Entre 60 et 62 ans, on ne fait pas joujou !

Certains osent dire qu’arrêter le travail à 60 ou à 62 ans, c’est un détail. Il faut n’avoir jamais vu un ouvrier carreleur à genoux, ni une femme de service poussant son chariot, ni une serveuse et ses phlébites à répétition, il faut n’avoir pas idée d’une rentrée des classes pour un instituteur de 62 ans, ni de la vie, chaque jour, d’une infirmière en poste dans sa 63e année. Même dans les bureaux, on n’en peut plus et les risques cardiaques et vasculaires sont là, qui frappent les salariés stressés, pressurés. Tous les métiers ont une pénibilité et des risques qui s’accroissent entre 55 et 65 ans.

Ce n’est pas une question de « marqueur droite gauche » pour faire joujou : c’est extrêmement concret, pour qui travaille de nuit, ou « posté » en trois X huit ou pour les chauffeurs, les nettoyeurs, les ouvriers agricoles. Il y a 9 millions d’employés et 6 millions d’ouvriers qui souffrent dans ce pays. Et le cadre qui fait un infarctus après une journée de 15 de travail est loin d’être à l’abri. Les plus belles années de la retraite sont  entre 60 et 62 ans, les plus dures années au travail entre 60 et 62 ans. Cela représente cent quatre cinquièmes semaines de congés payées et vingt-quatre mois de grandes vacances ! Des congés qu’il a fallu arracher et qui sont menacés !  Ce sont des années précieuses, heureuses, fructueuses, de repos encore en bonne santé.

Il faut vraiment être Mme Parisot, pour chercher à la fois à faire peur (on ne pourra pas payer) et à cultiver l’illusion (on va tous être centenaires) pour ne pas tenir compte des méfaits de la productivité à tout prix, des journées de plus de 10 h et des semaines à rallonge. Ils font tout un baratin pour le travail des seniors : mais d’abord s’il y a une priorité ce doit être au travail des jeunes. Et puis 2 salariés sur 3 sont licenciés, inaptes, malades, chômeurs à partir de 55, 56, 57 ans. Comme s’il fallait « travailler plus longtemps » alors qu’il faudrait « travailler mieux, moins, tous ». Dans la vie réelle, les salariés ne cotisent que 36,5 annuités, cela a baissé – et non pas augmenté ! – depuis 2003 : imposer 41,5 annuités c’est sauter à la perche sans perche, l’immense majorité des salariés n’y arrivera pas, donc le seul résultat sera de baisser le niveau de leur retraite. Pour avoir un taux plein, il faudra donc attendre 67 ans, véritable objectif de cette terrible réforme. Attendre 67 ans, c’est mourir plus tôt, passer du boulot au tombeau et sans le sou.

Un politique très médiatisé a osé dire que ce n’est pas un « marqueur » entre « réaction » et « révolution » que d’exiger une retraite à taux plein à 60 ans, 75 % de reversement, calculée sur 10 ans ou sur les 6 derniers mois, indexée sur les salaires, sans retraite inférieure au Smic. En tout cas, c’est un « marqueur » entre une société d’exploitation ignoble et une société de progrès social ! Pour lui, c’étaient des « détails » qu’il fallait laisser de côté pour gagner… des électeurs dits du « centre » ou de droite : faux, car même des électeurs salariés, qui se trompent en votant pour la droite souffrent, et surtout ce serait la meilleure façon pour que la gauche perde des millions de ses électeurs, ceux qui, parfois, ne viennent plus manifester ni voter parce qu’on ne s’intéresse pas assez à ces « détails » essentiels.

Gérard Filoche

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