Réponses à l’argumentaire économique de la motion Valls-Cambadélis

L’argumentaire économique de la motion Valls-Cambadélis accentue le sentiment d’un grand écart entre le contenu de la motion A et la politique du gouvernement, entre le « dire » et le « faire ».

La motion A, signée par tous les membres socialistes du gouvernement de Manuel Valls, pratique le grand écart en proposant une politique en complète contradiction avec la politique menée par ce même gouvernement aussi bien qu’avec les déclarations de Manuel Valls juste après la déroute des départementales, affirmant qu’il ne changerait pas de politique.

L’argumentaire économique de la motion A, en parfaite symbiose avec la déclaration de Valls, mais en opposition avec une partie de ce qu’écrit la motion A, explique qu’il faut continuer exactement comme avant, car il n’y a rien d’autre à faire.

Les différences entre la motion A et cet argumentaire sont donc assez sensibles.

Un seul exemple, significatif.

La motion A insiste sur les concessions qui auraient été faites à Martine Aubry à propos du CICE : « Un rapport sera là aussi réalisé avant l’été. Les engagements ne semblent pas, à ce stade et par toutes les branches professionnelles, respectés. Si cette situation est confirmée par l’évaluation nationale, nous estimons que les 15 milliards du Pacte qui restent à utiliser devraient dorénavant l’être plus directement pour favoriser l’emploi, l’investissement privé productif et les investissements publics. » (p.11).

Les rédacteurs de l’argumentaire économique de la motion A ont un tout autre point de vue   puisqu’ils écrivent : « Selon le rapport de la mission d’information et de suivi du CICE, ce qui a permis un 1er bilan d’étape, les entreprises utilisent les allègements pour investir (50 % des entreprises), créer des emplois (43 % des entreprises de services, 31 % des entreprises industrielles) et augmenter les salaires (38 % des entreprises de services, 20 % des entreprises industrielles) »..

Il est évident que le jugement a déjà été rendu et que, contrairement aux promesses faites à Martine Aubry, les 15 milliards continueront à être versés sans la moindre contrepartie aux entreprises.

Les rédacteurs de l’argumentaire économique de la motion A ne semblent même pas, d’ailleurs, s’être rendu compte que leur analyse constituait un aveu de la complète inutilité, sur le terrain de l’emploi, de l’investissement productif ou des salaires, des milliards versés aux entreprises. Car personne, à part eux, n’a pu distinguer un moindre progrès dans ces domaines.

Il n’est pas, cependant, inutile de répondre aux points les plus importants de ce petit édicule néolibéral.

1- Défendre la stratégie économique du gouvernement

Les rédacteurs de l’argumentaire économique de la motion A ne sont, visiblement, pas informés du fait que la motion A, propose une autre stratégie économique, prétendant rompre avec le « social-libéralisme »

A- L’opposition entre « politique de l’offre » et « politique de la demande ».

En réalité, ces politiques ne s’opposent pas, si l’on considère qu’il peut, aussi, exister une politique de l’offre publique. Il est vrai que l’idée d’une « offre publique » ne pouvait effleurer l’esprit des néolibéraux qui ont rédigé l’argumentaire économique de la motion A.

Ce que ne comprennent pas les rédacteurs de l’argumentaire économique de la motion A, c’est la contradiction de la situation actuelle que l’on peu résumer ainsi : Les entreprises ne veulent pas ; les Etats ne peuvent pas !

Les entreprises ne veulent pas car elles n’ont aucun intérêt à investir tant qu’elles ne savent pas si une production supplémentaire trouverait un débouché. C’est ce qu’exprimait clairement le président de la CGPME quand il répondait à la question de savoir si le CICE serait efficace « Il faudrait pour cela que les carnets de commande se remplissent ».

Les Etats ne peuvent pas parce que les « règles » absurdes fixées par la Commission européenne et le TSCG leur lient les mains en les obligeant à, avant tout, réduire les déficits publics.

L’investissement public, l’offre publique est pourtant, la seule méthode pour dépasser la contradiction devant laquelle se trouve chaque entreprises qui attend, avant d’investir et d’embaucher, que les autres entreprises aient d’abord investi, embauché pour assurer un débouché à leur production.  Toutes, en réalité, se contentent donc d’attendre et investissent leurs profits dans la spéculation car c’est le plus rentable, en l’absence de débouchés pour une production supplémentaire.

Le développement d’une offre publique permet de dépasser cette contradiction. L’Etat investit massivement, crée des emplois publics (dans la transition énergétique ou les services publics dans les quartiers populaires, les zones rurales ou périurbaines, par exemple) et, donc, une demande et un débouché pour la production des entreprises privées. Ces entreprises se mettent alors à investir, à embaucher. Un cercle vertueux est ainsi initié, remplaçant le cercle vicieux actuel de l’austérité qui étouffe la croissance, augmente la dette publique et entraîne de nouvelles politiques d’austérité…

Il s’agit bien d’une « politique de l’offre » mais de l’offre publique.

Il faut, vraiment, ne plus voir la réalité qu’à travers les lunettes néolibérales pour ne pas comprendre cette contradiction et ne pas vouloir la dépasser au moyen d’un accroissement massif de l’offre publique. Pourtant, notre gouvernement affirme, avec constance, que l’important ce n’est pas de savoir si une mesure est de gauche ou pas mais de savoir si elle est efficace. Il n’est pas difficile d’être grand clerc pour constater que la politique actuelle est inefficace. La réduction, à marche forcée, des déficits publics diminue les investissements de l’Etat et des collectivités territoriales ce qui empêche les entreprises privées de sortir de cette impasse.

Les rédacteurs de l’argumentaire bottent en touche en affirmant que c’est à l’UE de « mener une politique de relance plus prononcée ». Le terme « plus prononcée » ne manque pas de sel quand on constate les dégâts produits par le TSCG dont l’argumentaire oublie, opportunément, de préciser que l’un des engagements essentiels de François Hollande était la renégociation du traité européen de 2011. Ce traité, rédigé par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, a été adopté par l’Assemblée nationale, sans qu’un seul mot en ait été modifié.

B- « La politique économique du gouvernement ne fonctionne pas » dit la motion B…

« Faux ! » répond l’argumentaire de la motion A !

Eh bien, si elle fonctionnait, mieux vaudrait en changer car ses résultats sont aux antipodes de ce que l’on peut attendre d’une politique de gauche.

Comment ne pas constater que notre pays compte 577 000 demandeurs d’emplois (catégorie A) supplémentaires depuis notre arrivée au pouvoir et 1,3 million de demandeurs d’emploi supplémentaires pour les catégories A, B et C ?

Comment ne pas constater qu’une prévision de croissance de 1 ou 1,1 % en 2015 est annoncée comme un miracle alors qu’il faut, dans l’état actuel de l’économie, une croissance de 1,7  ou 1,8 % pour commencer à faire reculer le chômage ?

La motion A reconnaît le véritable résultat de la politique gouvernementale en se félicitant du fait que les « marges » (les bénéfices) des entreprises augmentent !

C’est une nouvelle édition du théorème d’Helmut Schmidt qui affirmait « Les profits d’aujourd’hui seront les investissements de demain et les emplois d’après-demain ». les politiques néolibérales qui furent imposées aux salariés européens à partir de la fin des années 1970 ou du début des années 1980 a bien permis de rétablir le taux de profit mais le taux d’investissement n’a pas suivi et le chômage a, depuis, été multiplié par trois dans notre pays.

C’est au nom de la modernité (!), que ce théorème de 1974 nous est ressorti alors qu’il a déjà tant fait la preuve de sa nocivité : l’augmentation des profits des entreprises ne se traduit  pas mécaniquement par une augmentation des investissements et un recul du chômage. Bien au contraire, depuis 40 ans, elle se traduit par une augmentation des dividendes et des placements spéculatifs et une augmentation continue du chômage.

C’est la même logique qu’en 1974, il faudrait faire confiance au patronat. Il ne faudrait surtout pas « mettre en place une machine à gaz invraisemblable » pour conditionner les exonérations fiscales et sociales qui lui sont accordées à des mesures sur l’emploi et l’investissement.

Il faudrait continuer à appliquer un théorème qui n’a jamais fonctionné !

C- Le choix du réformisme

« Etre réformiste, c’est vouloir changer de modèle », nous dit l’argumentaire économique de la motion A.

C’est une définition assez étonnante, du réformisme. Jusque là, être réformiste signifiait                                 vouloir arriver progressivement au socialisme (à l’égalité des droits) en accumulant petit à petit les progrès sociaux.

Dans l’argumentaire économique de la motion A, le « modèle » ressemble étrangement au projet néolibéral et le terme « réforme » a complètement changé de sens.

Pour Manuel Valls et son gouvernement, le « réformisme » consiste à accumuler les « réformes » au profit du patronat, en espérant sa bonne volonté, en retour.

Il ne s’agit plus, pour le gouvernement de Manuel Valls, d’accumuler de nouveaux droits pour les salariés mais de continuer la politique de la droite et de détricoter, petit à petit, les acquis sociaux de accumulés depuis plus de 70 ans : Sécurité sociale de plus en plus livrée aux assurances privées ; retraites de plus en plus remises aux mains des fonds de pension au moyen de l’allongement du nombre de trimestres de cotisation ; licenciements facilités grâce à la loi Sapin de juin 2013 et au projet de loi Macron ; remises en cause des CHSCT par le projet de loi Rebsamen ; évolution des salaires inférieure à celle de la productivité …

Notre « modèle social » disparaît peu à peu, victime des remèdes qui prétendent le sauver.

Quel Etat européen surendetté a-t-il « retrouvé sa souveraineté », comme l’affirme l’argumentaire ? Aucun ! La réduction des déficits à marche forcée à, au contraire, étouffé la croissance et augmenté la dette publique française de 86 % à 95 % du PIB, entre fin 2011 et fin 2014. Que peut bien valoir une politique menée au nom de la diminution de la dette publique qui ne fait qu’accroître celle-ci ?

« Derrière les mots, il s’agit d’un retour à un conception étatisée et centralisée de l’économie » affirme l’argumentaire en critique de la motion B.

Rassurons les signataires de la motion A, le « modèle » de la motion B n’est pas l’URSS. Conformément au discours du Bourget, la motion B a simplement la volonté de doter notre pays d’un « Etat stratège » qui ne reste pas les deux pieds dans le même sabot, en croisant les doigts pour qu’arrive une « reprise » économique, et qui ne se contente pas de faire confiance au patronat, alors que la situation économique et sociale est aussi grave qu’elle l’est aujourd’hui.

La « flexisécurité » a toujours et partout été un marché de dupes. En fin de compte, c’est comme pour le « social-libéralisme » dont la motion A n’hésite pas à affirmer, qu’à la fin, il ne reste plus que le libéralisme. Avec la « flexisécurité » il ne reste plus, très rapidement, que la flexibilité du travail. Il suffit d’observer comment le « compte pénibilité » a été progressivement vidé de son contenu et comment les « 24 heures minimum » de travail à temps partiel par semaine ont disparu de tous les radars.

D- La politique de notre gouvernement est néolibérale

 

« Faux ! » affirme l’argumentaire de la motion A car « le néolibéralisme correspond à un effacement de l’Etat qui se concentrerait sur ses fonctions régaliennes ».

N’est-ce pas pourtant, exactement, ce qu’il advient ? Déjà sous le gouvernement de Lionel Jospin (pourtant, par ailleurs, l’un des gouvernements des plus à gauche en Europe), l’Etat avait massivement bradé ses participations dans les entreprises publiques. Il continue avec le gouvernement Valls-Macron.

En « donnant les clés du camion au Medef » comme l’affirmait un dirigeant syndical, l’Etat abandonne toute possibilité d’être un Etat stratège et laisse l’économie aux mains des capitaux privés.

Pour préserver notre système de protection sociale, il faudrait, affirme l’argumentaire économique de la motion A, engager une réforme  de ce système avec notamment l’instauration d’un système de retraites par points, un rêve patronal mais le système le plus injuste pour les salariés.  Pourtant, ni la motion A, ni Manuel Valls, ni même Emmanuel Macron n’ont jamais évoqué l’idée d’une retraite par points. Faut-il prendre cette affirmation de l’argumentaire de la motion A comme une annonce d’un nouveau recul de nos retraites ?

 

II – Les grandes mesures économiques du gouvernement

Pacte de responsabilité et de solidarité, CICE et Compétitivité

A- « Une trahison des engagements de campagne et de l’esprit du Bourget » ?

« Faux ! » Répond l’argumentaire.

« Ces engagements étaient inscrits dans la campagne du candidat Hollande. La recherche de la compétitivité était la principale priorité avec la réduction de la dette publique. »

Le mot « compétitivité » figure une seule fois dans le « 60 engagements » de François Hollande. Il ne s’agit même pas d’un titre mais d’un terme utilisé dans le cadre de son 1er engagement « Je créerai une Banque publique d’investissement ». Le terme « compétitivité » n’arrive qu’au détour d’une phrase qui affirme « je permettrai aux régions (…) de prendre des participations dans les entreprises stratégiques pour le développement local et la compétitivité de la France ».

Les rédacteurs de l’argumentaire économique de la motion A ont une mentalité d’assureur : les plus important pour eux, c’est ce qui est écrit en petite lettres.

Les pactes de compétitivité et de responsabilité seraient « au fondement même du socialisme, car il s’agit de considérer l’emploi comme la première des solidarités ».

C’est toujours le « théorème » de Schmidt qui nous est resservi. La compétitivité, les profits entraînent automatiquement l’emploi. Le chômage ne fait qu’augmenter dans notre pays mais les rédacteurs de l’argumentaire ne semblent pas vraiment voir ce qu’ils ont sous le nez !

B- « Des politiques néolibérales et “austéritaire” » ?

« Faux !» répond l’argumentaire en affirmant aussitôt le contraire puisque ces pactes auraient 3 axes principaux : « La baisse du coût du travail, la réduction de la fiscalité des entreprises, la simplification de la vie des entreprises (dont une fiche de paye rendue plus opaque pour les salariés…)»

« Des cadeaux pour les entreprises » ?

« Faux ! » répond l’argumentaire.

« Plus de la moitié du CICE bénéficie aux micro-entreprises, aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire ». affirme-t-il.

Les rédacteurs auraient dû se renseigner auprès de Fleur Pèlerin et du médiateur des relations interentreprises, Pierre Pelouzet. Ils avaient dû intervenir en juillet 2013, tant la captation du CICE par les grosses entreprises aux dépens des PME était insolente ! Des grands groupes imposaient à leurs fournisseurs des baisses de prix correspondant au CICE qu’ils percevaient : le CICE du fournisseur est accaparé par le grand groupe. Qui peut croire que ces pratiques ont cessé ?

Ils auraient dû également, lire l’étude de l’INSEE du 3 mars 2012 « Un tissu productif plus concentré qu’il ne semblait » qui indique clairement que les PME indépendantes d’un grand groupe n’emploient que 2 millions de salariés et que les Entreprises de tailles intermédiaire (ETI)  indépendantes d’un grand groupe, n’emploient que 166 000 salariés, alors que les ETI sous contrôle d’un groupe (français ou étranger) en emploient  2,8 millions !

Cela signifie qu’à chaque fois que l’on accorde un CICE à une PME ou à une ETI sous la dépendance d’un grand groupe, c’est le tiroir-caisse de ce grand groupe qui fonctionne.

« Des cadeaux pour les actionnaires » ?

« Faux ! » répond l’argumentaire.

Tout (ou presque) irait à l’investissement et à la création d’emplois. Comment se fait-il, dans ce cas, que le montant des dividendes versés aux actionnaires augmente régulièrement, même en période de crise quand on impose aux salariés de se serrer la ceinture ?

« Une erreur économique dans la situation actuelle » ?

« Faux ! »,  répond l’argumentaire.

Pourquoi ?

Parce que « le coût du travail » a baissé. Comme si le « coût du travail » était le seul élément de la compétitivité et que le « coût du capital » ne pesait rien…

Parce que le déficit commercial s’est réduit. Cette réduction n’aurait-elle rien à voir avec un prix du baril de pétrole deux fois moins élevé, alors que le pétrole est un poste déterminant des  importations de notre pays ? N’aurait-elle rien à voir, non plus, avec la baisse de l’euro par rapport au dollar ? Vouloir faire un lien entre le CICE et la diminution du déficit commercial de la France est pour le moins osé.

 

III- Une politique européenne ambitieuse et réaliste

Appuyer le changement des politiques européennes

 

A- Une inflexion des politiques européennes déjà en cours

Le plan Draghi permet, en fait, aux banques de se débarrasser des titres de leur bilan qui leur posent problème. L’espoir, serait, qu’en contrepartie des 1 140 milliards d’euros qui leur seraient ainsi accordés (à un taux de 0,05 % !), elles prêteront aux entreprises et aux ménages. Pourquoi le feraient-elles alors qu’elles ne sont pas sûres que ces entreprises ne feront pas faillite et que ces ménages garderont leurs emplois ? Dans le climat de morosité et de stagnation économique actuel dû, en très grande partie, au TSCG et aux politiques d’austérité qu’il provoque simultanément dans tous les Etats de l’UE, le plus vraisemblable est que les banques, seront leur louable habitude, ne feront qu’augmenter leurs opérations spéculatives.

Le plan Juncker affiche un montant de 315 milliards d’euros. Mais, seuls 21 milliards d’euros proviennent de fonds publics et seulement 5 milliards sont des fonds nouveaux, non encore budgétés. Les 294 milliards qui manquent devraient provenir du secteur privé. Là encore, comment croire que les entreprises privées prendront le risque d’investir 294 milliards dans des investissements à long terme particulièrement risqués, dans une économie en pleine stagnation,  avec, en tout et pour tout, une garantie publique de 21 milliards d’euros ?

Ce plan est bâti du même type d’ingrédients que le « pacte de croissance » de 120 milliards d’euros François Hollande. Il avait occupé une grande place dans les débats du congrès de Toulouse mais qui avait, ensuite, totalement disparu dans le « triangle des Bermudes ». Le « plan Juncker » est, très certainement, appelé à un aussi brillant avenir.

L’Union bancaire européenne est une coquille vide (patiemment vidée de son peu de contenu par le gouvernement français sous la pression du lobby bancaire) qui laisse de côté un très grand nombre de banques allemandes, qui ne garantit pas les dépôts et ne sépare pas les activités spéculatives des banques de leurs activités de crédit aux entreprises et aux ménages.

8 ans après la crise bancaire de 2007-2008 qui avait mis l’économie mondiale au bord du gouffre, l’UE n’a strictement rien fait pour éviter le retour d’une telle tragédie. Une nouvelle crise bancaire serait, d’ailleurs, beaucoup plus dangereuse, car les Etat sont maintenant endettés jusqu’au cou pour avoir pris à leurs charges non seulement une bonne partie des pertes des banques mais aussi, le coût économique de la récession que cette crise avait provoquée.

L’harmonisation progressive de la fiscalité fait un pas en avant grâce à l’échange automatique d’informations bancaires. Le problème est que, dans tous les pays de l’UE, sous le coup des politiques d’austérité, les administrations fiscales ont vu leurs effectifs fondre et qu’il n’y aura pas assez de personnes qualifiées pour examiner ces informations.

Rappelons, enfin, que le Parti socialiste européen a refusé de proposer une motion de censure contre Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, alors que le « Luxleaks » avait mis en lumière le fait que le Luxembourg (que Juncker avait dirigé pendant près de 20 ans) était une pièce maîtresse d’un système d’optimisation fiscale qui fait perdre plus de 1 000 milliards d’euros par an aux budgets des Etats européens.

B- « Le gouvernement a plié devant l’Allemagne et les néolibéraux de l’Europe »

« Faux ! » répond l’argumentaire de la motion A.

Le TSCG ne fixe plus une règle aveugle de 3 % maximum de déficit public, affirme l’argumentaire. C’est vrai mais c’est encore pire, puisque le TSCG impose maintenant une « règle d’or » (en réalité une règle de plomb) : un déficit public qui ne pourra pas dépasser 0,5 % du PIB. Les 3 % fixés par le calendrier de la Commission européenne (d’abord pour 2014 puis pour 2017) ne sont qu’une étape vers ces 0,5 %. Le TSCG, c’est l’austérité à perpétuité.

« Selon les frondeurs, il faudrait créer un rapport de force avec Angela Merkel »

L’argumentaire de la motion A qui exprimait, quelques pages auparavant, avant la nécessité pour « nos » entreprises de devenir plus compétitives que leurs homologues européennes, s’indigne maintenant des « accents nationalistes et belliqueux » des « frondeurs ».

Il n’y a pourtant rien de « nationaliste » à vouloir imposer un rapport de forces à la droite européenne, dans le cadre de l’opposition entre la gauche et la droite qui devait, affirmions nous lors des élections européennes, structurer notre politique européenne. Une promesse oubliée le soir même de l’élection puisque François Hollande annonçait que le PPE (la droite) avait gagné, alors que le total des députés de gauche (Gauche unitaire européennes, Verts et PSE) l’emportait sur le total des voix de droite (PPE et libéraux).

Daniel Cohn-Bendit déclarait, il y a trois ans, que François Hollande pouvait constater les rapports de forces mais qu’il ne savait pas les créer. C’est malheureusement, une parfaite description de sa politique européenne.

Il suffit, pourtant, d’observer comment, avec une économie qui ne représente même pas 3 % de celle de la zone euro, la Grèce est parvenue à tenir tête à tous les autres pays européens. Alors que Jean-Christophe Cambédalis annonçait, le lendemain de la victoire de Syriza que cette victoire renforçait le « front anti-austérité » en Europe, Manuel Valls s’est délibérément situé du côté de l’austérité. Depuis Lisbonne, le 10 avril, il exigeait de la Grèce des « réformes plus profondes » (baisse des salaires, des pensions, des prestations sociales, nouvelle augmentation de la TVA…) alors que ces réformes imposées par la Troïka ont déjà provoqué un recul de 26 % de son PIB entre 2009 et 2014, un taux de chômage de 27 %, un recul de 25 % du pouvoir d’achat et une augmentation de la dette de 113 % à 187 % du PIB !

Avec son poids économique (plus de 20 % du PIB de la zone euro) et son poids politique (il n’y aurait pas d’UE sans la France) notre pays, avec à sa tête un président et un gouvernement de gauche, aurait de tous autres moyens pour trouver des alliés et imposer un véritable « front anti-austérité » contre la droite européenne. Encore faudrait-il en avoir la volonté politique !

Quant au traité transatlantique, le TAFTA, qui remettrait profondément en question nos normes sanitaires, juridiques, environnementales, sociales… il continue à être négocié dans la plus grande opacité, avec la complicité de notre gouvernement et la motion A ne propose surtout pas d’exiger de la Commission européenne qui négocie au nom de l’Union européenne de quitter immédiatement la table de négociations.

IV- « De nombreuses mesures en faveur du pouvoir d’achat des ménages et de l’égalité »

A- L’argumentaire e la motion A vante les avancées fiscales de nos gouvernements

La grande réforme fiscale à laquelle s’était engagée François Hollande n’a, pourtant, toujours pas eu lieu, au contraire.

La TVA a été augmentée alors que nous condamnions, sous Nicolas Sarkozy, l’augmentation de cet impôt, le plus injuste puisqu’il frappe du même taux d’imposition le PDG et celui ou celle qui dispose du RSA.

Les niches fiscales des grands groupes n’ont pas été touchées (à l’exception partielle de la « niche Copé ») Les grands groupes continuent de bénéficier de dizaines de milliards d’euros annuels par les mêmes niches fiscales. A ces niches fiscales se sont ajoutées les 41 milliards d’euros de niches fiscales et sociales des pactes de compétitivité et de responsabilité.

L’impôt sur le revenu n’est pas plus progressif qu’avant notre arrivée au pouvoir. Il ne comporte, après la fin de la tranche d’imposition à 75  %, que 5 tranches d’imposition, comme sous Sarkozy au lieu des 13 tranches du milieu des années 1986, qui faisaient de l’impôt sur le revenu un impôt réellement progressif, un impôt républicain.

Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a continué la politique de Nicolas Sarkozy en ne revalorisant pas les seuils des tranches d’imposition en fonction de l’inflation. En 2010, 17 millions de contribuables étaient imposés sur le revenu, en 2013, ils étaient 20 millions.

En septembre 2014, au lendemain de la majorité relative qu’il avait obtenue à l’Assemblée Nationale, Manuel Valls annonçait la suppression, en 2015, de la première tranche de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, la tranche à 5,5 %. Cette suppression sera, en fait, partielle puisque cette tranche d’imposition allait jusqu’à 11 991 euros en 2014 et que, en 2015, elle s’arrêtera à 9 690 euros.

Cette suppression partielle de la première tranche d’imposition profitera à 6 millions de contribuables. Le renforcement de la « décote » pour les contribuables dont le montant d’imposition est inférieur à 1 016 euros, bénéficiera à 3 millions de foyers. 9 millions de foyers bénéficieront donc de ces deux mesures.

Il faut, cependant, prendre conscience des limites de cette mesure. Elle diminuera les recettes fiscales de 3,3 milliards. Il suffit de comparer ce chiffre à celui des 41 milliards d’euros accordés au patronat pour constater que les deux plateaux de la balance ne sont pas vraiment équilibrés.

B- Les retraites

Le retour à la retraite à 60 ans pour les carrières longues est, certes, une avancée conforme à l’un des engagements pris par François Hollande.

Mais cette avancée relative se situe dans le cadre d’un recul beaucoup plus profond  de la retraite par répartition, complètement occulté par l’argumentaire de la motion Valls-Cambadélis.

Alors qu’en 2010, notre parti avait manifesté aux côtés des millions de salariés qui refusaient le report de l’âge de la retraite à 62 ans et de l’âge butoir à 67 ans, nous avons entériné ces deux mesures.

En 2003, nous étions, déjà, aux côtés des salariés qui refusaient l’allongement de 6 trimestres de leur durée de cotisation mais, 10 ans plus tard, notre gouvernement imposait une nouvelle augmentation de 6 trimestres de la durée de cotisation ! Comment une telle mesure a-t-elle pu être adoptée alors que 60 % des salariés du secteur privé ne sont plus au travail lorsqu’ils prennent leur retraite puisqu’ils sont soit au chômage, soit en maladie, soit en invalidité ? Comment peut-on se prétendre « réalistes » et ignorer une réalité aussi flagrante ?

C- Le pouvoir d’achat

L’argumentaire de la motion A fait état de revalorisations du SMIC. A l’exception de l’augmentation de 6,45 euros du Smic mensuel en 2012 (le prix d’une baguette et demie par semaine), l’augmentation du Smic n’a bénéficié d’aucun coup de pouce. Comme Nicolas Sarkozy, nos gouvernements successifs n’ont fait qu’appliquer le minimum prévu par la loi.

D- Les inégalités entre les hommes et les femmes auraient régressé.

Les inégalités salariales n’ont pas évoluées : près de 20 % de différence entre un homme et une femme, à poste équivalent.

Le passage de 21 heures à 24 heures, de l’entrée dans le travail de nuit ainsi que l’extension du travail dominical, prévus par le projet de loi Macron, impacterait essentiellement les femmes qui représentent 80 % des salariés des commerces de proximité.

L’allongement de 6 trimestres de la durée de cotisation pour la retraite pénalise, en premier lieu, les femmes qui ont le plus de mal à atteindre le nombre de trimestres nécessaires à une retraite à taux plein. Le refus de revenir sur la fixation de l’âge butoir de la retraite à 67 ans, imposée par la droite en 2010, impacte, elle-aussi, avant tout, les femmes.

Le travail à temps partiel imposé frappe en premier les femmes. Un minimum hebdomadaire de 24 heures de travail à temps partiel avait été prévu pour faire passer la pilule des multiples régressions de la loi Sapin de juin 2013. Le Medef ne voulait à aucun prix de cette mesure : elle a disparu.

Le compte de formation tant vanté par l’argumentaire de la motion A ne prend même pas en compte le fait que ce compte ne peut être utilisé qu’avec l’accord de l’employeur.

Les mesures en faveur du logement des plus modestes ne tiennent aucun compte de la suppression, par Manuel Valls, de l’encadrement des loyers prévus par la loi Duflot.

Conclusion : « Garder le Cap »

Cette conclusion de son argumentaire économique indique clairement que les ministres signataires de la motion A, contrairement à ce qu’affirme cette motion, à longueur de pages, ne comptent pas changer de politique.

C’est d’ailleurs conforme à toutes les déclarations de Manuel Valls et de Michel Sapin. Le congrès n’est pour eux qu’une parenthèse. Ils espèrent être majoritaires pour  continuer et, sans doute, accentuer la politique qui nous a, pourtant, mené quatre fois dans le mur : aux municipales, aux européennes, aux sénatoriales, aux départementales.

L’argumentaire de la motion A n’hésite pas devant le ridicule de faire porter aux « frondeurs » et aux dirigeant socialistes qui s’opposent à la politique du gouvernement le poids des défaites électorales. Sans eux, affirme cet argumentaire, « il est fort à parier que le doute et le scepticisme ne se seraient pas emparés d’une partie de l’électorat, tout au moins de façon aussi marquée ».

Ce ne serait donc pas parce que François Hollande et les deux gouvernements de Jean-Marc Ayrault et de Manuel Valls ne respectent pas le pacte électoral passé avec nos électeurs qu’une bonne partie de ces derniers s’abstient.

Ce ne serait pas, non plus,  parce que presque chaque famille est touchée par l’augmentation de 1,3 million, depuis juin 2012, du nombre des chômeurs (catégorie A, B et C), que nos électeurs s’abstiennent.

Non, ce serait uniquement parce que les « frondeurs », des responsables de notre parti n’ont pas accepté que notre parti soit un « parti godillot » et estimé qu’ils devaient, avant tout, être fidèles à leurs électeurs !

Difficile de manifester un plus profond mépris pour tous les électeurs de gauche qui avait permis l’élection de François Hollande en 2012 et qui, aujourd’hui, ont décidé de s’abstenir. Ils n’avaient nul besoin qu’on leur dise que le « roi était nu », ils s’en étaient aperçus tout seuls…

La motion A propose de remédier à ce problème d’abstention en rendant le vote obligatoire !

Là encore, la motion Valls-Cambadélis nage en pleine confusion entre « politique de l’offre » et « politique de la demande ». Elle ne comprend pas qu’il ne s’agit pas d’un problème de demande mais d’offre électorale. La politique que mène notre gouvernement ne correspond pas aux aspirations de nos électeurs à qui nous avions annoncé en 2012 « Le changement, c’est maintenant ! ».

Les électeurs de gauche ont, également conscience, que rien n’est possible sans unité de la gauche et ils ne vont pas voter pour une « autre gauche » qui, sous l’égide de Jean-Luc Mélenchon ne sait que dénoncer notre parti et notre gouvernement, sans faire la moindre proposition concrète d’unité.

Au vu de la réalité, une toute autre conclusion s’impose !

Si notre parti ne change pas de majorité et de premier secrétaire, afin de pouvoir infléchir en profondeur la politique de François Hollande, nous irons droit dans trois nouveaux murs : les régionales de 2016, l’élection présidentielle de 2017 (avec le risque d’un nouveau 21 avril) et les législatives qui suivront.

Seul le vote pour la motion B peut obliger François Hollande à écouter notre parti et empêcher que nous nous fracassions sur ces trois murs.

 

Jean-Jacques Chavigné

One Commentaire

  1. Choucroute
    Posted 22 mai 2015 at 0:43 | Permalien

    Comme prévu 60/40 Valls a gagné grâce à Martine.
    Elle va peser sur le politique du gouvernement, vous pouvez y compter. Une trahison de plus, ça devient lassant.

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