Si on vit plus longtemps, profitons-en plus longtemps…

Entre 60 et 65 ans les plus belles années de la retraite…

L’espérance de vie en bonne santé est en moyenne de 63 ans pour les hommes, 64 ans  pour les femmes, 59 ans pour les ouvriers. On vit un peu plus longtemps, mais on n’en profite pas forcément plus longtemps. Hélas.
Ceux qui aiment prophétiser qu’il y aura davantage de centenaires, ne savent-ils donc pas que la biologie du corps humain est restée inchangée pour des millions de travailleurs entre 55 et 65 ans.

Tout travail devient dur au milieu de la cinquantaine et encore plus au début de la soixantaine. Regardez un homme devant son marteau-piqueur à 55 ans, il devrait déjà être en retraite, car il n’a plus beaucoup d’espérance de vie. Une infirmière devra t elle encore travailler dans sa 62° année et mettre ses lunettes pour chercher la veine dans votre bras après avoir couru 42 ans dans les couloirs de l’hôpital ? Un instituteur devra t il faire sa 42 ° rentrée en septembre entouré de ses 35 gamins de 7 à 8 ans ? Dans ce cas, son dynamisme ne sera sûrement plus le même qu’au début de sa carrière.  La femme de service du restaurant d’entreprise a du mal à pousser ses chariots alors qu’elle n’a que 56 ans. Le chauffeur a le dos abîmé, et le garçon de café des phlébites à partir de la cinquantaine. Il y a 3,6 millions de salariés qui travaillent de nuit, 14,3%  5 millions de salariés ont des horaires atypiques ou postés (2 X 8, 3 X 8, 4 X 8, 5 X 8). Un salarié sur 5 est soumis à des ports de charges élevés, et des gestes et postures invalidants : 85 % des maladies professionnelles sont des « TMS » (troubles musculo-squelettiques). Entre 50 000 et 70 000 cancers d’origine professionnelle existent, souvent non reconnus, et il y a 100 000 morts par l’amiante. Tous les secteurs sont à risque, même les bureaux bien sûr : stress, objectifs inatteignables, cadences forcenées sont hélas, fréquents, et il y a encore eu 5 suicides à France Télécoms/Orange dans les 15 derniers jours. Ce ne sont plus les « coups de grisou » qui tuent comme au temps de Zola, mais les accidents cardiaques et vasculaires, il y en aurait 180 000 par an dont la moitié seraient liés au travail. Entre 55 et 60 ans, 2 maladies sur 5 sont dues au travail et 3 sur 5 après 60 ans.

Nous voler les années entre 60 et 62 ans, c’est nous voler les plus belles années de bonheur à la retraite, cela revient à se faire piller l’équivalent de 104 cinquièmes semaines de congés payés et de 24 « grandes vacances ».  Et le résultat serait de faire reculer l’espérance de vie car celle-ci est largement due à la retraite à 60 ans.
Si on travaille plus longtemps on vivra moins longtemps. Et les assurances rapaces sont déjà là, dans vos boîtes à lettres, qui vous proposent leurs prospectus pour « garantir » vos retraites menacées : surtout ne leur versez rien, il n’y a pas de solution individuelle à la retraite, ils vont vous piquer vos quelques sous et les gaspiller dans les Iles Caïmans, les caves à subprimes et à hedge fund. Ces assureurs ont des « tables de mortalité », ils savent que si vous travaillez deux ans de plus vous vivez en moyenne six mois de moins…

Et que l’on ne nous propose pas, en guise d’aumône hypocrite de  « réformer » au cas par cas » quelques milliers de nos 24 millions de salariés qui  pourraient encore partir avant d’être complètement « fichus ». Au « cas par cas », c’est la foire aux bestiaux : une commission tripartite dirigée par les patrons, triera les humains selon leur degré d’usure présumée. La santé et le droit à la retraite feraient l’objet d’un sordide marchandage contingenté : d’autant que, cyniquement et dans le silence général des grands médias, la même loi qui porte l’âge des retraites à 62 et 67 ans et le nombre d’annuités de cotisations au chiffre inatteignable de 42, abroge du même coup la médecine du travail, ses effectifs, et sa vocation (amendement 730). En juin 2010, Sarkozy disait qu’avec deux rotules usées, deux poignets paralysés, la colonne vertébrale et deux poumons empoussiérés, 10 000 “lauréats” auraient encore droit au départ à 60 ans avec 20 % d’incapacité. Ayant « entendu » les 2,7 millions de manifestants du 7 septembre, il a concédé que 30 000 « trop usés » avec une seule rotule, un seul poignet cassé, et un seul poumon foutu, 10 % d’incapacité, pourraient partir… Il y a quelque honte à aborder ainsi la santé et l’ordre public social. Mais la honte, Sarkozy la boit tous les jours.

Gérard Filoche (auteur de « Nouveaux carnets d’un inspecteur du travail » Ed. JC Gawsevitch, avril 2010)

3 Commentaires

  1. Posted 16 septembre 2010 at 18:05 | Permalien

    Sans compter les accidents du travail notamment chez les intérimaires !
    A ce sujet les entreprises d’intérim forment spécifiquement leurs agents à contester les A.T.
    Voir ici:
    http://www.dazibaoueb.fr/article.php?art=15896

  2. Sylvain
    Posted 19 septembre 2010 at 14:01 | Permalien

    Texte très intéressant mais à vous lire on a l’impression que la retraite à 60 ans c’est déjà trop. Et en suivant votre raisonnement, plus personne ne travaillerait jusqu’à 60 ans car chaque métier peut entraîner des problèmes de santé graves.
    Il faudrait alors s’en remettre aux statistiques et il faudrait que tout le monde admette que son âge de départ à la retraite soit conditionné par des statistiques qui pourront évoluer avec le temps. Implicitement ce serait vivre dans une société française où les citoyens comprennent que les droits acquis ne sont pas éternels, utopie pure et simple.
    Vivre en société c’est savoir faire des compromis et ne pas toujours prêcher pour son propre compte.
    La solution Sarkozy n’est pas plus recevable que la vôtre mais elle a l’avantage de pouvoir être concrètement mise en place et peaufinée pour le bien de tous et de nos enfants.
    Votre solution du cas par cas en fonction du corps du métiers revient à ranger chaque paire de chaussette dans leur propre tiroir et courir le risque de ne plus avoir suffisamment de place tout en continuant à essuyer un refus catégorique de cohabiter.

  3. Posted 19 septembre 2010 at 23:15 | Permalien

    je suis contre le « cas par cas » (tri de bestiaux) et pour 60 ans d’ordre public social, et des negociations par branche dans ce cadre, .. 55 ans dans le batiment par exemple

One Trackback

  1. Par gregck1 le 19 septembre 2010 à 15:43

    gregck1…

    excelent info, keep it coming…

Déposer un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera jamais transmise.

*