Le capitalisme porte le nucléaire en son sein comme la nuée porte l’orage

Remplacer la main invisible des marchés par la main visible de la démocratie

La triple catastrophe du tremblement de terre, du tsunami et de la crise nucléaire au Japon est terrible pour le peuple qui la subit et pour toute l’Humanité qui la redoute et est solidaire. Que les humains, par-delà leurs nationalités, leurs classes sociales veuillent SAVOIR, COMPRENDRE et cherchent à se protéger, à survivre ensemble face à de tels cataclysmes est légitime et vital. D’autant que si deux des maux sont les produits de la nature, le troisième vient de l’action des directions des sociétés humaines elles-mêmes. Fukushima n’est pas le résultat d’une catastrophe naturelle, mais  la conséquence d’une vaste série de choix humains, qui auraient donc pu être évités.

Rien de surprenant à que l’interrogation parcoure la planète sur les risques que l’industrie nucléaire nous fait courir. Alors pourquoi crier « à l’indécence » comme JF Copé contre ceux qui s’interrogent ? Pourquoi commencer par « minimiser » comme la ministre N K-M ou la dirigeante d’Areva, Anne Lauvergeon ? Ces pouvoirs qui, précipitamment, et sans réplique, nient, minimisent les débats suscités, puis les tranchent d’un revers de communiqué, avec arrogance, au service des autorités de cette industrie et de ses actionnaires, se discréditent.

Il est normal qu’il y ait une vague mondiale de défiance. Il est normal que chacun veuille obtenir le droit d’information, d’inventaire, et ré examiner les choix qui ont conduit au drame de la centrale de Fukushima. Car il y en a eu d’autres et il y en aura d’autres !

Il n’y a pas de confiance parce qu’il n’y a aucune démocratie sur ce terrain.

Le lobby nucléariste, arque bouté sur ses intérêts et certitudes, ne répond que de façon péremptoire. Des millions d’humains sentent bien que ces dirigeants sont affolés, inquiets, surpris, impuissants, mais qu’ils sont avides et désireux de « couvrir » tout ce qu’ils ont fait et feront, pensent-ils, pour « le bien du bon peuple ignorant » et indépendamment de celui-ci.
Le peuple japonais, et même son gouvernement, se savent et se disent méfiants, sous informés, trompés : est-ce tolérable ? N’y a t il que le peuple japonais ? Non tous les peuples sont concernés.

1°) Le Japon a connu 13 tsunamis de ce type depuis trois siècles, lesquels ont frappé les mêmes côtes. Pourquoi une centrale nucléaire a t elle été installée précisément là où il y en a le plus, en bord de mer sur la cote nord-est ?
Sur les 58 centrales nucléaires japonaises, le groupe Tepco, un monstre, premier producteur mondial privé d’électricité, en exploite un tiers : ce géant Tokyo Power Electric Company est sinistrement connu pour avoir de la fin des années 1980 aux années 1990, falsifié une trentaine de rapports d’inspection de réacteurs nucléaires. Le 29 août 2002, l’agence de sûreté nucléaire industrielle japonaise (Nuclear Industrial Safety Agency) avait révélé l’ampleur de la fraude : cette falsification de documents avait pour objectif de couvrir au moins trois incidents dans les centrales de Fukushima et de Kashiwazaki-Kariwa (préfecture de Niigata, au nord, à 200 kms de Tokyo). Ces pratiques s’étaient poursuivies pendant vingt-cinq ans, et le nombre total d’événements était estimé à 200. Suite à ce scandale, Tepco décida d’arrêter 7 de ses 17 réacteurs nucléaires pour inspection en octobre 2002. En avril 2007, un autre exploitant japonais, Hokuriku Electric, avait avoué un incident sur son réacteur à eau bouillante de Shika, incident qu’il avait caché pendant huit ans. QUI peut les croire, après cela ?  La potiche « empereur » du Japon qui est sortie pour ne rien dire ?
La seule vérité c’est que le groupe Tepco a gagné 40 milliards de bénéfices l’an passé !
Tout est dit aux yeux du monde : un groupe qui triche, un groupe qui goinfre ses actionnaires et un groupe qui est responsable d’une énorme catastrophe. La presse vient de relater que le Premier ministre japonais a dû se rendre en personne au siége du groupe ces jours derniers pour les menacer violemment et exiger d’obtenir les informations en temps réel sur la catastrophe… car elles lui étaient dissimulées !

2°) La mise en cause du gangstérisme mafieux des actionnaires du « privé » est nécessaire mais pas suffisante.
Pas un centime ne devrait être gagné par des « privés » sur cette industrie qui ne soit réinvesti ! Tout devrait être immédiatement confisqué !
Mais est-ce suffisant ? Non, car si le « service public » a des dirigeants biberonnés avec la même mentalité rapace, la même suffisance technocratique, les mêmes buts « supérieurs » et qui sont incontrôlés par les citoyens, le résultat est le même.
Non, car, au fond, nous avons eu le même type de catastrophe, en France, à la centrale de Blaye en fin 1999 et début 2000 dans des conditions similaires, même si le drame est allé moins loin il était Fukushima N – 1.
La centrale nucléaire du Blayais, près de Bordeaux, n’a pas résisté à la « tempête de la fin de siècle » des 27 et 28 décembre 1999. Les tranches 1 et 2 de cette centrale nucléaire sont passées très près d’un véritable scénario catastrophe, car l’inondation d’une bonne partie des bâtiments avait successivement mis hors d’usage plusieurs installations de sauvegarde, comme le circuit d’injection de sécurité (RIS), qui permettait de rétablir le niveau du circuit primaire, et l’EAS (aspersion de l’enceinte), qui permettait de faire baisser la température à l’intérieur du bâtiment réacteur en cas d’accident. Quand cela avait été le tour, à 8 h 23, le matin du 28 décembre, de la moitié des pompes du circuit SEC (eau brute de sauvegarde), qui prélève l’eau en Gironde, la situation était devenue très grave. Le SEC qui assure le refroidissement de l’ensemble et la sûreté de la tranche n° 1 ne tenaient plus qu’à deux pompes, justifiant le déclenchement d’un plan d’urgence interne. Si ce dernier rempart avait lâché, on se retrouvait dans la configuration de la fusion du coeur de la centrale au bout de dix heures. La fusion du coeur étant l’accident le plus grave qui puisse survenir à une centrale nucléaire et peut conduire à la rupture de l’enceinte de confinement. Cette possibilité a été tellement prise au sérieux que les experts de l’Institut de protection et de sûreté nucléaire (ISPN) ont calculé ensuite la probabilité que nous avions eu de nous en rapprocher.
La question est : pourquoi une centrale nucléaire, récente (20 ans d’âge) dont la plate-forme devait rester hors d’eau, à la suite d’une « surcote de marée milléniale », a pu voir ses installations vitales submergées, endommagées, érodées par l’eau saline de la Gironde qui s’est engouffrée dans ses multiples galeries techniques, au point de friser la catastrophe.
Ce rappel :
1°) démontre, que même nos centrales françaises, « anciennes » et « récentes », réputées plus « sécures » sont soumises à des risques similaires à celui de Fukushima.
2°) que les déclarations péremptoires sur les précautions qui sont prises ICI devraient être plus interrogatives, prudentes, sinon inversées.
Quand le seul discours d’Areva est de saisir l’occasion pour comparer les « types » de centrale, et les EPR et chercher à profiter de « l’occasion » de Fukushima pour vendre les « Françaises », « en concurrence libre et non faussée », par rapport à d’autres centrales type Tepco, on peut s’indigner profondément pour toute la logique suivie.

3°) Car si le « public » doit l’emporter, et si le « privé » et sa course au pognon doivent être prohibé dans pareil domaine, cela fait réfléchir : en général, quand on veut donc obtenir le plus de sécurité, le plus de résultat fiable, on ne peut faire confiance aux motivations des actionnaires ? Paradoxalement le gouvernement a tenu ce langage ces derniers jours ! Enregistrons-le. Car c’est valable non seulement pour toute l’énergie, mais l’eau, les transports, les équipements, les écoles, les hôpitaux, les industries pharmaceutiques, les télécommunications, tout ce qui d’intérêt vital et public : rendez-nous EDF, GDF, SNCF,  nos routes et nos postes. Services privés, privés de service !

Imposons à Sarkozy, parjure en la matière, d’enlever EDF à son ami riche, le vautour Proglio, et de rendre à nouveau totalement public le secteur de l’énergie.

Mais si le « secteur public » reconstitué est soumis par ceux qui le dirigent, aux mêmes règles d’économie, d’austérité, de rentabilité que le « privé » alors cela devient aussi insupportable : à qui faire confiance ?  S’il y a l’équivalent des RGPP, des LOLF dans le nucléaire parce que comme des actionnaires, des néolibéraux introduits comme le loup dans la bergerie, l’exigent, alors, hop, ce sera comme Tepco : bénéfices et mensonges iront de pair.

Les « marchés » en l’occasion sont les ennemis des humains : ils se moquent « d’après », le capitalisme c’est la règle du profit maximum pas la règle de la sécurité maximum, l’une et l’autre s’exclut !

Le paradoxe est que devant l’indignation de l’opinion, ils essaient de nous rassurer au nom du « secteur public » et de notre « sécurité nucléaire la meilleure au monde »… et en même temps François Fillon vient de promettre un ré examen de tout le parc nucléaire français ! Quel aveu ! Si chaque centrale doit être re-vérifiée dans notre super service public, à la suite d’un accident arrivé à l’autre bout du monde dans une compagnie privée, c’est qu’il y a plus qu’un malaise !

Dans les enquêtes journalistiques de ces derniers jours, en France (pas au Japon !) on a pu constater ce qu’on savait déjà, que les secteurs d’entretien et de sécurité étaient déjà sous-traités au détriment de leur santé et salaires à des intérimaires quotidiennement maltraités !

Halte à l’intérim, halte aux risques qui sont imposés aux salariés sans statut du nucléaire ! Cette sous-traitance s’effectue forcément aussi aux dépens de la qualité des travaux effectués. Stop immédiatement à toute sous-traitance privée dans nos centrales !
Ensuite, la télévision a interviewé « les liquidateurs » (sic) français, ces salariés à statut, mais qui sont déjà « pré désignés » et seraient appelés dans chaque centrale en cas de fusion des réacteurs, à intervenir au prix de leur vie. Même s’ils disent qu’il y a une infime probabilité, ils sont là, prévus, ils existent ! La mort des travailleurs du nucléaire y est prévue.

Or à Fukushima et à Blaye, après Three Miles Islands, et Tchernobyl, ON SAIT : on sait que le nombre de centrales augmentant, le temps passant, le risque grandit.
Le nucléaire, ce n’est pas le charbon, il n’y a pas « d’après ». Pas seulement parce qu’il faut de 24 000 à 40 000 ans pour que les déchets cessent d’être radioactif, mais parce que les dangers sont ACTUELS pour les générations ACTUELLES.
C’est sans doute ce qui fait hésiter le lobby du nucléaire lui-même aux USA à finaliser la construction de centrales prévue en Californie à proximité de la célèbre faille de San Andréas.

4°) Voilà pourquoi il ne suffit pas de répondre que « le nucléaire est un mal nécessaire » ni qu’il « assure notre indépendance énergétique ». C’est un mal », mais rien ne prouve qu’il soit durablement nécessaire et qu’on ne puisse en sortir. Rien ne prouve que cela signifie abandonner notre « indépendance énergétique » (alors que EDF ou GDF privent d’autres pays de ce droit…).
S’il y a un domaine où il mérite d’être appliqué, vu les circonstances, c’est bien celui-ci, il faut mettre tout en oeuvre pour que prévale le fameux principe devenu « constitutionnel » de « précaution » et réfléchir publiquement, collectivement à la fois :

-       à la diminution des risques les plus immédiats (fermeture des centrales les plus anciennes et les plus à risques ; reprise en main complète par les puissances publiques de tout ce qui a pu être laissé aux intérêts privés)
-       à la mise en œuvre progressive d’énergies renouvelables de remplacement
-       à la sortie progressive, planifiée du nucléaire


Ceci ne peut  être fait avec les méthodes du capitalisme : il y faut la transparence et la démocratie, ce que « les marchés » (les spéculateurs rapaces, les actionnaires irresponsables) ne peuvent en aucun cas accorder.


C’est la revendication principale des rassemblements, dimanche 20 mars à 15h, dans  l’ensemble de l’hexagone et devant l’Assemblée Nationale.
Si le débat était plus avancé en France, sans doute le pouvoir serait-il forcé de lâcher du lest, de parler des « vieilles » centrales, de parler de « moratoire », d’engager des premières mesures, comme cela vient d’arriver en Allemagne avec Mme Merkel.
À nous de l’y forcer : la gauche doit faire, autant que possible unie, des propositions en ce sens. Pour notre pays, pour l’Europe et le monde.

10 Commentaires

  1. Posted 17 mars 2011 at 19:45 | Permalien

    excellente idée, on va le faire !
    (comme ça, les capitalistes pourront dormir sur leurs deux oreilles)

  2. TONDU
    Posted 18 mars 2011 at 9:45 | Permalien

    Reste toujours posée la même question à laquelle personne ne répond: la croissance infinie est-elle le seul mode de développement d’une société?
    Tant que la croissance sera le seul moteur de l’économie le constat ci-dessus ne variera pas.

  3. Posted 18 mars 2011 at 11:09 | Permalien

    pas de panique.
    par rapport à ce que a dit BIAC, je pose la question suivante :

    les syndicalistes ( comme les riverains d’ailleurs…) qui sont associés à la gestion du risque sont-ils forcément à cataloguer comme des exécutants volontaires qui font régner la soumission ?

    et là, on peut contre-attaquer
    OK.

  4. éleuthère
    Posted 18 mars 2011 at 11:21 | Permalien

    Ah ! Que de vérités dans ce que tu dis là. Et tu as l’air bien informé ! Bravo !

    1. Le nucléaire doit être dirigé par l’État dans une vision de service public et non de profit, c’est le premier point. Ce n’est plus le cas avec EDF qui applique des méthodes pires que le privé quelquefois, dans un souci essentiel de rentabilité pour les actionnaires !

    2. Le nucléaire n’est pas un mal ! c’est un bien si l’on s’en sert bien, c’est un mal si l’on s’en sert mal ! Les catastrophes minières (qui ont tué immensément plus que le nucléaire) ont-elles remis en cause le charbon ? Non, elles ont imposé des techniques plus sûres, une réglementation du travail plus soucieuse des travailleurs, etc. De plus, aucune technique n’est parfaite, elle est en effet le produit de l’activité humaine. Que l’on songe aux explosions meurtrières de capacité sous pression avant les réglementations de 1923 et de 1941. Rejetterait-on les bienfaits de la radiologie, de la radiothérapie, du contrôle des soudures par radiographie sous prétexte que ces techniques proviennent du domaine nucléaire ?! On apprend peu à peu à gérer les centrales nucléaires. Après tout combien de morts depuis le début du nucléaire français ? Depuis il est mort au moins 30000 personnes sur les routes (sans compter la foule immense des handicapés) sans que nous ne fussions révoltés le moins du monde ! et combien, Gérard, par accident de travail !?!

    3. La sous-traitance dans le nucléaire est effectivement un réel problème social où des groupes privés (et EDF à travers eux) exploitent durement environ 85000 travailleurs malmenés (mais plutôt bien suivis sur le plan radiologique contrairement à ce qui se dit, avec des doses annuelles maximales effectives de l’ordre de 15 mSv). C’est un problème social et non un problème nucléaire comme voudrait le faire croire les millénaristes de tout poil ! L’État devrait être exemplaire sur le plan social et intégrer à EDF les ouvriers privés de la maintenance !

  5. Posted 18 mars 2011 at 15:42 | Permalien

    Tchernobyl, ils ont dit que c’était de la faute des soviétiques

    c’est toujours de la faute de … ( trois petits points)

    tous les prétextes sont bons pour ne pas se réveiller
    quand il y a une grève, y’en a toujours qui peuvent pas : les crédits ceci cela…

    vous savez quoi :
    qui souffle le vent récolte la tempête.

  6. Posted 18 mars 2011 at 18:44 | Permalien

    je suis artiste peintre , et suis ami avec Joelle Groshenny qui m’a informé de votre blog .Je l’en remercie . Lorsque j’aurai fait lecture complète ; je vous ferai part de mes appréciations . Agé de 74 ans je suis fort aise (comme dirait La Fontaine ) de constater qu’il existe de vrais combattants . Ma mère (résistante internée ) serait aux anges ! Merci pour votre détermination et respects .

  7. Posted 18 mars 2011 at 19:18 | Permalien

    Bonjour Torno,

    à votre âge, vous n’êtes pas sans savoir qu’il y a en France
    une soixantaine de réacteurs sur une superficie de 550 000 km2.
    et que plus de 80 % de l’ électricité dépend du lobby nucléaire.

    Il peut y avoir débat, referendum, on sait déjà qu’on ne vas pas en sortir en claquant des doigts !

    à bientôt.

  8. LeJeune
    Posted 18 mars 2011 at 23:31 | Permalien

    Non seulement l’arrêt d’un réacteur demande du temps mais aussi beaucoup d’eau pour le refroidissement et … de l’électricité ou à défaut des canon à eau, des hélicoptères mais quand on en est là c’est qu’il y a déjà problème. Non seulement donc mais quand il s’agit de démanteler une centrale en « fin de vie » cela semble prendre de nombreuses années 10, 15, 20 ans?
    Donc sortis du nucléaire ce n’est pas demain que nous y serons mais aujourd’hui nous pouvons déjà en décider.

  9. Posted 19 mars 2011 at 14:17 | Permalien

    suite :
    le nucléaire s’est développé hors d’un contexte de lutte de classes.
    Cela a été un choix économique et industriel dont la mise en oeuvre s’est accélérée avec les chocs pétroliers.
    C’est un lobby, largement autant à gauche qu’à droite.

    si on compare encore la France aux USA et au Japon, le pourcentage concernant l’électricité produite avec le nucléaire est de moitié moins important dans ces 2 pays.

    Nous devons exiger une sortie immédiate et sans condition du nucléaire.

  10. Posted 19 mars 2011 at 14:22 | Permalien

    dernière chose :
    ce n’est pas :
    il faudrait

    mais il faut
    ( changer de vie).

    ceux qui ne voudront pas, seront passibles d’attaques ininterrompues
    à titre d’agents de reproduction du capital.

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