Contre la privatisation et le vente à la découpe de la Sécurité sociale Avec la NUPES, la gauche unie Promouvoir la « Grande Sécu »

 

Pendant qu’Elisabeth Borne impose le 30 novembre 2023 son vingtième « 49-3 » empêchant tout contrôle démocratique de l’Assemblée nationale sur le budget de la Sécurité sociale, Olivier Dussopt se propose de lancer les appels d’offre pour revendre la « Sécu » au privé « à la découpe ».

Jamais le patronat et la droite n’ont accepté la Sécurité sociale de 1945, version Ambroize Croizat – surtout pas le fait qu’elle soit basée sur des cotisations salariales, sur un budget séparé géré par les assurés eux-mêmes. Dès 1966, les ordonnances De Gaulle-Pompidou avaient modifié le système d’élections et de gestion pour déposséder les salariés et leurs syndicats du contrôle de la gestion des différentes caisses de Sécu. En 1995, les ordonnances Juppé avaient supprimé toute élection et gestion salariée aux caisses, et effectué un « hold up » en remettant toutes les décisions entre les mains de Bercy et d’une « LFSS » votée par le Parlement.

Les 49-3 de Borne-Dussopt visent en 2022 et 2023 à déposséder à son tour le Parlement de délibérer sur le contenu de cette « LFSS ».

Parallèlement, les pouvoirs successifs de droite (et aussi le quinquennat maudit de Hollande Valls Touraine) n’ont cessé de bloquer les cotisations salariales, d’accorder sous toutes les formes possibles des « exonérations de cotisations » aux employeurs, de diminuer ou dérembourser les prestations sociales santé, maladies, accidents, retraites… Jusqu’à Emmanuel Macron qui a fait carrément campagne pour la « suppression des cotisations sociales », et qui s’efforce, depuis, de les rogner sous toutes les formes. 

Le 17 novembre, le ministre du travail Dussopt a annoncé carrément la destruction de la protection sociale

Le gouvernement se déchaîne pour faire des économies sur la Sécurité sociale, sur la protection sociale : réforme des retraites, pillage des retraites complémentaires Agirc-Arrco, casse du RSA, casse de l’assurance chômage, menace renouvelée de quasi suppression de l’Aide Médicale d’État (AME), réduction de l’Aide Personnalisée au Logement (APL), coupes budgétaires sur le budget de la Sécurité sociale.

Selon la « Convergence nationale des collectifs de défense et développement des services publics » (CNCDDSP) qui participe à toutes les mobilisations en défense des services publics et de la protection sociale (encore récemment à Bures… et dont GDS est partie prenante) dans Les Échos du 17 novembre 2023 le ministre du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion Dussopt, a annoncé lors du congrès de la CFTC sa volonté de « repenser notre modèle social ». Il s’agit de la Sécurité sociale, de l’Unedic, de l’Agirc-Arrco. Ses objectifs sont clairs :

  • Baisser les salaires au nom du « mur de la compétitivité » (favoriser tous les éléments de salaires qui ne donnent pas matière a cotisations, intéressement, participation, primes,
  • Détruire la Sécurité sociale, par notamment la baisse des cotisations sociales « patronales » et de la part des impôts qui la finance.
  • Remettre en cause ce qui reste du paritarisme, c’est-à-dire réduire le rôle des organisations syndicales. Étatiser l’assurance chômage,
  • « Diversifier les recettes », en clair réduire la Sécurité sociale à un filet pour pauvres et ouvrir un marché aux complémentaires-santé et aux fonds de pension.
  • Faire des économies sur la protection sociale, pour ramener en 2027 le déficit en dessous du seuil des 3 % du PIB, dans un contexte où le budget de remboursement de la dette, les dépenses militaires et les aides aux entreprises flambent.
  • S’attaquer à l’Agirc-Arrco, et rendre l’assurance chômage excédentaire au détriment des chômeurs et chômeuses.

Il ne faut pas sous-estimer la déclaration du ministre : elle est faite devant le congrès d’une confédération syndicale. Elle fait suite aux déclarations d’Agnés Buzyn avant la parenthèse Covid : « Un système de santé à bout de souffle, pensé à la sortie de la 2ème guerre mondiale… », « Nous sommes arrivés au bout… », « Construire autrement notre protection sociale » vers un « nouveau filet de sécurité sociale ». C’est E. Macron qui déclarait, en opposition frontale avec la solidarité qui est l’ADN de la Sécurité sociale : « le progrès social c’est celui qu’on se paie soi-même ». Ca plait bien au RN c’est justement son programme : hausser le salaire net, supprimer le salaire brut, individualiser la protection sociale.

Dussopt, devant la CFTC a confirmé le déroulé prévu : une fois enclenché l’opération d’appel d’offres ouvert dans le privé avec l’ANI, il y aura celle sur la « Protection Sociale Complémentaire des fonctionnaires » prévue pour le 1er janvier 2025 et 1er janvier 2026 pour la prévoyance et la santé. Le plan de route est ensuite d’attaquer l’ensemble des caisses de la Sécurité sociale. Dans l’Union nationale des organismes complémentaires à la Sécurité sociale (UNOCAM regroupant la Fédération nationale de la mutualité française avec en son sein la Fédération des mutuelles de France, les instituts de prévoyance et la branche assurantielle du Medef intitulé Fédération nationale des sociétés d’assurance), ils proposent le passage aux appels d’offres ouverts pour la vente à la découpe de la Sécu par « appartement ».

Macron vise, depuis le début, « la suppression des cotisations sociales » prélevées à la source comme élément de salaire versé par les employeurs. Il veut que ce ne soit plus les patrons qui paient mais les salariés. Tout ira dans les caisses de l’état. Tout passera par l’impôt, opération facilitée par le prélèvement de celui-ci qu’il a mis en place à la source. Fin du salaire brut. Fin des cotisations pré affectées aux différentes caisses : elles seront remplacées par des prélèvements non pré-affectés – donc à la merci des majorités politiques du moment. Un seul impôt, un seul budget, la « Sécu » n’est plus un sanctuaire, ne sera plus un budget séparé.

Et comme la LFSS, le budget de la Sécu ne génère qu’environ 10 % de la dette présumée du pays alors que le budget de l’état en génère près de 80 % cela permettra de mêler le tout ans un seul budget pour mieux le soumettre indistinctement à l’austérité.

Le PLFSS, le budget de l’état génère, lui, 78,5 % de la dette publique nationale présumée : en le fusionnant avec la LFSS, ils vont pouvoir purger encore plus et réduire le volume du budget social, le vider de son « pognon de dingue ». Tout sera dans le même tonneau et il n’y aura qu’une seule tirette. Quand il y aura un budget unique ; il sera possible, sans frein, sans que ça se voit, d’utiliser les fonds sociaux pour d’autres fins. Il sera possible de construire un porte-avions nucléaire de plus à la place de 100 hôpitaux et un sous-marin de combat à la place de 1000 scanners.

Capables de tout, les ultra-libéraux prétendument, veulent « moins d’état » : la Sécu était de droit privé, et les voilà, contrairement à leurs principes affichés, qu’ils veulent l’étatiser pour mieux la contrôler, la limiter et l’étrangler en la privatisant.

Non à l’étatisation de la Sécu, oui à une seule Grande Sécu

Depuis des décennies, ils ont attaqué la montagne de la Sécu par la face nord. Ils ont installé des tickets modérateurs, des forfaits hospitaliers, puis des assurances, caisses de prévoyance ou mutuelles « complémentaires ». Ils ont modifié les normes de fonctionnement des Mutuelles, les faisant rompre avec leur esprit collectif solidaire d’origine. Ils ont bloqué les cotisations patronales, diminué les remboursements, et ont augmenté les « restes à charge » sur le dos des assurés. À l’occasion du Covid19, ils ont même inventé un « forfait urgence » payable par tous, dans le pire des cas : aux urgences et visant ceux qui n’ont pas d’autre accès aux soins. Ainsi une grande part de la cotisation s’individualise, la part des tickets modérateurs, « complémentaires » et « forfaits » (un jour une liste de médicaments, l’autre jour une hausse des soins dentaires…) ne cesse de progresser de façon inégalitaire insupportable, tandis que les restrictions s’installent dans les « paniers de soin » : tout cela rogne la « Grande sécu ».

Car cela développe, impose et substitue une double cotisation, celle, redondante, des complémentaires, prévoyance, mutuelles. Les bas et moyens salaires ont bien du mal à payer ces deux échelons, notamment les retraités qui en ont le plus besoin. Les plus pauvres sont contraints de ne pas se soigner ou de laisser des « ardoises » dans les hôpitaux. Et comment faire face aux coûts des honoraires « libres » des « spécialistes », aux examens de prévention en laboratoires, recherche, analyses, scanners, échographies, IRM ?  Et, en dépit de toutes les annonces, la lunetterie et la dentisterie sont mal couvertes, ça vous arrache une dent et ça vous coûte toujours les yeux de la tête.

Tout cela sape les principes fondateurs de la Sécu de 1945 qui voulaient éviter une santé à deux ou plusieurs vitesses, des discriminations aussi bien dans les cotisations que dans les prestations.

Alerte, alerte, alerte ! UNION, UNION, UNION

Ça coûte plus cher chacun le sait, aux États-Unis, plus de 18,5 % du PIB va à la santé (contre 11,5 % en France) mais c’est une poule aux œufs d’or pour les hôpitaux et médecins privés. Du point de vue des capitalistes, ils se moquent que tout ça coûte plus cher quand c’est eux qui gèrent, qui encaissent, qui fixent leurs marges sans contrôle. D’autant qu’ainsi ils se soignent mieux entre eux et que les discriminations face aux soins sont énormes.

En France ils ont permis déjà qu’existent plus de 400 mutuelles dérégulées qui se font une inutile concurrence, coûteuses en publicité, avec une véritable gabegie de frais de gestion dirigées par des « conseils d’administration » qui se servent des indemnités exorbitantes. En moyenne, la gestion coute 25 % tandis qu’à la Sécu, elle ne coûte que 5 %, c’est une énorme différence.

Lors du 75° anniversaire de la Sécu, 2020, à St Etienne (Loire) la gauche dans sa totalité s’était mise d’accord sur un programme commun pour la Sécu ! Il avait été signé à l’époque (c’était un exploit car la division de la gauche faisait rage) par Olivier Faure et Julien Bayou, par Fabien Roussel et Jean-Luc Mélenchon, par Benoit Hamon et Marie Noëlle Lienemann par Jean-Francois Pelissier et Gérard Filoche, par Pierre Larouturrou et Michel Jallamion. L’appel de St Etienne, plus que jamais d’actualité, disait que la Sécurité Sociale, a un but « protéger les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute natures susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité et les charges de famille qu’ils supportent ». Ses principes sont :

-       unicité (institution unique et obligatoire),

-       universalité (couvrir tous les citoyens),

-       solidarité intra et intergénérationnelle (« je cotise selon mes moyens et reçois selon mes besoins »)

-       et démocratie !

Cela s’est retrouvé en positif dans le programme partagé de la NUPES – enfin ! – en avril 2022, et cela fait la force de la gauche si … elle reste unie sur cette question comme sur les autres.

Pour 2027 union autour du projet de la grande Sécu – anti macron anti le Pen :

Voilà en quatre points, ce que ça signifie de maintenir ou de reconstruire la NUPES : pour la « sécu » il faut l’union de la gauche

1°) Financement par les cotisations salariales et patronales et modulation de celles-ci pour faire face aux besoins de santé pour tous les citoyens : une seule cotisation universelle, proportionnelle et plafonnée, pré-affectée aux différentes caisses des branches existantes : maladie, retraite, chômage, famille, logement (et aux deux caisses nouvelles à créer, formation jeunesse, dépendance dans l’âge).

2°) Augmenter massivement les rentrées de cotisations sociales par la création d’emplois, l’augmentation des salaires nets, bruts et super-bruts, l’application réelle de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, la lutte contre la souffrance, les accidents, les maladies professionnelles et contre la fraude sociale, essentiellement patronale.

3°) « 100 % sécu 100 % soins » en lien avec le refus des dépassements d’honoraires et l’exigence d’un pôle public du médicament au moment où des laboratoires s’enrichissent sur le dos de la Sécu. Allocations familiales pour tous, aides aux logements, assurance chômage pour une Sécurité sociale professionnelle, retraites par répartition, développement de la recherche et de la prévention afin d’assurer le bien-être de tous de la naissance à la mort.

4°) Gestion démocratique de toutes les caisses de la grande Sécu. Pour cela « à bas les LFSS et leurs 49 3 », retour à des élections démocratiques proportionnelles, un assuré une voix, tous les 5 ans, et la constitution ainsi d’une Chambre sociale : cela signifie une nouvelle démocratie sanitaire et sociale associant les représentants des salariés et usagers assurés dans toutes les instances décisionnelles et à tous les niveaux : la population doit avoir son mot à dire sur la définition des droits et besoins sociaux et des grands choix à opérer.

 

Note : ‘Des Assises de la santé au travail auront lieu dans la grande salle Henaff et dans 4 salles de travail à la Bourse du travail de Paris les 13 et 14 mars prochain.

www.reseaueducationpopulaire.fr
www.gaucherepublicaine.org

Bernard Teper : Co-auteur de « Néolibéralisme et crise de la dette »,  »Repenser la protection sociale du 21ème siècle » responsable pour GDS : Arno Lafaye-Moses.

 

 

 

 

 

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