Droit au repos des patrons boulangers

Un boulanger de Saint-Paul les Dax, dans les Landes, qui a voulu faire fonctionner son four à pain 7 jours sur 7, a été condamné – à juste titre – pour cela. Et tous les séides opposés au droit du travail osent s’en indigner.

Il « a beau arguer que ses 22 salariés ont tous leurs 2 jours de congé hebdomadaire et que s’il applique la journée de repos, le manque à gagner le forcera à licencier, le message sous-jacent est suffisamment factieux pour que la Préfecture lui ordonne illico d’appliquer le règlement. « Une véritable provocation » s’insurge André Bercoff dans le Figaro.

Hé oui, il y a des règlements relevant du droit de la concurrence (pas le code du travail) qui obligent les patrons boulangers à fermer au moins un jour par semaine. C’est ordinaire et légitime pour les commerçants. Histoire de permettre qu’ils se reposent à tour de rôle à égalité. Ca les protège contre eux-mêmes. Ceux qui trichent prennent le pain… des autres. La mauvaise foi évidente d’un petit patron avide ne suffit pas à lui autoriser le viol déloyal de la concurrence et il doit donc être empêché et sanctionné, dans l’intérêt général des autres patrons boulangers : le Préfet à raison.

Mais regardez comment la manipulation s’opère : Le Figaro, Bercoff et quelques autres dénoncent le fait qu’ « en France, en 2015, travailler tous les jours, même si employeurs et salariés sont d’accord, même si chacun y trouve son compte » soit interdit. Les voilà qui attaquent, dans la foulée, le Code du travail, la durée maxima du travail des salariés qui est de 48 h et leur repos hebdomadaire obligatoire. Vous lisez bien : pas seulement le repos du dimanche : le repos hebdomadaire ! Le « droit » devrait être de « travailler 7 jours sur 7 »… si on veut. Sinon, ose écrire Bercoff, ça veut dire que « l’ennemi c’est le travail » !

Il a fallu 80 ans de 1840 à 1920 pour passer de la journée de 17 h à la journée de 10 h. Il a fallu 70 ans entre 1936 et 2002 pour passer de la semaine de 40 h à la semaine de 35 h. Nous avons ainsi réussi, à doubler le nombre d’emplois, à produire plus, à gagner plus en travaillant moins. Et nous protégeons ce progrès en imposant une durée quotidienne du travail limitée à 10 h et une durée maxima du travail hebdomadaire limitée à 48 h avec un repos dominical depuis 1906.

Oui la loi interdit de travailler plus de 6 jours sur 7, pour protéger l’emploi et la santé, la vie et le salaire des salariés. Un patron qui fait travailler un de ses subordonnés plus de 10 h et plus de 48 h commet un délit. Oui, il doit être contrôlé et sanctionné, comme un délinquant – telle est la loi, l’ordre public social existant, depuis 70 ans.

 

à lire dans l’Humanité Dimanche chronique hebdomadaire « au boulot » n° 227 12 février 2015

 

 

 

Au boulot n°265

La loi et le goût du  pain

Le patron boulanger des Landes continue à faire des siennes : il veut travailler sept jours sur sept. Il prétend qu’il fera deux embauches en plus des 24 salariés qu’il emploie déjà. Il a fait trois émules autour de Dax et en Béarn. Ils violent, ce faisant, la réglementation, et ils ont tous été condamnés à des amendes qui montent jusqu’à 1500 euros. Leur volonté de travailler 7 jours sur 7 sans limites a même été exaltée, nous dit on, à New York : par les « tea party », aile droite du parti républicain américain, ceux qui veulent tout déréglementer. Et ici, l’occasion était trop belle au milieu des méandres de la loi Macron : Nathalie Kosciusco-Morizet et Nicolas Sarkozy n’ont pas hésité à aller soutenir ces forçats du « non stop ». Coup politicien : « Il faut travailler plus et rien ne doit empêcher ceux qui le veulent ». Les idéologues de droite manipulent : « Comment ose t on empêcher la liberté du travail » ? Valls, y a ajouté son couplet : « la France est le pays d’Ubu ».

Sauf que cette instrumentalisation du boulanger de Dax est carrément rétrograde. Il ne s’agit d’ailleurs pas de droit du travail concernant les salariés, mais de règle de la concurrence concernant les patrons entre eux.

La boulangerie-pâtisserie c’est 11 milliards de chiffre d’affaires. Il y a 32 000 boulangers  35100 établissements,  1 boulangerie pour 1 800 habitants,  160 000 emplois, 77 % ont moins de 5 salariés, 1 % seulement ont plus de 20 salariés.

Ne peuvent travailler 7 jours sur 7 que les plus grosses structures, y compris les industrielles, et si elles le font, évidemment, les plus petites mourront. La dispute ne concerne pas même pas le principe du repos dominical : depuis 1976, les boulangeries sont ouvertes le dimanche, moyennant une rémunération des employés majorée de 20 %. Il s’agit du droit à un repos hebdomadaire quelque que soit le jour choisi : sans au moins un jour de repos, seules 5 % des boulangeries qui ont assez de personnel pour établir un roulement l’emporteront au détriment des plus petites. Pour 2 emplois prétendument créés par l’excité de Dax, cela débouchera sur une vague de dizaines de milliers d’emplois supprimés. Et, au passage, sur un petit changement de civilisation, le goût du pain.

La Confédération nationale de la Boulangerie  s’y oppose. S’il y a obligation de travailler 7 jours sur 7 la profession vivra un enfer et déclinera forcément. Il manque déjà de 10 000 boulangers en France. Une boulangerie qui compte 3 ou 4 employés ne peut fonctionner “7 sur 7”, ou alors ce sera au détriment de la qualité du produit. Les grosses structures prendront le pain des autres. Tout finira donc dans la boulangerie industrielle ensachée et les « dépôts de pain » plutôt que l’actuel et déjà insuffisant quadrillage du territoire par des boulangeries où l’on trouve chaque jour à tour de rôle, du bon pain, blanc, et frais pour tous.

 

le 30 octobre 2015

 

5 Commentaires

  1. sans ressources
    Posted 31 octobre 2015 at 13:04 | Permalien

    incroyable, il existe un code de la concurrence, la main invisible du marché est donc confinée dans la culotte bolchévique, en effet, la concurrence doit être libre et non faussée pour marcher, il lui faut la totale liberté alors que des pays bolchéviques comme la France brident cette liberté, vite supprimons TOUS les codes, et l’harmonie rêgnera sur terre, étonnant que Gattaz ne l’ait pas encore demandé, il dort ou quoi

  2. Posted 2 novembre 2015 at 14:40 | Permalien

    Je ne suis pas tout à fait d’accord avec cet article

  3. manet
    Posted 21 janvier 2016 at 21:08 | Permalien

    si une boulangerie ferme comme la loi l’indique 1 jour par semaine, peut elle produire du pain pendant cette journée pour des dépots qui n’appartiennent pas à cette boulangerie tout en étant fermé elle au public

    merci pour votre réponse

  4. Posted 20 janvier 2017 at 14:00 | Permalien

    Le droit du travail impose à toutes les entreprises de détenir un exemplaire à jour de la convention collective. La convention boulangerie pâtisserie est régulièrement mise à jour. Il est donc important d’en être informé. Pour cela des abonnements aux mises à jour existent afin d’être toujours en règle!

  5. Frison
    Posted 14 janvier 2018 at 9:21 | Permalien

    Bonjour, il y a une boulangerie près de chez moi. Ce boulanger à deux magasins là où il fabrique le pain son jour de repos et le lundi et l’autre magasin ou il fabrique pas le jour de repos est le mardi qui est depot de pain alors sont four reste allumer 7 jours sur 7 .est ce qu’il a le droit de fonctionner comme ça

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