5 juin : le scandaleux procès a front renversé de Tefal contre l’inspection du travail

L’ensemble des organisations syndicales du ministère du travail CGT, CNT, SUD, SNU, CFDT, UNSA appellent à un rassemblement a Annecy ce 5 juin à 13 h 30 devant le palais de Justice pour protester contre la citation à comparaitre au tribunal correctionnel d’Annecy de notre collègue inspectrice du travail pour recel (passible de 5 ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende !) et violation du secret professionnel (un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende !)

De quoi s’agit-il exactement :

L’Inspectrice du travail ayant  engagé des contrôles et actions contre les infractions délictueuses de Tefal, a obtenu la preuve par  des documents internes à l’entreprise, que TEFAL agissait auprès de la Préfecture et de la hiérarchie de l’Inspectrice pour obtenir sa mutation. Ces documents ont servi de base à la rédaction d’un procès-verbal d’obstacle aux fonctions de l’Inspectrice. Or Le procureur d’Annecy a choisi de poursuivre l’inspectrice du travail sur plainte de TEFAL plutôt que d’engager des poursuites à l’encontre de l’entreprise qui commettait de ce fait un délit d’obstacle. Ce même procureur a déclaré dans la presse qu’il fallait « faire le ménage » dans le corps de l’inspection et que les inspecteurs du travail ne devraient pas pouvoir se syndiquer.

C’est le monde du droit à l’envers :

Cela me rappelle tout à fait le procès que j’ai subi durant 8 ans de 2004 à 2012 à Paris par la Société Guinot qui faisait entrave à sa déléguée syndicale, aux droits des femmes de retour de congé maternité, et qui me poursuivit sous le ridicule prétexte que j’aurais, moi, en tant qu’inspecteur du travail, entravé le 27 juillet 2004 son « comité d’entreprise » lequel était « bidon ». Le procureur donna suite à cette plainte ridicule, le directeur du travail avait refusé de m’accorder la protection du ministère, le juge d’instruction donna un réquisitoire supplétif pour m’accuser d’avoir fait « obstacle » au CE Guinot, et il a fallu 14 procès étalés sur 8 ans pour faire éclater la vérité. In fine, la salariée a été ré intégrée et dédommagée, les patrons de l’entreprise ont été condamnés pour entrave au syndicat, j’ai été blanchi à 100 %, la plainte de Guinot et de son CE a été rejetée, Guinot a perdu 14 procès sur 14. Et au bout du compte le ministère avait reconnu son erreur et accordé la protection fonctionnelle le 23 juillet 2012.

Les patrons se sentent enhardis dans la période actuelle :

Pour tuer le droit du travail, ils n’hésitent plus à mettre en cause l’inspection du travail et pas seulement les prud’hommes et la médecine du travail.

En Haute-Savoie précisément,  comme à Paris lors de l’affaire Guinot, la délinquance patronale a de beaux jours devant elle. Le parquet classe avec diligence les procès-verbaux de l’inspection du travail lorsque celle-ci remonte des pratiques illégales, comme dans le dossier voisin de NTN-SNR, champion du roulement automobile et de l’abus d’intérim. Ou alors il poursuit les agents de contrôle, lorsqu’ils s’efforcent de faire respecter le droit du travail comme dans l’affaire Téfal qui revient en première ligne depuis 2 ans avec ce procès du 5 juin.

Laura Pfeiffer, inspectrice du travail, a découvert et dénoncé des irrégularités dans l’accord sur les 35 h en vigueur dans l’entreprise Tefal, accord dont elle a demandé la renégociation, ce qui n’est pas sans conséquences financières pour l’entreprise. Elle a alors reçu plusieurs « mises en garde » avant d’être mise « hors jeu » par sa propre hiérarchie sous la pression de l’entreprise. C’est alors que le procureur d’Annecy a décidé de la poursuivre pour « recel et violation du secret professionnel » suite à la plainte déposée par l’entreprise Téfal et ce malgré l’avis du Conseil national de l’Inspection du Travail dénonçant, lui, les pressions exercées par l’entreprise Téfal.

On en est encore une fois dans un genre de procès artificiel, choquant, a front renversé pour paralyser les inspecteurs et inspectrices.

Téfal l’a engagé, et le Procureur d’Annecy Éric Maillaud l’a relayé : il justifie carrément de violer le droit du travail par la situation économique : « Qu’une grande entreprise vienne dire au directeur du travail qu’une inspectrice – Laura Pfeiffer – du travail lui casse les pieds, je ne suis pas juridiquement d’accord mais en même temps, c’est la vie réelle, on vit dans un monde d’influence et de communication, ce n’est pas le monde des Bisounours », ajoutant « avoir beaucoup hésité à poursuivre une inspectrice du travail », mais « on n’en est qu’au stade des poursuites, mais ce peut être un rappel à l’ordre pour un corps qui se doit d’être éthiquement au-dessus de la moyenne, une occasion de faire le ménage. »

Yves Struillou, directeur général du travail, (DGT) autorité centrale du système d’inspection du travail a été obligé de répondre à ce procureur le 26 mai 2015 :

« Vos propos ont suscité un émoi légitime… compte tenu de leur contenu, de leur portée, – eu égard a vos hautes fonctions – et de leur large publicité. » Le caractère familier et la généralité de vos propos est choquante… jette la suspicion sur l’ensemble des agents de l’inspection,  portant ainsi atteinte à son crédit alors même que les membres de ses corps exercent des prérogatives de puissance publique dans des conditions qui peuvent s’avérer dans certains cas difficiles, et c’est de nature a favoriser des pressions sur ses agents au motif tiré de la nécessité de « faire le ménage ». C’est tout à fait contraire aux dispositions combinées de l’article 4 de la convention 81 de l’OIT du 11 juillet 1947 et de l’article R.8121-13 du code du travail et de l’article 6 de la dite convention :

« Le personnel de l’inspection sera composé de fonctionnaires publics dont le statut et les conditions de service leur assurent la stabilité dans leur emploi et les rendent indépendants de tout changement de gouvernement et de toute influence extérieure indue ».

Ces stipulations font obligation à la France et par suite à toutes ses autorités publiques de protéger les agents des corps de contrôle de l’inspection du travail à l’égard de « toute influence extérieure indue », l’OIT étant particulièrement vigilante sur ce point. »

Voilà ou on en est arrivés : un procureur se livre à une violation des engagements de la France en droit international et soutient les patrons de Téfal contre l’inspection du travail ! Même le directeur du travail doit s’y opposer !

Ayant connu cela pendant 8 ans, je comprends la souffrance de ma collègue de l’inspection et je la soutiens à 10 000 %. C’est scandaleux, c’est un déni de droit, à front renversé, et c’est vrai, « on vit dans un monde d’influence et de communication, ce n’est pas le monde des Bisounours”, c’est celui de l’arrogance et de la délinquance patronale, de l’arbitraire, de la soumission de certaines parties de l’administration :  la mobilisation de tous est fondamentale pour stopper un procureur en pleine illégalité qui se rend ainsi servile pour des motifs idéologiques affichés au patronat proche de lui. Et aux Direcctes qui ne respectent pas le code du travail et l’inspection.

Je ne peux pour des raisons militantes impératives être présent à Annecy ce 5 juin, mais de tout coeur, je suis avec vous, avec Laura Pfeiffer, avec tous les syndicats de l’inspection, avec ceux des salaries du département, avec ceux de Téfal, avec toutes celles et ceux qui ont conscience de la gravite d’un tel procès. Un non-lieu immédiat doit être rendu et plus jamais une telle inversion de nos valeurs républicaines, du droit du travail ne doit donner matière à une tentative aussi inique de procès à front renversé. C’est le Direccte local qui n’a pas soutenu la collègue, Téfal qui doivent être poursuivis et le Procureur rappelé à l’ordre par son Ministre.

 

11 Commentaires

  1. Posted 4 juin 2015 at 14:52 | Permalien

    Il y a une pétition de soutien à la collègue inspectrice disponible ici : https://www.change.org/p/fran%C3%A7ois-rebsamen-ministre-du-travail-une-inspectrice-du-travail-renvoy%C3%A9e-en-correctionnelle-pour-avoir-d%C3%A9nonc%C3%A9-les-pressions-exerc%C3%A9es-par-l-entreprise-tefal

  2. Posted 4 juin 2015 at 15:24 | Permalien

    LES PRINCIPES GARANTISSANT L’INDEPENDANCE DE L’INSPECTION DU TRAVAIL NE DOIVENT SOUFFIR AUCUNE EXCEPTION !
    A la suite d’une plainte déposée par la société TEFAL à son encontre, Laura Pfeiffer, Inspectrice du travail, devra comparaître le 5 juin prochain devant le Tribunal correctionnel d’Annecy, poursuivie pour recel et violation du secret professionnel.
    Par quelle singulière conception de l’ordre public social un procureur en vient-il à poursuivre une inspectrice du travail – et le salarié qui lui a révélé les pressions exercées sur sa hiérarchie pour obtenir son éviction – plutôt que de s’attaquer aux entraves à l’exercice des missions de cet agent ?
    Les atteintes à l’indépendance de l’inspection du travail résultant de ces pratiques inadmissibles de la société TEFAL, ont pourtant été caractérisées par le Conseil National de l’Inspection du travail, dans un avis n°13-003 rendu le 10 juillet 2014.
    On attendait de l’autorité judiciaire qu’elle défende l’indépendance des inspecteurs du travail, garantie par la convention 81 de l’Organisation Internationale du Travail. La réalité est tout autre : à l’incompréhensible choix des poursuites s’est ajoutée l’outrance des propos du Procureur de la République qui y voit «une occasion de faire le ménage», non pas au sein de ces réseaux d’influence mais de l’inspection du travail !
    Au nom de la défense de l’ordre public social et de l’indépendance de l’inspection du travail contre toutes influences extérieures, le SAF et le SM apportent leur soutien à Laura Pfeiffer ainsi qu’au salarié lanceur d’alerte aujourd’hui poursuivis.
    Paris, le 4 juin 2015
    CONTACT
    Syndicat des Avocats de France : 01 42 82 01 26 Syndicat de la Magistrature : 01 48 05 47 88

  3. Posted 4 juin 2015 at 15:25 | Permalien

    Bonjour, je transmets les infos intéressantes de Gérard Filoche, qui à très juste titre s’indigne contre les manœuvres de plus en plus osées de certaines entreprises.
    Je vais à nouveau insister sur un danger du Tafta.
    Si celui-ci passe, le gouvernement français devra réviser une partie de ses lois sociales, donc le Droit du Travail, pour réaliser « l’uniformisation des normes ». Ce ne peut être qu’une uniformisation par le bas, puisque les États-Unis ne sont pas tenus par les conventions de l’O.I.T. à laquelle ils n’ont pas adhéré, et que de plus les États-Unis n’ont pas un Droit du Travail protecteur comme le nôtre. Si le gouvernement ne révise pas assez ses lois, des entreprises multinationales l’attaqueront devant des « arbitres privés ».
    D’ailleurs le Medef a déjà agi contre le Droit du Travail, sans attendre le Tafta. Le but recherché est probablement que, dans les entreprises, s’applique le droit civil commun à tous : chaque salarié négocierait individuellement et « librement » avec son employeur.

  4. FABRE Jean-Pierre
    Posted 4 juin 2015 at 17:26 | Permalien

    Merci Gérard FILOCHE ! Votre analyse s’impose comme une évidence :
    C’est le Direccte local qui n’a pas soutenu la collègue, Téfal qui doivent être poursuivis et le Procureur rappelé à l’ordre par son Ministre.
    Pourquoi ne pas lancer une pétition ?
    Cordialement.
    FABRE Jean-Pierre

  5. Posted 4 juin 2015 at 18:27 | Permalien

    Le 5 juin 2015, une inspectrice du travail de Haute-Savoie, Laura Pfeiffer, est citée à comparaître devant le tribunal correctionnel d’Annecy. Elle comparaîtra en tant que prévenue pour recel (passible de 5 ans d’emprisonnement et de 375.000 euros d’amende) et violation du secret professionnel (un an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende) à la suite d’une plainte déposée par l’entreprise TEFAL.

    Son crime ? Avoir dénoncé, en 2013, les pressions extérieures indues et les tentatives de déstabilisation de la part de l’entreprise Tefal (dont elle assurait le contrôle). A l’époque, l’entreprise Tefal est mécontente de l’action de l’inspectrice du travail, qui remet en cause la légalité de l’accord des 35h. Via le Medef local et le responsable hiérarchique de l’inspectrice du travail, la direction de TEFAL tente de faire renoncer Laura Pfeiffer et de lui retirer le contrôle de cette entreprise. Contact est même pris avec les renseignements généraux pour surveiller son comportement… Sauf que l’inspectrice du travail finit par avoir communication de documents démontrant ces collusions et lui permettant d’établir ses procédures pénales.

    C’est la possession de ces documents et leur communication dans le cadre de sa plainte qui est aujourd’hui reprochée à Laura Pfeiffer. Autrement dit, Tefal s’acharne sur une inspectrice qui n’a fait que son travail et qui a dénoncé les pressions et les manoeuvres à son encontre. Dans le même temps, Tefal, qui devrait être poursuivie pour délit d’obstacle à l’encontre d’une inspectrice du travail, n’est toujours pas inquiétée…

    L’Union Syndicale Solidaires dénonce cette manoeuvre et une justice à Annecy qui prétend « faire le ménage » dans l’inspection du travail (cf. les déclarations du Procureur dans l’Humanité du 21 mai 2015) plutôt que de s’attaquer à la délinquance patronale.

    Nous rappelons que l’article 6 de la Convention 81 de l’OIT prévoit que les inspecteurs et inspectrices du travail doivent avoir un statut et des conditions de service qui « leur assurent la stabilité dans leur emploi et les rendent indépendants de tout changement de gouvernement et de toute influence extérieure indue ».

    Le Conseil National de l’Inspection du Travail (CNIT), instance déontologique de la profession, a d’ailleurs reconnu en 2014 l’atteinte à ce principe : « tant l’entreprise que l’organisation patronale qu’elle a sollicitée ont cherché à porter atteinte à ces exigences en tentant d’obtenir de l’administration (préfet) et du responsable hiérarchique le changement d’affectation de l’inspectrice et par là-même la cessation de l’action de contrôle à l’égard de l’entreprise ». C’est ce principe qui est aujourd’hui outrageusement bafoué, avec des conséquences sur la santé de l’inspectrice du travail et sur l’ensemble de ce corps de contrôle de défense des droits des salariés.

    L’Union Syndicale Solidaires demande l’abandon immédiat des poursuites, la condamnation publique de François Rebsamen des agissements de Tefal et appelle à participer au rassemblement de soutien du 5 juin 2015 à midi devant le tribunal correctionnel d’Annecy.

    Communiqué de l’Union Syndicale Solidaires, Paris, le 1er juin 2015.

  6. Greg
    Posted 5 juin 2015 at 16:44 | Permalien

    Le procès a été reporté au 16 octobre.
    Le procureur c’est Vychinski? Ce type veut « faire le ménage » dans l’inspection du travail; il se croit où le mec? Il roule avec TEFAL, le patronat; son attitude est complétement idéologique.

  7. Nemo
    Posted 6 juin 2015 at 20:02 | Permalien

    Eh oui, c’est sûr que de passer de la position de harceleur à celle de harcelé, c’est pas agréable… Bravo à Téfal de refuser les diktats des ces inspecteurs bolchéviques qui ne veulent que casser du patron…

  8. Posted 7 juin 2015 at 18:09 | Permalien

    là nemo est bien facho, s’en prendre a l’inspection du travail, a une convention internationale signé par 100 pays de l’OIT…

  9. Posted 7 juin 2015 at 18:17 | Permalien

    Bonjour,

    Un deuxième pas vers le Mouvement Commun publié dans le Journal Du Dimanche aujourd’hui, qui fait suite à la lettre envoyée par Pouria vendredi dernier.

    Vous retrouverez l’article du JDD ici :http://www.lejdd.fr/Politique/Les-frondeurs-revent-d-un-Podemos-a-la-francaise-736434

    Et surtout la tribune publiée par Pouria sur le site du JDD.fr ici : http://www.lejdd.fr/Politique/Le-depute-PS-Pouria-Amirshahi-veut-creer-un-mouvement-citoyen-de-type-nouveau-un-Mouvement-Commun-736518
    à la fin de laquelle vous retrouvez l’adresse : mouvementcommun@gmail.com qui attend toutes les contributions.

    AM
    Collaboratrice de Pouria Amirshahi

  10. Mutzenberg lionel
    Posted 9 juin 2015 at 11:46 | Permalien

    Ah ! mon cher NEMO, il est ou le temps ou l’on pouvait dénoncer simplement un emmerdeur de syndicaliste pour le voir aussitôt envoyé dans un camp de travail ?
    L’emploi de cette expression « d’inspecteurs bolchevicks » m’autorise à rafraichir votre mémoire défaillante. Le patronat n’a aucune leçon à donner aux français, à la fin de la guerre ce n’était pas les salariés engagés, les syndicalistes, qui étaient méprisés, même par nos anciens ennemis, c’étaient celles et ceux de votre camp.
    Faire valoir ses droits, ce n’est pas casser du patron, sauf pour ceux qui se considère comme une élite de la nation, et qui utilise le bas peuple pour y parvenir. Simple marchandise, dont le prix le plus bas est encore trop haut, pour son seigneur et maître.

  11. Gilbert Duroux
    Posted 12 juin 2015 at 3:32 | Permalien

    Les frondeurs comme Pouria n’ont rien compris. Un mouvement comme Podemos ne peut pas partir d’en haut à l’appel de politicards de métier. Et le but n’est pas de sauver le gouvernement socialiste, mais de sauver la gauche.

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