Au boulot n°492 Humanite-Dimanche chronique 10°année « Déjouer les pièges du télétravail »

 

Le « télétravail » est donc passé de 7 à 30 % des salariés. 8,3 millions ! Retour du boulot à domicile 150 ans après.

Cela semble être une aspiration. C’est surtout une contrainte majeure à cause de l’éloignement entre domicile et travail et des risques du transport à cause des virus. Et de réalités annexes : accélération de la vie, travail des deux parents ou des mères élevant seules leurs enfants.

À bien y regarder, les possibilités « nouvelles » de travailler à distance, ne le sont pas tant que ça. Avant de mettre les pieds dans les usines, les femmes travaillaient souvent à la pièce, en assemblage. Cette forme de travail à domicile perdure encore, très mal rémunéré et exigeant des amplitudes horaires souvent très larges. Les femmes travaillent le soir quand les enfants sont couchés. La famille aide à la mise en boite de parfums, bijoux ou à la finition de sacs, cravates ou blousons, le week-end, pour venir au bout de la commande. Ce travail à domicile est précaire et peu qualifié.

La nouveauté est l’aspiration de salariés qualifiéssur ordinateurs pour le travail à domicile. C’est pratique pour amener les enfants à l’école, faire les courses sur la pause de midi, finir un diaporama qu’on doit envoyer le lendemain. Et c’est pratique de ne pas passer deux heures dans les embouteillages ou les transports en commun. Et on économise des pleins d’essence.

Avant, on disait « aller au travail ». Rupture entre lieu privé et lieu professionnel : ça avait du sens. On se rendait dans un lieu imaginé spécifiquement pour effectuer des tâches calculées en heures contre rémunération. C’était le deal. On prenait la liste de choses à faire, notait les consignes du chef « N+1 », cela se faisait en intégrant une communauté. À la pause café ou déjeuner, le collectif discutait et s’organisait. Ça causait des congés, du carnet de commandes, ça critiquait la hiérarchie. Ça créait une force. Un petit contre-pouvoir. Parfois organisé autour de syndicats. Des délégués. La force des salariés, c’est leur nombre. Une réunion d’équipe, c’est du partage. Même quand on n’a pas le choix ni le droit, on parvient à exprimer un désaccord, une réserve. Parce qu’il y a unité de lieu de travail.

Mais depuis cinq semaines, ça télé-travaille de bric et de broc partout à domicile dans des conditions non prévues dans le code du travail. Ça travaille sur du matériel personnel inadéquat y compris le fauteuil où on est assis 8 h par jour. Effets pervers. D’abord, l’isolement qui en découle. Surtout, les difficultés de contrôle du temps de travail.

Exigeons une loi : les horaires de travail doivent être strictement encadrés, en dissociant le temps personnel du temps professionnel, en coupant les accès distants à partir d’une certaine heure et en ne rouvrant les accès que le matin, tout comme on limitait l’accès à un bâtiment de travail

Gérard Filoche

 

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