Audit, tri, restructuration/annulation de la dette, c’est la solution au problème de la dette publique

Sarkozy, en baissant les recettes, aggrave chaque jour la dette  française : il vient d’être révélé, le 30 septembre, par l’INSEE, que la dette publique française s’est accrue de 46,5 milliards, elle est montée à 86,2 % du PIB (+ 1,7 point) !

Cette semaine encore, Angela Merkel a fait voter au Bundestag une vraie fausse solution limitée et incohérente d’aide… aux banques pour prétendument aider… les grecs. Le plan européen du 21 juillet et le FESF ne suffiront naturellement pas (quand il seront entrés en vigueur, ce qui n’est toujours pas le cas) à régler la crise de la « dette publique »…

La solution du problème reste différée : JAMAIS les grecs ne pourront rembourser ce qui est abusivement exigé d’eux. Et ce “défaut” aura forcément des conséquences en Italie, Espagne, Portugal, France, etc… En fait, Merkel (qui veut récupérer aussi l’argent des sous marins que ThyssenKrupps a vendu à Caramanlis) continue avec Sarkozy qui soutient les banques françaises… à piller les grecs !

Voilà les « quinze commandements » imposés par les canonnières des banques de la troïka UE/BCE/FMI aux grecs (version relatée par Alain Salles) : il faut les faire connaître. Si on vous imposait cela, vous prendriez le fusil.

1. Coupes dans les effectifs – saisonniers ou fixes – dans toutes les administrations, y compris les enseignants.
2. Etendre le chômage technique à l’ensemble du secteur public et application immédiate du système.
3. Egalisation de la taxe sur le fuel domestique sur celle du gas-oil.
4. Permettre la retenue sur salaire de l’impôt de solidarité destiné à financer les caisses de chômage.
5. Baisse des retraites pour les marins et les anciens employés de l’opérateur téléphonique OTE.
6. Suppression des subventions à la Poste pour la distribution de la presse.
7. Nouveau cadre juridique dans le secteur public pour réduire les indemnités de départ et les heures supplémentaires.
8. Gel des retraites primaires et complémentaires jusqu’en 2015.
9. Augmentation des amendes pour les constructions illégales.
10. Fusion ou fermeture de 35 agences d’Etat.
11. Fusion ou fermeture de 10 autres structures: agence nationale de la jeunesse, organisme de télévision publique, société de l’immobilier public, société des biens immobiliers touristique, etc.
12. Recensement des biens mobiliers et immobiliers sous le contrôle de l’Etat.
13. Recenser tous les avantages sociaux et prestations de santé; signature de négociations collectives dans 16 hôpitaux privés ; signature de contrats entre hôpitaux privés et publics pour la locations de lits.
14. Nouvelle loi pour réduire les retraites agricoles.
15. Réduire les prix des médicaments en passant des accords avec les laboratoires pharmaceutiques.

Rien n’est exigé à travers ces “commandements” par “les hommes en noir et attachés case”” de la Troïka UE/BCE/FMI contre les armateurs dispensés d’impôt par la Constitution grecque de 1975, ni contre l’Eglise orthodoxe premier propriétaire foncier, rien contre l’armement inouï vendu à la Grèce par la France et l’Allemagne, rien contre les riches trafiquants grecs d’euros planqués en Suisse, rien contre les suites de la dette des Colonels de 1967-1974, rien contre les bétonneurs fraudeurs des JO de 2004. Les “hommes en noir” de l’UE ne s’en prennent qu’aux pauvres grecs, aux salariés grecs, aux chômeurs grecs, aux retraités grecs, pas aux riches grecs, pas aux rentiers grecs… La troika à Athènes, c’est comme un corps expéditionnaire, c’est comme la fin d’une guerre perdue où les occupants pillent le pays, le mettent en coupe réglée…Tout cela accompagné d’une campagne de propagande européenne anti-grecque digne de 14-18.

En France, le débat est toujours inexistant ou feutré : même si, lors du dernier débat public interne entre les candidats du PS, Martine Aubry a eu avec François Hollande un échange significatif :  « Tout ne s’achète pas par l’argent », a t elle dit. « Dans une société qui est mue par l’argent, oui », a répondu François Hollande, avant de se voir répliquer : « Eh bien, justement, c’est ce qu’il faut changer profondément. » Ces quelques mots disent tout.

Oui, Martine Aubry, en un éclair,  a eu raison : il faut changer profondément.

Il faut exiger la levée du secret bancaire, un moratoire, un audit public de la dette grecque, des “dettes” en général. Là, est la seule solution. Il faut trier entre les dettes légitimes, les dettes illégitimes, et les dettes odieuses.

Restructuration, défaut, annulation totale, annulation partielle de la dette, c’est possible :

La restructuration consiste à réaménager les conditions de l’emprunt : durée, taux, différé d’amortissement de la dette, rééchelonnement des échéances, réduction totale ou partielle de la dette.
La notion de « défaut » n’est pas clairement établie. Elle a fait couler beaucoup d’encre à propos de la dette grecque : devait-on considérer l’incitation faite aux banques d’échanger volontairement des titres de la dette grecque arrivant à échéance avant 2020 contre des titres à plus longues échéances comme un « défaut » ?
L’annulation peut être totale ou partielle.
Si elle est totale, cela signifie que l’État endetté à souverainement tiré un trait sur sa dette publique ; elle n’existe plus.
Si elle est partielle (le « haircut » des anglo-saxons) une partie de la dette ne sera pas remboursée mais l’autre partie continuera à être remboursée. Selon les modalités initiales ou après un réaménagement de ces modalités.

La restructuration des dettes publiques grecque, portugaise et irlandaise s’impose déjà

Les dirigeants de l’UE ont accepté une baisse des taux et un allongement de la durée de leurs prêts à la Grèce : de 5,2 % à 4,2 % et de 3 ans à 7,5 ans. C’est bien une restructuration, même si elle ne dit pas son nom.  L’accord du 21 juillet 2011 va beaucoup plus loin puisque les taux des prix diminuent de 4,2 à 3,2 % et que la durée des prêts augmente de 7,5 à 15 ans (voire 30). Ces conditions sont étendues à l’Irlande et au Portugal.
Une restructuration beaucoup plus profonde de la dette publique grecque est inévitable. Mais le FMI, les dirigeants de l’UE freinent des quatre fers. Il s’agit de gagner du temps pour permettre aux banques et aux assurances de se désengager et à la BCE, au FMI et à l’Union européenne de récupérer la plus grosse partie des titres de la dette. Ensuite, elle restructurera la dette mais les banques auront encore une fois été sauvées et les peuples européens se verront infliger une série de plans d’austérité pour  recapitaliser la BCE, l’UE et le FMI des centaines de milliards d’euros qu’ils auront perdu.
Avant cette restructuration, les multinationales auront déjà fait main basse, à prix bradés, sur les services publics grecs. C’est le deuxième objectif de l’opération.
Cette pratique mène tout droit à la catastrophe. Les spéculateurs calculeront très vite, en effet,  que s’il a fallu débourser plusieurs centaines de milliards pour apurer la dette publique grecque, il sera hors de portée de l’UE et du FMI de sauver les détenteurs des titres de la dette publique espagnole (4ème économie de la zone euro), sans même parler de débourser de ceux de la dette publique italienne (3ème économie de la zone euro).

Restructuration à l’initiative des débiteurs pas des créanciers !

Ce n’est pas du tout la même chose.
Lorsque les créanciers dictent les conditions de la restructuration de la dette, ce sont eux qui tiennent le bâton.
Le pays débiteur peut alors obtenir un allongement de la durée du prêt ou une baisse du taux. Mais au total, l’objectif est de ne pas tuer tout de suite la poule aux œufs d’or pour pouvoir l’exploiter le plus longtemps possible.
Lorsque les débiteurs prennent l’initiative de restructurer la dette, ce sont eux qui tiennent le bâton et qui peuvent imposer leurs conditions à des créanciers divisés, qui tremblent pour leurs capitaux et sont prêts à bien des concessions pour en récupérer au moins une partie.
En Grèce, la finance, les oligarques européens jouent les matamores : si le Parlement grec ne vote pas le plan d’austérité, nous laisserons la Grèce « faire faillite ». Mais un État ne fait pas « faillite », il fait « défaut » c’est-à-dire qu’il restructure ou annule sa dette. Et en cas de défaut, les premières à payer les pots cassés seraient les banques. Leurs menaces ne sont donc que du « bluff ».
En effet, si Georges Papandréou avait la volonté politique  de s’appuyer sur le mouvement social grec, d’organiser un audit public de la dette, il serait en position de force face à la finance. Il pourrait décider de restructurer la dette publique grecque en fonction des résultats de cet audit et les banques n’auraient qu’à s’incliner. Car, comme l’affirmait le milliardaire américain John Paul Getty « Si vous devez cent dollars à la banque, c’est votre problème. Si vous devez cent millions de dollars à la banque, c’est le problème de la banque ». Et ce n’est pas en millions mais en dizaines de milliards d’euros que se chiffre le montant des titres des dettes publiques européennes détenus par les banques.

Y a t il des inconvénients ?

Un pays qui restructure ou annule sa dette s’interdirait l’accès aux marchés financiers.
L’argument fait rapidement long feu car c’est exactement ce qui se produit aujourd’hui non seulement pour la Grèce mais aussi pour l’Irlande ou le Portugal. Ils ne peuvent se refinancer sur les marchés financiers qu’à des taux prohibitifs ce qui revient à leur interdire l’accès à ces marchés.
Cet argument fait également long feu car ce n’est pas le sort qui, par exemple, a été réservé à l’Argentine qui avait annulé sa dette en 2001. Très vite, elle a eu de nouveaux accès aux marchés financiers qui sont uniquement mus par l’appât du gain. Pourquoi auraient-ils agi autrement ? Un pays qui annule sa dette ou la restructure en profondeur ne représente plus de risque d’insolvabilité, ses finances publiques s’améliorent très rapidement et sa croissance économique reprend. Pourquoi ne pas lui prêter si ça rapporte ?
De surcroît, un pays qui annulerait sa dette publique n’aurait guère besoin, dans les années à venir, d’aller emprunter sur les marchés financiers. Dans le cas de la France, l’annulation de la dette publique représenterait un gain de 133 milliards d’euros par an pour les finances publiques (83 milliards d’euros de remboursement du capital de la dette et 50 milliards d’intérêt). Pourquoi aller emprunter ?

Oui, il faut changer profondément, annuler partiellement la dette publique

Ce choix devrait être celui des citoyens de chaque pays. Celui des grecs. Et le notre. Pas d’austérité. Pas de rigueur. Pas de “serrage de ceinture”. La dette n’est pas celle de tous. Ce n’est pas au peuple de rembourser les risques pris par les banques. Au contraire : redistribution immédiate des richesses, hausse des salaires, des retraites, de la protection sociale, relance. Et traitement radical de la Dette.
Dans chaque pays, sur le modèle de ce qui a été organisé pour l’Équateur, devrait être organisé un audit des finances publiques [1 <http://democratie-socialisme.org/spip.php?article2471#nb1> ]  après qu’un moratoire ait suspendu aussi bien le remboursement du capital de la dette que le paiement des intérêts. Cet audit permettrait de rendre publique la réalité de la dette, ses origines, ses objectifs, la nature des créanciers (banques, assurances, SICAV, petits porteurs…) Un référendum précis devrait, ensuite, permettre de décider quelle partie de la dette serait, s’il y a lieu, remboursée.
Il n’est pas sûr qu’en Irlande, les citoyens jugent légitimes une dette qui n’a eu qu’une seule et unique  fonction : sauver de la faillite les banques irlandaises et les grandes banques européennes.
Il n’est pas sûr non plus qu’en Grèce, les électeurs considèrent que la dette contractée par les colonels entre 1967 et 1974 ait quelque chose de légitime. Pas plus d’ailleurs que la dette contractée après la multiplication par 10 du prix initial des JO de 2004 par la spéculation. Il est même certain que le financement, sans la moindre contrepartie, de la déroute des banques après 2007 ou des 110, 140 ou 170 milliards d’euros prêtés à la Grèce dans le seul but de sauver les banques allemandes, françaises, néerlandaises ou britanniques ne trouvent pas grâce à leurs yeux.
En France, également, tout devrait être mis sur la table, par la gauche élue au Sénat, et l’information sur la dette publique devrait être enfin rendue publique. Il sera alors possible de s’interroger sur la légitimité de la partie de la dette qui trouve son origine dans la baisse des impôts des riches, dans la crise bancaire de 2007-2008 et la récession qui s’en est suivi sans que la moindre contrepartie ait été demandé aux banques et aux assurances.
Il devrait, évidemment, en aller de même au Portugal, en Espagne, en Italie, en Belgique mais aussi en Allemagne (la plus endettée en fait), aux Pays-Bas…
Derrière le débat socialiste, derrière le choix des candidats, c’est ce qui se dessine et s’impose. Non, François Hollande, pas de priorité au remboursement aveugle de la dette aux rentiers. ! Oui, Martine Aubry, “il faut changer profondément” !

samedi 1er octobre 2011 par Gérard Filoche/ Jean-Jacques Chavigné

 


À paraître début octobre 2011 « La dette indigne » dix questions dix réponses, par Jean-Jacques Chavigné et Gérard Filoche (Ed. JC Gawsevitch, 220 p, 14,90 euros)
Notes [1 <http://democratie-socialisme.org/spip.php?article2471#nh1> ] Nous reprenons la proposition du CADTM – CADTM.org

2 Commentaires

  1. RV
    Posted 2 octobre 2011 at 19:05 | Permalien

    superbe ! il n’y a plus qu’à remanier le programme du PS

  2. le mulet
    Posted 3 octobre 2011 at 18:26 | Permalien

    quel programme du ps ? il y en a 6 en lice pour l’instant … sans compter celui de sarkozy (mais personne n’en parle pour l’instant)

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