Chronique HD n°81 : Rupture conventionnelle : pas de motif pour être au chômage ?

Il traîne toujours cette vieille idée réactionnaire dans les discours des actuels meetings de  l’UMP et de Sarkozy que les chômeurs sont chômeurs parce qu’ils le veulent bien, parce qu’ils ne veulent pas travailler, parce qu’ils refusent sans motif,  les boulots qu’on leur propose.

Mais alors pourquoi est-ce l’UMP et le patronat qui ont poussé les salariés à devenir chômeurs suite à une rupture de contrat… « sans motif » ?  Pourquoi avoir organisé depuis octobre 2008 un gigantesque système poussant des centaines de milliers de salariés à quitter leur boulot par rupture non justifiée ?

Il s’agit de la « rupture conventionnelle » du contrat de travail. Instaurée sous la pression du Medef de la célèbre Mme Parisot dans la loi Bertrand d’août 2008, décret appliqué le 1er octobre 2008. La « rupture conventionnelle » permet à un patron et à un salarié de se « séparer » (sic) de rompre leur contrat, sans qu’une « cause réelle et sérieuse » ne soit nécessaire. La séparation se fait par accord tacite, et le salarié a droit à une indemnité et à l’assurance-chômage.

Le problème est que, depuis octobre 2008, il y a 250 000 ruptures conventionnelles par an, sans doute 900 000 à ce jour. C’est le plus grand « plan pas social » de ces trois dernières années, la plus grande machine à pourvoir le Pôle emploi, un déferlement organisé et quasiment sans aucun contrôle. Il suffit de signer un papier, d’attendre un délai de 15 jours pour valider si les services de l’inspection du travail ne disent rien. Et hop, emballé, vous voilà chômeur, sans plan social, sans obligation de reclassement, sans formation…

Les patrons dégraissent ainsi leurs effectifs de façon préférentielle. Ils mettent le couperet sur la nuque du salarié qui n’a pas vraiment le choix et qui signe. Parfois, il y en a qui passent ainsi en dessous du seuil de 50 salariés de cette façon pour ne pas mettre en oeuvre de « plan social ». D’autres font un « pont d’or » pour se débarrasser d’un délégué syndical trop entreprenant. Tous s’épargnent les obligations liées au licenciement et les reportent sur les services du Pôle emploi.

Il faut protéger l’emploi. Pas faciliter le chômage. Et non seulement établir une nouvelle forme ad hoc de contrôle des licenciements abusifs et sans cause réelle et sérieuse, mais interdire ce genre de pratique de « ruptures conventionnelles » si défavorables aux salariés.

2 Commentaires

  1. jorie
    Posted 12 août 2012 at 13:17 | Permalien

    C’est ainsi que le patronat français,probablement le plus incivique en Europe, se décharge sur la collectivité de ses reponsabilités, pendant que les élus organisent la destruction psychique des individus par la culpabilisation des chômeurs et la dénonciation des « assistés ».Les politiques aujourd’hui participent à cette décadence morale,au déclin et au mépris de tout ce qu’il y a de digne et de beau dans l’être humain: l’amour de son travail,le respect du travailleur,la solidarité envers les plus faibles. L’oligarchie c’est la promotion de toutes les racailles de l’humanité. Triste à pleurer.La technocratie change en « complexité technique » inaccessible aux « petites gens qui ne comprennent rien », ce qui n’est finalement que la bassesse,la prédation et la haine des autres.

  2. Serge
    Posted 23 août 2012 at 18:30 | Permalien

    Je partage tout à fait cette analyse, mais j’apporte un petit bémol dans la mesure où cette loi a quand même parfois un effet positif pour des salariés qui n’en pouvaient plus de leurs boulots et qui souhaitaient le quitter…et n’avaient d’autres choix que de démissionner et de se retrouver ainsi sans indemnités chômage dans le cas ou par exemple le nouveau poste envisagé ne s’avèrerait pas concluant.
    Il ne faut pas oublier que pour beaucoup de salariés (notamment des PME) les progressions professionnelles et donc salariales ne sont pas toujours possibles, et le fait de changer d’entreprise permet à de nombreux salariés de profiter de cette dynamique.
    Il existe encore des secteurs d’activités et des métiers où selon le niveau de qualification et de compétences, le salarié peut être demandeur de cette mesure, et être en relative position de forces par rapport à son employeur pour tenter d’aller sur un autre poste et ne pas forcément rester dans une entreprise où les situations peuvent être fermées (incompatibilité d’humeur, pas de possibilités d’évolution…).
    Mais j’ai bien conscience que dans la plupart des cas, le patronat peut effectivement profiter de cette mesure pour camoufler les licenciements économiques.

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