PS: le Titanic a sombré mais l’orchestre rose joue toujours dans la fosse…. par Jacky Paris

Nous avons connu en avril – juin 2017 un désastre électoral final sans précédent dans l’histoire du Parti socialiste, après avoir perdu sous le mandat présidentiel de François Hollande toutes les élections depuis les municipales de mars 2014. Le Parti est en voie de désintégration avec une hémorragie par milliers d’adhérents ayant, sur sa droite suivi leur penchant naturel vers le macronisme, ou renoncé à l’engagement militant devant les déceptions engendrées par la politique gouvernementale souvent perçue comme un reniement.
Mais nous ne sommes pas ici pour nous livrer maintenant à l’inventaire des fautes du quinquennat précédent qui nous conduisent aujourd’hui à s’interroger sur les conditions de notre survie politique, ce que « notre » direction collégiale provisoire exprime par « écrire une nouvelle page de l’histoire du socialisme démocratique » .
La maison socialiste a brûlé. Macron déroule les premières mesures-choc de sa politique anti-sociale : liquidation du droit du travail sur ordonnances, baisse des APL au mépris des plus faibles, remise en cause des emplois aidés au motif d’économies budgétaires, réduction supplémentaire de la « dépense publique » vers 60 milliards d’euros dont 13 au détriment des collectivités territoriales, en attendant les « réformes » à suivre : hausse de la CSG dont les retraités seront les premières victimes, restriction de l’assurance chômage, formation professionnelle rabougrie, individualisation des retraites, école à deux vitesses…
Pendant ce temps, « notre » direction qui a accompagné le naufrage des années Hollande s’investit sur son obsession récurrente: conserver le pouvoir à l’issue du prochain Congrès en février ou mars 2018, dans une organisation qu’elle a vidé de sa substance…
Car c’est bien là l’objet de la consultation des adhérents sur son « Projet de feuille de route de la refondation du Parti socialiste »… adopté le 4 septembre par le Bureau national : obtenir d’abord un OUI massif (en %…) et prévisible des militants qui restent aux questions posées dans la partie « Forums de la refondation : bilan, reconstruction, dépassement » en promettant des conventions « dès 2018 sur les enjeux identifiés », et donner ainsi l’image factice d’un Parti rassemblé …sur une méthodologie de diversion.
Quelles sont donc ces questions « de fond » :
• Quelles sont les valeurs et l’identité des socialistes ?
• Quel regard portez-vous sur la conquête et l’exercice du pouvoir ?
• Quels sont les grands défis pour la France et pour le Parti socialiste?
• Comment vois-tu notre pays dans 20 ans ?…
Pour ce qui est de la conquête et de l’exercice du pouvoir, la question n’est sans doute pas celle sur laquelle Léon Blum s’interrogeait avec pertinence en 1926, mais se réfère plus vraisemblablement au dernier exercice quinquennal, difficile à occulter si l’on prétend consulter les adhérents. Pour y répondre, il peut être utile de rappeler que sous le mandat de Martine Aubry, 1ère Secrétaire de novembre 2008 à septembre 2012, les socialistes avaient préparé la conquête des pouvoirs présidentiel et parlementaire en débattant et arrêtant leurs grandes orientations lors de 4 Conventions :
- Rénovation de la vie publique
- Pour un nouveau modèle de développement
- L’Europe et l’International
- Egalité réelle.
Cette réflexion collective d’ampleur avait conduit à l’adoption le 28 mai 2011 du projet socialiste « le changement », avec « 30 propositions pour redresser la France et rassembler les Français » dont notre candidat s’était plus ou moins inspiré pour retenir ses 60 engagements. Quant à la « qualité » de l’exercice du pouvoir par François Hollande après sa conquête, elle est encore dans toutes les mémoires, malheureusement pour longtemps…
Pour les autres questions, décidément, avec JC. Cambadélis ou ses petites mains d’aujourd’hui, tout change pour que rien ne change !
Souvenons nous, c’était pourtant hier :
- 30 mars 2014: le PS enregistre une défaite historique aux Municipales en perdant 155 villes de plus de 9000 habitants.
- 4 avril 2014: 82 parlementaires socialistes demandent un « Contrat de majorité » pour « obtenir une réorientation européenne mettant fin aux politiques d’austérité qui ont enfoncé l’Europe dans la récession, concentrer les moyens publics sur la création réelle d’emplois et ainsi intensifier le redressement productif, défendre des décisions de justice et de pouvoir d’achat, réaffirmer et amplifier les choix et les engagements de 2012 ».
- Pressentant à juste titre la fronde naissante (le 8 avril 2014, 11 députés socialistes s’abstiennent de voter la confiance au gouvernement Valls I ; ils seront 31 le 16 septembre 2014 à refuser à nouveau cette confiance au gouvernement Valls II) et la perspective d’un Congrès difficile au printemps 2015, JC. Cambadélis avance au Bureau national dès le 15 avril 2014 l’idée de l’organisation d’« Etats généraux des socialistes » pour «reformuler l’identité du Parti socialiste ». Le calendrier, la « démarche novatrice de débats, d’échanges et de co-production » définie dans la charte de participation sont adoptés, non pas par les militants comme aujourd’hui, mais par le Bureau national unanime du 8 juillet 2014.
En fait, pour comprendre le processus de refondation engagé en décembre 2017, rien de mieux que d’écouter l’infatué JC. Cambadélis lançant les débats sur « ses » Etats généraux par sa déclaration « Les militants ont la parole ! » à l’été 2014 : http://www.etats-generaux-des-socialistes.fr/etats-generaux
Au final, le 1er Secrétaire atteignait son premier objectif : alors que Manuel Valls présentait le projet de loi Macron pour la croissance et l’activité, « une loi de liberté et de progrès » selon le président de la République, qui allait notamment « déverrouiller les blocages » sur le travail du dimanche, le 3 décembre 2014 51 000 adhérents approuvaient à 78,4% d’entre eux la « Charte des socialistes pour le progrès humain ». Le texte entériné le 6 décembre 2014 définissait la « carte d’identité des socialistes » après qu’ils aient répondu sensiblement aux mêmes questions qui nous sont posées aujourd’hui, et qui feront l’objet du «lancement en décembre 2017 des conventions thématiques qui prolongeront le débat dans les mois suivants », en résumé (voir ci-dessus): « D’où venons nous ? Qui sommes nous ? Où allons nous ? ».
Mais pourquoi notre carte d’identité qui n’a pas trois ans serait-elle déjà périmée ?
Pourquoi « nos » analyses de la Charte de décembre 2014, condensées ci-dessous, seraient-elles très différentes de celles attendues à partir de décembre 2017?
- valeurs des socialistes : « Fidélité à ce qui est le cœur du socialisme » :
. Nous voulons l’émancipation.
. Nous chérissons la démocratie.
. Nous construisons l’égalité réelle.
. Nous croyons au progrès.
. Nous oeuvrons pour la justice sociale.
. Nous affirmons le primat du politique sur l’économisme.
. Nous avons l’énergie du collectif.
- les grands défis : « prendre la mesure de la crise »
. La planète atteint un point de non-retour écologique.
. Le capitalisme est devenu mondial et financier.
. Le nouveau monde est connecté et complexe, porteur d’espoirs et de convulsions.
. Le combat pour le progrès n’est plus séparable du débat sur ses limites.
. La fragmentation du salariat fragilise la social-démocratie traditionnelle.
. L’individualisme étend son empire.
. Les grands récits hérités du XIXe siècle sont brouillés.
. La démocratie est médiatique et numérique.
- « L’identité socialiste renouvelée est irremplaçable »
. Nous voulons bâtir un éco-socialisme.
. Nous voulons humaniser la mondialisation.
. Nous voulons bâtir une alter-Europe.
. Nous voulons l’éducation à tous les âges de la vie.
. Nous voulons une nouvelle croissance : productive, qualitative, coopérative.
. Nous voulons une puissance publique active.
. Nous voulons développer et moderniser l’Etat protecteur.
. Nous voulons une société du bien-vivre.
. Nous voulons la République toujours recommencée.
. Nous voulons la démocratie accomplie.
Gageons que sur le thème de la refondation, « notre » direction collégiale provisoire va trouver une plume aussi alerte que celle de Guillaume Bachelay – sinon la même -pour nous faire miroiter à nouveau, en des termes semblables, des lendemains qui chantent ( sans oser aller peut-être jusqu’à la promesse faite par JC. Cambadélis en décembre 2014, de 500 000 adhérents pour 2017…).
Après avoir tenté d’endiguer ainsi la fronde parlementaire, restait à ce dernier la gestion du Congrès de mai 2015. Il allait donner avec ses comparses la mesure de son talent pour franchir cet obstacle politique à leur bénéfice. Rien ne nous fut épargné dans sa motion du congrès de Poitiers quant à sa surenchère méprisable (avec la caution des proches de Martine Aubry) : promesses de la réorientation du Pacte de responsabilité, du refus de l’extension du travail du dimanche, de la sécurisation du contrat de travail des salariés « pour combattre la précarité qui les frappe » , de la mise en œuvre de la réforme fiscale promise par F. Hollande… tous engagements contredits dès juin par les décisions gouvernementales de Valls, Macron, Sapin. Peu importe, pour les faussaires de Poitiers l’objectif était atteint : la motion A rassemblant le magma majoritaire (« Le renouveau socialiste », non, ça ne s’invente pas…) obtenait 60% des suffrages quand 28,5% revenaient à la motion B (« A gauche pour gagner »).
Aujourd’hui, ceux-là mêmes qui ont discrédité le Parti redressent la tête,
- non pas pour s’interroger sur les raisons de l’échec du quinquennat à l’origine du rejet de notre organisation,
- non pas pour s’opposer clairement à la politique libérale de Macron, parce qu’elle prolonge celle de François Hollande qu’ils ont soutenue,
- non pas pour répondre à la question de la pertinence de notre stratégie du rassemblement à gauche pour la reconquête, dont ils ne veulent plus,
mais pour conserver en 2018 la main-mise sur l’outil qu’ils ont cassé en 5 ans .
A cet effet, l’objet essentiel de « la feuille de route de la refondation du PS » est perceptible entre ses lignes : c’est celui d’une « Convention sur les statuts finalisée par un vote des adhérents » en décembre. Son objet, par la réforme desdits statuts avant le congrès de février-mars 2018, est de supprimer la représentation des sensibilités à la proportionnelle des votes sur les motions d’orientation. Au prétexte que nous ne serions plus qu’une juxtaposition d’écuries, ceux là mêmes qui ont refusé d’organiser toute convention décisionnelle de réflexion et de débat depuis 5 ans veulent aujourd’hui parachever la liquidation d’un PS, parti de gauche.
Si nous avons, nous socialistes, la volonté d’engager un ultime débat de clarification politique, refusons de faire le jeu de la « gauche modernisatrice », comme dit Madame Touraine sur le retour, cette « gauche » qui prétend déjà relever la tête après avoir donné toute sa mesure depuis 2012 pour, au final, accoucher du macronisme.
Commençons, pour contribuer à la reconquête avec une gauche antilibérale sociale et démocratique, par dire NON à ceux qui failli.
                 25 septembre 2017                   Jacky PARIS

 

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