« Mémoires d’un condamné » à mort : Jules Durand sortie le 1er novembre

Affiche def MEMOIRES D'UN CONDAMNE 120 x 160W
MEMOIRES D’UN CONDAMNE
2017, 120′ Lardux Films
Jules Durand, docker-charbonnier et syndicaliste, est condamné à mort en novembre 1910 pour un crime qu’il n’a pas commis. « Le Dreyfus des ouvriers » sera innocenté en 1918 par la Cour de Cassation mais il finira ses jours à l’asile psychiatrique. De cette affaire, il n’est resté aucune trace.
Dans le Havre d’aujourd’hui, je rencontre les hommes et les femmes qu’il aurait pu côtoyer : syndicalistes, dockers, juge, avocat, psychiatre, voisins, famille… chacun se souvient de cette histoire et interroge sa propre mémoire, les luttes ouvrières et la justice de classe dont il est le symbole.
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LE FILM SERA DISTRIBUÉ EN SALLES LE 1er NOVEMBRE 2017
pour participer, organiser des projections… vous pouvez contacter :
- Nora DEKHLI, noradekhli@gmail.com (programmation cinémas France)
- Jean-Jacques RUE, jeanjacquesrue@gmail.com (programmation cinémas Paris et Ile de France)
- Sandrine FLOC’H, sandrine.floch73@gmail.com (partenariats, syndicats, associations, collectifs)
- Samantha Lavergnolle, lavergnolle2@gmail.com (relations presse)
- Christian Pfohl, Lardux FIlms, lardux@lardux.com (producteur et distributeur)

 

 

 

 

A mes yeux, »l’homme du XX° siecle », le héros ouvrier de notre pays,  la plus tragique erreur judiciaire, le crime de classe symbole du patronat français, le « dreyfus ouvrier » c’est Jules Durand.  Un modeste charbonnier du Havre. Oublié aujourd’hui alors qu’il fut une très grande figure nationale et internationale du mouvement ouvrier français du XX° siècle.

J’ai découvert sa vie et son histoire, alors que j’avais moi-même 20 ans, au milieu des années 60, à travers la belle pièce d’Armand Salacrou « Boulevard Durand » lorsqu’elle fut jouée au « Petit théâtre » de Rouen, rue des Carmes.

Elle m’est furieusement remontée à la gorge en juin 2016, alors que j’assistais à l’une des nombreuses et magnifiques manifestations au Havre, contre la scélérate loi El Khomri.  2500 dockers, gilets rouges, étaient là, en carré, en force, bras croisés, tambours en tête, derrière leur banderole, résolus et impressionnants. Ils ne savaient pas encore que deux d’entre eux seraient, à tort, interpellés par la police de Manuel Valls au petit matin, ce Premier ministre qui traita, depuis l’Arabie saoudite, les grévistes d’Air France de « voyous », en septembre, les grévistes d’Air France accusés d’avoir bousculé des policiers qui leur barraient le chemin.

Il n’en fallait pas plus pour raviver mes propres souvenirs : mon père était chaudronnier-menuisier au dépôt de Rouen, j’avais 8 ans, je le revois rentrant à la maison, en août 1953, choqué, alors que les CRS avaient « gazé » les cheminots manifestant à hauteur du Champ des Oiseaux.

 

 

 

 

Jules Durand, né en 1880, secrétaire du syndicat des dockers charbonniers du port du Havre, a été la victime tragique, symbole et martyr, d’un spectaculaire crime social, de ce qui reste comme la plus grande manipulation anti ouvrière de la Justice en France.

Le transport du charbon par mer (sea coal) avait au début du XX° siècle un caractère stratégique. La Seine Inférieure était le département qui en importait le plus, à partir des Iles Britanniques, via le port du Havre ; les négociants, armateurs et compagnies Evan Thomas Radcliffe, Cory and Son, Tinel, Worms et cie, et la « Transat » (Compagnie Générale Transatlantique) étaient puissamment coalisées contre tout action ouvrière qui tentait de freiner leurs activités et profits. En octobre 1909, le « comité central des armateurs » se constitua et se dota le 8 mai 1910, d’une assurance pour contrer les grèves de marins et dockers.

Or la CGT au Havre était puissante et combative : dès le 15 aout 1900, elle imposait la journée de huit heures en deux vacations de quatre heures séparées par une pause de deux heures, temps marqué par la célèbre « cloche des dockers ».

Le métier de docker charbonner consistait à porter des sacs ou paniers du pont des bateaux aux quais, ainsi que des opérations dans les parcs à charbon, ou dans les cales, spécialité la plus pénible dite « choulage ». Ces taches de coolies s’effectuaient avec des outils simples, sacs, hottes, cordes, poulies, passerelles, échelles, pelles. Le patronat mécanisait avec des pontons, des bennes, élévateurs, convoyeurs, diminuant le nombre et les possibilités de revendications des 600 charbonniers du port. L’apparition en 1910 du dernier engin mécanique géant, le « Tancarville », précipita la grève cet été-là.

Jules Durand fut élu secrétaire du syndicat des charbonniers par une assemblée générale qui établit un cahier de revendications le 16 août : révision des salaires, douches sur les quai, baisse du nombre d’heures de travail pour compenser l’arrivée de la machine, respect du repos hebdomadaire. Les négociants importateurs de charbon répliquèrent par un lock-out, activèrent le Tancarville, et importèrent des « jaunes » pour y travailler.

La grève dura du 17 août au 14 septembre (dans une année, 1910, où il y eut 1502 grèves d’une durée moyenne de 12 jours).

Jules Durand, 30 ans, fut arrêté le 11 septembre, avec pour objectif de briser cette grève, par une machination de la « Transat » et de la police. Le prétexte fut qu’il y avait eu la veille au soir une rixe entre gens alcoolisés, et qu’un contremaitre, par ailleurs « un renard », un « jaune », Louis Dongé avait été tué. Durand n’était même pas là, mais il fut accusé de « responsabilité morale », et jugé en moins de deux mois, avec une instruction bâclée, trafiquée par les patrons de la Transat,  et, bien que défendu par le un jeune avocat, René Coty, et la Cgt, il est condamné le 25 novembre 1910, au terme d’un procès inique, à la guillotine (tandis que les assassins directs du contremaitre sont envoyés au bagne).

 

Commence son calvaire : Jules Durand est transféré dans l’horrible cellule des condamnés à mort, à la prison de Rouen (« Bonne nouvelle »), isolé, camisole de force, fers aux pieds et aux mains, affublé d’une cagoule noire. C’est là que, maltraité, il perd la raison. Après un rejet de son pourvoi le 22 décembre 1910, il est partiellement gracié le 31 décembre. La peine de mort est commuée en sept années de prison. La campagne pour sa libération et sa réhabilitation s’amplifie, Jean Jaurès, en tête, l’indignation soulève, dans le monde entier, ses frères, les salariés,  mais aussi les militants des droits de l’homme, les intellectuels, et plus largement les démocrates.

Mais Jules Durand, s’enfonce dans les ténèbres dont il ne sort pas même dans les six semaines de liberté accordées à partir du 16 février 1911. Quand il sera libéré, il est trop tard : devant tant d’injustices, de souffrance endurées, de désespoir, sa raison l’a quitté. De l’hôpital Pinel du Havre, à Sainte-Anne à Paris, la folie le ronge, il ne saura ni l’annulation de ses condamnations ni le 15 juin 1918 son acquittement définitif, par la Cour de cassation. Il meurt, oublié de presque tous, à l’Hôpital psychiatrique de Quatre-Mares à Sotteville lès Rouen, le 20 février 1926.

Jules Durand a été triplement victime d’une machination judiciaire destinée à briser l’action syndicale, fatale pour sa santé et sa vie, d’un procès inique dont tous les rouages sont, depuis, connus dans le détail, et d’une absence de réparation et de condamnation de la Transat et des organisateurs des faux témoignages, les ingénieurs Ducrot et Delarue, clairement identifiés depuis.

Dans le prologue de la pièce d’Armand Salacrou, jouée au Havre pour la première fois en 1961, le prologue est un cri : «

Or ton histoire, Durand, qui fut vivante, recommence à vivre tous les jours, à toutes les heures, à travers le monde sous de nouveaux costumes, dans d’autres villes, avec de nouveaux visages ; dans la ville où tu as souffert, un boulevard porte ton nom, « Boulevard Durand ». On honore ton souvenir. »

Gérard Filoche

 

Pour honorer Jules Durand, en plus de la pièce de Salacrou (1961), il faut notamment lire « L’affaire Quinot » d’Emile Danoen, (1951), « Un nommé Durand » d’Alain Scoff (J.-C. Lattès, 1984), « Les quais de la colère » roman de Philippe Huet (Albin Michel, 2005), « Jules Durand, un crime social et judiciaire » (L’Harmattan, 2015) par John Barzman et Jean-Pierre Castelain.

 

 

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