Au boulot

Température des locaux de travail : je me rappelle, jeune inspecteur du travail en agriculture, dans les Ardennes, en 1986, un accident du travail dans une scierie agricole, à Givet : c’était dans un grand auvent ouvert aux intempéries, l’employeur avait continué à faire travailler son salarié par moins 20° : deux doigts gelés. « Bah quoi, ici on ne s’arrête pas pour si peu ! ».

Grands froids : CALBERSON YVELINES situé à Trappes (78) avait été mis en demeure début 2017 d’installer un dispositif de chauffage collectif au sein de son entrepôt où travaillent notamment des caristes. L’établissement a osé former recours faisant valoir l’inapplicabilité de l’article R. 4223-13 dans la mesure où l’entrepôt, comportant une trentaine de rideaux métalliques fréquemment ouverts au niveau de ses quais de chargement, ne constitue pas un local fermé. Ces recours ont été rejetés :  l’inspectrice du travail va pouvoir enfin imposer sa mise en demeure.

Intoxication au monoxyde de carbone : deux salariés de la société de fabrication de vis et boulons MECANINDUS (78) en ont été victimes en raison d’une absence de captation à la source de deux fours de trempe très anciens Pourtant un plan d’actions avait été demandé dans le cadre d’une procédure d’arrêt d’activité (29 novembre 2017). L’entreprise avait proposé un plan prévoyant la réfection de joints et un dispositif de captage à la source. Après examen conjoint de ce plan avec l’ingénieur de prévention de la DIRECCTE et la CRAMIF, l’agent de contrôle a mis en demeure l’employeur de l’exécuter dans un délai de 6 semaines. 6 semaines c’est long et reste à ce que ça s’applique : car le plus souvent hélas, il faut obliger les entreprises et ne pas accepter « le laisser faire ».

Défaut de protection : La société POUGET, fabriquant des machines-outils à Stains (93) est depuis longtemps défavorablement connue pour de multiples accidents de travail graves causés par des défauts de protection et d’asservissement de machines dangereuses. Suite à un PV dressé en 2014, la société a enfin été condamnée (37 000 € d’amende) ainsi que son gérant (9 mois d’emprisonnement fermes, 3 600 € d’amende et interdiction de diriger une personne morale pendant 5 ans).

Risques psycho-sociaux : un salarié de l’agence MACIF d’Elancourt (78) a fait une tentative de suicide sur son lieu de travail, en s’entaillant les avant-bras. Il occupe le poste de conseiller après-vente, or une réorganisation au sein du groupe MACIF depuis janvier 2017 a entraîné la transformation des missions et des métiers, et notamment celui de conseiller en agence. La surcharge de travail des salariés et le sous-effectif de l’agence d’Elancourt ont été signalés ainsi que des questions de durée du travail.

Lutte contre la délinquance patronale

L’entreprise DELIVEROO FRANCE a été verbalisée pour dissimulation de salariés, par requalification de la relation de sous-traitance avec les livreurs sous statut de travailleurs indépendants. L’entreprise met en relation des clients souhaitant se faire livrer des repas à domicile avec des restaurants partenaires, et sous-traite intégralement la livraison des repas à des travailleurs indépendants. L’enquête, qui a duré une année, a révélé que tous les éléments constitutifs du lien de subordination juridique permanente entre DELIVEROO et les livreurs étaient réunis : les livreurs sont encadrés administrativement par DELIVEROO, qui adopte envers eux un fonctionnement de type salariat (validation de congés, établissement unilatéral des factures, gratifications et sanctions) et contrôle de façon permanente leur activité. L’infraction concerne 2 286 travailleurs pour la région parisienne. Une estimation de l’URSSAF chiffre un préjudice potentiel de cotisations de plus de 6 M€. Conjointement, un autre PV a été relevé pour recours abusif à des CDD. En effet, 81 salariés étaient en CDD, soit la moitié de l’effectif.

11 agents du Val de Marne ont contrôlé les conditions d’emploi des salariés des sous-traitants de l’entreprise de messagerie GLS à Vitry. Les colis sont centralisés à l’entrepôt, et l’acheminement vers le destinataire est intégralement sous-traité. 16 entreprises (le donneur d’ordre, 13 sous-traitants et 2 agences d’intérim) et 75 salariés ont été contrôlés, dont au moins 9 n’étaient pas déclarés du tout.

Un contrôle effectué à Domont (95) sur les chantiers de 4 opérations immobilières a mobilisé 9 agents de contrôle. Des manquements en matière de santé et sécurité ont été observés, ainsi que du travail dissimulé. Des employeurs créent des entreprises éphémères, immatriculées au RCS, qui embauchent directement des travailleurs étrangers. Dès qu’un contrôle est effectué l’entreprise est fermée et une autre entreprise suite à la lutte contre la fraude aux « travailleurs détachés ». Lesquels ont été recalculés comme étant au nombre de 516 000 dans le pays ! C’est dire si Macron n’a rien fait à ce sujet malgré sa frime de l’automne 2017.

Saisie par une personne demandeuse d’emploi, l’inspection du travail du Val d’Oise a constaté une forme « d’arnaque à l‘emploi ». Cette personne domiciliée dans le Cher avait déposé son CV sur le site de POLE EMPLOI. Contactée par un employeur lui proposant un poste de chauffeur privé, elle a signé un CDD portant la mention « conclu à New York » avec l’entreprise TOP PIZZA à Saint-Ouen l’Aumône. Elle a envoyé sa pièce d’identité et son permis de conduire ainsi que deux coupons Transcash de 50 €. Destinataire d’un chèque de 1 500 euros, il lui a été demandé de retirer l’équivalent de cette somme en liquide pour la remettre à un intermédiaire, en vue de la livraison d’un véhicule à son domicile. Méfiante, elle a saisi l’inspection du travail du Cher !

Chutes mortelles

Ce sont des données peu connues qui font froid dans le dos. Toutes les quinze secondes, dans le monde, un travailleur meurt d’un accident ou d’une maladie liée à son emploi, selon les chiffres de l’Organisation internationale du travail (OIT). Toutes les 15 secondes, 153 personnes sont victimes d’un accident lié à leur activité. Au total, 6 300 personnes par jour, soit 2,3 millions par an, décèdent à cause de leur travail.

Un double accident mortel a eu lieu sur un chantier de réhabilitation à Paris. Le responsable de l’entreprise MPM (92 Gennevilliers) travaillait à la déconstruction d’un toit avec deux de ses salariés. Ils ont fait une chute de 15 m en déposant la charpente. Deux sont décédés, la 3ème victime est gravement blessée. L’enquête révèle une absence de méthode dans le plan de sécurité et de protection contre les chutes de hauteur.

Sur un chantier de rénovation à Varreddes (77), le co-gérant de l’entreprise RODRIGUES LEMOS (77 Ocquerre) travaillait sur le toit d’un petit hangar quand il a chuté à travers le faux plafond, faisant une chute mortelle de 5 m sur la dalle en béton en contrebas. Aucun dispositif de protection contre les chutes de hauteur n’était prévu.

En France, si la première cause d’accident du travail est la manutention manuelle (52 % des accidents avec arrêt), elle est suivie des chutes de hauteur (17%), responsables de 25 % des invalides de la branche, principale cause de décès dans le BTP. Plus de 10 % des accidents du travail sont dus aux chutes de hauteur : 3e cause d’accidents du travail avec ou sans incapacité permanente, 2e source de journées de travail perdues par incapacité temporaire.

Le BTP représente près d’un quart du total des arrêts de travail, un tiers des cas d’incapacité permanente, et plus de la moitié des décès par chute de hauteur : entre 2010 et 2014, le seul secteur du BTP a été à l’origine de 1 008 décès. Les chutes de hauteur dans la seule année 2012 avaient entraîné :

  • 52 décès
  • 71 925 accidents du travail avec arrêt de travail, soit 11,2 % des accidents du travail
  • Plus de 6 millions de journées de travail perdues
  • 6 239 incapacités de travail avec invalidité permanente

Les accidents sont majoritairement de 3 types :

  • Chute à travers un toit dont le matériau est fragile.
  • Chute dans le vide sur les extérieurs.
  • Chute dans un trou/trémie fenêtre, ou dans un  escalier

Les principales causes des chutes de hauteur sont :

  • L’absence de protections collectives (échafaudages, plateformes sans garde-corps)
  • L’absence de protections individuelles (harnais antichute).
  • Un dispositif défectueux ou mal utilisé (point d’ancrage non conforme par exemple).

Enfin, 47% des intérimaires ayant eu un accident grave en 2014 travaillaient dans le BTP. Signalons qu’en Allemagne l’intérim est interdit dans le bâtiment. Et puis on peut vaincre Macron et réimposer des CHSCT.

Gérard Filoche

 

lire chaque semaine dans l’excellent magazine l’Humanité dimanche, la chronique, « au boulot » n° 378, 379, 380

 

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