J’invite toutes celles et ceux qui lisent ce blog à se reporter à l’article de Jean-Jacques Chavigné sur la Gréce, dans D&S n°173 (mensuel mars 2010, 18 ° année, 3 euros, 24 p, sur commande ou sur abonnement) mais aussi sur le site D&S (http://wwww.democratie-socialisme.org)
Mais je publie aussi ici son article sur l’Islande, car vous ne lirez cela nulle part ailleurs :
Le peuple islandais refuse de payer les frais de la crise financière
Le 6 mars, lors du référendum islandais pour ou contre l’accord « Icesave », 93,3 % des votants se sont prononcés contre le paiement de 4 milliards d’euros au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. 1,7 % ont voté pour. Rarement un gouvernement s’est pris une claque aussi magistrale.
La Première ministre (social-démocrate), Johanna Sigurdardottir, n’hésitait pourtant pas à affirmer, le jour, même du résultat : « Cela n’a pas d’impact sur la vie du gouvernement » après avoir précisé qu’elle allait aussitôt recommencer à négocier avec les gouvernements britanniques et néerlandais.
La démocratie, la finance et les gouvernements qui lui sont soumis n’ont, en effet, pas grand-chose à voir.
Le gouvernement disait faire toute confiance aux électeurs
Le 8 janvier 2001, la première ministre islandaise affirmait faire pleine confiance aux électeurs. Elle était sûre, déclarait-elle, qu’ils prendraient la bonne décision et qu’ils ratifieraient l’accord « Icesave » signé avec le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Un accord qui signifiait le versement à ces deux Etats de 100 euros par an et par Islandais, pendant huit ans !
La deuxième semaine de janvier, un sondage Gallup indiquait qu’une majorité d’Islandais voterait pour le projet de loi.
La veille du référendum, la Première ministre appelait à ne pas aller voter, le référendum n’ayant plus, selon elle, le moindre sens. En effet, les Britanniques et les Néerlandais offraient à l’Islande un accord plus favorable que celui soumis à la consultation populaire puisqu’ils accordaient une exemption d’intérêts sur le remboursement durant 2 ans. Au lieu de 100 euros par mois et par Islandais, le remboursement ne se serait plus élevé qu’à 95 euros !
La crise bancaire islandaise
L’Islande était la meilleure élève du néolibéralisme avec en première ligne ses trois principales banques : Kaupthing, Glitnir et Landbanskinn, privatisées en 2003.
La dernière de ces trois banques, Landbanski, était particulièrement agressive. Elle avait créé une filiale en ligne (pas de guichets, seulement une liaison par l’internet), « Icesave » qui offrait des rendements particulièrement risqués mais très rémunérateurs à ses clients.
Lancé au Royaume Uni en octobre 2006, avec son siège social au cœur de la City, « Icesave » avait attiré, avant de faire faillite en octobre 2008, 229 000 clients britanniques. Mieux, en quelques mois (de mai à octobre 2008), c’est 114 000 clients qui étaient tombés dans ses filets aux Pays-Bas.
Quand les marchés financiers se sont effondrés, les trois banques islandaises ont été parmi les premières à faire faillite. Les comptes d’ « Icesave » ont été aussitôt gelés.
Alors que des files d’attente commençaient à s’allonger devant les banques britanniques, le gouvernement anglais a eu peur de la panique que pouvait déclencher le gel des comptes d’ « Icesave ». Il a donc décidé d’indemniser en grande partie les spéculateurs qui avaient déposé leurs fonds chez cette filiale de la Landbanskinn. La Haye a fait de même pour les clients néerlandais.
Londres et La Haye se sont ensuite retournés contre Reykjavik pour exiger la restitution des sommes qu’ils avaient déboursées. Entre temps, les gouvernements européens qui s’étaient bien gardés de nationaliser leurs propres banques donnaient au gouvernement islandais le conseil avisé de nationaliser les siennes. Les profits avaient été privatisés, il s’agissait, maintenant de nationaliser les pertes.
La crise économique et sociale
L’Islande est un petit pays de 320 000 habitants. Son PIB a diminué de 6,5 % en 2009. La consommation des ménages s’est contractée de 14,6 %. Le chômage est passé de 2 % à 8,2 % de la population active. Les baisses de salaires ont atteint 20 % dans bon nombre de secteurs. Les budgets sociaux ont été dramatiquement réduits. La monnaie islandaise (la couronne) s’est complètement effondrée. L’inflation était de 6 % en 2009. Les mensualités des prêts immobiliers, indexés à l’euro, au dollar ou à la livre, ont doublé. En 2009, 10 600 Islandais (l’équivalent pour la population française de plus de 2 millions de personnes) ont déjà quitté l’île pour les pays scandinaves.
Complètement étranglée, l’Islande a du faire appel au FMI. Ce dernier, comme d’habitude, a ajouté la misère à la misère en exigeant, en contrepartie d’un prêt de 2,1 milliards d’euros de nouvelles coupes dans les dépenses publiques (santé, éducation), des augmentations d’impôts indirects et une hausse des taux d’intérêts qui asphyxie les particuliers et les petites entreprises.
Pour couronner ces deux catastrophes successives, les Britanniques et les Néerlandais réclament à l’Islande le paiement de 4 milliards d’euros (40 % du PIB annuel de l’Islande) pour éponger les dettes d’ « Icesave ».
L’accord « Icesave » ou Iceslave
Les gouvernements britanniques, néerlandais et islandais ont signé en octobre 2009 un accord scélérat, l’accord « Icesave » ou « Iceslave » (esclave de la glace), comme l’ont baptisé les Islandais. Cet accord prévoit le paiement de 2,7 milliards d’euros au Royaume Uni et de 1,3 milliard d’euros aux Pays Bas assorties d’un taux d’intérêt de 5,5 %.
Ce paiement prendra fin dans 15 ans (en 2024). Les premiers remboursements n’interviendront que dans 7 ans mais les intérêts sur les sommes à payer commencent à courir dès 2009. Cela veut dire qu’au moment où commenceront les paiements, ce ne seront pas 4 milliards d’euros qui seront dus mais 6,2 milliards d’euros. Au total, en 2024, les intérêts versés auront presque doublé le montant initial de 4 milliards d’euros.
Le Parlement et le Président
En 2009, la « révolution des casseroles » avait obligé le Premier ministre conservateur Geir Haarde à démissionner. Il avait, en effet, non seulement couverts mais encouragés tous les agissements, même les plus douteux, des banques islandaises.
Après avoir signé l’accord « Icesave », le nouveau gouvernement social-démocrate, avait réussi, après plusieurs semaines de débat, à le faire ratifier par le Parlement, entre Noël et l’an.
Mais le peuple islandais ne l’entendait pas de cette oreille, les manifestations se sont multipliées (les banderoles criaient « Le pays est innocent », « Sauvez plutôt nos maisons ») et une pétition signée par 60 000 islandais (le quart des électeurs), avait été remise au président de la République Olafur Grimsson. Cette pétition lui demandait (comme l’y autorisait l’article 26 de la Constitution islandaise), de ne pas promulguer la loi et de la soumettre à un référendum. Ce que fit le Président.
Des arguments juridiques contestables
Les 4 milliards d’euros réclamés par le Royaume-Uni et les Pays-Bas devraient être versés aux fonds d’assurance bancaire de Hollande et du Royaume uni.
L’Islande n’est pas membre de l’UE mais a adhéré à l’European Economic Area (l’EEA), comme la Norvège et le Liechtenstein. C’était pour elle la seule possibilité d’obtenir l’agrément d’opérer à Londres et à Rotterdam. L’EEA prévoit une couverture (maximale) de 20 900 euros par compte, l’Islande devrait donc, pour Londres et La Haye, « tenir ses engagements ».
Mais, même d’un point de vue exclusivement juridique, les exigences de Londres et de la Haye sont contestables. Il n’est pas du tout sûr que le règlement de l’EEA oblige à couvrir les risques de clients non-islandais. La directive était une directive applicable en « temps normal », certainement pas en période de crise bancaire systémique. « Icesave » était, certes, la filiale d’une banque islandaise, mais elle avait son siège dans la City. Comment Reykjavik aurait-elle pu contrôler l’activité de cette filiale, située au cœur de Londres ? La responsabilité des autorités britanniques étaient au moins aussi engagées que celles du gouvernement islandais.
Une dette odieuse
Dans une tribune du Wall Street Journal, Hannes Gissurarson, ex-administrateur de la banque centrale islandaise, comparait « Icesave » au « fardeau de la dette imposé à l’Allemagne après la première guerre mondiale ». Cette dette est, en effet, équivalente à une dette de 800 milliards d’euros pour le Royaume Uni et 4 000 milliards d’euros pour les Etats-Unis.
De quel droit les citoyens islandais seraient-ils condamnés à ne plus pouvoir faire le moindre choix concernant leur avenir et celui de leurs enfants, ce choix étant entièrement dicté par les exigences de la finance ?
En quoi les Islandais sont-ils responsables des agissements – à l’étranger qui plus est – de banquiers islandais sans scrupules ? Accepterions-nous, demain, d’avoir à payer 100 euros par mois et par personne, pendant 8 ans, sous prétexte qu’une ou plusieurs banques françaises auraient roulé leurs clients étrangers dans la farine ?
Pourquoi ne pas demander au trésor américain de rembourser les victimes étrangères de Bernard Maddoff ?
Les clients de « Icesave » savaient ce qu’ils faisaient. Ils espéraient des taux d’intérêts défiant toute concurrence, mais ils savaient aussi qu’ils prenaient des risques importants. Ils ont perdu : qu’ils en subissent les conséquences. S’ils avaient gagné, auraient-ils partagé avec le peuple islandais ?
Comme aux Grecs, il est demandé aux Islandais de sacrifier leur avenir pour payer les frais d’une crise financière qui a déjà considérablement appauvri leurs pays. C’est odieux, inacceptable.
Le chantage de la Finance et de ses sbires
En octobre 2008, le Royaume Uni n’a pas hésité à utiliser une loi anti-terroriste pour bloquer les avoirs islandais en Grande-Bretagne. Aujourd’hui, l’Islande est toujours inscrite sur la liste des Etats qui soutiennent les terroristes, tels Al-Queyda.
Les agences de notation financière, Fitch, Standard and Poor’s, Moody’s ont dégradé leur note sur les risques associés à la dette islandaise. Maintenant tout emprunt de l’Etat islandais devient beaucoup plus onéreux, au moment où il en a le plus besoin.
L’entrée de l’Islande dans l’Union Européenne est suspendue à la mise en œuvre de l’accord « Icesave » ou de son clone.
Le FMI a prêté 2,1 milliards de dollars à l’Islande. Mais, seules les deux premières tranches de ce prêt ont été débloquées, pour un total de 1,1 milliards. Le déblocage d’une troisième tranche est soumise à l’acceptation par l’Islande de payer le Royaume-Uni et les Pays-Bas.
Les prêts accordés par les pays scandinaves font l’objet du même chantage.
Pourquoi tant d’acharnement ?
4 milliards d’euros, cela ne risque pas vraiment de modifier les grands équilibres financiers internationaux. Alors, pourquoi le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Union Européenne, le FMI s’acharnent-ils sur ce petite pays de 320 000 habitants au risque d’entraîner un second écroulement de l’économie de l’île, mettant, ainsi, fin à tout espoir de paiement ?
Pour l’exemple ! Si la finance cède face au peuple islandais, pourquoi ne céderait-elle pas demain face au peuple grec et après-demain face aux peuples portugais et espagnols ?
La réponse des peuples grecs et islandais est la seule réaliste. Elle n’est rien d’autre que la légitime défense de la société face à la finance, aux spéculateurs, aux rentiers, aux gouvernements et aux institutions internationales qui les soutiennent sans que, jamais, ni les uns ni les autres n’aient le moindre souci du coût humain de leurs actions.
Jean-Jacques Chavigné
7 Commentaires
J’aimerais bien être sûr que d’autres pays ( apres la Grêce l’Espagne etc ….) ne se retrouveront pas de cette manière ou d’une autre otages esclvagisés des spéculateurs profiteurs d’une mondialisation financière ultralibérale qu’aucun peuple n’a voulu et qui est donc illégitime!…hélas !…Etant citoyen du Monde, j’aspire à une mondialisation faite de services publics, et d’une économie solidairement dirigée et controlée par les peuples dans le respect des droits de l’Homme.
J’ai lu avec attention tous les papiers , notamment le premier sur la » grande victoire du parti socialiste » aux élections françaises : le méchant npa qui ne veut « rien lâcher » se situant en dehors du courant unitaire . A la lecture du papier de Chavigné sur l’Islande je reste évidemment perplexe : aujourd’hui l’Islande (avec un gouvernement social-démocrate ) aujourd’hui la Grèce ( avec un gouvernement social-démocrate) demain l’Espagne ( avec un gouvernement social démocrate , et après demain la France ( avec sans doute un gouvernement social-démocrate en 2012!) se trouveront dans la même situation que l’Islande aujourd’hui : il suffit d’examiner attentivement ce qui se passe en Grèce aujourd’hui face à une Europe incapable de l’aider à combler son déficit de 12,8 % du PIB : ce sont les pauvres et les classes moyennes qui sont appelées … à combler ce déficit.
Les gouvernements sociaux démocrates sont depuis près d’un siècle au service de leurs classes possédantes ;cela a commencé avec la guerre de 1914 ( en pleine crise économique ce qu’on oublie souvent), le Front populaire ( où avec les staliniens il fallait savoir » terminer une grève »), avec le refus de Leon Blum d’aider les républicains espagnols à s’armer contre la contre révolution, et après la guerre, en mars 1956 avec les pouvoirs spéciaux demandés par le nouveau président Guy Mollet
( un « homme de gauche !): je passerai gentiment sur Mitterrand et Jospin…
Si vos lecteurs et vous ( pourquoi pas ) voulez connaître le rôle des socialistes depuis un siècle lisez mon ouvrage ( publié fin 2008) « La servitude volontaire hier et aujourd’hui » publié aux éditions Résistances 4 villa Compoint Paris 17è – tel.0142288952.
Meilleurs sentiments
Jean Baumgarten
Certains vont critiquer le fait d’imposer à la Grèce (mais aussi à tous les pays de la zone Euro) une rigueur budgétaire sérieuse. Mais, oui, il le faut car on ne peut durablement dépenser plus que ce que l’on gagne.
Il faut que les budgets européens (tous, notamment le Français) soient en équilibre voire en excédent. Cela contraindra les autres pays (USA, Grande Bretagne) à beaucoup plus de rigueur et à revoir leur politique financière.
Si l’équilibre budgétaire redevient la règle, les états ne pourront plus se permettre des fantaisies et intervenir n’importe comment comme on l’a vu avec les interventions au profit d’entreprise qui auraient du mourir telles GMC ou Chrysler ou les banques US. Ces boites auraient du crever et disparaître puisque des erreurs de gestion les avaient conduites à la banqueroute.
C’est çà le libéralisme et Obama n’a pas respecté les fondements du libéralisme et du capitalisme.
GRECE: Accord militaire avec l’ état français et achat d’ armement.
L’ état grec est en faillite, si l’ UE m’« aide » elle entend bien contrôler, trique à la main comment récupérer son oseille , alors elle passe au dessus du gouvernement grec et exige l’ application immédiate du plan de rigueur. Il faut mater le peuple grec et faire entrer le fric à coup de baisse de salaire, de licenciements , de suppression de retraite, de congés… pour faire entrer le pays « dans la modernité ».
Pendant ce temps, dans les coulisses, Sarkosy recevait M. Papandréou à l’ Elysée, alors que le ministre grec de la défense annonçait (11 02 2010) la conclusion d’ accords sur la vente de frégates Fremm par la France et d’ avions de combat par l’ Allemagne. Le tout emballé dans un accord de défense et de sécurité entre la France et la Grèce. La voilà l’ aide de l’ UE et plus particulièrement de la France à la Grèce, le ministre de la défense selon le To Vima 1 aurait fait un jeu de mot sur « l’ argent du beurre européen », qui serait donné en contrepartie à l’ achat de « canon ».
Mais que peut bien penser le peuple grec, qui va de nouveau manifester dans les rues le lundi 8 mars de ce maquignonnage?
D’un coté, il apprend que les dépenses militaires de la Grèce sont les plus élevées de L’ UE. Et que le ministre de la défense se proposait d’ acheter à la France: six frégates Fremm et 15 hélicoptères Super Puma. Le prix estimé d’une frégate FREMM2 est d’environ 500 millions €. La négociation se limitera à l’ achat de six frégates Fremm.
De l’ autre, qu’il va devoir payer au prix fort le déficit public. Sous la pression des experts européens, il est question de faire péter en éclat le « doro » c’est à dire le système de congé qui remonte aux années 1950. Autant dire que le 8 mars va être chaud.
Sources principales « REVUE DE LA PRESSE HELLENIQUE
» et le portail des sous marins
bravo pour ta victoire au TA.
bravo pour tes analyses sur la situation politique issue du résulat des dernières elections.Celles ci font le tour des militants syndicaux de l’ex centre de tri postal devenue Plateforme industrielle Courrier avec les conséquences sinistres que cela implique.A ce sujet je voudrais que l’on se voit avec un nouveau remarquable militant syndical .Et enfin bravo pour ta pugnacité lors des échanges avec tous ces jeunes et moins jeunes à propos des orientations politiques désastreuses du regetté et respectable camarade Daniel Bensaid .Philippe Chamek enfin rétabli.
That is great that we are able to receive the mortgage loans and it opens completely new possibilities.
Tu a tout à fait raison Gérard ce n’est pas aux
peuples de payer la crise financière et de
renflouer les banques…bravo au peuple islandais!!!
One Trackback
Bretagne immobilier vente maison…
Article captivant, nous publions le lien vers votre article sur notre compte twitter. Cordialement….