Le bras de fer entre François Hollande et Angela Merkel : le chauffe-plat et le congélo

Avec les plans d’austérité imposés par l’Union européenne, sous l’égide de Merkel et de Sarkozy, les pays européens s’enfoncent les uns après les autres dans la récession et le chômage de masse.

L’Union européenne repart à gauche

Les peuples européens tirent les conséquences de la politique de Sarkozy et Merkel. Ils avaient sanctionné les partis socialistes (Portugais, espagnol, britannique…) qui avaient cédé aux pressions de la Finance et des banques. Ils se remettent à utiliser ces partis comme instrument pour parer aux féroces attaques menées par les conservateurs (Cameron, Rajoy, Coelho) contre le salariat et ses droits sociaux, même si l’abstention reste importante.

Au Royaume Uni, les conservateurs de James Cameron et les Libéraux-démocrates perdent 741 sièges aux élections municipales. Seule, la courte victoire de la droite à Londres lui permet de camoufler quelque peu sa déroute.

Aux élections régionales en Andalousie, la droite (le Parti Populaire) perd 415 000 voix par rapport aux législatives de novembre 2011 et ne peut gagner la dernière région d’Espagne qui lui échappait encore. Le PSOE regagne une partie des voix qu’il avait perdu lors de ces mêmes législatives. Izquierda Unida (l’équivalent du Front de Gauche français mais regroupant Communistes et Ecologistes) gagne 4 points (de 7,06 à 11,34 %) par rapport aux élections régionales de 2008. Le PSOE et Izquierda Unida dirigent, aujourd’hui, ensemble l’Andalouse.

En Italie, les 20 % d’électeurs appelés aux urnes pour élire leurs municipalités ont sanctionné l’austérité et le PDL de Silvio Berlusconi. A Gênes, l’une des principales villes concernées par ce scrutin, le Parti Démocrate et le PC recueillent 46,5 % des voix alors que le candidat du PDL s’écroule à 11 %.

En Allemagne, dans le Schleswig-Holstein, la CDU et les libéraux perdent 7,5 points, le SPD gagne 4,5 points et les Verts 1,2 point.

Les suffrages recueillis par le mouvement « 5 étoiles » du comique populaire Beppe Grillo, 14 % à Gênes et 20 % à Parmes ou par les « Pirates » qui réunissent 8,3 % dans le Schleswig-Holstein pointent du doigt la crise que subit la représentation populaire.

En France, François Hollande bat Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle, une élection extrêmement difficile à gagner pour la gauche.

En Grèce, le Parti socialiste (le PASOK) est lourdement et justement sanctionné pour sa politique de soumission à la Finance. C’est SYRIZA, un parti qui refuse à la fois la sortie de la Grèce de la zone euro et le « mémorandum » imposée par la Finance, Sarkozy et Merkel, qui devient le premier parti de gauche et le deuxième parti grec après le parti de droite « Nouvelle Démocratie ».

Quelle croissance ?

Face à l’échec de sa politique et aux levées de bouclier qu’elle suscite partout en Europe, Angela Merkel est obligée de reculer et se met à prononcer le terme de « croissance », alors qu’elle s’y était toujours refusé jusqu’alors.

Mais François Hollande et Angela Merkel ne donnent pas le même contenu au terme « croissance ». Pour François Hollande, il s’agit de s’opposer à l’austérité et de ne réduire les déficits que si la croissance le permet. Pour Angela Merkel, la croissance est renvoyée au long terme, lorsque les « réformes structurelles » auront permis à l’Union européenne de concurrencer les pays émergents.

Un objectif totalement hors de portée alors que l’euro cher pénalise gravement les exportations européennes et que la productivité du travail en Europe augmente deux à trois fois moins vite que dans les pays émergents. En attendant, il faut diminuer les salaires et les prestations sociales, tirer un trait sur les systèmes de sécurité sociale, en finir avec le CDI et le salaire minimum.

Quand Angela Merkel fait écho à la proposition de François Hollande de financer des projets européens de développement, elle reprend la balle au bond mais en refusant que ces projets puissent être financés par des fonds publics (à l’exception des 80 milliards d’euros soi-disant inemployés des « fonds structurels »). Il est évident, de surcroît, que les projets de développement de Merkel vont de pair avec sa politique de privatisation des entreprises d’énergie et de transports (la Grèce généralisée à toute l’Union européenne) et qu’il s’agit, pour elle, de donner un sérieux coup de pouce aux nouvelles entreprises privées de ces secteurs.

 

La France de gauche n’est pas isolée

Les élections locales qui ont lieu, aujourd’hui, en Europe, indique dans quelle direction souffle de le vent. La droite risque de perdre aux prochaines échéances électorales nationales dans bien des pays européens, notamment en Allemagne.

Des gouvernements de droite (en Espagne, au Portugal, en Italie…) considèrent l’élection de François Hollande comme un moyen de desserrer l’étau imposé par la politique de réduction prioritaire des déficits, imposée par Sarkozy et Merkel.

En Allemagne, Angela Merkel elle-même est obligée de réunir les 2/3 des suffrages des députés pour pouvoir ratifier le TSCG. Elle est donc obligée de faire des concessions au SPD.

Il est donc tout à fait possible de tenir tête à Merkel et de lui imposer un nouveau traité, un compromis peut-être, mais qui indiquerait clairement une direction différente de celle que suit aujourd’hui l’Union européenne.

Il restera ensuite, à transformer l’essai, à sortir d’une situation intenable où austérité et croissance seraient censées coexister alors que cette coexistence a autant d’avenir que celle d’un chauffe-plat dans un congélateur. Une situation tout aussi contradictoire où l’on chercherait à « rassurer les marchés » tout en cherchant à les mettre au pas.

Jean-Jacques Chavigné

7 Commentaires

  1. Dominique Babouot
    Posted 20 mai 2012 at 21:07 | Permalien

    Oui et Hollande a un allié au plan international de poids, Barak Obama abonde dans son sens et fait contrepoids à l’Allemagne et la Grande-Bretagne conservatrices.
    Rappelons que c’est Obama qui avait fait pression sur Angela Merkel lorsqu’elle refusait d’intervenir dans la crise grecque et voulait laisser la Grèce à son triste sort et l’exclure de la zone Euro

  2. Dim Sikio
    Posted 21 mai 2012 at 1:00 | Permalien

    @ Gérard Filoche

    Je suis militan fdg (au PG) et ai une grande estime pour votre parcours. Je trouve parfois mes camarades trop dur avec vous, mais les attaques de vos « droitiers » Valls, Huchon… et pour finir Collon comparant Mélenchon à Pol Pot (le tout sous le silence de la gauche du PS) ont laissé des traces chez nous.

    Par rapport à votre papier, le débat avec vous n’est pas biaisé, vous ne faites pas semblant comme nombre de socialistes de croire que quand Hollande parle de « croissance » il parle de la même chose que Monti. L’un parle de relance keynésienne, l’autre de réformes structurelles visant a saccager le droit du travail et à privatiser tout ce qui est possible.

    Mais la négociation entre Hollande et Merkel va amener Hollande a sortir de l’ambiguïté qu’il a maintenu pendant la campagne sur la question du traité. Veut-il le « compléter » ou « le renégocier » ? dans le premier cas il accepte ce qui a déjà été signé par Sarkozy et se contente de l’ajout d’un paragraphe non contraignant appelant de manière incantatoire à un retour de la croissance, Bref l’entourloupe de Jospin en 1997.

    Dans le second cas, il n’accepte pas les sanctions automatiques prévues contre la France si elle n’applique pas la doxa libérale, ni la perte de souveraineté qui va avec. Il n’accepte pas non plus que le cirque d’une « banque centrale indépendante » continue et que celle-ci prête directement aux états au taux auquel elle prête aux banques privées.

    Pour le moment on se dirige malheureusement vers le premier cas de figure. si cela ce confirme – et n’étant pas un partisan de la stratégie du pire, je ne le souhaite pas – en tirerez-vous les conséquences sur un un parti socialiste en voie de pasokisation avancée ?? Vous rejoindrez-nous pour batir cette autre gauche de gouvernement ??

    amitiés militantes

    Dimitri

  3. Guénot
    Posted 21 mai 2012 at 12:09 | Permalien

    Bonjour, il est possible que Hollande soit débordé par sa gauche interne, toutes mesurettes risquent de faire sauter son gouvernement, les compromis seront difficiles dans la situation actuelle, les échanges commerciaux existent depuis des siècles, la guerre économique sans régle, sauvage, laisse la porte ouverte au chacun pour soi, puis la finance dicter sa loi, préférant la spéculation à tout va, à l’investissement, si les politiques ne reprennent pas la main sans trembler, les Peuples risquent de se révolter avec tous les risques, guerres etc…., toutes les révolutions furent spoliées par les bourgeois et les aristocrates, les socialistes vont devoir faire leur mutation y compris avec le pcf,celui-ci continue de le faire, nécessaire dans ce monde en mouvement rapide ..

  4. Albert R
    Posted 21 mai 2012 at 18:51 | Permalien

    Fabius a déclaré, ce matin sur Europe1:

    « Il faut bien qu’on explique sans arrogance à nos amis grecs que s’ils veulent rester dans l’euro, ce qui est je crois une majorité d’entre eux (sic), ils ne peuvent pas se prononcer pour des formations qui, de fait, les feraient sortir de l’euro »

    et un peu plus loin:

    « Il faut absolument respecter le memorandum »

    C’est la première déclaration autorisée d’un membre du gouvernement socialiste contre Syriza, contre le vote démocratique des grecs, qui a été clairement anti memorandum (et pro euro, d’ailleurs). Heureusement que ce n’est pas dit avec « arrogance »!

    Que comptent dire et faire DS, UMA, Benoit Hamon?

  5. Posted 21 mai 2012 at 22:37 | Permalien

    si laurent fabius a dit cela, je suis en desaccord. Il y a une ligne entre sortir de l’euro et refuser l’austerité, Laurent doit le savoir. Enfin Le memorandum est un texte inacceptable, intolérable, odieux même.

  6. Albert R
    Posted 22 mai 2012 at 0:01 | Permalien

    « si laurent fabius a dit cela », dis-tu, Gérard.

    Je te renvoie aux meilleures sources:

    http://www.laurent-fabius.net/

    Amitiés, et respect pour ton action.

  7. Pusseux
    Posted 24 mai 2012 at 15:57 | Permalien

    ben alors gégé tu ne sais pas ce que disent tes chefs et pourtant tu les soutiens ???? tu me déçois là !

One Trackback

  1. [...] leurs gouvernements lors de toutes les élections, locales ou nationales, qui se présentent (voir cet article qui en parle). Le cas le plus emblématique étant bien entendu celui de la Grèce, avec une nouvelle élection [...]

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