D’abord félicitons-nous d’avoir gagné dans l’élection partielle du Doubs. Nous gardons le siège de député à gauche, c’est une bonne nouvelle après 14 élections partielles où nous avons été éliminés. Le candidat du Parti Socialiste l’a emporté face à la candidate du FN ! Frédéric Barbier a obtenu 51,43 % des suffrages exprimés contre 48,57 % à Sophie Montel. 15 504 voix contre 14 641 : une différence de 863 voix. Le FN était pourtant arrivé en tête au 1er tour avec 32,6 % des suffrages exprimés, alors que le PS plafonnait à 28,8 % et que le candidat de l’UMP était éliminé avec 26,5 %.
Frédéric Barbier a gagné 8 088 voix et progresse de 22,6 points. Il a sans doute bénéficié du report d’une bonne partie des voix du FdG, de EELV et dans une moindre mesure de LO, malgré le silence assourdissant de Jean-Luc Mélenchon et le refus de LO d’appeler à battre le FN. Il a bénéficié de l’apport d’une partie des voix des électeurs (les nôtres !) qui n’avaient pas voté lors du 1er tour. L’UMP s’est partagée, entre ceux qui ont vote PS et ceux qui ont permis que Sophie Montel, progresse, elle-aussi, même si c’est dans une moindre mesure, de 16 % et de 6 269 voix !
C’est extrêmement dangereux : l’UMP nourrit le FN. Et c’est l’abstention à gauche, celle de NOS électeurs, qui est considérable et détermine de plus en plus tous les résultats.
Nos électeurs nous sont paradoxalement fidèles, ils ne vont pas voter à droite, il n’y a pas de glissement de la gauche vers la droite, ils ne vont pas non plus voter ailleurs à gauche, ils s’abstiennent. Ils ne vont pas voter FdG parce que le sectarisme de Jean-Luc Mélenchon anti PS les repousse, mais nos électeurs sont très mécontents et le font savoir en s’abstenant. Là, ils sont revenus en partie, on peut s’en féliciter, pour faire barrage au FN. Mais le propos d’un électeur de Frédéric Barbier (rapportés par Libération du 8 février) est très clair : « Je ne me suis pas déplacé la semaine dernière parce que les politiques me dégoûtent de plus en plus. Aujourd’hui, je suis là pour faire barrage au FN. Mais la gauche devrait faire attention… Si elle continue à mener une politique de droite et à oublier ses électeurs, la prochaine fois, je reste chez moi. Et je ne pense pas être le seul dans cet état d’esprit ».
L’«union nationale» souhaitée lors des 10 et 11 janvier ne fonctionne pas. L’«effet 11 janvier» n’a pas empêché une bonne partie des électeurs de l’UMP de voter pour le FN (sans doute la moitié), de s’abstenir ou de voter blanc (les bulletins blancs et nuls ont augmenté de 5,5 points (2 000 bulletins) entre les deux tours. Comment parler « d’unité nationale » quand le gouvernement lui-même ne rassemble pas tous les socialistes ? Comment parler « d’unité nationale » alors que l’unité de la gauche n’est même pas faite ? Comment parler « d’unité nationale » avec l’UMP Sarkozy qui va chercher son argent au Qatar et revient pour faire semblant de lutter « ni ni » contre l’intégrisme ? Comment parler « d’unité nationale » au FN qui, xénophobe, exige que les Grecs paient totalement une dette indigne, alors que nous soutenons légitimement Syriza qui la remet en cause ?
Jean-Christophe Cambadélis crie : « Il y a le feu au lac !» Accuser la désunion de la gauche et les sectarismes qui s’y nichent, certes, y a de quoi faire ! Mais on ne peut en rester à l’accusation, ni la nourrir, ça ne sert pas. Que proposons-nous de concret, de volontaire, d’actif, pour changer cela et reprendre l’initiative pour réunir la gauche ? Après tout c’est NOUS qui avons le pouvoir et ca dépend de nous !
La gauche était unie en mai juin 2012 derrière les « 60 engagements de François Hollande » mais pas si on leur tourne le dos. Pas si on ne cherche qu’à plaire au Medef et aux ultra-libéraux de la Commission européenne. Manuel Valls dénonce « l’apartheid » existant et affirme « Le FN représente un véritable danger, surtout quand, en face, la digue n’est pas suffisamment solide … » Hé oui, la porosité entre l’électorat de l’UMP et du FN est de plus en plus grande et ça fait longtemps que les digues n’existent plus ! Pas la peine de faire risette à l’UMP. Claude Bartelone : « La gauche n’a pas vocation à être le spectateur ou le commentateur de la marche de l’extrême-droite vers le pouvoir ». Non, en effet, on est au pouvoir on doit agir !
Mais malheureusement, c’est clair, les principes abstraits tels les « valeurs de la République » ça ne marche pas. Ni le « front Républicain » ni tout ce verbiage. Le chômage augmente, 40 000 de plus le mois dernier, 192 000 de plus en 2014, la misère augmente, les inégalités criantes augmentent, la fraude fiscale s’étale, chacun les voient exploser à chaque heure chez soi, dans la salle a manger, sur les écrans de télévision : ca fait enrager des millions de gens qui n’ont rien dans leur assiette. Il faut leur donner quelque chose dans leur assiette. Il faut augmenter les salaires !
David Assouline dit que ca n’a rien à voir avec le chômage, rien à voir avec les salaires mais tout à voir avec les idées, avec la « République en danger », etc. car selon lui, « d’habitude les pauvres votaient a gauche » et là ils voteraient à droite… Ce ne serait plus une question sociale mais de basculement idéologique à contrer, et la question principale serait celle de l’immigration !
NON, NON et NON, la question centrale est celle du chômage et des salaires. Augmentez les salaires, ca relativisera la question de l’immigration. Si vous voulez mener la « bataille des idées » : tapez sur la finance pas sur l’immigré. En effet les salariés votent évidemment pour la gauche quand la droite les pille et les spolient, mais là c’est la gauche qui le fait ! Alors ils s’abstiennent parce que c’est la gauche qui fait reculer leurs droits du travail. C’est la gauche qui a fait l’ANI, la loi du 14 juin et la loi Macron. C’est la gauche qui donne 41 milliards au Medef pour rien, et enlève 50 milliards à nos besoins sociaux – sans même prendre la peine d’aller chercher l’argent de l’immense fraude fiscale, luxleaks, swissleaks, HSBC… C’est la gauche qui ne tient pas ses promesses, qui ne réduit pas la durée du travail mais la laisse augmenter et les fossés se creuser avec. C’est donc bien la gauche qui décourage et nourrit l’abstention. C’est la gauche qui donne ce sentiment d’impuissance face à la finance. Quand Macron dit aux jeunes « enrichissez vous » et « ayez envie de devenir milliardaires », ça fait mal, c’est le désert des idéaux dans lequel meurt l’espoir et naissent les dangereux scorpions. Quand on bloque le smic, mais qu’on facilite la distribution gratuite d’actions aux spéculateurs qui s’enrichissent du chômage, on se coupe nous même l’herbe sous les pieds. Pas de République sans social.
Je n’aime pas être Cassandre, je n’aime pas dire qu’on va dans le mur, mais inexorablement nous y allons, et ça se voit, et on sait tous pourquoi ! Alors que le parti dans son congrès impose une ré orientation ! Ce qui val mal, de plus en plus mal, ce n’est pas « la faute aux gens », c’est NOTRE faute ! Trop facile d’accuser les gens du désespoir que nous avons fait naitre en eux. A ne pas entendre, à se boucher les oreilles, à ne pas reprendre un cap à gauche, nous allons connaître des résultats terribles, terrifiants, le temps passe, le lac brule.
8 Commentaires
Excellent texte ! Excellente démonstration de ce qui ne va pas !
Je pense que nous sommes nombreu(ses)x à partager cette excellente analyse.
Comment se peut-il qu’un si petit nombre de socialistes (députés, sénateurs…) pour réagir voire jusqu’à créer un nouveau parti ?
Il est URGENT de rappeler à Hollande ses promesses, je fais partie des électeurs qui ne donnera plus jamais sa voix au PS si il n’y a pas un total revirement de la politique menée actuellement.
Merci ! Merci infiniment pour avoir si clairement dit haut et fort ce que nous sommes nombreux à penser, nous les électeurs « de la base » !
Marie Teillet-Louboff
Le PS actuel donne l’impression d’un malade en état de mort cérébrale, qui du coup ne peut (veut ?) pas voir les signaux d’alerte du « corps » (à savoir nous, qui, bon gré mal gré, avons encore une fois voté PS pour empêcher la droite de repasser).
Tout comme Marie, il est clair que, cette fois, je ne donnerai pas ma voix au PS, quelles que soient les « consignes » de mon candidat (et indépendamment de son supposé « sectarisme ». Comment pourrait-il soutenir un parti qui est objectivement, de par la politique menée, de droite ?) et quels que soient les risques.
Il faudra aussi qu’ils comprennent cela, que d’agiter la marionette FN quand ça les arrange, ça ne marche plus…
Nous avons élu un nul, nous devons en assumer la responsabilité.
Ce qui serait grave, ce serait de le reconduire, lui et sa clique de godillots, en 2017.
Nous ne devons jamais placer tous nos espoirs sur un homme; l’homme providentiel cela n’existe pas !
Seul un parti Syrisa à la française pourra nous sortir de l’ornière ou nous sommes.
Un projet, une direction collégiale, un candidat unique.
Le reste, c’est du baratin !
ah c’est dur a comprendre ce que c’est qu’une « organisation traditionnelle » du mouvement ouvrier hein ? le poids de la tradition dans le salariat dominé est encore plus fort que le poids de la tradition dans la bourgeoisie dominante !
Toutes les études sociologiques montrent que l’électorat du parti dit socialiste a changé, suivant en cela la sociologie des membres du parti dit socialiste, qui est devenu un parti de bourgeois, de notables, d’élus ou d’aspirants à l’être. Et malgré toutes les études publiées, Gérard continue de nier l’évidence. Que faire contre la mauvaise foi ? J’ai bien peur qu’il n’y ait pas d’armes.
ca se saurait si les bourgeois etaient 16 millions
Je ne parle pas des électeurs (qui peuvent se faire abuser d’autant plus que le jeu démocratique est vicié) mais des membre du parti dit socialiste. Une fois de plus, tu fais semblant de ne pas comprendre et tu refuses de t’instruire en lisant les analyses sociologiques concernant ton parti de bourgeois.
Oups, un mot à sauté. Je voulais dire : « je ne parle pas seulement des électeurs ». Non pas pour me défausser, mais parce que ce n’est pas tout l’électorat du parti dit socialiste qui a changé. N’oublions pas que le think tank Terra Nova, très influent au sein du PS (pour résumer, on pourrait dire que ce sont eux qui sont au pouvoir) a théorisé qu’il ne fallait plus que le PS s’adresse aux ouvriers mais privilégie les thèmes sociétaux (mariage pour tous, etc…)