Ça n’a pas commencé le 7 octobre. C’est une guerre coloniale depuis 75 ans

 

Le 7 octobre c’est une irruption sauvage, brutale, pour terroriser la partie du peuple israélien qui se trouve à portée des murailles de fer qui enferment Gaza depuis près de 20 ans. Les commandos terroristes du Hamas qui n’ont reculé devant aucune horreur, ont tué des civils, et cruellement des femmes et des enfants, ont kidnappé plus de 200 otages, pour frapper l’opinion d’Israël et du monde entier. Ils ne s’en sont pas seulement pris aux militaires mais délibérément à tous les israéliens citoyens de tous âges y compris aux centaines de jeunes qui dansaient dans une rave-party. L’ampleur du massacre qu’ils ont perpétré (1200 morts) avait pour but de briser toute paix et de provoquer de façon irréversible le retour spectaculaire de la question des droits légitimes du peuple palestinien ! L’ampleur de la condamnation que cela suscite et mérite, l’indignation humaniste considérable que cela provoque, en Israël même et dans le monde, isole les buts recherchés par les commandos du Hamas et Netanyahu s’est donné pour objectif de « raser Gaza ».

Le paradoxe est que ces terroristes se paraient d’une cause populaire et légitime qui est fondée depuis plus de 75 ans.

Ce qui a explosé le 7 octobre 2023 vient de loin et c’est le dernier né (en 1987) des mouvements successifs qui se sont réclamés des droits du peuple Palestinien qui l’a provoqué : et comme il était de l’extrême droite la plus fanatique, la plus religieuse, la plus violente, il a imposé un pogrom, avec des moyens d’action terrifiants. Cela ne peut s’expliquer que parce que le peuple de Gaza subissait un blocus féroce depuis plus de 25 ans, il n’avait aucun contrôle sur son eau, ni sur son air, ni sur sa mer, ni sa nourriture, ni sur son énergie, ni sur son travail, ni sur sa circulation. Aucune liberté : 2, 5 millions de Gazaouis, dont la moitié d’enfants, étaient étouffés dans des zones tampon, avec un no man’s land de 100 à 300 m, des doubles barrières reliées à de systèmes d’armement, des murs en béton et des métalliques souterrains, des miradors, des drones et capteurs, des double tours d’observation, des checks point interminables et humiliants, un nombre de camions insuffisants d’approvisionnement limités et inspectés chaque jour ; tout cela faisait de Gaza « une cocotte-minute explosive » (Michael Warcharski). Ceux qui avaient imposé une telle prison à ciel ouvert ne pouvaient ignorer qu’elle allait exploser, pire ils ont financé le Hamas, l’aidant et le « préférant » aux mouvements de libération palestiniens laïque comme l’OLP, le Fatah.

Netanyahu savait-il ? De nombreuses sources disent que oui. L’ancien Premier ministre israélien Yaïr Lapid, dans un tweet publié le dimanche 29 octobre, affirme avoir averti Netanyahou dès le 20 septembre de l’imminence d’une attaque. Les services Egyptiens aussi. Comment avec tous leurs drones et moyens de contrôle de Gaza la préparation d‘une attaque aussi massive que celle du Hamas a-t-elle pu échapper à Netanyahu à moins qu’il n’ait préféré ne pas protéger sa population israélienne du sud, car il était davantage motivé, avec son gouvernement d’extrême droite les colons et les soldats, par le souci de chasser tous les palestiniens de Cisjordanie au nom de de son ambitieux « Grand Israël ». L’épuration ethnique était l’œuvre principale de sa politique et force est de constater que le 7 octobre lui en donne l’occasion. En Cisjordanie depuis le 1er janvier 2023, 243 Palestiniens avaient été tués dans des opérations illégales d’expulsion.

Au total, selon l’ONU, de 2008 à 2020 dans ce genre d’opérations elles aussi terroristes mais israéliennes (condamnées par l’ONU à plusieurs reprises) il y a eu 2781 tués côté palestinien contre 61 israéliens tués.

L’Autorité Palestinienne élue en Cisjordanie était affaiblie et discréditée par ses compromis et son impuissance à résister aux brutalités des colons et des militaires de Netanyahu. Elle, qui ne pratiquait pas le terrorisme, voyait la haine de son peuple monter naturellement contre les spoliateurs occupants et contre les 720 kilomètres de « Murs » – des portions en béton de 9 m de haut – encerclant depuis 20 ans la Cisjordanie sous l’œil vigilant de la technologie de surveillance israélienne. Comme disait John Kennedy : « à vouloir étouffer les révolutions pacifiques on rend inévitable les révolutions violentes ».

C’est donc le Hamas pourtant non réélu depuis 2006, et sans doute minoritaire dans la population de Gaza selon tous les observateurs, qui a pris le dessus et imposé son programme et ses méthodes. Netanyahu l’a considérablement aidé : dès 2019 il déclarait « Quiconque veut contrecarrer la création d’un État palestinien doit soutenir le renforcement du Hamas, et transférer de l’argent au Hamas. Cela fait partie de notre stratégie ». Tout est dit là : l’extrême-droite nationaliste religieuse fanatique suprématiste raciste et sexiste autour de Netanyahu a choisi son ennemi, celui qui s’est retourné contre elle le 7 octobre.

Hamas contre Netanyahu c’est extrême droite contre extrême droite, les deux peuples sont livrés à leurs pires défenseurs.

La Charte du Hamas, refuse toute négociation et refuse deux états, elle fanatise et écrase tous les opposants.

Netanyahu prétend qu’il mène une « guerre de civilisation », une « guerre de la lumière contre les ténèbres » « qu’Israël a le droit de se défendre » en massacrant, pas seulement le Hamas, mais des milliers de palestiniens !

Mais ce n’est pas une guerre de civilisation ni de religion, encore moins une guerre pour les lumières contre les ténèbres, c’est un habillage qui est donné à une atroce et durable guerre bassement matérielle de conquêtes de terres et de biens.

Les barbares sont en compétition horrible des deux côtés : Yoav Gallant ministre de la défense israélien le crie : « Il n’y aura ni électricité ni nourriture, ni carburant, nous combattons des animaux nous agissons en conséquence » (9 octobre 2023). Ce n’est pas le seul Hamas qui est visé : « Nous sommes en train d’envoyer plusieurs centaines de bombes sur Gaza. L’accent est mis sur la destruction pas sur la précision » selon Daniel Hagari (porte-parole de l’armée israélienne le 10 octobre 2023) (tant pis pour les otages israéliens). « « Il n’y a pas de population à Gaza il y a 2,5 millions de terroristes » Eliyahu Yossian officier israélien « Lancez les missiles Jéricho, c’est mon avis. Écrasez et rasez Gaza sans pitié. N’attendez pas » selon une des dirigeantes du Likoud, Tally Gotliv (9 octobre 2023). « Nous allons faire de Gaza un champ de ruines » selon Benjamin Netanyahu le 8 octobre 2023. L’épuration ethnique est défendue explicitement : « Le nord de Gaza est plus beau que jamais ! tout faire pour exploser et tout aplatir est un régal pour les yeux. Nous allons distribuer des parcelles à tous ceux qui se sont battus pour Gaza » ose déclarer Amichai Eliyahu, ministre israélien du patrimoine en exercice.

Et pendant que Gaza est rasé en dépit de l’indignation de la planète entière (nonobstant le refus de Joe Biden d’appeler au cessez le feu, et les circonvolutions tardives de Macron), en Cisjordanie, les colons en profitent jour et nuit pour attaquer et piller les palestiniens, voler leurs terres et maisons, boucher leurs puits, tuer sans pitié tous ceux qui se défendent. En quelques jours, en aidant les colons, les soldats de Netanyahu emprisonnent plus de 1000 cisjordaniens qui vont croupir en prison aux côtés des 4500 autres prisonniers politiques dans les geôles israéliennes.

Tout cela ce sont les derniers épisodes d’une longue guerre coloniale !

Le 7 octobre c’était un moment où la question palestinienne paraissait fragilisée aux yeux de tous ceux qui voulaient l’enterrer. Les 15 millions de palestiniens étant soit exilés, soit privés de droits, soit en passe de l’être, les états arabes ayant quasiment tous, lâchement, abandonné leur cause, des « accords d’Abraham » allaient être signés et étendus pour entériner cette tragédie.

Les « accords d’Abraham » tirent leur nom du prophète des trois religions monothéistes, juive, chrétienne et musulmane, ayant pour berceau la région de Jérusalem. Ces traités, signés en septembre 2020 à l’initiative de l’administration Trump, ont accéléré un réalignement géopolitique dans le dos des Palestiniens. Le 15 septembre 2020, les Émirats arabes unis, Bahreïn et Israël signaient à Washington des traités de paix suivis par le Maroc et le Soudan. C’était un « tournant de l’histoire », d’après Netanyahou toujours soucieux de contrecarrer la reconnaissance d’un État palestinien dont il ne veut à aucun prix. À mi-2019, 138 pays sur 193 États de l’ONU reconnaissaient l’État palestinien soit la presque totalité des États africains, asiatiques, sud et Centro-Américains, de l’ancienne URSS et de l’Europe de l’Est. En revanche, les « puissances occidentales », dont les US, la GB, la France (excepté la Suède en UE) la Corée, le Japon, l’Australie, la Nouvelle Zélande ne reconnaissent pas l’État Palestinien et c’est toujours un grand enjeu politique et économique.

Il y a 9,3 millions d’israéliens. Comment un grand peuple de 15 millions de Palestiniens (3,5 en Cisjordanie, 2,3 à Gaza, 1,7 en Israël, plus de 7,5 millions de réfugiés essentiellement dans les pays arabes, dont 2,5 millions en Jordanie, 500 000 au Liban, encore des centaines de mille en Syrie etc.) peut-il être rayé de la carte, oublié, étouffé, enfermé dans des murs, spolié de ses terres et de ses maisons ? Aucune guerre ni manoeuvre diplomatique n’y est parvenu depuis 75 ans et, même inspirée d’Abraham, n’y parviendra.

C’est ce que l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023 a rappelé brutalement au monde entier.

Il n’y a aucun enjeu de discussion sérieuse sur le mot « terrorisme ». Comme l’écrit Marc Semo dans le Monde du 18 octobre 2023 : « Il n’y a pas un terrorisme mais des terrorismes, différents dans leurs modes d’action comme dans leurs objectifs. Même au pluriel, le terrorisme reste difficile à définir tant le mot est polysémique. Le terrorisme peut être un acte individuel au prix du sacrifice de sa propre vie, comme celui des anarchistes du XIXe siècle. Ou l’acte de résistance du colonisé, exemple de dissuasion du faible au fort. Ou encore une action spectaculaire de terreur de masse, tels les attentats du 11-Septembre à New York. Le terrorisme peut être d’extrême droite comme d’extrême gauche. On peut tuer au nom de Dieu. Mais le « terroriste », c’est aussi celui dont on veut délégitimer le combat. Ainsi, il n’a jamais été possible à l’ONU ni à la Cour pénale internationale de se mettre d’accord sur une définition précise, et surtout acceptée par tous, du terrorisme. ». Le « terrorisme » n’ayant pas de définition juridique internationale, à quoi bon mener une guerre sémantique à son sujet ? C’est politique. Lénine et Trotski combattaient le terrorisme comme un moyen qui échouait en nuisant à la fin poursuivie. La Résistance française contre les nazis usait de terrorisme. Manouchian fut traité de terroriste et Macron accepte qu’il soit bientôt au Panthéon, c’est une question d’histoire, de peuple et de classe, d’appréciation et de reconnaissance politique. Mandela fut terroriste. Castro et Chavez furent terroristes. Le Fatah de Yasser Arafat fut terroriste et nia l’existence d’Israël avant de le reconnaitre à travers les « accords d’Oslo » (sans imposer l’inverse hélas et le négociateur israélien Premier ministre israélien Yitzhak Rabin fut assassiné le 4 novembre 1995 par le terroriste Yigal Amir au nom de ceux qui voulait l’empêcher). Le FLN algérien fut terroriste et libéra l’Algérie. L’IRA, l’ETA furent terroristes, mais comme le FLN payèrent un prix fort dans les opinions quand ils déposèrent des bombes contre les civils dans les grands magasins de Paris, Londres ou Barcelone. Nier que l’attaque du Hamas du 7 octobre était terroriste n’a aucun sens et ce fut pure folie de diviser la gauche en France sur ce mot (alors que l’enjeu était, après avoir condamné le pogrom du 7 octobre, dès le 8 octobre de construire un grand mouvement unitaire anti guerre contre la destruction de Gaza par… le terroriste Netanyahu).

Rebondissement tragique.

La Palestine n’est pas « juive » ni une « terre promise » depuis 3000 ou 30 000 ans selon les délires ésotériques de certains illuminés. En 1900, il n’y avait que 20 000 juifs, juste après que les Britanniques aient signé une lettre ouverte (de 67 mots, datée du 2 novembre 1917) en faveur de l’établissement en Palestine d’un projet présenté comme « un foyer national pour le peuple juif ».  Comme le disait Churchill c’était fait pour assurer aux Alliés l’appui de la communauté juive dans la grande guerre en cours : « La Déclaration Balfour ne doit pas être regardée comme une promesse faite pour des motifs sentimentaux, c’était une mesure pratique prise dans l’intérêt d’une cause commune à un moment où cette cause ne pouvait se permettre de négliger aucun facteur d’assistance matérielle ou morale »

Suite à ça, le nombre de juifs en Palestine passe tout juste à 83 000 en 1923. L’Agence Juive collecte des fonds dans le monde entier pour acheter des terres, vendues ensuite aux colons juifs sous condition d’embaucher une main d’œuvre juive. 90 % des fonds proviennent des pays anglosaxons ; 90 % des colons viennent d’Europe de l’Est. Sous le mandat britannique (1922/1947) l’Agence juive gère ses propres hôpitaux ses services sociaux, ses écoles son service de renseignement. Cette première colonisation rencontre l’hostilité des populations arabes de Palestine : les années 30 connaîtront de nombreuses révoltes palestiniennes durement réprimées par l’occupant anglais.

La Shoah a vu l’extermination de 5 à 6 millions de juifs. L’émotion et la compassion envers les Juifs rescapés des camps est immense. Dès 1944 les vainqueurs de la guerre (USA, Grande Bretagne, Union Soviétique, la France) choisissent de promouvoir la création d’un état Juif en Palestine.

C’est donc après la seconde guerre mondiale, et par les effets induits de la Shoah qu’un mouvement plus ample se produit et les juifs en 1948 deviennent alors 650 000 soit 40% de la population. C’est alors que par le terrorisme, différentes milices juives comme l’Irgoun, la Haganah, le groupe Stern vont chasser les palestiniens de leurs terres, si bien qu’au moment de la résolution du conseil de sécurité de l’ONU du 29 novembre 1947, les juifs qui possédaient environ 4 % des terres en revendiquent et obtiennent 54 % de la Palestine. 1 000 000 d’arabes 60 % de la population n’en reçoivent que 46 % et 400 000 sont poussés à l’exil dans des camps de toiles ce qui va initier un cycle durable de conflits et de guerres pendant des décennies.

Vu l’exode forcé des palestiniens qui affecte chacun des pays voisins et les réactions hostiles compréhensibles des populations arabes à la spoliation des terres le vote de l’ONU est obtenu par 33 pour mais 13 contre et ce sont tous les pays arabes.

Les organisations juives ultras ne sont pas non plus satisfaites de la répartition : les États arabes abritent 1 % de juifs et l’État juif abrite 42 % de Palestiniens : encore trop nombreux selon les dirigeants sionistes. D’où le fait que les actions armées terroristes des milices juives vont encore expulser massivement Le 1er Juin 48 lorsqu’Israël est créé, 400 000 Palestiniens ont déjà fui. Israël ne déclare aucune frontière (pas plus aujourd’hui) et continue les expulsions : c’est en réaction à ça que la première guerre éclate avec l’Égypte la Syrie la Jordanie l’Irak.

Israël aidé par l’argent et les armes US l’emporte. Profitant de la défaite arabe, Israël étend le territoire juif de 54 % à 78% des terres. Des armistices sont signés avec l’Égypte qui gouverne Gaza et la Jordanie qui annexe la Cisjordanie et Jérusalem Est. 400 villages arabes sont rasés et n’existent plus sur les cartes. Sur leurs ruines on assiste à la construction de nouvelles villes et villages Juifs. Ça se conclue avec l’expulsion au total de 800 000 palestiniens de leurs terres (la Nakba, la catastrophe) qui deviendront des réfugiés dans les pays voisins habitants dans des camps provisoires. Seuls 130 000 palestiniens restent sur le territoire d’Israël

Résolution 181 (29 novembre 1947). Adoption du plan de partage : la Palestine est divisée en deux États indépendants, l’un arabe, l’autre juif, et Jérusalem est placée sous administration des Nations unies.

Résolution 194 (11 décembre 1948). Les réfugiés qui le souhaitent doivent pouvoir « rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et vivre en paix avec leurs voisins » ; les autres doivent être indemnisés de leurs biens « à titre de compensation ». Création de la commission de conciliation des Nations unies pour la Palestine.

La guerre des Six Jours du 5 au 10 juin 1967 a opposé Israél à l’Égypte, la Jordanie et la Syrie. Cette guerre fut déclenchée par Israël en réaction aux mouvements de troupes égyptiennes et à la suite du blocus du détroit de Tiran aux navires israéliens par l’Égypte le 23 mai 1967. Avec une armée, une aviation, des chars, l’aide des US, Israël l’emporta triomphalement et élargit son occupation sur la bande de Gaza, la péninsule du Sinaï, le plateau de Dolan, la Cisjordanie et Jérusalem-Est.

La résolution de l’ONU 242 (novembre 1967) demande le retrait des forces armées israélienne des territoires occupés, au contraire Israël développe la construction de colonies.

Résolution 252 (21 mai 1968) : Le Conseil de sécurité déclare « non valides » les mesures prises par Israël, y compris l’«expropriation de terres et de biens immobiliers », qui visent à « modifier le statut de Jérusalem », et demande à celui-ci de s’abstenir de prendre de telles mesures.

Résolution 267 (3 juillet 1969). Le Conseil de sécurité censure « toutes les mesures prises [par Israël] pour modifier le statut

Ce qui débouche sur la guerre du Kippour : le 6 octobre 1973, l’armée égyptienne franchit le canal de Suez à la faveur de la fête juive du Yom Kippour, le Grand Pardon, pendant laquelle se recueillent beaucoup d’Israéliens. L’Égypte est rapidement défaite par la puissance de l’armée israélienne :  d’où la

Résolution ONU 340 (25 octobre 1973). « A la suite de la guerre de Ramadan ou de Kippour, création de la deuxième Force d’urgence des Nations unies (FUNU-II) qui vise à « superviser le cessez-le-feu entre les forces égyptiennes et israéliennes » et à assurer le « redéploiement » de ces mêmes forces ».

Résolution de l’ONU 446 mars 79 : « Le Conseil de Sécurité de l’ONU exige l’arrêt des pratiques israéliennes visant à établir des colonies de peuplement dans les territoires occupés et déclare aucune validité en droit. »

La lutte contre l’implantation des colonies et contre l’occupation militaire devient à partir de là, le centre de la lutte des Palestiniens organisée par le Fatah et l’OLP. Jusqu’en 1959 les palestiniens sont subordonnés aux dirigeants arabes des pays voisins. Ce sont eux qui parlent en leur nom. Le Fatah (Conquête) est fondé en 1959 par des militants palestiniens autour de Yasser Arafat : en 1966 on assiste à la création de l’OLP avec d’autres organisations laïques (FDLP, FPLP) se réclamant du marxisme. Le Fatah et l’OLP mènent la lutte armée avec un objectif clair : « le Fatah vise à l’établissement d’un état unitaire, démocratique et non sectaire où toutes les personnes et groupes auront des droits et des obligations égales indépendamment de la race, de la couleur et de la croyance. ». Plus loin il est dit « Le Fatah n’a pas l’intention de résoudre le problème palestinien en créant un « problème juif » Mais il ne peut pas voir la paix réalisée aux dépends des Palestiniens. En 1988 le Fatha abandonne la solution à 1 état, laïque et binational, reconnait l’existence de l’État d’Israël, et négocie une « solution à 2 états » que les Israéliens ne voudront jamais accepter en pratique jusqu’à aujourd’hui. En 1988 l’OLP proclame l’État de Palestine qui est reconnu par 89 États. L’OLP obtient un siège à l’ONU en tant qu’observateur permanent sous le nom de « Palestine ».

De 1987 à 1989 c’est la 1ère intifada : un soulèvement généralisé dans les territoires occupés. En 2000, la deuxième Intifada.

Entre deux Intifada, les négociations s’engagent et deviennent officielles après l’arrivée en 1992 d’un gouvernement de gauche en Israël avec Yitzhak Rabin. Les « accords d’Oslo » sont alors conclus en 1993 et constituent le premier vrai processus de paix avancé avec promesse de reconnaissance mutuelle et l’objectif de 2 états ayant droit de vivre en paix et sécurité En réaction, l’Autorité Palestinienne basée en Cisjordanie et Gaza organise des élections d’un Parlement Palestinien. Transitoirement la Cisjordanie est découpée en 3 zones :

-       18 % dans la Zone A les villes palestiniennes sous contrôle de l’Autorité Palestinienne

-       22 % dans la Zone B les villages sous contrôle conjoint armée israélienne et Autorité Palestinienne

-       60 % dans la Zone C sous contrôle total d’Israël

Dans les accords d’Oslo était prévue une période de 6 ans jusqu’à des négociations finales en 1999. Mais en 1995 l’assassinat de Rabin met un coup d’arrêt à ce processus de paix. D’autant qu’en 1996 Netanyahu arrive au pouvoir pour la première fois et annule la décision prise sous Rabin d’empêcher le développement des colonies. La confiscation des terres et la colonisation reprennent en force, supervisées par le gouvernement israélien.

A partir de 2000 il n’y a plus de négociations de paix : en 2011 il y a bien demande d’adhésion de l’État de Palestine à l’ONU : l’assemblée générale vote pour mais les USA mettent leur véto.

Cela conduit à fermer toutes les voies aux Palestiniens, leurs terres continuent d’être grignotées illégalement, violemment, en dépit des résolutions de l’ONU. Netanyahu étouffe une à une toutes les chances de paix et de justice.

Cela débouche sur la situation d’aujourd’hui : dans le monde il y a 16 millions de Juifs (43% en Israël) et 15 millions de Palestiniens dont 7 500 000 de réfugiés. Sur le territoire de la Palestine historique : il y a 7 millions de juifs et 6,5 millions de Palestiniens. La répartition en Israël est de 9 200 000 habitants dont 21 % arabes palestiniens qui ont le passeport Israélien et la citoyenneté (ils participent aux élections) 7 000 000 de juifs et 2 000 000 de Palestiniens (85 % de musulmans)

À Gaza il y a 2 300 000 Palestiniens (dont 1,5 millions de réfugiés !) et en Cisjordanie ils sont 3 500 000.

La situation des réfugiés palestiniens est catastrophique : ils étaient 700 000 exilés en 1948/49, en 2021 ils sont 5,7 millions !

Il y a 2,3 millions de réfugiés (sur 10 millions d’habitants) en Jordanie dont 400 000 sont répartis dans 10 camps même si la plupart ont la nationalité jordanienne. Au Liban ils sont 480 000 et vivent dans 12 camps mais n’ont pas l’autorisation d’exercer certains métiers et la Fonction Publique leur est interdite. En Syrie : il y a 12 camps avec 560 000 palestiniens ils ont les mêmes droits mais sont 82 % en dessous du seuil de pauvreté.  En Cisjordanie : 880 000 déplacés de 1948, vivant dans 19 camps.

La colonisation de la Cisjordanie se fait impitoyablement et de façon terroriste : il y avait 17 colonies israéliennes en 1973, 36 en 1977, 150 aujourd’hui. En 1967 il y avait 2 000 Juifs en Cisjordanie, 100 000 colons en 1992 et 700 000 aujourd’hui (autorisés au port d’arme). Les Israéliens sous Ariel Sharon ont construit 712 km de murs de 9 mètres de haut pour découper et contrôler le territoire avec 570 « check-point » humiliants à franchir pour les palestiniens qui sont théoriquement sur leurs terres. A cela s’est ajouté le féroce blocus de Gaza et une Annexion de Jérusalem-Est (considérée comme leur capitale par les Palestiniens)

Du côté Palestinien de 1965 aux années 2000 l’OLP est le représentant incontesté du peuple palestinien avec à sa tête le Fatah et Yasser Arafat qui négocie les accords d’Oslo en 1992.  C’est à partir de 1987 que l’OLP qui s’oriente vers la reconnaissance d’Israël est contesté par le Hamas fondé en 1987 pendant la 1ère intifada. C’est le bras politique et le bras armé des frères musulmans qui compte aujourd’hui près de 30 000 combattants. C’est le « Mouvement de la Résistance Islamique ». Sa charte de 1988 appelle à la destruction d’Israël et vise à l’instauration d’un état islamique dans tout le territoire de la Palestine du mandat britannique. Cette première charte est ouvertement antisémite : « les juifs à la mer ». Elle est modérée en 2017 : elle dit que le combat n’est pas contre les juifs mais contre les sionistes et envisage une première étape : un État palestinien dans les frontières de 1967 mais elle ne reconnait toujours pas l’État d’Israël. Certains observateurs considèrent cette modification comme une sorte de plan marketing sans vrai changement d’orientation. Les caractéristiques de l’attaque du 7 Octobre confirme ce point de vue.

Le Hamas refuse le processus de paix et accords d’Oslo que l’OLP voulait et que les assassins de Rabin puis Netanyahu ont fait capoter. Le Hamas ne se présente pas aux élections palestiniennes de 1996, mais il participe à celles de 2006 qu’il emporte avec 43% des voix.  Il y a eu 2 élections au Conseil Législatif Palestinien : en 1996, le Fatha obtient 68 des 88 sièges. En 2006, sur 1 300 000 inscrits pour 132 sièges, le Hamas obtient 430 000 voix 43 % soit 74 sièges, le Fatah 403 000 voix soit 45 sièges, le FPLP  41 000 voix Le Hamas obtient à Gaza 48, 27 %. Il obtiendra le 1er ministre pour l’Autorité Palestinienne mais très vite un conflit violent s’ouvre entre le Fatha et le Hamas. Le 1er ministre Hamas est limogé en 2007. En 2007 le Hamas s’installe au pouvoir à Gaza par les armes en expulsant les représentants du Fatha (avec la bienveillance d’Israél). A partir de là, les élections prévues en 2021 sont reportées sine die parce qu’Israél refuse que les habitants de Jérusalem-Est puissent voter.

Discrédit du Fatha : émergence d’une alternative démocratique et laïque

En 1993 l’OLP et le Fatah se confondaient encore avec l’Autorité palestinienne. En 1996 elle gagne les premières élections mais se discrédite à cause de la corruption généralisée de ses dirigeants (dont beaucoup sont des ressortissants palestiniens émigrés aux USA de retour au pays sans avoir participé aux luttes). L’Autorité Palestinienne de Mahmoud Abbas en particulier se discrédite d’autant plus que les accords d’Oslo confient des pouvoirs de police conjoints à l’autorité palestinienne et à Israël et son armée dans la zone B (22 % de la Cisjordanie comprenant des petites villes, les villages et les camps de réfugiés). Cette collaboration avec l’occupant Israélien mine son prestige. Depuis la 2ème intifada une nouvelle génération commence à émerger autour de la figure de Marwan Barghouti mais celui-ci est emprisonné en Israël (avec 4500 autres prisonniers politiques !) à partir de 2002 : il fonde un nouveau parti en vue des élections prévues en 2021 « Liberté », les sondages lui donnent environ 30 % des intentions de vote et il serait vainqueur des élections présidentielles (prévues la même année) contre Mahmoud Abbas et contre un dirigeant du Hamas… si elles se tenaient ! Mais le choix de Netanyahu n’est pas du tout de favoriser une nouvelle génération ni de libérer Marwan Barghouti ! Pour être certain de n’avoir jamais deux états, il est de couler l’Autorité palestinienne et de favoriser et de financer le Hamas : ce choix est décisif jusqu’au 7 octobre 2023.

Du côté Israélien : 120 ans après la première proclamation le but du sionisme qui était de construire un état juif apportant la sécurité, la tranquillité pour le peuple juif n’a jamais été atteint. « Un peuple qui en opprime un autre ne peut pas être un peuple libre »

Après les premières révoltes arabes des années 30, Israël proclamé en juin 1948 a connu 4 guerres : en 1948/49 : la guerre civile pour chasser les Palestiniens, la guerre israélo-arabe contre l’Égypte, la Jordanie et la Syrie. En 1967 : la guerre des 6 jours contre les mêmes. En 1973 : la guerre du Kippour. En 1982 la guerre au Liban. Ce pays n’a connu que des conflits armés avec le peuple palestinien : les 2 Intifadas (1987, 2000) ont constitué de véritables soulèvements de masse des Palestiniens des territoires occupés. Jamais donc, il n’y a eu de paix ni de sécurité par l’écrasement des Palestiniens : 4 interventions armées dans la bande Gaza, missiles fréquents lancés depuis Gaza par le Hamas, guerre larvée en Cisjordanie avec affrontements permanents entre colons et l’armée Israélienne d’un côté et les Palestiniens de l’autre.

En Israël deux principaux partis se sont succédés au pouvoir : de 1948 à 1974 : la gauche sioniste, le Parti travailliste est au pouvoir. Depuis 1977 la droite israélienne, le Likoud de Begin domine la politique israélienne sauf entre 1992/96 et 1999/2001 (gouvernement travailliste/Meretz (sorte de PSU). En 2023 seulement 35 % des israéliens croient encore à la solution à 2 états.

En 2023 Netanyahu (droite, Likoud) s’allie avec des partis d’extrême droite pour se maintenir au pouvoir : Belazel Smotrich et Itamar Ben Gvir sont les 2 ministres d’extrême droite les plus connus, ce sont des fanatiques « suprématistes » juifs. Ils sont du même courant politique que l’assassin de Rabin en 1995 aujourd’hui incarné par le « Parti Sioniste Religieux » : ils croient en la suprématie de la loi divine et celle du peuple Juif et veulent l’instauration d’une théocratie (« chasser les goys »). C’est exactement le programme inversé du Hamas : remplacer Juif par musulmans, Talmud contre Coran.

La politique du gouvernement Israélien Netanyahu 2023 est marquée :

- par la réforme de la justice qui a mis des centaines de milliers d’Israéliens dans les rues pour des manifs monstres toutes ces dernières semaines. La Gauche, le Centre et même certains partisans de la droite défilant ensemble contre la Réforme et contre le gouvernement.

- par une politique palestinienne favorisant le Hamas contre l’Autorité Palestinienne développée clairement devant les députés du Likoud par Netanyahu (cf. sa célébre citation déjà évoquée au début de ce texte) : « Quiconque veut empêcher l’édification d’un État palestinien doit soutenir le renforcement du Hamas, y compris à travers le transfert d’argent [via le Qatar, ndlr]. C’est notre stratégie, c’est comme ça qu’on isolera les Palestiniens de Gaza de ceux de Cisjordanie ».

- l’autre versant c’est l’accélération de l’établissement des colonies en Cisjordanie avec le projet de Belazel Smotrich de doubler le nombre de colons (qui sont déjà 700 000) et pour ce faire, Smotrich a obtenu la Présidence de l’Autorité de planification des colonies. Ce choix de se concentrer sur la politique coloniale en Cisjordanie a été confirmé par le retrait de 23 divisions de l’armée de la zone sud (autour de Gaza) déployées en Cisjordanie occupée pour servir de protection des colons y compris dans leurs raids et provocations contre les populations palestiniennes. C’est une guerre de basse intensité que mène le gouvernement Nethanyahu-Smotrich en Cisjordanie avant le 7 Octobre (rappel, elle a causé 243 palestiniens tués en 2023). Le parti de Belazel Smotrich « Parti National Religieux » rebaptisé « Parti Sioniste religieux » vise l’annexion complète de la Cisjordanie et l’expulsion de ses habitants arabes. Itamar Ben Gvir (ministre de la Sécurité Nationale) milite aussi pour l’annexion de ces territoires avec retrait de la citoyenneté aux habitants arabes pour les inciter à l’exil (et veut instaurer la ségrégation dans les hôpitaux).

On voit à quel point la lutte pour une perspective de paix, pour deux états, est concomitante avec la lutte contre l’influence du Hamas et le renvoi du gouvernement israélien actuel. Et Israël ne connaitra jamais la paix ni la sécurité sans restaurer les droits légitimes du peuple palestinien, sans cela il y aura des décennies de « 7 octobre » toujours plus inhumains, de générations en générations.

La barbarie de la destruction de Gaza et de son peuple n’a pas de précédent à cette échelle de terreur, crimes de guerre, génocide, épuration ethnique sous les bombes. A l’heure ou cet article est finalisé, il y a 11 000 morts dont plus de la moitié de femmes et d’enfants. Plus ça dure, plus ça laisse des séquelles irréparables à court et moyen terme.

Seule une immense mobilisation partout dans le monde entier et aux US contre la complicité de Biden peut imposer le « cessez le feu immédiat ». C’est le premier devoir, sauvez des vies.

Fixer l’objectif de revenir à la libération des otages et à des négociations régionales et internationales : au plan politique seule la perspective de deux États s’impose. Il n’y a plus de solution idéale, un seul grand état ce serait une variante du « Grand Israël » avec apartheid et haines de facto. L’état binational démocratique et laïc auquel on peut rêver, est impossible au moins à court terme après ça. Viser deux états dans les frontières de 1967, c’est autant une protection immédiate pour les palestiniens indépendants et libres que pour les israéliens.  »Deux états » ce n’est pas une abstraction c’est un mot d’ordre politique, la seule issue réaliste pour tracer la voie de la restitution des droits légitimes du peuple palestinien ce qui implique d’isoler à la fois le Hamas et Netanyahu.

Cela pose la question des réfugiés : droit au retour ou à l’indemnisation, la question de la délimitation claire des territoires. À Gaza : fin du blocus, à Jérusalem : statut de la ville capitale des 2 états, question de Jérusalem Est. En Cisjordanie la fin de l’occupation et la restitution des terres illégalement occupées, la fin l’occupation militaire et des murs et checks points, fin des 3 zones et arrêt du morcellement du territoire palestinien. En Israél : égalité des droits entre Israéliens juifs et Israéliens arabes.

Gerard Filoche (à partir de travaux de Pierre Timsit)

 

Encart :  Photo +

Marwan Barghouti

Il est emprisonné en Israél depuis 2002 condamné à 5 peines de perpétuité pour des meurtres qu’il nie. Il a été l’un des principaux leaders de la Première Intifada de 87 puis de la Seconde Intifada. Le 28 septembre 2000 la visite d’Ariel Sharon sur l’esplanade des mosquées provoque la seconde Intifada : Barghouti a mené des manifestations vers des points de contrôle israéliens en Cisjordanie. Celles-ci eurent pour conséquence des émeutes et des attaques en bande organisée contre des soldats israéliens. Il condamne alors le recours à la terreur contre les Israéliens en Israël. Quand il lui fut demandé quels civils étaient des cibles légitimes, il répondit : « Et alors que moi-même ainsi que le Fatah dont je suis membre, nous nous opposons fermement aux attaques et à la prise pour cible de civils à l’intérieur d’Israël, notre futur voisin, je me réserve le droit de me protéger, de résister à l’occupation de mon pays et de me battre pour ma liberté ». Il ajouta : « Je suis encore en quête d’une coexistence pacifique entre les États égaux et indépendants que sont Israël et la Palestine, fondée sur le retrait complet d’Israël des territoires occupés en 1967. En 2001, Israël essaie de l’assassiner ». En 2002, il déclare : « Je ne suis pas un terroriste, mais pas non plus un pacifiste. Je suis simplement un gars normal de la rue palestinienne défendant la cause que tout autre oppressé défend : le droit de m’aider en l’absence de toute aide venant d’ailleurs » dans le Washington Post Les sondages ont donné près de 30 % au nouveau parti de Barghouti qui serait gagnant à une éventuelle élection présidentielle devant Mahmoud Abbas et le leader du Hamas.

 

Autre article

unité possible de la gauche

GDS a prouvé que l’unité était possible

Depuis 11 octobre dans le 44. (texte photographié et dans 10 départements… 35, 51, 88, 50, 64, 85, 43, 84…

Reproduire le texte du 84  photographie

 

Annexe :

1)    4 cartes de Palestine Israél (46,47,67, aujourd’hui)

2)    2 cartes de Palestine Israél (67 et aujourd’hui avec le tracé du mur et les 3 zones

 

 

 

 

 

Déposer un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera jamais transmise.

*