Marseille travailleurs détachés

Au boulot n°544 chronique hebdomadaire a lire dans l’humanité dimanche

 

Parmi les si nombreux scandales de droit du travail détruit par Macron, Pénicaud et Borne, il y a celui des 700 000 « travailleurs détachés ».

Le 17 mai, à Marseille, devait avoir lieu le procès de Terra Fecundis, société d’intérim espagnole qui envoie des milliers de travailleurs dans les exploitations agricoles françaises. C’est le plus gros des dossiers de fraude au travail détaché en cours. Il a, hélas, été repoussé d’un an sous prétexte de Covid.

L’affaire a commencé en 2011 après la mort d’un Équatorien de 32 ans des suites de déshydratation alors qu’il ramassait des melons dans une exploitation d’Eyragues, Bouches-du-Rhône. C’était un système de traite d’êtres humains : les ouvriers ont raconté les journées à 14 h jour sous un soleil de plomb payées moins que le Smic horaire. Des centaines de patrons maraîchers, viticulteurs, producteurs de fruits français ont surexploité cette main d’œuvre.

L’enquête a duré 10 ans pour révéler l’immense fraude de  Terra Fecundis. Deux de ses filiales, ainsi que six de ses gérants en France devaient être dans le box des accusés. Les chefs d’accusation sont ceux de fraude au travail détaché et marchandage de main-d’œuvre. Le parquet de Marseille a retenu la circonstance aggravante de « faits commis en bande organisée » et doublé la peine maximale encourue, fixée à dix ans de prison.

La société aurait soustrait 112 millions d’euros à la sécurité sociale pour la seule période de 2012 à 2015. Elle ne payait pas l’Urssaf en France où elle réalisait 80 % de son chiffre d’affaires. Quant au « marchandage » : la justice soupçonne le non-paiement d’heures travaillées, la non-majoration des heures supplémentaires, le dépassement des durées maxima. Un 2eme procès est prévu dans le Gard contre Terra Fecundis. Un autre est ouvert par le parquet de Tarascon suite à des clusters de Covid-19 dans des foyers de travailleurs étrangers de Terra Fecundis.

Mais tout ça s’explique par la vision globale du droit du travail de Macron et son acceptation honteuse de la directive « travailleurs détachés ».

Gérard Filoche

 

Morts en chaine, à vélo

Au boulot chronique hebdomadaire n° 543  11° année

 

Le drame  des livreurs à vélo, esclaves des plateformes type Ubereats, Deliveroo, Frichti s’étend tous les jours…  Il n’y a pas que les 500 morts par accident du travail par an, dont 21 policiers et 215 ouvriers du BTP, il y a la hausse des accidents routiers professionnels. Parmi eux, depuis Franck Page, 18 ans, tué à Pessac en 2019, en en est à 8 livreurs morts à vélo depuis deux ans. A Paris La Chapelle le 4 mai, c’est le jeune Rumel Ahmed, qui est percuté par un camion. Le 6 mai c’est à Sotteville-lès-Rouen, que Chahi, 41 ans, père de 4 enfants, est mortellement renversé.

Deliveroo s’est permis d’abaisser de 5 euros à 2,60 euros chaque course et d’inciter à la prise de risque, avec une prime liée à chaque commande réalisée sans condition. Pour survivre, il faut un rythme de travail infernal. Pas de contrat de travail, ni protection sociale, ni cotisation retraite, ni droit à chômage, pas d’indemnisation ni couverture des frais médicaux en cas d’accidents hormis de très rares motifs dans les contrats d’assurance des plates-formes. Pas de salaire minimum, ni de rémunération pendant les temps d’attente, paiement à la tâche, au nombre de kilomètres parcourus, calculé en toute opacité par les applications. La cadence de travail des livreurs leur est imposée à la fois par les algorithmes, par les exigences d’immédiateté des clients et par cette forme de rémunération qui impose de travailler le plus vite possible, sans pause ni congé.

Ce système n’est pas seulement inhumain, amoral, il tue. La justice le condamne dans tous les pays, en Angleterre, en Italie.

En France il faut évidemment interdire ces pratiques criminelles par la loi,  restaurer et imposer la présomption de salariat. Macron et Borne savent tout ça et se refusent à agir parce que ces plateformes, au fond, c’est leur modèle de société. JC Cambadelis vient de dire que « Macron est un caméléon », non, non pas du tout, Macron défend avec acharnement une société sans statut, une société post-salariale, au coût du travail bas, aux superprofits, uberisée et sans cotisations sociales.

Le 18 juin partout en France les livreurs manifestent.

Gérard Filoche

 

 

Mort pour le service de la republique

Au boulot n° 542   chronique hebdomadaire  dans l’Humanité dimanche

 

Parmi les soignants, du 1ermars 2020 au 3 mai 2021, 81 032 professionnels en établissement de santé (PES) (auxquels il faut ajouter 55 000 salariés en Ehpad et en IME, Institut médico-éducatif] ont été contaminés par le Covid-19. Et 15 % ont eu un Covid Long,

Ces professionnels – en première ligne dans « la guerre » déclarée par Macron le 12 mars 2020 alors qu’il ne l’avait pas préparée et alors que 6 jours plus tôt il appelait à « aller tous au théâtre » – ont souvent été victimes de la pandémie à cause des graves restrictions budgétaires anti sociales de Macron.  Les hôpitaux étaient en pleine crise et les personnels en grève depuis un an sans être entendus.  S’ils ont été aussi nombreux à être contaminés c’est qu’au début, il n’y avait pas de gel, pas de masques, pas de blouse, pas de gants, de mauvaises et inquiétantes conditions de travail.

Macron en est-il conscient quand il propose un nouveau « statut » de « mort pour le service de la république » « pour les agents décédés dans des circonstances exceptionnelles ». Il viendrait « compléter » les statuts de « mort pour la nation » et « mort pour la France » dédiés aux militaires et forces de l’ordre.

Bon, tout ce qui peut être obtenu par une catégorie à un moment donné ne saurait être jalousé encore moins considéré comme un avantage acquis ou un privilège… mais doit servir d’encouragement à la lutte de chacun pour obtenir autant. Le salariat est une seule classe exploitée, quand on a que sa force de travail à vendre, on a tous les mêmes intérêts : c’est le cas de tous les salariés dit de « première ligne » face au Covid, soignants, chauffeurs, livreurs, vendeurs, nettoyeurs, aides à domicile, enseignants,  gardiens, policiers, etc. Tous méritent que leurs salaires augmentent.

Mais le statut de « mort pour le service de la république » est-il enviable ? Ce que Macron a concédé concerne les familles de 19 décès de soignants liés à l’infection SARS-CoV-2 enregistrés depuis le 1er mars 2020.

Même quand il fait un geste Macron, « en même temps », n’a toujours pas acté pour des centaines de milliers de salariés frappés, la simple reconnaissance de leur maladie professionnelle.

 

Gérard Filoche

 

Vivre en entreprise sous covid-19

Au boulot n°541

 

Sur le Covid-19 et la question du télétravail, les constats sont partagés, les entreprises ne jouent pas le jeu : lassitude, organisation du travail non adaptée, situation contrastée en fonction des secteurs, négligence patronale. Certains salariés symptomatiques sont obligés de travailler, manque de protection, problèmes dans la gestion de la prise de repas, remise en cause de certains droits, indemnités de repas et de transport.

Lorsqu’un cluster est identifié, il faut insister pour que l’ensemble du personnel soit testé : on a vu 4 sur 5 salariés concernés dans le même service et selon le patron (qui n’avait même pas informé le médecin du travail) c’est « parce qu’ils font leur pause cigarette ensemble ».

Dans un autre cluster, le directeur ne souhaite pas isoler les cas positifs et continue à faire travailler des salariés.

Dans un centre d’hébergement d’urgence où 38 migrants et 4 salariés ont été testés positifs, pas d’informations sur des contaminations éventuelles des usagers, il a fallu insister pour un dépistage massif et préconiser le port du masque FFP2 pour les travailleurs sociaux exposés.

Au siège parisien d’une société de collecte de déchets les représentants du personnel ont du saisir l’inspection du travail : le recours au télétravail pour les 120 salariés du siège avait été massif pendant le premier confinement, mais depuis mi-janvier la direction a demandé aux salariés disposant d’un bureau individuel de revenir en présentiel à 100 % et aux autres de ne plus télé-travailler qu’un ou deux jours par semaine.

Une entreprise de travail temporaire mise en demeure par la Direccte notifiée en fin d’année 2020 est (re)contrôlée cinq mois après : persistance constatée à l’absence de port du masque au sein des espaces collectifs et absence de mise en place du télétravail, il a fallu menacer de saisir le juge sous la forme de référé.

Sans loi cadre contraignante, sans moyens de contrôle suffisants de l’inspection du travail et sans sanction, ainsi va la santé et va la vie dans les entreprises en temps de Covid-19

Gérard Filoche

 

Tambouille ou bonne cuisine ?

GDS depuis plus de six ans, cela se sait, défend la nécessité d’une plateforme commune de la gauche, et d’un front unique de ses organisations sans exclusive ni hégémonisme pour parvenir à des listes et candidatures communes.

Nous n’avons cessé de proposer un comité de liaison permanent de la gauche de façon à agir en commun dans les luttes comme dans les élections. En commençant par le fond politique, par une plateforme commune. En quelque sorte nous proposions de décider de faire une bonne cuisine à gauche, avec des bons produits pour faire de bons plats qui plaisent à toutes et tous.

 

Jean-Luc Melenchon, lui, avait coutume de dénoncer  les « tambouilles » en politique et les « ribambelles de logos ».

S’il entendait par « tambouilles » la recherche d’accords médiocres peu susceptibles de répondre aux revendications de la grande masse des électeurs de gauche, il avait raison.

S’il entendait par « ribambelle de logos » la vanité d’aligner des sigles sans qu’il y ait de contenu dynamique politique, il avait aussi tout à fait raison.

Sans clarté politique entre les organisations de gauche, cela ne peut que se passer mal.

Rien de pire que de chercher des accords au rabais, au cas par cas, en dessous de table, avec des négociations sans offrir une vision politique clarifiée, nationale, compréhensible par tous les électeurs.

Sinon ceux-ci se trouvent mis devant le fait accompli d’accords à géométrie variable et dans un même département où région, font face soit à des listes unitaires, soit à des listes divisées, soit à des alliances différentes, ce qui est illisible et peu mobilisateur. Là pour le coup, c’est de la mauvaise tambouille.

 

Sentant sans doute la difficulté, et comprenant que la LFI allait se retrouver isolée, autour de 2 à 6% des voix, et que ce n’était pas porteur pour la suite, le 21 mars 2021, Mélenchon a proposé, tardivement, sur France inter un « compromis » national à EELV :  « Voilà ce que je dis aux Verts : […] vous avez une tête de liste » et bientôt « une deuxième » puisqu’« on est en train de terminer la négociation ailleurs » sans préciser quelles régions étaient concernées. « Il en reste six, acceptez qu’il y ait une région en contrepartie, et on vous cède les têtes de liste dans les cinq autres » sans donner plus de précisions.

« Il en reste six» cela semble vouloir dire que les six régions où le PS est sortant ne sont pas dans la balance et qu’il s’agit donc d’une proposition globale à la gauche, au moins pour les 13 régions métropolitaines (sur 17).

Trois mois avant les régionales, Mélenchon semblait donc vouloir soudainement en arriver à une négociation nationale.

Bien trop tard, d’autant que lui-même était engagé dans une course solitaire pour la présidentielle de 2002 et qu’il n’avait consulté personne avant de se lancer unilatéralement en octobre dernier.

S’il juge impensable de discuter plateforme et candidature commune à la présidentielle, quel crédit a-t-il pour le proposer aux régionales ?

D’autant que son exigence n’est pas mince : il demande « par exemple en Ile-de-France » où le secrétaire national des Verts Julien Bayou « pourrait faire le beau geste pour Clémentine Autain » ou… en PACA. Vous imaginez  l’effet de dire au leader des verts, en guise d’accord : « Bayou retire toi pour Autain » alors que Mélenchon ne supporterait pas une seule seconde d’entendre cela pour lui ?

Mais sur quelle base politique ? Reconnaît-il EELV dans la gauche ? Pense-t-il donc, a un mois du dépôt des listes, que les programmes Bayou et Autain, dont les campagnes sont déjà lancées, sont interchangeables au point qu’ils puissent se remplacer en s’associant ? Dans ce cas, la seule divergence devient la tête de liste !

Si c’est vrai en Ile-de-France, ça doit être vrai au plan national, non ?

Si Melenchon propose au moins « 1 région en contre partie à LFI » et les 12 autres au PS et à EELV, c’est un partage national qui demandait un accord national. Pour réussir à atteindre un tel résultat cela demandait une bataille politique programmatique et politique de longue date.

Selon nous, GDS, il n’était pas impossible de parvenir à une seule liste partout comme le prouvent l’accord excellent dans les Hauts de France, avec des réciprocités, mais pour cela il fallait en avoir créé depuis des mois, les conditions, par le respect, par la recherche d’un projet commun, ce qui n’était pas le cas.

À force de dénoncer la mauvaise tambouille, la bonne cuisine n’a pas été préparée.

La mauvaise tambouille, ça peut s’improviser mais ça rate.

La bonne cuisine ça demande de la volonté et du doigté.

 

Certes Melenchon a raison de se plaindre que « les écologistes considèrent absolument partout qu’il n’y a qu’eux qui peuvent être tête de liste et par conséquent ils ne supportent rien ». C’est un hégémonisme insupportable … d’où qu’il vienne  ! Mais quand il s’emporte contre « les menteurs, hypocrites, faux-jetons » à gauche, ca n’est pas un bon moyen de persuasion. Surtout s’il va le faire publiquement le 1er mai dans la seule région où il y a un bel exemple d’unité.

Il a raison de se plaindre de l’exclusion de LFI par EELV dans la liste regroupant plusieurs formations de gauche en PACA. Nous aussi, GDS en avons été écartés.

Comme nous avons été minorés par la scission tardive, bureaucratique, sans principes, inouïe, dans le Grand Est. Là-bas, les apparatchiks du PS ont frondé contre Pernelle Richardot, une de leurs principales dirigeantes nationales, parce qu’elle s’était alliée avec Aurélie Filipetti et Caroline Fiat députée LFI, et nous, GDS. L’aile droite du PS a entrainé le PCF pour diviser la gauche conduisant à la défaite face à un conseil régional sortant LR, RN LREM.

Les configurations locales sont devenues très variées, faute d’accord national, de cap national, de volonté unitaire nationale.

En Pays de Loire, LFI soutient le députe élu macronien, Matthieu Orphelin avec EELV !  Nous GDS, avons refusé pareille entorse aux principes : Orphelin est passé à droite pour se faire élire ce qui fait une différence substantielle avec Garot resté au PS d’où le fait que des militants de 11 formations politiques participent à sa liste : GDS, Génération.s 44, GRS, PCF, Place publique, Nouvelle donne, PRG, PS, LEF, UDB Cap Ecologie. Mais dans la même région nous sommes alliés dans les départements avec LFI, contre le PS qui ne nous a pas respecté.

C’est ainsi que, nous GDS, avons été amenés à travailler en Rhône-Alpes Auvergne avec l’alliance autour de Nadjat Vallaud-Belkacem et dans le midi et en Occitanie, en alliance principalement avec LFI.

GDS a privilégié chaque fois un accord qui était à la fois le plus unitaire et à la fois sur une plateforme la meilleure possible.

Mais nous aurions préféré, si nous avions eu le poids nécessaire, une même alliance et une même base de plateforme. Nous étions nombreux à vouloir cela (Ensemble, Nouvelle donne, Résistance sociale, PEPS, Place publique…) et si LFI avait mené campagne active en ce sens, on aurait pu entrainer le reste de la gauche dans un grand accord et un grand partage cohérent.

Car 81 % des électeurs de gauche sont pour cette unité. 81 % !

 

Je n’ai jamais vécu ça” dit Mélenchon sans prendre conscience que ce sont ses choix politiques qui ont initié cette concurrence à l’hégémonisme, et parce qu’il est donné en tête des sondages de la gauche dans les sondages,  il en a la principale responsabilité.

C’est irresponsable, ridicule. Nous sommes dans la main d’une poignée de gens qui s’arrangent entre eux, se répartissent les places et les postes et ne veulent rien changer à leurs mauvaises habitudes » dit Melenchon. Oui, hélas ! “Le minimum de la courtoisie n’est pas respecté, on ne consulte personne, ça se discute entre quelques-uns, ils excluent des gens.” Dit encore Melenchon. Oui, hélas. Mais c’est ce qu’il fait pour la présidentielle et il en est victime pour les régionales.

« En PACA une poignée de gens s’arrangent entre eux. On m’a joué toutes sortes de musiques sur l’unité, mais les gens à qui nous avons tendu la main pour les régionales, c’est le cas d’EELV, ont exclu les insoumis sans consulter personne » dit celui qui n’a consulté personne et veut passer en force en 2022.

Je n’ai jamais vécu ça, et j’en ai vu. La dirigeante nationale des Verts arrive dans une conférence zoom à Marseille et dit ‘on ne veut pas des Insoumis et tous les autres disent ‘oui chef’ rajoute celui qui a dit  à toute la gauche qu’il ne négocierait aucune candidature commune.

 

« Le lendemain ils se battent entre eux, tout cela est irresponsable puisqu’on dit que la menace de l’extrême droite est très grande en Paca”, a-t-il encore martelé.

Il a raison. Encore.

Manquer l’unité de la gauche, en PACA et en Grand Est, notamment, face à l’extrême droite, est irresponsable.

Mais pourquoi ça ce passe comme ça ? Parce que tout, en vue de ces régionales, (comme auparavant avec les municipales) c’est de la tambouille.

Toutes les négociations se font en dessous de table.

Partout, il y a eu des combats dans le dos des électeurs sans base politique pour additionner des logos, concilier des logos, partager des logos !

Partout des militants de la LFI disent que le PS est de droite ou que les Verts sont des « bobos », et qu’il est hors de question de s’allier avec eux, mais en pratique, partout la LFI a essayé de partager des circonscriptions, des régions. Depuis des mois, la LFI officielle refuse de discuter programme avec le reste de la gauche, mais elle négocie des accords, des partages de cantons, de départements, et de listes !

 

Jean-Luc Mélenchon explique ensuite avoir “tiré une leçon nationale” de la mésaventure des Insoumis dans le sud. “On m’a joué toute sorte de musique sous mon balcon pour l’unité, blabla bla, ça serait mon égo le problème (…) et bien les gens à qui nous avons tendu la main, pour qui nous avons fait l’effort de dire ‘ok vous avez toutes les têtes de liste parce que vous ne supportez personne d’autre que vous’, c’est le cas d’EELV, (…) eux, la conclusion c’est d’éliminer les Insoumis des départementales et des régionales”, a-t-il regretté, avant d’ajouter : “vous croyez que je suis homme à qui on fait ce genre de traitement et qui ensuite va dans son coin ?” “Non, j’en ai tiré la leçon, ce sont des menteurs, des hypocrites et des faux-jetons, par conséquent, nous n’avons aucune raison de tenir compte de ce qu’ils nous disent et nous devons au contraire marcher nous-même avec nos idées, nos propositions”, lance encore Jean-Luc Mélenchon, quelques secondes avant d’expliquer qu’il ne croit pas au rassemblement de la gauche derrière sa candidature en vue de 2022.

En effet tant que le refus de discuter des uns est la riposte au refus de discuter des autres, ca ne peut pas marcher. Si la leçon qui en est tirée est d’aggraver la division, et d’insulter les autres composantes de la gauche, c’est le résultat de la tambouille, pas de la bonne cuisine.

La leçon à tirer c’est qu’il aurait fallu de longue date, préparer les européennes, les municipales, et les régionales unitairement. La leçon à tirer c’est qu’à aggraver la division, cela provoquera des ressentiments qui nuiront jusqu’à la présidentielle.  Et un candidat qui affirme qu’il n’a « aucune raison de tenir compte de ce que disent » les autres de la gauche diminue ses chances de conquérir leurs voix. Les rancoeurs freineront l’addition des voix. C’est au contraire la prise de conscience de cette réalité qui compte :  reprendre langue, travailler à un socle commun, construire un contrat de législature condition du partage national des circonscription en 2022.

Revenir à une bonne cuisine sur la table et rejeter la tambouille.

Gérard Filoche le 13 mai 2021

 

 

Mobilisation SOUTIEN AU PEUPLE PALESTINIEN

GDS Béarn & Pays basque - Mobilisation

SOUTIEN AU PEUPLE PALESTINIEN

samedi 15 mai 2021

En soutien au peuple palestinien et contre la répression du gouvernement israélien, la GDS reproduit l’appel à manifester de l’Association France Palestine Solidarité (AFPS) ainsi que plusieurs de ses articles.

Face à la violente répression israélienne contre les Palestiniens ces derniers jours nous ne pouvons pas rester muets. L’AFPS organise des rassemblements soutenus par de nombreuses organisations politiques notamment la Gauche Démocratique et Sociale.
Rassemblement devant la Préfecture de Pau
Samedi 15 mai à 11 heures.
Rassemblement déclaré par l’AFPS et autorisé par la Préfecture.
Venez nombreux et avertissez tous vos amis de ce rassemblement.
L’après-midi du samedi 15, l’AFPS sera présente à Emmaüs à 14h pour sa campagne de reconnaissance de l’apartheid israélien. En particulier il vous est proposé de signer une lettre qui sera envoyée au Président la République pour reconnaître le crime d’apartheid.

Détail de cette action sur le site national de l’AFPS :
https://www.france-palestine.org/Appel-a-action-15-jours-contre-l-apartheid-israelien

Le 15 mai c’est la commémoration de la Nakba en Palestine, la Nakba c’est 531 villages détruit et 800.000 Palestiniens chassés de leurs maisons et de leurs terres en 1948. C’est 73 ans de Nettoyage ethnique qui se poursuit impitoyablement encore aujourd’hui dans le quartier de Sheikh Jarrah.

Vous trouverez ci-après le journal AFPS n°81 qui traite de l’apartheid israélien contre les Palestiniens. L’apartheid est selon l’ONU un crime contre l’Humanité. Et c’est à la Cour Pénale Internationale (CPI) qu’il convient de juger ce crime.

Pour tout contact : gds.pyrenees.atlantiques@gmail.com
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Socle commun et primaire

De semaine en semaine les appels pour l’unité en 2022 fleurissent. C’est le signe d’attentes fortes du peuple de gauche, de tous les réseaux militants. C’est aussi la marque d’une résistance bienvenue dans ces temps de division. Se féliciter de ces initiatives suppose aussi beaucoup de lucidité sur le chemin qui reste à parcourir pour unifier et pour dessiner une alternative majoritaire.
La première question saute aux yeux. C’est le maintien d’une situation de division à gauche entretenue par les états-majors des partis et des mouvements politiques. Il ne suffit plus d’afficher un visage unitaire de façade. Il est impératif que les partis s’engagent réellement et acceptent de mettre  sur la table  et en débat les sujets de fond. Ceux qui rassemblent déjà,  et  ceux qui appellent clarifications et discussions.
Pour y parvenir, il n’y a pas de raccourci. Il faut que le mouvement social et les citoyens s’en mêlent.


Des rencontres entre formations politiques et un mouvement citoyen qui fait connaître ses réactions, ses attentes ou demandes, c’est la double condition à réunir pour créer une dynamique sans laquelle aucune victoire n’est possible.
Le développement de comités citoyens pour 2022, d’assemblées citoyennes pour débattre des attentes, des priorités et même du calendrier parlementaire à compter de juin 2022 est un impératif.
La seconde question essentielle, c’est celle du socle commun. Le risque d’un socle c’est qu’il soit vague, qu’il en reste aux intentions sur la base du plus petit dénominateur commun. Ce qui est nécessaire c’est un contrat de législature ! Un contrat qui soit précis, un contrat qui reprenne notamment les revendications des mouvements syndicaux, des mouvements sociaux, un contrat qui anticipe les lois que l’Assemblée Nationale devra voter.
Qui peut croire à la remobilisation de l’électorat de gauche abstentionniste sans mesures fortes sur le plan social ? C’est pourquoi nous proposons comme engagement suivant les élections de 2022 l’adoption dans le premier mois d’une ordonnance « salaire – emploi – droit du travail – précarité sous-traitance – retraites – Sécu – logement   ».

 

Cela doit constituer un des points de la plateforme commune pour 2022.
Il s’agit de pouvoir mettre en œuvre en urgence une hausse des salaires avec un Smic à 1800 euros et un revenu de base dès 18 ans à 1250 euros. C’est aussi un engagement d’égalité salariale réelle entre les femmes et les hommes, la baisse de la durée légale du travail à 32 h pour créer des emplois et le retour de la retraite à 60 ans à taux plein. Enfin c’est un signal clair pour la reconstruction du code du travail, la régulation de la sous-traitance, le développement des services publics.
On peut discuter du calendrier, des objectifs chiffrés, des moyens mais il faut être précis sur ce qui sera fait les formules vagues sont démobilisatrices. Si basculement il doit y avoir alors il faut être précis. Dire lequel, quand et comment.
Nous devons pouvoir faire ainsi de tous les sujets : la sécurité sociale, la santé, le logement, l’éducation, la réforme fiscale, la transition écologique, l’eau et l’énergie…
Toutes nos propositions sont soumises au débat (1).
Primaire populaire ou pas ?
La troisième question – posée dans les dernières tribunes ou appels – est celle d’une primaire. L’idée peut séduire. Mais elle ne peut constituer une bonne réponse sans avoir au préalable discuté du contenu du socle commun appuyé sur un mouvement citoyen et populaire.
Le chemin pour une candidature commune ne peut être celui de l’élimination mais bien celui d’un rassemblement.
Une « primaire »  doit donc inclure contrat de législature et pourquoi pas de gouvernement.
C’est l’objectif  nécessaire pour obtenir l’assentiment de tous les courants de la gauche et de l’écologie et des candidats ou candidates déclaré.e.s ou à venir sans lequel  une primaire n’aurait pas de sens.
Le programme qui serait plébiscité par les élections de 2022 doit pouvoir se réaliser quels que soient les oukases de la commission européenne car il s’agit aussi de changer la trajectoire de la construction de l’Union européenne et se donner le moyen de peser pour renégocier les traités.
Pour que la perspective d’une primaire soit mobilisatrice, il ne faut pas éluder les étapes à franchir :


-Préciser le socle commun, la plateforme commune
-Mettre le socle commun en débat dans tout le pays avec des comités locaux, des assemblées locales pour en discuter, le nourrir des attentes et propositions du terrain sous la forme d’un grand débat national,
-Élaborer un Pacte d’engagement de toutes les formations de la gauche et de l’écologie et de tous les candidat.e.s qui se présenteraient à la Primaire
(1) http://www.gds-ds.org/contribution-gds-a-une-plateforme-commune/

RSA pour les jeunes !

Au boulot n° 540 chronique hebdo dans l’humanité dimanche n°540, 11° année

 

Malgré la demande de 16 organisations de jeunesse, Macron refuse d’accorder le RSA , ne serait-ce que pendant un an, à titre provisoire, aux jeunes, actuellement plongés dans la misère. Macron dit craindre «  un système de désincitation au retour à l’emploi » (sic). « Je préfère qu’on fasse … de l’accompagnement… garantie jeunes,  service civique, parcours emploi compétences, c’est-à-dire des [dispositifs] avec, dès le début, un contrat de responsabilité ». Il n’a pas confiance dans la jeunesse, tout juste s’il veut accorder, triée au cas par cas une « garantie jeune » de 500 euros… mais avec des contrôles, des contreparties en échange.

Exactement le contraire avec les employeurs auxquels Macron donne des aides sans contrôle ni contreparties. Alors que ce sont les patrons voyous qui sont le mauvais exemple pour la jeunesse  : un réseau a été identifié proposant à des entrepreneurs, via Snapchat, Instagram, Telegram, WhatsApp…) de leur obtenir 1 500€ puis 10 000€ au titre du fonds de solidarité- en contrepartie d’une commission. A ses 100 « meilleurs » clients il proposait des fonds au titre du chômage partiel, se vantant de pouvoir faire obtenir 160 000€ en 27 jours. Il se chargeait de tout, demandant aux patrons de lui communiquer leur identifiant fiscal et leurs mots de passe pour accéder à leur dossier fiscal sécurisé sur le portail impôts.gouv.fr ; il remplissait les imprimés et permettait à ces entreprises d’obtenir plusieurs milliers d’euros au titre du FDS. Dans ses vidéos il expliquait : « c’est illégal mais tout le monde le fait ». L’enquête fiscale a permis d’identifier 650 patrons voyous ayant fait appel à ses services. 

Ce réseau-là a été démasqué.

Mais les moyens donnés aux contrôles sont si faibles que des milliers en ce moment pillent les aides publiques. Pour un qui a été pris la main dans le sac, à combien de malversations l’assistanat envers les employeurs a t il donné naissance ?

 

Mieux vaut faire confiance à la jeunesse ! Donnez le RSA aux jeunes sans contrepartie, rien que pour vivre, pour vivre décemment.

 

Gérard Filoche

 

 

Un emprunt : excellente tribune de Samuel Jequier dans Libé 6 mai 21 : « Le monde libéral brûle et ils regardent leur nombril.

par Samuel Jequier, agrégé de Sciences sociales

publié le 6 mai 2021 à 7h30

Ils se complaisent dans leurs égos et leurs querelles picrocholines. Ils surjouent leurs divisions pour ne surtout pas s’unir. Ils ne sont à la hauteur ni du moment, ni de leurs électeurs. Ils nous conduisent fatalement à la défaite. Ils sont la gauche la plus conne du monde.

Ils ont organisé une réunion pour faire croire qu’ils se souciaient d’unité, mais surtout pour ne pas avancer. Ils en sont ressortis pour nous expliquer benoîtement qu’il fallait s’accorder sur un programme, avant la candidature. On peut certes déplorer la présidentialisation de la Ve République mais, enfin, les institutions ne vont pas changer à un an du scrutin. Ce qui signifie que la candidature unique est le seul enjeu qui vaille aujourd’hui. L’alpha et l’oméga. Le seuil de la qualification pour le second tour se jouera autour de 25 %. La gauche pèse entre 25 % et 30 %. En conséquence, une candidature unique a une chance (non une certitude) de parvenir au second tour ; deux, trois ou quatre seront en revanche mathématiquement éliminées. Simple. Basique. Dès lors, toute gauche mue par la rationalité et l’intelligence collective devrait tout faire pour n’avoir qu’un candidat. Et ne débattre que des modalités d’y parvenir : primaires ouvertes, tirage au sort, ticket président-Premier ministre, conclave jusqu’à la fumée blanche, que sais-je encore. En discutent-ils ? Non. Tout est fait pour évacuer le sujet et le délégitimer. L’un théorise que lorsque la gauche a gagné, elle s’était toujours présentée avec plusieurs candidats au premier tour. C’est vrai mais c’est oublié qu’en ces temps là, elle obtenait plus de 40 % des voix au premier tour, pas 25. L’autre se dit «défavorable»aux primaires sans que l’on sache pourquoi et privilégie son calendrier individuel. Le troisième refuse une «union au rabais», la disqualifiant avant même de l’envisager. Arguties, enfumage, jugements péremptoires sont convoqués pour ne pas aborder l’essentiel : comment aboutir à une candidature unique dans une élection qui n’autorise pas autre chose ?

Gauche futile, donc inutile

Ceux-là seraient trop sociaux-libéraux, ceux-ci trop radicaux, ceux-là trop laïcards, ceux-ci trop islamogauchistes… Ils nourrissent la théorie des gauches irréconciliables pour mieux empêcher l’union. Oubliant leur propre histoire, celle d’une gauche qui a toujours été plurielle. Franchement, y avait-il moins de différences en 36 entre Thorez, Blum et Daladier qu’entre eux aujourd’hui ? Evidemment non. Leur est-il seulement venu à l’idée que n’importe lequel de leurs électeurs, d’où qu’ils viennent, se mettraient, eux, d’accord en 5 minutes sur les grands axes structurants d’un programme présidentiel, autour du réarmement de l’Etat et des services publics, hôpital, éducation, police, d’une politique de relance volontariste, de l’augmentation des salaires, de la taxation des riches, de la lutte contre l’évasion fiscale des multinationales, de la réindustrialisation du pays, de l’accélération de la transition écologique, d’une nouvelle régulation du libre-échange après 30 ans de mondialisation débridée… la liste est loin d’être exhaustive. Il y a une gauche réconciliable sur la question sociale. Après que les gilets jaunes ont mis en lumière les difficultés pour une partie de la population de vivre décemment de son travail, après que la pandémie a révélé l’importance des premiers de corvée, les a-t-on entendus tonner pour une augmentation des salaires et une amélioration des conditions de travail et de vie ? Non, ou si peu. C’est Guillaume Peltier qui propose aujourd’hui une augmentation de 20 % des bas salaires financée par une taxe sur les transactions financières et électroniques. Pas eux. Eux, ils préfèrent nous parler pistes cyclables, repas végétariens, et s’écharper sur l’islamogauchisme. La gauche futile, donc inutile.

Tristement absente

En méprisant la question sociale, en se perdant dans ses querelles internes sur les minorités, la gauche a perdu le vote populaire et ouvert un espace politique à l’extrême droite. C’est particulièrement rageant. Car nous changeons d’époque. La prise de conscience de l’urgence climatique, la pandémie font évoluer les consciences. L’opinion se désaffilie de façon grandissante du libéralisme, de la mondialisation et du capitalisme financier. Elle est en demande de nouvelles politiques pour protéger la planète et lutter contre les inégalités. Jamais la société n’aurait eu aussi besoin de la gauche, jamais la gauche n’en a été aussi tristement absente. Perdue dans ses futilités, percluse par des divisions entretenues, pervertie par les stratégies narcissiques. Le monde libéral brûle, et ils regardent leur nombril. Ils pourraient avoir un boulevard, ils nous emmènent dans l’impasse.

Il y a un chemin (il y a même un exemple désormais avec Joe Biden) mais il n’y a pas de volonté. Ils préfèrent leurs intérêts personnels et boutiquiers à l’intérêt général. Ils préfèrent laisser passer Macron ou pire Le Pen plutôt que de s’effacer pour l’un d’entre eux. La gauche n’est pas irréconciliable, non, elle est irresponsable. Il faudra s’en souvenir au soir du premier tour lorsqu’ils viendront verser des larmes de crocodile sur un second tour dont ils ne seront pas et qui enfermera leurs électeurs dans un dilemme cornélien. Il faudra se souvenir qu’ils n’auront ni essayé, ni voulu, offrir l’espoir d’une alternative. Le moment politique est singulier, avec le RN aux portes du pouvoir. Le moment est historique, avec la fin du cycle des décennies néolibérales. Et ils sont en dessous de tout. Il ne leur importe ni de changer le monde, ni d’améliorer la vie des gens. Il ne leur importe pas de faire gagner la gauche mais juste d’en être le meilleur des perdants. Ils sont en en train de commettre un forfait. Contre l’Histoire. Contre la société. Contre leurs électeurs. S’ils ne voulaient pas le commettre, ils s’uniraient.

Samuel Jequier est consultant spécialisé en analyse de l’opinion publique. Il est ancien membre des cabinets de Martine Aubry (1997-200) et Bertrand Delanoë (2001-2005), et a participé à la campagne Hamon en 2017.

 

dans l’humanite quotidienne vendredi 7 mai 2021 : Un conseil de défense pour la justice fiscale ?

 

debat organisé par Jérôme Skalski

Rappel des faits

Une épidémie d’un genre tout à fait spécial frappe le monde depuis plusieurs décennies. Entre fraude massive, optimisation, paradis fiscaux et exemptions d’impôts, ce sont des milliards d’euros qui, chaque année, échappent à l’investissement public.

ÉRIC BOCQUET Sénateur PCF du Nord, groupe CRCE
GÉRARD FILOCHE Fondateur et porte-parole de la Gauche démocratique et sociale
HENRI STERDYNIAK Économiste atterré, chercheur affilié à l’Observatoire français des conjonctures économiques

La lutte contre la fraude fiscale semble être « sortie des radars » du débat public et médiatique. Pourquoi ?

Éric Bocquet Le président de la République actuel et son gouvernement n’ont jamais fait de la lutte contre l’évasion fiscale un enjeu fort. Ce n’est pas la loi Darmanin anti-fraude qui infirme ce constat. On a fait beaucoup de mousse autour de la création de la police fiscale et de l’exploitation des données numériques, mais dans le même temps, les suppressions de postes se poursuivent au sein de l’administration fiscale. Mais cette loi, par exemple, institue le principe du « plaider- coupable ». C’est grâce à cette doctrine qu’une multinationale, Google, qui aurait dû payer 7 milliards d’euros au fisc français, s’en sort, après négociations et procédures judiciaires, avec un chèque de 800 millions d’euros, une procédure qui lui permet d’échapper à un procès.

Il n’y a pas de réelle pénalisation de la fraude fiscale : Patrick Balkany s’en sort aujourd’hui avec un bracelet électronique, « assigné à résidence » dans sa belle propriété de Giverny. Comment comprendre cet incroyable silence du gouvernement et des médias au moment des révélations OpenLux menées par la presse ? Nous apprenions que le Luxembourg hébergeait 55 000 sociétés offshore, totalisant 6 500 milliards d’actifs ! Aucun commentaire de la Commission de Bruxelles, ni de Bercy à ce propos au moment même où le gouvernement et Bruxelles s’apprêtent à présenter la future dette Covid aux peuples ! Il n’y a pas de véritable volonté politique de s’attaquer au problème.

Gérard Filoche Qui y a intérêt ? Pas les riches, qui sont de plus en plus riches d’année en année et qui ne ruissellent jamais. Seul le travail crée de la valeur. Les patrons ne « donnent » rien à leurs salariés, ils achètent leur force de travail pour faire avec le maximum de profits. Le travail n’enrichit personne. Ce qui enrichit, c’est l’exploitation du travail des autres. Ce sont les salariés qui font vivre leurs patrons, pas l’inverse. L’accaparement des richesses est cause de la pauvreté. Les riches ne sont pas seulement indifférents à la pauvreté, ils la créent et la maintiennent. Tout ça, ils le cachent. Environ 1 000 entreprises de plus de 1 000 salariés font presque 50 % du PIB, elles décident de tout et se masquent derrière le « secret des affaires ». Spéculer dans les paradis fiscaux leur rapporte plus que d’embaucher.

Les enquêtes Offshore Leaks, SwissLeaks, Panama Papers, OpenLux ont démasqué tout ça : par exemple, 15 000 Français cachent 100 milliards au Luxembourg. Le CAC 40 a 15 % de ses filiales dans les paradis fiscaux. 70 % du plan de relance du gouvernement Macron-Castex va vers les riches, pas aux salariés, ni aux 10 millions de pauvres plongés dans le besoin. Le CAC 40 a affiché son plus beau mois de bénéfices, depuis trente ans, en novembre 2020, en pleine pandémie. La fortune des 500 plus riches familles françaises a été multipliée par 7 en vingt ans, de 80 à 571 milliards : elles ont accaparé 82 % des richesses créées l’an dernier pendant le Covid-19. La France est en tête devant toute l’Europe pour son nombre de milliardaires (90) et de millionnaires

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(600 000). Pourquoi voulez-vous que tout ce beau monde, qui contrôle 95 % des médias, laisse le débat public se développer à ce propos ? Ils ne laissent évoquer la question qu’au compte-gouttes, mais ils s’arrangent pour dire que c’est normal et surtout qu’on n’y peut rien. Parfois même, ils vont jusqu’à masquer que ce sont eux les principaux assistés et osent mettre en cause la « fraude sociale » de ceux auxquels ils ne concèdent que des miettes.

Henri Sterdyniak Les gouvernements d’inspiration néolibérale ont toujours l’objectif de réduire les impôts ; aussi tolèrent-ils l’optimisation et l’évasion fiscales et se lancent-ils dans la concurrence fiscale. La fraude fiscale leur semble la réaction naturelle des riches contribuables et des entreprises soumis à des impôts trop élevés ; le contrôle fiscal, une intrusion inacceptable. Au contraire, pour la gauche, les impôts doivent être élevés pour financer les nécessaires dépenses publiques et sociales ; ils doivent être équitables pour être bien acceptés ; la lutte contre la fraude fiscale est donc indispensable.

Des mesures importantes ont déjà été prises, comme l’échange obligatoire d’informations et l’extension de la déclaration des revenus par un tiers. Mais, depuis 2018, le gouvernement a capitulé en supprimant l’ISF (impôt sur la fortune), en introduisant le PFU (prélèvement forfaitaire unique), en s’engageant dans la baisse du taux de l’IS (impôt sur les sociétés). Alors qu’on estime que l’évasion fiscale coûte à la France environ 80 milliards par an, les effectifs du contrôle fiscal ont été réduits de plus de 10 % en cinq ans.

Quelles mesures engager pour mener une véritable action dans le domaine de la justice fiscale, plus généralement ?

Henri Sterdyniak Du côté des ménages, il faut restaurer le principe « chacun doit contribuer aux dépenses publiques selon ses capacités contributives » : l’impôt doit frapper tous les revenus de manière progressive, donc tous les revenus des ménages (en particulier les revenus du capital) doivent être soumis à l’impôt sur le revenu (IR), dont le poids dans les recettes fiscales doit être augmenté. Les privilèges de l’assurance-vie doivent être supprimés. Toutes les plus-values doivent être taxées. L’impôt sur les successions et les donations doit être augmenté pour financer l’aide aux jeunes des classes populaires. Les conventions fiscales internationales qui permettent l’évasion fiscale doivent être dénoncées.

Les grandes entreprises multinationales sont devenues très riches, elles échappent souvent à l’impôt ; il faut leur imposer d’avoir un établissement stable en France, de façon à y payer un montant d’IS correspondant à leurs activités, au lieu de transférer leurs profits dans des paradis fiscaux. N’oublions pas, cependant, que la fiscalité ne joue qu’en dernier recours ; l’important est de rectifier la distribution des revenus au niveau des entreprises : réduire la ponction de la finance et les salaires exorbitants, augmenter les salaires des travailleurs productifs, des « premiers de corvée ».

Gérard Filoche Il faut un gouvernement « non mixte » à l’égard des riches, assez motivé pour traquer la fraude fiscale et mettre fin aux passe-droits de l’infâme « optimisation fiscale ». Il faut embaucher 2 000 inspecteurs des impôts et 200 hackers chargés de traquer la délinquance financière des Français partout dans le monde (ils rapporteront cent mille fois leurs salaires). Sanctionner aussi : tout citoyen français, où qu’il soit sur la planète, doit avoir obligation de rendre des comptes au fisc, sous peine de lourdes amendes.

Réhabiliter l’impôt sera très vite populaire, dès lors que chacun pourra constater son caractère progressif, direct et transparent. Rendre populaires les idées : 1°) de la baisse des taxes de toutes sortes, TVA incluse, et de la suppression des niches fiscales ; 2°) des impôts directs et progressifs (20 tranches fines) pour les particuliers et les sociétés, avec des salaires et revenus maximums à 20

fois le Smic (tranche à 90 % au-dessus) ; 3°) qu’aucune société agissant sur le sol national (plateformes incluses…) ne puisse échapper à l’impôt ; 4°) populariser l’idée de prélèvements progressifs et de redistribution égalitaire ; 5°) lever le secret bancaire, séparer les banques de spéculation et de dépôt, et rendre transparent le « droit des affaires ».

Éric Bocquet Il n’y a aucune fatalité à cette situation. Ce sont les marchés financiers et ses acteurs qui imposent leurs règles fiscales. Le politique, au nom de l’intérêt général, doit reprendre les affaires en main. La France devrait d’abord porter, au sein de l’Union européenne, ce combat : l’évasion fiscale coûte chaque année 1 000 milliards d’euros aux États. Il faut mettre fin à cette règle sclérosante de l’unanimité au sein de l’UE sur les sujets fiscaux. Il faut établir une liste crédible des paradis fiscaux mondiaux, y compris ceux qui se trouvent au sein de l’Union européenne.

Comment tolérer plus longtemps les pratiques des Pays-Bas, du Luxembourg ou de Malte ? Il y a quelques jours, la France travaillait à atténuer la portée d’une directive visant à imposer la transparence financière aux multinationales, il y a là véritablement double langage de la part du gouvernement. Au niveau européen, il est urgent d’ouvrir le chantier de l’harmonisation fiscale, il faut mettre fin au concept de concurrence libre et non faussée inscrite au cœur des traités européens. Enfin, notre pays effectuerait un grand pas en instaurant le prélèvement à la source pour les grands groupes, à l’instar de ce qui s’est fait pour les particuliers. Cette proposition fut portée par le groupe communiste à l’Assemblée nationale, il y a quelques mois. Elle est toujours d’actualité.

Les initiatives de la nouvelle administration états-unienne, à ce propos, marquent-elles un tournant, dont la France et l’Europe pourraient s’inspirer ?

Gérard Filoche Les États-Unis se disent prêts à mettre en œuvre un mécanisme obligeant une multinationale à payer un minimum de 21 % d’impôts sur ses bénéfices, quels que soient sa nationalité et l’endroit où elle les réalise. Ça et une taxe internationale sur toutes les transactions financières peuvent renverser l’actuelle course folle au moins-disant fiscal. Encore faut-il que l’UE s’engage dans cette voie et que la France, au sein de l’Europe, mène avec conviction la bataille pour y parvenir… Comme on ne peut attendre ça de Macron, il faut le vaincre socialement, politiquement et électoralement par le seul moyen qui le permette, l’unité de la gauche, sans exclusive, ni préalable, sur une plateforme qui inclue la justice fiscale.

Henri Sterdyniak Les mesures annoncées par Joe Biden semblent marquer la fin de la domination du néolibéralisme sur la politique économique américaine. Des dépenses publiques importantes, consacrées à la relance économique, aux infrastructures, à la lutte contre le changement climatique, aux familles pauvres, seraient financées par la hausse des impôts sur les plus riches et sur les entreprises. Les États-Unis rejoignent le combat impulsé par l’OCDE pour la taxation des firmes multinationales, en proposant un taux minimal de 21 %. L’UE devrait en tirer deux leçons. Comme aux États-Unis, des dépenses publiques importantes sont nécessaires pour la relance et pour la transition écologique et sociale : instaurer de nouvelles règles budgétaires qui imposeraient aux pays européens de réduire, année après année, leurs dépenses publiques, sous prétexte d’abaisser la dette publique jusqu’à un niveau arbitraire, serait catastrophique.

La fiscalité sur les grandes entreprises et les plus riches doit être augmentée pour financer le tournant écologique et social, pour orienter différemment les investissements, pour réduire les inégalités sociales. Cela nécessite que l’UE et les pays membres mettent fin à tous les mécanismes qui permettent l’optimisation fiscale des grandes entreprises et des plus riches (en particulier en Irlande et aux Pays-Bas), qu’ils imposent des taux minimaux de l’IS et de l’IR, dans l’idéal qu’ils instaurent un impôt sur la fortune des plus riches, au minimum qu’ils permettent aux pays de mettre en place une Exit Tax sur les contribuables s’exilant pour échapper à l’impôt.

Éric Bocquet À l’évidence, les récentes annonces de l’administration Biden peuvent constituer un point d’appui très intéressant pour mener ces combats à l’échelon international. Sans être le « grand soir fiscal », elles marquent un tournant clair par rapport à la doctrine en vigueur, ces quarante dernières années, au pays de l’Oncle Sam. Imposer une taxation minimale de 21 % aux multinationales, quel que soit leur lieu d’implantation, est un pas significatif. Les grands groupes du numérique, grands gagnants de la pandémie, sont dans le viseur du fisc américain. Le poids de l’économie américaine peut être un atout.

Ces mesures ont d’abord une portée nationale aux États-Unis, mais pour autant, l’Europe et la France en tête devraient s’en saisir. La pandémie en cours a tout bousculé, même les certitudes du libéralisme. L’heure est véritablement à la construction d’une société alternative assise sur la justice fiscale. Un conseil de défense citoyen pourrait y contribuer ! Le PCF devrait enfin porter cette idée de tenir une COP de la fiscalité pour la justice sociale. Une idée reprise par l’Assemblée nationale, le Conseil économique, social et environnemental, ainsi que par plusieurs ONG. Sa feuille de route serait une remise à plat complète de la finance mondiale au profit de l’économie réelle. C’est l’affaire de toutes et de tous.