La CGT remporte les élections dans les TPE mais il y a eu peu de votants faute de volonté politique des organisateurs

Inouï ! Des élections syndicales ont eu lieu dans les très petites entreprises (TPE, moins de 11 salariés) commencées le 28 novembre et se sont terminées le 17 décembre 2012. C’était la première fois de l’histoire. Mais qui l’a su ?

Il y avait théoriquement 4,6 millions de salariés concernés (sur 17,5 millions dans le privé). Chacun avait le droit de voter pour le syndicat de son choix afin d’établir sa « représentativité » au niveau des branches professionnelles comme au niveau national. Les pouvoirs publics de droite comme de gauche, principaux syndicats et partis, avaient mis en place ce scrutin sur « sigle syndical » pour les seuls salariés de ces TPE suite à l’accord syndicat-patronat (CFTD CGT et Medef !) de 2008 et à la loi Bertrand qui a suivi. Les salariés pouvaient choisir le sigle de leur choix : CGT, CFDT, FO, Sud Solidaires, UNSA, CFTC, CGC… Ce vote, prévu tous les 4 ans, se faisait par correspondance ou par Internet, au choix. 
 En novembre 2012, les salariés concernés ont théoriquement reçu à leur domicile des documents électoraux (enveloppes et bulletins de vote par correspondance, propagande des organisations syndicales, code confidentiel de vote).

Les 4,6 millions de salariés pouvaient voter à leur domicile, mais également dans leur entreprise. Pour ceux qui avaient fait ce dernier choix, leur « temps de vote » devait être considéré comme du « temps de travail » (à l’instar du vote pour les élections des représentants du personnel ou pour les élections des conseillers prud’homaux).
Si un salarié avait choisi de voter par Internet depuis son lieu de travail, son employeur devait assurer la « confidentialité » de son vote. Or l’administration du travail n’imposait pas aux employeurs de réserver un poste informatique aux opérations de vote par Internet. Il fallait prendre garde à voter sans se faire voir.

Mais le ministère du travail de gauche a fait arriver nombre d’enveloppes avec huit jours de retard, et il a été obligé de reporter la clôture du scrutin du 12 décembre au 17 décembre. L’information par les médias a été minimum. Il n’y a eu aucun débat public à heure de grande écoute, aucun échange entre les syndicats sur l’enjeu du scrutin.

Or, dans ces entreprises-là les salariés n’ont guère d’éducation sur ces questions, il n’y a pas de syndicat, ni de syndiqués, ou bien ils sont rarissimes. Par définition ces entreprises sont isolées ou morcelées.
 Les patrons n’aiment pas qu’on y vote pour un syndicat encore moins que dans les grandes. La CGPME et le Medef en 2010 avaient en effet fait interdire par les députés UMP qu’il y ait élection de « commissions de négociations paritaires » dans les TPE, susceptibles d’interventions, de contrôles et d’arbitrages, pour faire avancer conventions collectives et droit du travail.

Résultat il y a eu au total 10,38 % de votants soit 478 796 voix exprimées : on peut dire que c’est peu mais on peut aussi dire que dans ces conditions c’est quasiment un miracle pour une « élection » ou nul n’était élu ! Il y a tout juste eu davantage de votants dans le collège non cadres ( 10, 51 %, 425 870) que dans le collège cadre (9,12 % – 39 926).

Mais la CGT arrive en tête avec 29,5 % des voix, loin devant la CFDT (19,3 %) et FO (15,3 %). L’UNSA est en 4° position avec 6,5 %, la CGC n’a que 2,3 % dont 26,9 % dans le collège cadre. Il manque la FSU et Solidaires : pourquoi ? Ce sont des scores proches des élections prud’homales de fin 2008. Ce qui tend à confirmer les indices de représentativité pour chaque syndicat existant
Or cette année en 2013, les modalités définies par la loi Bertrand de 2008 évoluent : pour qu’un accord conventionnel soit valable, il faudra que les syndicats signataires représentent plus de 50 % des salariés concernés ! Ce seuil de 50 % sera défini par les résultats des élections professionnelles entre 2009 et 2012, et par ce scrutin dans les TPE. Ces résultats nationaux, sont très attendus. L’agrégation finale se fait en nombre de voix : la participation aux élections dans les entreprises de plus de 10 salariés (autour de 60 %) pèsera donc bien plus que le résultat du scrutin dans les TPE

Selon Les Echos : « Le ministère du Travail reconnaît les limites du scrutin sous sa forme actuelle, que le PS avait dénoncées au Parlement à l’époque, et entrouvre la porte à une refonte d’ici à la prochaine édition, en 2017. L’idée serait de relancer le débat autour du projet initial, qui, avant d’être vidé de sa substance par les députés, prévoyait de créer dans les branches des « commissions paritaires pour les TPE », qui n’auraient pas vocation à signer des accords mais à poser les bases d’un dialogue social sur le soutien aux TPE et à leurs salariés, par exemple pour mutualiser des formations »

Pour qui veut sérieusement comprendre, ce fut une élection voulue la CFDT et la CGT avec le Medef puis modifiée par la CGPME et l’UMP enfin mise en oeuvre sous la gauche (entre nous, avec des nuls dans les cabinets ministériels qui n’ont aucune conscience de classe et n’en comprenaient pas l’enjeu).

La leçon, c’est qu’il faudrait :
1°) que soient ainsi élus tous les 4 ans par les salariés des TPE des représentants des syndicats qui aient vocation à être conseillers du salarié, à défendre les conventions et le code du travail. Ils pourraient rentrer dans les entreprises sur la demande des salariés de celles-ci pour tout ce qui relèverait de l’application des conventions collectives.
2°) des commissions de négociations paritaires de terrain ayant la responsabilité de faire évoluer les accords et conventions
3°) que le gouvernement joue son rôle d’éducation, d’information, de développement des droits syndicaux et ne laisse plus jamais une élection aussi importante se dérouler dans le silence, l’anonymat, car il y a eu quasiment sabotage pour ce premier scrutin !

13 Commentaires

  1. FOGNINI
    Posted 23 décembre 2012 at 12:49 | Permalien

    Bravo M Filoche pour vos analyse toujours pertinentes

  2. POTIER Denis
    Posted 23 décembre 2012 at 13:30 | Permalien

    Bravo pour votre victoire contre ces patrons pourris et contre une hiérarchie trop souvent à la botte.
    Denis POTIER Inspecteur URSSAF à la retraite.

  3. Posted 23 décembre 2012 at 13:54 | Permalien

    merci a vous, cordialement, gerard

  4. Posted 23 décembre 2012 at 13:55 | Permalien

    c’est le fruit d’un travail collectif de l’équipe de la revue mensuelle D&S depuis 20 ans…

  5. Gilbert Duroux
    Posted 23 décembre 2012 at 14:15 | Permalien

    Gérard Filoche : « Pour qui veut sérieusement comprendre, ce fut une élection voulue la CFDT et la CGT avec le Medef puis modifiée par la CGPME et l’UMP enfin mise en oeuvre sous la gauche (entre nous, avec des nuls dans les cabinets ministériels qui n’ont aucune conscience de classe et n’en comprenaient pas l’enjeu) ».

    Gérard a raison de dénoncer cette collusion. Il faut aller plus loin et remettre en cause le paritarisme bidon, un système qui permet à un patronat uni d’obtenir tous les accords qu’il veut dès lors qu’il suffit d’une signature d’un syndicat de salariés. Je pense ici à l’action néfaste d’un syndicat jaune comme la CFDT avec sa collusion avec le MEDEF sur les retraites ou la réforme des intermittents. Bien entendu, ce ne sont pas les syndiqués qui sont en cause. Dans les centrales syndicales, comme au parti dit socialiste, le manque de démocratie fait qu’une certaine oligarchie se retrouve au pouvoir, qui ne défend pas les intérêts de la base.

  6. Posted 23 décembre 2012 at 14:36 | Permalien

    « un système qui permet à un patronat uni d’obtenir tous les accords qu’il veut dès lors qu’il suffit d’une signature d’un syndicat de salariés »
    bah non, le système paritaire a évolué puisque dorénavant il faut pour qu’un accord soit valable que les syndicats qui le signent représentent 50 % des salariés

  7. luc
    Posted 23 décembre 2012 at 21:44 | Permalien

    Contrairement à ce que dit la gauche,  » Le capital est déjà beaucoup plus taxé que le travail ! »

    Henri Sterdyniak, économiste de gauche et signataire du Manifeste d’économistes atterrés, confirme que « Le capital est déjà beaucoup plus taxé que le travail ! »

    [En 2012] le taux de taxation appliqué au revenu réel d’un placement rémunéré à 4 % pour un taux d’inflation de 2% atteignait près de 80%.

    [En 2013] pour les dividendes, il n’y a pas de changement, ils restent imposés à 58%. Les plus-values mobilières (cession d’actions par exemple, NDLR) seront taxées à 83%.

    Le saviez-vous ? Le capital est déjà beaucoup plus taxé que le travail!
    LEPOINT 10 octobre 2012

  8. Patrick
    Posted 24 décembre 2012 at 1:28 | Permalien

    « Il y en a même, comme François Hollande, qui vont jusqu’à dire: on est dans un cycle économique, on finira par en sortir. C’est pratiquement criminel. Ce n’est pas un cycle, c’est une spirale descendante. »

    Interview de Paul Jorion : « Il faut un défaut général de la zone euro »

    Article complet à lire :http://www.lecho.be/dossier/2012/Paul_Jorion_Il_faut_un_defaut_general_de_la_zone_euro.9282890-7126.art?ckc=1

  9. Isabelle
    Posted 24 décembre 2012 at 1:41 | Permalien

    @Luc

    Il y a une vaste opération d’enfumage en ce moment sur ce thème, ne tombez pas dans le piège !

    Pour information en ce qui concerne l’année 2009 où déjà le travail était considérablement plus taxé que le capital :

    la taxation du capital représentait, en 2009, 8,4 % du PIB contre 22,8 % pour la taxation du travail et 10,6 % pour la taxation de la consommation.

    La taxation du capital des entreprises a diminué (de 5,4 % du PIB en 2007 à 3,8 % en 2009), tandis que celle du capital des ménages restait stable (1 % du PIB) et que la fiscalité sur les revenus du travail augmentait de 22,4 % du PIB en 2007 à 22,8 % en 2009. Eurostat a calculé la part de la taxation du capital dans la taxation totale qui serait passée de 38,4 % en 2000 à 35,6 % en 2009 tandis que la fiscalité du travail passait de 42 % à 41,1 % (!).

    Voilà pour l’année 2009 LUC, croisez les informations, ne croyez pas ceux qui ont intérêt à propager de fausses rumeurs. Restez vigilant et gardez la tête froide, surtout !

    Merci à Gérard Filoche de nous en dire plus pour ces dernières années et l’année 2012.Il faut contrer l’intox du MEDEF qui arrose ces derniers jours l’internet de ses mensonges éhontés.

  10. Posted 24 décembre 2012 at 7:39 | Permalien

    n’importe quoi ! même le malfaisant Sarkozy n’osait plus sortir ça…

  11. Posted 24 décembre 2012 at 7:48 | Permalien

    merci surtout de lire « Dette indigne » Ed. Gawsewitch, 240 pages, 14,9 euros

  12. luc
    Posted 25 décembre 2012 at 0:36 | Permalien

    @ Isabelle

    Relisez ce que dit Henri Sterdyniak dans le POINT

    « En ce qui concerne les dividendes, ces revenus ont d’une certaine manière déjà été amputés de l’impôt sur les sociétés au taux de 33,4 %. »

    Les bénéfices sont d’abord taxés à 33,3% puis à 36,5%.

    Pour 100 euros de bénéfices :
    Il y a 33,3 euros d’impôts sur les bénéfices.
    Le reste, 66,7 euros, est taxé à 36,5% (impôts sur le revenu) soit 24,3 euros.

    66,7 + 36,5 = 57,6 euros

    Soit une taxation de 57,6%.

  13. luc
    Posted 25 décembre 2012 at 0:44 | Permalien

    @ Isabelle

    Petite erreur de frappe.

    Il faut lire 33,3 + 24,3 = 57,6 euros.

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