni plus, ni moins. En visite au Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage atlantique (CROSS) d’Etel, dans le Morbihan, Macron a cru bon de plaisanter à propos des «kwassa-kwassa», de frêles embarcations à bord desquelles chaque année des migrants embarquent au large de Mayotte.

La scène, qui s’est déroulée jeudi 2 juin, a été repérée par l’émission Quotidien qui a diffusé les images vendredi soir. On y voit le président de la République discuter avec l’un des membres du centre de surveillance. «Il y a des tapouilles et des kwassa-kwassa», explique ce dernier. «Ah non, c’est à Mayotte le kwassa-kwassa», répond alors Emmanuel Macron, qui poursuit, goguenard : «Mais le kwassa-kwassa pêche peu, il amène du Comorien, c’est différent.»

Les kwassa-kwassa sont régulièrement utilisés par des migrants de l’archipel indépendant des Comores pour gagner Mayotte, devenu le 101e département français en 2011. De frêles embarcations à bord desquelles chaque année, des migrants meurent.

Un cimetière marin

Selon un rapport du Sénat publié en 2012, entre 7 000 et 10 000 Comoriens auraient ainsi perdu la vie à bord de ces bateaux entre 1995 et 2012.

Dans un billet de blog, Jean-Pierre Sueur, auteur du rapport, écrivait : «Ce sont des barques à fond plat, rudimentaires, qui ne répondent à aucune norme de sécurité et ne pourraient « accueillir » que huit ou neuf personnes si les normes étaient respectées. A chaque voyage, trente à quarante personnes y sont entassées. Le voyage dure vingt-cinq heures dans les conditions de promiscuité et d’hygiène que l’on peut imaginer. La barque est si chargée qu’elle navigue à même le niveau de la mer. Il y a des naufrages, des noyades, des disparitions, des êtres humains qui passent par-dessus bord. On m’a dit que ce bras de mer était un cimetière marin».

Comme le rappelait RFI, l’utilisation de ces barques s’est dévelopée après l’instauration du «visa Balladur», qui oblige depuis 1995 les habitants des îles comoriennes (Mohéli, Anjouan, Grande-Comore), a avoir un visa délivré par la France pour venir à Mayotte.

C’est ce qui fait dire au Parti communiste, dans un communiqué envoyé ce samedi, que «l’Etat français porte une très lourde responsabilité dans ce crime affreux qui se perpétue». Emmanuel Macron, lui, est donc sommé d’«apprendre à se contrôler pour ne pas rire de tout, surtout lorsqu’il s’agit de l’innommable».

Au delà de la «maladresse» que constitue le fait de plaisanter sur un tel sujet, l’utilisation de l’article «du», pour parler d’hommes, a choqué, à juste titre. Comme le fait remarquer une internaute, cette opération grammaticale peut êre considérée comme une réification, soit le fait de déshumaniser par le langage, de qualifier un homme, comme un objet.

«Si Sarkozy président avait prononcé cette phrase»

«Si Sarkozy président avait prononcé cette phrase face caméra, le tollé aurait été gigantesque. « Du » comorien. 12 000 morts. Et là… insensé», a réagi l’ex-ministre écologiste et candidate aux législatives Cécile Duflot, sur Twitter.

Nadine Morano, qui ne s’est jusqu’ici pas illustrée dans la défense des migrants et réfugiés, a également dénoncé une «blague douteuse». Sans oublier de critiquer au passage les journalistes, qui, selon elle, feraient du «deux points, deux mesures». La séquence a pourtant été largement relayée par les médias.

«Président du Groupe d’amitié France-Union des Comores de l’Assemblée nationale, j’invite Emmanuel Macron à régler les problèmes locaux plutôt qu’à en rire», a déclaré de son côté le député PS de Seine-Saint-Denis, Daniel Goldberg.

Contacté par le Lab, l’Elysée s’est contenté de reconnaître une «plaisanterie pas heureuse» et «malvenue».

 

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