Une société sans statuts : le programme Macron est une guerre sociale

 

Quand Macron a jugé nécessaire d’aller rencontrer les salariés de Whirpool en grève, il a demandé un « hygiaphone » pour leur parler. Ce n’est sans doute pas seulement son ignorance de l’objet idoine, le mégaphone. Cela a sans doute à voir avec ses déclarations sur les ouvrières illettrées des abattoirs Gad et avec un point de son programme pour les présidentielles où il prévoit de sanctionner les « incivilités » dont les « crachats » par des « amendes immédiates et dissuasives » alors que, EN MEME TEMPS, son programme prévoit la création d’un droit à l’erreur pour,  je cite pour l’exemple pris, « un employeur qui oublie de déclarer à l’URSSAF la prime de Noël qu’il verse à ses salariés ».

 

Les buts et les moyens de la guerre

Macron est un évangéliste du marché qui nage, selon la formule de Marx, dans les eaux glacées du calcul égoïste. Il ne fait qu’appliquer le programme de toujours du capitalisme, l’accumulation du profit par quelques uns, et qu’on peut résumer quant aux buts par la formule T.G.V : Travailler plus (i.e faire travailler plus), Gagner moins (faire travailler pour le moins cher possible), Virer le plus vite et avec le minimum de frais.

Une nouveauté cependant : le programme présidentiel de Macron et ce qu’on peut déjà savoir des ordonnances à venir va plus loin qu’un nième rabotage de ce qu’il reste de droits sociaux. Il est question de leur suppression totale pour aller, numérisation aidant, vers une société que Macron a défini comme une société « sans statuts ». Un oxymore qui désigne précisément la situation des travailleurs ubérisés : pas de limitation à la durée de travail, pas de revenu minimal, pas de sécurité sociale et un licenciement sur simple déconnexion. Esclaves ou domestiques, la marche arrière nous conduit ici au début du XIXème siècle, où la violence sociale se déployait à l’ombre de la violence policière.

Autre nouveauté, et les fonctionnaires et contractuels qu’on a peu vus dans les manifestations contre la loi travail devraient rouvrir leurs yeux, les Fonctions publiques rentrent dans cette dissolution et seront, comme en Grèce, sans doute en première ligne de la démolition programmée.

Quant aux moyens de réalisation de ces objectifs permanents, ils n’ont pas varié : armer les employeurs et EN MEME TEMPS désarmer ceux qu’ils exploitent.

Citons, outre la démolition bien avancée de la médecine du travail, de l’inspection du travail et des prud’hommes, l’affaiblissement constant des moyens et de l’indépendance des représentants du personnel qui va être aggravée dans les ordonnances à venir par la mise en pièce des CHSCT et la mise en place d’un référendum auprès des salariés pour contourner les syndicats qui en méritent encore le nom.

 

Revue de détail

Pour les buts, l’analyse des lois déjà passées 1, des projets patronaux aussi précis qu’anciens, des exigences du conseil d’administration des multinationales (Commission européenne), du programme présidentiel 2 et des fuites sur la préparation des ordonnances 3 permet de décrire précisément le TGV programmé.

La loi travail avait prévu la réécriture complète du Code du travail sur le principe révisionniste (au sens négation du droit du travail) suivant : plus de loi, l’accord d’entreprise fera la loi (un code du travail par entreprise) ; à défaut d’accord d’entreprise, la branche professionnelle fera la loi ; en l’absence de tout accord, il y aura un droit minimal par décret, et le projet d’ordonnance stipule que ce droit pourra être moins favorable que le droit actuel.. La loi travail avait réécrit la partie durée du travail et prévoyait deux années pour le reste du Code. Un an après, Macron devance juste l’appel.

Travailler plus :

Il y aura sans doute une nouvelle tentative de supprimer, si possible, ou de contourner la durée légale du travail, dont il faut marteler qu’elle n’est que le seuil à partir duquel on calcule les heures supplémentaires qui doivent être payées plus cher. Les dissimuler et les payer moins cher (10% de majoration au lieu de 25 %) comme le permet la loi travail ne leur suffit pas. Pour arriver à 0%, il est probable que sera réutilisée la ruse de la commission Badinter (un temps inscrite dans le projet de loi travail), reprise dans les déclarations de Fillon et de Macron au début des présidentielles : chaque entreprise dira s’il elle choisit une durée « normale » (néologisme de la commission Badinter) différente de 35 h (39, 40, 45 par exemple) et les heures supplémentaires éventuelles seront décomptées au-delà de cette durée « normale ».

Si on ajoute l’exonération prévue des cotisations sociales sur les heures supplémentaires, voilà qui rendra ces heures moins chères que des heures normales. Epuisement pour les uns, chômage pour les autres.

 

Il y aura également de nouvelles libertés pour les employeurs : horaires de travail, pauses, fractionnement du repos quotidien et hebdomadaire (sous couvert de « télétravail »), services publics extensibles (« Nous élargirons les horaires d’ouverture des services publics pour les adapter aux contraintes des usagers : certains services publics ouvriront le samedi et en soirée » ; « Nous ouvrirons les bibliothèques en soirée et le week-end »). Sans doute aussi verra-t-on revenir la question de l’allongement de la durée du travail pour les enfants : Macron, tout comme le PDG d’Air France était scandalisé que ce point trop symbolique ait été, devant la mobilisation, retiré de la loi travail.

Gagner moins :

Gagner moins. En commençant par l’apprentissage, car ce qui est prévu symbolise assez bien la société programmée. Macron a prévu de supprimer les contrats d’apprentissage en les fusionnant avec les contrats de professionnalisation, en supprimant au passage les limites d’âge. Apprenti tout au long de sa vie, c’est le retour au Moyen Age.

Pour les salaires et retraites, il faut distinguer les salaires nets des salaires bruts.

Salaires nets : pour le Smic, il pourra être question de revoir les indexations comme la commission Badinter en avait ouvert la possibilité. Pour les salaires minima des conventions collectives définis par les grilles de classification elles mêmes basées en partie sur la qualification (de même les grilles de la fonction publique) le programme présidentiel de Macron prévoit de les remplacer par des accords d’entreprise : « C’est seulement à défaut d’accord d’entreprise que la branche interviendra. Ainsi, les conditions de travail et les salaires notamment seront négociés au plus près du terrain ».

Sur ce point essentiel (qu’on pense à la Grèce ou les conventions collectives ont été supprimées et à l’Espagne où leur couverture se réduit à grande vitesse), le gouvernement avance masqué dans les parodies de concertation qui vont durer jusqu’à mi juillet. Pour les fonctionnaires, l’équivalent de cette évolution s’écrit ainsi : « Nous mettrons fin à l’évolution uniforme des rémunérations de toutes les fonctions publiques afin de mieux prendre en compte les spécificités de chacune »

Salaires bruts : i.e les cotisations sociales versés à la sécurité sociale, la partie vitale pour ceux qui n’ont pas ou plus de travail : privés d’emploi, malades, accidentés du travail, retraités. Ce dont on parle c’est 470 milliards d’euros. Macron prévoit de réduire la Sécurité sociale en miettes, le gâteau étant récupéré par les assurances privées, mutuelles et fonds de pension.

Aux dizaines de milliards d’exonérations de cotisations sociales actuelles, Macron prévoit notamment d’ajouter la suppression des cotisations salariales maladie et chômage, la pérennisation du CICE sous forme d’exonérations permanentes de 6 points, la suppression de toute cotisation sociale pour tous les salariés au Smic (1800 euros par an et par salarié, un cadeau fabuleux qui va contribuer à augmenter le nombre de personnes payées au Smic).

Pour les retraites, l’instauration prévue d’un seul régime (par points) est la garantie d’un avenir caractérisé par une baisse considérable des retraites, les fonctionnaires en premier, et un basculement inévitable vers la fin des retraites par répartition.

Qui va payer ce que les patrons ne paieront plus : essentiellement les salariés, retraités et fonctionnaires par l’augmentation prévue de la CSG et tout le monde par la baisse de la prise en charge des soins et des médicaments et la baisse des indemnités chômage qui vont de plus être à la charge des contribuables. Sur ce point, le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi devrait exploser, toute la population, salariée ou non salariée, devant selon Macron y avoir accès. Et il ne faut pas compter sur les cotisations des indépendants, dont Macron prévoit l’affiliation au régime général de Sécurité sociale mais EN MEME TEMPS une baisse de leurs cotisations sociales (« 500 euros de moins par an pour un revenu de 3000 euros nets par mois »)

Vite licencies :

Pour licencier vite, sans motif, et à pas cher, beaucoup a déjà été fait (lois Sapin, Rebsamen, Macron, El Khomri). Macron prévoit d’en rajouter plusieurs couches :

-       Inscription dans le contrat de travail des motifs autorisant le licenciement. Le salarié va signer dès l’embauche l’acceptation de son futur licenciement !

-       Nième définitions du licenciement pour motif économique, du périmètre de reclassement, des critères de priorité, des catégories professionnelles, accroissement du seuil pour l’obligation de faire un PSE, et nième réduction des délais pour saisir les prud’hommes pour licenciement sur ce motif (de deux ans à un an et maintenant à deux mois !) ;

-       Contrat de travail unique : CDI de projet, de mission ; CDD dont les cas de recours, la durée maximale et le nombre de renouvellements pourront être décidés par l’entreprise

-       « Démissions » qui ne coûteront pas un centime et que les employeurs pourront beaucoup plus facilement obtenir qu’aujourd’hui grâce à la promesse (sous conditions) de l’indemnisation au chômage des démissionnaires. Un rêve pour les employeurs.

-       Des indemnités pour licenciement abusif plafonnées. Sachant que l’alourdissement des procédures aux prud’hommes, encore une œuvre de la loi Macron, a déjà fait chuter de 40 % le nombre des saisies des prud’hommes par les salariés…

 

La société sans statuts et sans droits

Le sort de la Fonction publique est programmé ainsi : resteront fonctionnaires ceux dont la fonction est de faire baisser les têtes : flic, militaire, juge. Pour les autres, recrutement sous contrat, une technique lourdement éprouvée  à France Telecom et à la Poste. Et pour ces nouveaux contractuels le droit applicable sera celui du privé.

Ce qui tombe bien, car les services publics, outre la fonte programmée des effectifs qui vont les transformer en interfaces informatiques, vont voir accélérer leur transformation en entreprises. Citations du programme de Macron pour en apprécier les saveurs à venir :

« Chaque service accueillant du public (hôpital, école, tribunal, caisse d’allocations familiales…) devra afficher, trimestriellement au moins, ses résultats en termes de qualité de service sur la base d’indicateurs concrets (délai de traitement d’un dossier, qualité de l’accueil au guichet, taux de remplacement des enseignants à l’école…). Les usagers seront associés à leur définition »

« Nous demanderons à chaque lycée professionnel et université de publier ses résultats (débouchés, salaires, etc.) sur les 3 dernières années »

« L’action publique gagnerait à s’ouvrir beaucoup plus à l’expérience de profils variés issus de la sphère de l’entreprise »

Pour le privé, la société sans statuts est déjà en route et Macron y a pris sa part : les modifications du code civil introduites par la loi Macron et une ordonnance du 10 février 2016 portant réforme des contrats ont permis un début d’extinction du droit du travail par la légalisation de faux indépendants, les travailleurs ubérisés. Cette délinquance patronale, qui consiste à s’asseoir sur les droits conquis par les salariés depuis bientôt deux siècles, est aussi vieille que le capitalisme, mais il était jusqu’ici possible – au moins théoriquement – de faire requalifier ces faux contrats commerciaux en vrais contrats de travail et la triche restait limitée. Les employeurs peuvent désormais ambitionner d’en finir avec le salariat – au sens des garanties collectives qui lui sont attachées.

Ils le peuvent d’autant plus que depuis 1995 se met en place dans l’Union européenne, la France jouant un rôle moteur en ce domaine, la transformation du marché du travail en marché des travailleurs, salariés ou non salariés : il s’agit de la mise en concurrence de tous contre tous par le truchement de fichiers numériques. De la maternelle à l’entreprise ou l’administration, ces fichiers sont des CV numériques : scolaires et préprofessionnels, ils ont pour nom « LPC » (« LSUN » depuis deux ans), « LSL », « FOLIOS » ; professionnels et couvrant formation initiale et continue, ils se nomment « EUROPASS » au niveau européen depuis 2004, « PASSEPORT D’ORIENTATION, DE FORMATION ET DE COMPETENCES » en France depuis 2014. Ce dernier fichier est inclus dans le fichier CPF (Compte Personnel de Formation), lui-même partie du fichier CPA (Compte Personnel d’Activité), tous logés sur un serveur de la Caisse des dépôts et consignations depuis 2014. Depuis 2017, un nouveau fichier a été ouvert sous le nom de PNDS (Portail National des Droits Sociaux, sur un serveur de la Caisse Centrale de Mutualité Sociale Agricole) pour enregistrer des « comptes » individuels relatifs aux droits assurance maladie, chômage, retraite, famille, logement et autres. Une fabrique d’esclaves sous chaîne électronique.

 

En résumé, si la guerre sociale n’est pas nouvelle, son ampleur aujourd’hui nous oblige : tous ensemble et EN MEME TEMPS.

 

Richard Abauzit

  1. Analyse de la loi Macron :

https://blogs.mediapart.fr/richard-abauzit/blog/181214/projet-macron-en-route-pour-lesclavage https://blogs.mediapart.fr/richard-abauzit/blog/050315/loi-macron-apres-l-assemblee-nationale-c-est-pire ;

Analyse de la loi Rebsamen :

https://blogs.mediapart.fr/richard-abauzit/blog/260515/rebsamen-jusquau-bout-de-lani ; Analyse de la loi El Khomri :

https://blogs.mediapart.fr/richard-abauzit/blog/120616/loi-uberel-khomri-48-reculs-avant-le-senat

  1. Analyse du programme présidentiel de Macron : https://blogs.mediapart.fr/richard-abauzit/blog/140517/macron-derviche-tourneur-autour-d-un-axe-fixe-0
  2. Articles du Parisien, de Libération, d’Alternatives économiques (mai et juin 2017)

 

10 Commentaires

  1. socrate
    Posted 18 juin 2017 at 21:17 | Permalien

    Macron va continuer la casse sociale commencée par Hollande -Valls
    pas étonnant qu on retrouve beaucoup de socialistes dans la majorité REM
    la population hélas s’est peu mobilisée pour cette élection ; dommage elle va encore souffrir….
    espérons un troisième tour social

  2. DUHAMEL
    Posted 18 juin 2017 at 22:25 | Permalien

    Vos propos sont éternellement négatifs et polémiques. Vous critiquez toujours, mais ne construisez rien. Vous portez l’invective et l’attaque en permanence. Les frondeurs n’ont pas fait de coup d’éclat. C’est bien pour cela que l’électorat ne vous plus confiance… Tant de socialistes ont dû s’acheter une veste, même votre vainqueur des primaires !

  3. Posted 19 juin 2017 at 1:00 | Permalien

    et vous n’êtes pas négatif naturellement

  4. Pich
    Posted 19 juin 2017 at 7:03 | Permalien

    Et après ? Je trouve extrêmement inquiétant l’attitude invraisemblable de la France insoumise et de son leader Massimo ; de sa confusion inquiétante entre la fonction d’un parti politique et le syndicalisme dont il confond totalement les rôles. Au mieux, il pense que les syndicats sont des outils à sa disposition au pire il prend son parti pour une représentation syndicale. Ce qu’elle ne peut pas être et ne sera jamais. Situation extrêmement délétère qui pourrait conduire à affaiblir définitivement un syndicalisme francais déjà faiblard. Mélenchon est un personnage bien inquiétant.

  5. thomine
    Posted 19 juin 2017 at 11:24 | Permalien

    Tout ceci s’assimile à un procès d’intention.

  6. Médusa
    Posted 19 juin 2017 at 14:03 | Permalien

    @PICH4 — Vous racontez vraiment n’importe quoi, Mélenchon et la FI ont toujours fait la distinction avec les syndicats, ont toujours dit qu’appeler à la mobilisation était la prérogative des syndicats, etc. Il n’y a aucune fusion entre le politique et le syndical…

  7. Posted 19 juin 2017 at 14:29 | Permalien

    Bonsoir
    très humblement ça me semble impeccable et d’une grande clarté pédagogique !!! merci Pierre pour cette rigueur et cette lisibilité Amicalement

    BDefaix

    Le 13/06/2017 à 00:19, Pierre Ruscassie a écrit :

    Bonjour,

    Je suis d’accord avec les commentaires du texte de Gérard Filoche formulés ci-dessous par Robert et avec les ultimes rectifications qu’y apporte Didier.

    En effet, Gérard Filoche est toujours à la recherche d’arguments percutants et d’explications simples qui dénoncent les « éléments de langage » des néolibéraux, montrant leur caractère mensonger, et qui rendent la réalité compréhensible par tout le monde. C’est ce qui fait son succès : il utilise un langage simple qui dévoile la réalité cachée par le discours idéologique du néolibéralisme.
    On entend souvent que la droite et surtout l’extrême droite utilisent des formules simples, voire simplistes, mais qui sont mensongères, raison pour laquelle la gauche ne pourrait pas en trouver. Or, Filoche montre que la gauche peut trouver des formules simples et véridiques.

    Par exemple, nous ne devons pas nous contenter d’utiliser les formulations juridiquement exactes de « part salariale de cotisation sociale » et de « part patronale de cotisation sociale », mais nous ne devons manquer aucune occasion de dénoncer le recours à la formule « charges sociales » qui n’existe pas (« charges » est issu du vocabulaire de la comptabilité) et qui veut désigner la « part patronale des cotisations sociales » que les adeptes du néolibéralisme voudraient abaisser, tant ils la trouvent lourde.

    Cependant, dans « La mort du salaire brut », avec le souci de donner une explication simple qui utilise l’opposition courante entre « net » et « brut », Gérard Filoche crée davantage de confusion que de clarification.
    Pour paraphraser Robert et en utilisant les précisions données par Didier, nous devons opposer le « salaire net » au « salaire socialisé ». C’est la mort du salaire socialisé que souhaite Macron.

    Le « salaire super-brut » est la « somme du salaire net et du salaire socialisé ». Ce « salaire socialisé » qui est versé au salarié sous forme d’indemnités, de prestations, d’allocations ou de revenu de remplacement, est alimenté par les deux formes de cotisations sociales. C’est pourquoi le salaire super-brut est égal à la somme de trois parts : le salaire net, la part salariale de cotisation sociale et la part patronale de cotisation sociale. La somme des deux premières parts constitue le salaire brut. Les trois parts font partie du salaire. Si on leur ajoute le profit prélevé par l’entreprise sur ce salarié, on obtient la valeur en travail de la richesse produite en moyenne par travailleur.

    Transitant des entreprises à l’ayant droit par l’intermédiaire d’un organisme (de type mutualiste), il est dit « indirect ». Dès qu’il est recouvré auprès des entreprises, il est versé immédiatement à l’ayant droit, par le service public de protection sociale. C’est pourquoi il n’est pas considéré comme différé dans le temps, contrairement à des revenus (les pensions de retraite par capitalisation, par exemple) qui, par contrat, sont considérés (fictivement) comme des prélèvements différés effectués sur une épargne conservée depuis un certain temps, bien qu’en réalité il n’y ait pas de stockage, mais un flux permanent d’entrée et de sortie.

    Parmi les trois parts du salaire super-brut, les deux parts de cotisation demandent à être administrée sous une forme mutualiste (de droit privé). C’est pourquoi la démocratie demande le rétablissement des élections aux conseils d’administration des caisses de la protection sociale. Mais les deux parts de cotisation étant des parts de salaire, le paritarisme qui organise cette administration en deux collèges (salarial et patronal), doit être supprimé. Les conseils doivent être élus au suffrage universel direct des ayants droit majeurs sur listes syndicales (salariales ou professionnelles).
    Les caisses de la protection sociale administrent un budget de 450 milliards d’euros (plus d’une fois et demie le budget de l’Etat, soit égal au total des budgets étatiques territoriaux) : une administration démocratique est exigible pour les administrations territoriales de nature étatique, elle est autant exigible pour la protection sociale qui est chargée d’une mission de service public, mais n’est pas étatique.

    Remarques :
    • Nous sommes opposés à la préférence nationale puisque l’accès à des droits ne doit pas dépendre de critères subjectifs comme l’identité nationale (ce serait du communautarisme), mais doit dépendre de critères objectifs comme le lieu de résidence. C’est pourquoi le terme de « nationalisation » ne convient pas. C’est « socialisation » qui est l’alternative à « étatisation » et à « privatisation ».
    • Je pense qu’il est préférable de parler de « salaire super-brut » (ou de « salaire total ») que de « coût salarial ». En effet, le salaire n’est pas un coût. C’est ce qui reste, pour le salarié, de la valeur économique créée par le travail humain après que le patronat en a retiré le profit. Parler de coût c’est se placer du point de vue du patron dans le rapport patronat–salariat.

    Amicalement,
    Pierre Ruscassie

    Le 11 juin 2017 à 23:35, Didier Brisebourg a écrit :

    Le salaire différé n’a rien de différé : ce sont toujours les prélèvements sur les revenus actuels qui versent les prestations.

    Certains économistes humoristes ( si, si .. c’est rare – surtout à la TV – mais ça existe ) disent qu’il n’y a pas de congélateur de la valeur économique qu’on pourrait décongeler au moment de la servir aux retraités
    Attac s’est prononcé pour salaire socialisé plutôt que salaire différé. Je pense que c’est bien vu.

    Bernard Friot ( et d’autres ? ) recommande aussi d’abandonner la notion de salaire brut au profit de salaire super-brut englobant le salaire brut actuel et les cotisations dites patronales car toute valeur économique est issue du travail.

    C’est en fait la masse salariale.

    J’en profite pour dire que le projet de Macron de suppression des cotisations salariales chômage et retraite contrebalancée par une augmentation de la csg est très dangereuse : il s’oriente vers une étatisation ( à différencier de la nationalisation ) de la protection sociale qui est, comme on le sait, la voie à une privatisation.
    Cordialement,

    Didier

    Le 11/06/2017 à 23:18, Joumard Robert (via democratie Mailing List) a écrit :

    Bonjour,

    il est un peu inexact d’écrire « Le salaire brut on vit avec tout au long de la vie. » : on vit tout au long de la vie avec le salaire net plus toutes les cotisations sociales (ou salaire différé) ; or la plus grande part des cotisations sociales ne font pas partie du salaire brut, mais sont considérées comme cotisations à la charge de l’employeur (c’est la différence entre le coût salarial et le salaire brut).

    Je ne vois pas l’intérêt de garder ce concept de salaire brut, qui est plus large que le salaire net (reçu tout de suite) et bien moins large que le « coût » salarial qui est le salaire perçu + le salaire différé. C’est une fiction qui ne sert pas la compréhension du salaire différé. Pour paraphraser Filoche, c’est le salaire net plus le salaire différé qui compte !

    Amicalement
    Robert Joumard

    réponse filoche :

    mais je ne veux pas communiquer en disant qu’on défend le salaire socialisé même si c’est vrai

    et je ne veux pas pinailler pour parler à 25 millions de personnes,

    je sais ce que vous me dites, mais ça ne parle pas assez

    je veux parler de ce que 25 millions de gens lisent en majorité sur leur feuille de paie : salaire brut
    et salaire net

    et caché salaire super brut

    de façon a ce qu’on défende tous le salaire

    ensuite évidemment on vit du net

    mais au mois le mois c’est parlant

    et le brut tout au long de la vie, c’est une bonne formule que je recommande elle est parlante

    votre analyse pure je la partage, quand on a du temps à la télé pour développer

    mais on n’a jamais de temps à la télé pour developper

    enfin la retraite c’est du versement en temps réel (ni indirect ni différé) de ceux qui travaillent vers les retraités

  8. Posted 19 juin 2017 at 14:39 | Permalien

    oui hélas le 6 mai 2013 et le 1er décembre 2013 ils ont même casse les mobilisations unitaires syndicale en cours (ANI, retraites) en imposant des manifestations politiques sur des questions syndicales (du balai, TVA)

  9. Posted 19 juin 2017 at 15:09 | Permalien

    « Le remplacement des cotisations salariales par une contribution sociale généralisée revient bien à ne plus solliciter le capital pour financer la dépense de Sécurité sociale. Et comme le dit très bien Gérard Filoche, le sens historique de cette mesure consiste à supprimer du revenu différé supporté par le capital et à le remplacer par du revenu différé supporté par la collectivité. »

    Je ne sais pas quelle fidélité il faut accordé aux propos de Gérard de la part de Verhaeger, mais je ne partage cette analyse qui alimente la confusion entretenue par les libéraux.

    D’abord, le terme « cotisation patronale » est un terme impropre, il faut le combattre, car à l’origine de la cotisation sociale, c’est toujours le salarié qui crée la richesse (le travail). Le capital ne crée pas de richesse. Quant à la cotisation salariale, elle est appliquée au salaire brut et lui est donc retirée, contrairement aux cotisations patronales. Les ouvriers ont accepté de participer au financement de leur propre retraite afin de légitimer leur présence dans la gestion des caisses. Il n’en reste pas moins que c’est eux qui créent la richesse dans tous les cas. Il faut en fait supprimer les cotisations salariales.

    Ensuite, la cotisation sociale est la part consacrée de la valeur ajoutée, donc avant les profits, donc avant les revenus du capital, à la protection sociale. Ce n’est donc pas le capital qui finance les retraites mais bien le travail qui décide politiquement d’affecter une partie de la valeur économique produite chaque jour aux salaires socialisés des parents (allocations familiales), des chômeurs (indemnisation du chômage), des retraités (pensions) et des malades et soignants (santé) et même, dans les années soixante, à l’investissement avec la construction des CHU. Mais la valeur économique au fondement de la cotisation est toujours produite par ceux qu’elle va payer : par le soignant, le parent, et même le retraité et le chômeurs (il suffirait de retirer les retraités et le chômeurs de la société pour voir combien ils sont essentiels à son fonctionnement). Mais comme ils ne participent pas du flux monétaire de l’économie marchande, ils ont un droit de tirage sur la production marchande par le biais de la cotisation, comme le fonctionnaire par le bais de l’impôt. Ils sont producteurs d’une valeur économique qui s’ajoute à celle du secteur marchand.

    Il n’y a donc aucun salaire différé mais un choix de société qui consiste à réserver une partie du PIB à des protections sociales dont le salarié sera bénéficiaire ou pas, cela dépend de ses besoins en matière de santé, chômage, etc. Il n’y a aucune équivalence entre les sommes versées et les droits ouverts à la Sécurité sociale. On ne peut donc parler de restitution des cotisations sous forme d’un « salaire indirect » (qui est donc aussi un terme impropre).

    La loi Macron s’attaque aux fondements de la Sécurité sociale car elle veut enterrer définitivement l’idée d’une société qui s’autofinancerait en se dispensant du capital. L’idée lui est insupportable puisque c’est la concrétisation même d’un modèle socialiste qui est contenue dans le modèle de la Sécurité sociale. Il faut donc pour Macron et les rénovateurs absolument fiscaliser les recettes de la Sécurité sociale. Avec lui, la protection sociale sera donc dépendante des revenus du travail et du capital en augmentant la CSG, taxe de surcroît injuste parce qu’elle n’est pas progressive. Quand bien même elle le deviendrait, il n’en reste pas moins qu’asseoir une partie des recettes de la Sécu sur la fiscalisation des dividendes et autres plus-values spéculatives, c’est détruire les fondements même de la Sécurité sociale.

    Parler de « revenus différés supportés par le capital », c’est permettre à un libéral comme Verhaeghe de s’étonner que la gestion du risque maladie ne procède pas majoritairement par une contribution des assurés. Les retraités ne doivent-ils pas payer leur couverture maladie, ce sont les plus malades ? On peut aussi étendre le raisonnement à la retraite (la retraite par point étant le stade ultime du renoncement aux principes fondateurs de la Sécu).

    Ce qui se joue ici, c’est beaucoup plus qu’un mode de financement, c’est la destruction d’une institution centrale du salariat et de son potentiel révolutionnaire. La France est championne du monde des cotisations patronales et doit le rester car c’est le meilleur moyen d’en finir avec le patronat.

    Amicalement,

    Frédéric Lutaud

  10. Dominique Babouot
    Posted 19 juin 2017 at 21:17 | Permalien

    @PICHn
    Le danger que vous dénoncez est bien réel effectivement.
    J’ai assisté à quelques réunions de la FI. Effectivement il s’agit d’un mouvement qui ne se veut pas un parti politique mais quelque chose dépassant le politique. Les insoumis veulent avoir une vision globale, avoir un projet politique mais aussi agir dans la société. Ce n’est pas étonnant, je dirai meme plus c’est naturel! C’est traditionnel à gauche, de tout temps, les militants politiques des partis de gauche ne se sont pas intéréssés qu’à la politique, à la relation au pouvoir et au prise de controle au travers des élections mais par une activité de lutte pour défendre des objectifs autrefois sociaux, et nouvellement écologistes. Les partis ouvriers ont toujours recommandé à leurs adhérents d’etre présents et actifs dans les syndicats et les associations mais en respectant l’indépendance réciproque de chacun des groupes. et aussi un dialogue une coopération entre associations, partis politiques et syndicats
    Dans le cas de la FI la situation est un peu particulière et comme il s’agit d’un mouvement, certains pourraient etre tentés de se substituer aux syndicats et aux associations, certains insoumis sont tentés par cette hypothèse d’autant plus qu’ils sont mécontents de l’action des syndicats ou des associations dont ils font partie(par ex moyens d’actions efficaces ou pas)

    La FI me fait penser à la CFDT des années 70 qui elle aussi débarquait ouvertement sur le terrain politique.

    Si le remplacement des partis politiques par la FI est tout à fait à l’ordre du jour, vu l’état de délabrement et d’incapacité à agir dans les quels ils se trouvent, il n’en ai absolument pas de meme des syndicats, surtout la cgt qui reste la première organisation syndicale et non soumise au système comme le sont les partis politiques.
    Les reproches qui lui sont fait quant à l’inaction sont injustifiés, de meme que pour qu’un parti politique ne peut exister que s’il est suivi par des militants des électeurs, un syndicat ne peut organiser l’action que si les salariés le désirent!
    Ceci dit je pense que si effectivement il y a à la Fi la tentation de se substituer aux syndicats, ce n’est pas le fait de Jean-Luc Mélenchon qui reste très prudent en la matière et entend bien se cantonner à son role à l’assemblée nationale en coordination avec son groupe parlementaire, il s’agit pour lui ni de provoquer, ni de diriger les luttes, encore moins de se substituer au mouvement social, je n’ai aucune crainte la dessus!

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