22 ans de CDD…

Au boulot n°20

On retiendra cette semaine, l’incroyable nouvelle :  un facteur corrézien, Jean-Claude Vialle, a vécu 22 ans de contrats à durée déterminée à la Poste. Et il a fallu qu’il aille en justice  pour obtenir du Conseil de prud’hommes de Tulle la condamnation de La Poste pour « comportement fautif », une requalification de ses contrats précaires en CDI à temps complet de 1976 à 2001 et recevoir une réparation tardive et bien limitée pour un total de 36.577 euros.

« Un nombre très important » de ces CDD « présentaient des irrégularités », il lui avait aussi été imposé, pendant 3 ans, un « contrat à durée indéterminée à temps partiel » qui « présentait les mêmes désagréments » selon le jugement des prud’hommes. Toute une vie de travail suspendue au court terme, hachée d’incertitude, avec un lourd préjudice financier. Il s’agit « d’une discrimination évidente à l’emploi » inacceptable de la part de la Poste, dont les « résultats financiers sont toujours positifs depuis 2005 ».

« La Poste, malgré une direction des ressources humaines disposant de tous les moyens juridiques et humains, a un comportement fautif en ignorant, volontairement ou pas, de nombreux éléments du droit social ».

Comment une telle infraction au droit peut-elle exister ? Comment des DRH et employeurs peuvent-ils être cyniques et irresponsables vis-à-vis de leurs salariés à ce point ? D’autant que à la Poste ce n’est pas la première fois. Une autre affaire de CDD est en cours devant le conseil des Prud’hommes de Cahors : deux factrices et une guichetière lotoises ont cumulé des centaines de contrats sans être embauchées en CDI. Les syndicats estiment que « des dizaines de milliers de postières et postiers pourraient légitimement obtenir la même régularisation pour leurs années de précarité totalement illégales ».

Il s’agit d’une grave délinquance patronale. Et cela fait partie des cas où il faut militer pour que la répression soit infiniment plus sévère, car seules les sanctions lourdes peuvent décourager le patronat d’agir ainsi. Trop facile de diffuser la précarité artificiellement comme moyen de chantage, de pression, et de s’en sortir au cas par cas avec une petite réparation financière.

De façon plus générale, la précarité, c’est comme les termites, ça ronge les pieds du meuble du CDI, mais il y a encore 85 % de contrats en CDI, il reste un meuble à défendre ! Dans un programme commun dont la gauche aurait tant besoin pour gagner, il faut instaurer une limitation stricte des contrats précaires, par le nombre et dans le temps, par exemple pas plus de 5 % dans les entreprises de plus de 20 salariés – sauf circonstances exceptionnelles et autorisation préalable de l’inspection du travail – pour faire face aux seules et strictes exigences temporaires de surcroît de travail et de remplacement de salariés absents.

Gérard Filoche

6 Commentaires

  1. Posted 25 août 2011 at 0:19 | Permalien

    Comment garder son calme après 22 ans de CDD ? Il s’agit de rien d’autre qu’une prise d’otage. Vivement que justice soit faite pour tous ses employeurs sans scrupules, aussi bien dans le public que dans le privé.

  2. get38
    Posted 25 août 2011 at 9:09 | Permalien

    décidemment…
    les propositions que vous citez (limitation du nb de cdd, interimaires…) se trouvent … ? où ?
    dans le programme du front de gauche !
    ce n’est pas au PS qu’il faut aller les chercher ;o)

  3. Posted 25 août 2011 at 11:34 | Permalien

    oui, je suis content que cela ait été repris, un quota de CDD ou d’interim de 5 % dans chaque’ boite… et 20 propositions pour reconstruire le code cf mon livre), et 35, 60, 1700, 20 c’est excellent dans le programme du FDG…comme je suis content que « travailler mieux moins plus » soit repris par Eva Joly…L »unite de toute la gauche sera d’autant plus facile à défendre

  4. Pierre
    Posted 26 août 2011 at 14:19 | Permalien

    La poste est le grand spécialiste des contrats précaires en toute tranquilité. Je me suis toujours étonné qu ‘elle puisse pratiquer ainsi
    avec une telle telle telle impunité .horrible.

  5. Précaire Insee 31
    Posted 28 août 2011 at 23:46 | Permalien

    Bonjour,

    Suite de + de 20 ans de CDD à la poste = scandale et tant mieux.

    Mais pourquoi est-ce tellement scandaleux ???

    Car une telle suite de cdd dans le privé est heureusement presque devenue impossible dans le cadre « classique » du droit du travail.

    Mais à la poste, ces situations ont perduré en raison des changements que l’on connaît et cela a fait apparaître qu grand jour ces situations qui finissent par se dénouer denvant les prud’hommes.

    Par contre moult cdd de la fonction publique continuent à relever des tribunaux administratifs quoiqu’il arrive et le plus souvant pour le pire puisque les contractuels ne peuvent ni bénéficier du droit privé (donc des prud’hommes) ni prétendre être protégés par un statut puisqu’ils ne sont pas fonctionaires.

    Pour la subir depuis plus de 10 ans je peux vous dire qu’en plus de son absurdité, cette situation est inique et aboutit à une négation presque totale de toute humanité.

    Accessoirement, il faut savoir que les lois qui permettraient une titularisation sont allègrement détournée, là aussi, l’Insee montre l’ »exemple ».

    N’y aurait-il pas lieu de revendiquer pour ces « impasses de droit » un minimum légal applicable (soit droit du travail, soit à défaut un statut de droit commun minimal).

    Ainsi entre 15 et 20 % des effectifs de l’Insee sont concernés au moins puisque les enquêteurs se comptent entre 1000 et 1400 individus qui travaillent pour la plupart depuis plus de 10 ans pour cet institut national de la statistique.

    Bon, c’était plus un coup de guele qu’autre chose puisque sur ce site, il s’agit que soit appliqué le droit privé, ce qui n’est déjà pas de tout repos.

  6. Posted 12 septembre 2011 at 21:19 | Permalien

    « Toute une vie de travail suspendue au court terme, hachée d’incertitude, avec un lourd préjudice financier. »

    Pardonnez ma maladresse, mais je ne considère pas le CDI comme une garantie de revenu pour le long terme. Le revenu de base lui en est un.

    Caner.

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