Le seul renouveau de la motion Valls-Cambadélis : le retour de Guy Mollet !

 

Guy Mollet dirigea la SFIO (l’ancêtre du PS) de 1946 à 1969. Il est resté célèbre par son attitude politique qui consistait à tenir un discours très à gauche les dimanches et les jours de congrès et à pratiquer, le restant du temps, une politique alignée sur les exigences du patronat. Il devint, notamment, président du Conseil en 1956 après avoir mené campagne, aux législatives de la même année, pour la paix et l’indépendance algérienne. A peine arrivée au pouvoir, il envoya le contingent en Algérie et fit passer la durée du service militaire de 18 mois à 27 mois…

Cette politique avait abouti à l’arrivée du général de Gaulle au pouvoir en 1958 et aux 5 % du candidat socialiste à la présidentielle de 1969. C’est le congrès d’Epinay, en 1971, qui avait permis la renaissance du Parti socialiste.

La motion Valls-Cambadélis nous propose de dépasser le parti d’Epinay mais c’est, en fait, pour revenir aux pratiques de la SFIO de Guy Mollet : une politique de gauche pour le congrès, une politique pour satisfaire le patronat, le restant du temps.

Voilà quelques exemples, parmi d’autres, de ce « mollétisme » retrouvé de la motion Valls-Cambadélis.

« Remettre la finance à sa place !  »

La loi bancaire de juin 2013 n’a pas touché à la « banque universelle » qui continue de faire courir le même danger à ses déposants et à l’économie qu’avant la crise de 2007-2008. Alors que les activités spéculatives des banques concernent 80 % de leur bilan, seuls 0,75 % à 1,5 % des activités des banques ont été cantonnés dans des filiales séparées.

 

Mais qui, diable, pouvait bien gouverner la France en 2013 ? Certains d’entre eux ne se sont-ils pas glissés parmi les signataires de la motion Valls-Cambadélis ?

« La réindustrialisation de la France est un objectif fondamental pour les socialistes »

Mais alors, pourquoi des nationalisations provisoires (un temps dans le débat public) n’ont-elles pas été réalisées ? Ne serait-ce que pour des secteurs jugés stratégiques ? L’état stratège n’est-elle qu’une notion pour les débats de congrès ?

Pourquoi aucune loi pour interdire les licenciements boursiers n’a-t-elle été proposée au vote du Parlement par les gouvernements Valls et Ayrault ?

Pourquoi l’Etat a-t-il laissé licencier des dizaines de milliers de salariés : PSA, Renault et leurs sous-traitants, Fagor-Brandt, Arcelor-Mittal,  Petroplus, Doux, Gad, Faurecia, Sanofi, Thyssenkrupp Elavator, CBI (ex-Bosch), Lejaby, Tarkett, Laboratoires Pierre Fabre, Michelin, Goodyear, Bats, la SNCM, Mory-Global, Total et tant d’autres ?

Alors que notre pays compte 572 000 chômeurs (catégorie A) supplémentaires, depuis notre arrivée au pouvoir, comment peut-on signer une motion qui s’assigne un tel objectif et ne pas condamner Emmanuel Macron quand il déclare « mon job n’est pas de préserver les emplois existants » ?

« Accroître le pouvoir d’achat et œuvrer pour la justice sociale »

La politique d’augmentation du Smic de Nicolas Sarkozy a été prolongée par nos deux gouvernements de gauche. A l’exception d’une augmentation de 6,45 euros par mois en 2012 (moins de 2 baguettes par semaine !) le Smic n’a pas reçu le moindre « coup de pouce ». La valeur du point dans la Fonction publique est restée gelée.

La retraite à 60 ans pour les carrières longues a, certes,  été rétablie dès juillet 2012. Mais, alors qu’en 2010, nous étions aux côtés des millions de salariés qui refusaient l’allongement de la durée de cotisation, notre gouvernement a, comme sous Sarkozy, allongé la durée de cotisation de 6 trimestres.

Tant pis, si au moment de prendre leur retraite 60 % des salariés du privé ne sont plus au travail mais au chômage, en maladie ou en invalidité…

 

L’Accord national interprofessionnel de 2013, devenue la loi Sapin de juin 2013 mais en pratique la célèbre recette du « Pâté d’alouette ».

Une alouette de droits supplémentaires pour les salariés : la généralisation de la complémentaire santé.

Un cheval de flexibilité supplémentaire au profit du patronat : mobilité géographique ou professionnelle obligatoire sous peine de licenciement ;  baisse des salaires ou variation du temps de travail ;  procédures de licenciements simplifiés ; réduction à deux ans (contre cinq auparavant) de la période pendant laquelle un salarié peut saisir le tribunal des prud’hommes ; limitation de l’intervention du juge en cas de licenciements…

« L’encadrement des loyers doit être mis en place pleinement »

Après avoir supprimé cette mesure qui figurait dans la loi ALUR de Cécile Duflot, Manuel Valls n’hésite pas à signer une motion qui réclame son rétablissement !

« La fiscalité au service de la croissance et de la justice : nous croyons à l’impôt progressif et redistributif »

Les nombreux ministres et anciens ministres, signataires de la motion Valls-Cambadélis croient à l’impôt progressif et redistributif. Ils n’ont pourtant rien fait pour le mettre en place.

Qui pouvait bien être ministre du Budget, lorsque le gouvernement a fait adopter, en décembre 2012, l’augmentation de la TVA que notre parti condamnait sous Sarkozy ?

Qui pouvait bien être ministre des Finances, lorsque la suppression progressive (décidée en 2008) de la ½ part pour les veuves est devenue une suppression tout court et que les impôts de millions de ménages très modestes, qui n’en payaient pas auparavant, ont été augmentés.  Tous ceux qui ont fait du « porte-à-porte », lors des élections départementales, ont pu constater l’enthousiasme qu’avait soulevé « la fiscalité au service de la justice » dont se targue la motion Valls-Cambadélis.

Qui pouvait bien être ministre lorsque le gouvernement s’est assis sur le 9ème engagement de François Hollande « revenir sur les cadeaux fiscaux et les niches fiscales accordées aux grandes entreprises », en faisant exactement l’inverse, et en accordant un supplément de 41 milliards d’euros annuel de niches fiscales et sociales, dont les grands groupes sont les principaux bénéficiaires ?

« Les collectivités locales doivent retrouver un pacte de solidarité avec l’Etat qui doit intégrer l’investissement productif qu’elles soutiennent »

Comment les ministres signataires de la motion Valls peuvent-ils signer une motion qui affirme un tel objectif alors que le gouvernement auquel ils appartiennent ne cesse de réduire  l’investissement public et, notamment celui des collectivités territoriales qui représente 70 % de l’investissement public. Selon l’association des maires de France, la baisse cumulée des dotations aux collectivités territoriales s’élèvera à 28 milliards d’euros, d’ici 2017 !

« Dans l’entreprise, les salariés, pour être respectés, doivent avoir des droits »

Le projet de loi Macron, en supprimant le 2ème alinéa de l’article 2064 du Code civil permet qu’un contrat, passé entre un salarié et son employeur, de travail ne soit plus forcément soumis au droit du travail : l’un des plus grand reculs du droit du travail depuis 70 ans.

« Les règles qui régissent le contrat de travail doivent permettre une sécurité pour les salariés et combattre la précarité qui les frappe »

84 % des embauches se font maintenant en CDD et la durée moyenne des contrats est de 10 jours, selon la Dares. Pourquoi les ministres signataires de la motion Valls-Cambédélis n’ont-ils rien fait contre ce fléau ? Pourquoi ont-ils, au contraire, par la loi de juin 2013, cherché à flexibilisé encore plus le travail ?

Le projet de loi Rebsamen – c’est un secret de Polichinelle – cherche à satisfaire un souhait pressent du Medef : une rupture (même abusive) du contrat de travail qui n’entraîne aucun versement d’indemnités pour l’employeur. Notre ministre du Travail n’a-t-il pas, pourtant, signé la motion Valls-Cambadélis qui prétend sécuriser les salariés ?

« Nous sommes opposés à une nouvelle extension du travail du dimanche »

C’est ce qu’affirme la motion Valls-Cambadélis en développant l’argumentation de tous ceux qui, à gauche et dans les syndicats, s’opposaient au projet de loi Macron : «  Le dimanche doit d’abord être un moment du vivre ensemble. C’est une question de protection des salariés les plus fragiles pour lesquels la liberté de choix n’existe pas réellement… »

Comment Manuel Valls et ces ministres ont-ils pu signer, sans rire, une motion opposée à l’extension du travail du dimanche, quelques semaines après avoir imposé, à l’Assemblée Nationale, le vote du projet de loi Macron, qui étend considérablement le travail du dimanche ?

« L’information économique sur la situation de l’entreprise doit être accessible aux salariés »

La « base de donnée unique » mise en place par la loi de Michel Sapin, signataire de la motion Valls-Cambadélis, réduit à la portion congrue les informations que l’employeur était, auparavant, obligé de fournir au Comité d’entreprise.

« L’engagement des femmes et des hommes dans l’action syndicale doit être reconnu et valorisé

L’un des principaux obstacles à la syndicalisation est la répression antisyndicale menée par le patronat. Pourquoi, dans ces conditions, refuser l’amnistie des syndicalistes condamnés pour avoir défendu les emplois et les salaires avec, parfois, un peu d’emportement ?

Pourquoi refuser cette amnistie au moment même où notre gouvernement annonce qu’un employeur qui entrave à la réunion d’un comité d’entreprise ne sera plus passibles de sanctions pénales ?

« Renforcer le droit d’initiative et de contrôle du Parlement »

Depuis le début du quinquennat, les pressions les plus diverses ont été exercées sur les députés qualifiés de « frondeurs » pour les amener à voter les projets de loi du gouvernement qui leur posaient problèmes car ils n’étaient pas conformes à l’engagement pris envers nos électeurs

Comment, après avoir utilisé l’article 49.3 pour faire adopter, à l’Assemblée nationale, le projet de loi Macron, notre premier ministre peut-il signer une motion qui affirme la nécessité de renforcer le droit d’initiative et de contrôle du Parlement ?

Pourquoi, Manuel Valls, signataire éminent de la motion A, n’a-t-il pas condamné publiquement les commentaires d’Emmanuel Macron qui déclarait à propos des députés « frondeurs » : « Sur la position initiale du parti, s’est greffé un foyer infectieux qui ne s’est pas éteint » ?

« Le non-cumul des mandats »

Combien de cumulards parmi les signataires de la motion Valls-Cambadélis ?

« Nous devons aider les Grecs à demeurer dans l’euro et retrouver le chemin de la croissance »

Comment cet objectif est-il compatible avec la déclaration de Manuel Valls, lors de sa récente visite officielle au Portugal, dans laquelle il affirmait attendre de la Grèce qu’elle fournisse « une liste de réformes plus profondes ». C’est pourtant la 4ème fois que l’Union européenne oblige Syriza à revoir sa copie pour l’obliger à renoncer à ses engagements et le forcer à aggraver une politique d’austérité qui a provoqué une baisse de 26 % du PIB grec depuis 2009.

 

La méthode Guy Mollet montre ici ses limites. A force de grand écart, c’est la déchirure musculaire qui menace. Jean-Christophe Cambadélis déclarait, lors de la victoire de Syriza, le 25 janvier : « C’est un raz de marée contre l’austérité qui va renforce le camp de ceux qui luttent contre l’austérité ». Manuel Valls a choisi, pour sa part, de se situer du côté du problème de l’austérité, plutôt que du côté de la solution, tout en signant une motion qui affirme vouloir aider les Grecs !

 

Chacun peut, par la même occasion, prendre conscience du poids de l’actuel Premier secrétaire de notre parti. Quand il s’agit des choses sérieuses et pas de discours pour le dimanche, les jours de congrès et les jours de fête, le Premier ministre n’a que faire de son avis.

« La force de l’unité, c’est la « belle alliance » : l’alliance populaire »

Un nouveau Front populaire avec Emmanuel Macron en tête de gondole ? Même Guy Mollet n’aurait pas osé.

« L’avenir n’est pas le social-libéralisme car, à la fin, il reste le libéralisme sans le social »

« Et puis sans l’égalité, sans la solidarité, sans les services publics, sans la protection sociale, le libéralisme n’est pas une liberté, mais un asservissement du faible par le fort, du démuni par le nanti, du créateur par le financier, du mérite par l’héritage, de l’effort par la rente. Une course sans fin au profit. Une tyrannie du court terme. Un consumérisme grégaire. Le règne du chacun pour soi. On spécule sur tout, y compris sur les aliments. Tout se marchande, le travail, la santé, les retraites, jusqu’aux corps eux-mêmes ».

Il est difficile, après une telle péroraison de ne pas avoir une pensée émue pour nos camarades de parti qui affirment dans toutes les réunions depuis près de trois ans, malgré l’incrédulité que soulèvent leurs propos : IL N’Y A PAS  D’ALTERNATIVE au social-libéralisme !

4 Commentaires

  1. Davesnes
    Posted 17 avril 2015 at 15:35 | Permalien

    Laurence Parisot a failli embaucher Macron. Voir
    « La carrière manquée de Macron au MEDEF » :
    http://www.boursorama.com/actualites/la-carriere-manquee-de-macron-au-medef-2551ea141b9e59a532bc880ea9f27901

    Comment oser dire que le PS n’est pas devenu un parti de droite ? Sa place sur l’échiquier politique est incontestable.

  2. Dominique Babouot
    Posted 17 avril 2015 at 19:39 | Permalien

    Je dirai que la motion A et le ralliement surprise à cette motion avec la surenchère scandaleuse au niveau du texte est une tromperie, un leurre destiné à tromper les militants socialistes!

    Honte à Martine aubry qui se prete à cette manœuvre!

    A Toulouse en 2012 on pouvait avoir quelques illusions quant à la nature de Valls et Hollande en 2015, c’est carrément etre complices!

    Elle aurait mieux fait de présenter sa propre motion si elle ne voulait pas rejoindre celle de la gauche par peur qu’il se produise ce qui s’est produit quans elle a été élue première secrétaire!

    Martina Aubry ne remonte pas dans mon estime, si cela se produit quand meme elle aura du mal à recoller les morceaux et a se présenter en championne de l’unité des socialistes, bien fait pour elle!

    Un espoir, tout autre Laura Slimani vient d’etre élue présidente des jeunes socialistes européens, c’est un immense espoir qui se lève et qui encourage ceux qui ne veulent pas que le ps Français ressemble au parti travailliste britanique ou au spd allemand.

    Rappelez-vous Laura Slimani est présidente du mjs et s’était distinguée à la dernière université d’été de Larochelle en étant à la tribune lors de la séance de cloture, la seule des intervenants à critiquer la politique du gouvernements Valls et à reprocher ouvertement au premier ministre d’avoir éjecté Benoit Hamon et Arnaud Montebourg du gouvernement!

    Bravo à Laura, elle nous donne de l’espoir à toutes et tous!

  3. Mohamed
    Posted 18 avril 2015 at 15:15 | Permalien

    Bonjour M.FILOCHE,
    Merci pour cette mise au point. Il y a bien évidemment un rendez-vous historique pour faire en sorte que le Socialisme sorte victorieux.
    Courage à vous, et je voterai la motion défendu par votre courant!
    Cordialement,
    Mohamed.

  4. RomainRolland1
    Posted 20 avril 2015 at 17:16 | Permalien

    Oui, François Hollande ressemble beaucoup à Guy Mollet. Surtout pour sa politique étrangère : alignement strict sur les Etats Unis, goût prononcé pour les opérations en Afrique où nous risquons la vie de nos soldats..pour l’Amérique. Guy Mollet lui non plus n’aurait pas eu le courage d’accorder refuge à Ed Snowden. Tout Guy Mollet y est !

Déposer un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera jamais transmise.

*