Non, la courbe du chômage ne s’est toujours pas inversée !

 

François Hollande et sa ministre du travail, Myriam El Khomri affichent leur intense satisfaction : le nombre de chômeurs auraient diminué de 67 100 (1,9 %) en septembre 2016, ce qui serait la baisse la plus importante depuis 2000.

Le plus important est ce qui n’est pas dit

Myriam El Khomri exulte : « Il s’agit du 3ème trimestre consécutif de baisse, ce qui ne s’était pas observé depuis 2008 ».

La ministre du Travail a pesé ses mots mais sa déclaration ne signifie pas que le nombre de chômeurs (de la seule catégorie A) a  diminué, chaque mois, pendant 9 mois consécutifs. Lors du dernier trimestre, par exemple, le nombre de demandeurs d’emploi (toujours de la seule catégorie A) avait diminué de 0,5 % en juillet et de 1,9 % en septembre mais il avait augmenté de 1,4 % en août.

Surtout, ce qui n’est pas dit, c’est que François Hollande est au pouvoir depuis 14 trimestres et que durant 11 trimestres, le chômage, même si l’on ne prend en compte que la catégorie A, n’a cessé d’augmenter.

Quel bilan !

Le nombre de demandeurs d’emplois pour la France entière et pour toutes les catégories de chômeurs confondus (A, B, C, D et E), selon les chiffres de la DARES (la direction des études et statistiques du ministère du Travail…) a augmenté de 1,3 millions entre juin 2012 et août 2016.

Pour les catégories A, B et C l’augmentation est de 1 160 300 : de 4 621 000 en mai 2012 à 5 781 300 en septembre 2016.

Pour la seule catégorie A, dans le même temps, le nombre de demandeurs d’emplois a augmenté de 584 600 : de 3 163 900 en mai 2012 à 3 748 500 en septembre 2016.

Quel succès !

L’irrésistible montée de la précarité

Le nombre des demandeurs des seules catégories A, B et C a augmenté 0,8 % au cours du dernier trimestre et de 0,9 % au cours de la dernière année. Nous sommes donc très loin d’un recul du nombre de demandeurs d’emplois, même au dernier trimestre.

La catégorie A de Pôle emploi ne comptabilise que les personnes qui n’ont pas travaillé, ne serait-ce qu’une seule heure, le mois précédent. Se contenter des chômeurs de cette catégorie revient à considérer que les chômeurs de la catégorie B (ceux qui ont une activité courte : 1 ou 2 heures de travail le mois précédent, par exemple) et ceux de la catégorie C (les salariés à temps partiel qui souhaitent travailler à temps plein) ne sont pas des demandeurs d’emploi !

Qui François Hollande, Manuel Valls et Myriam El Khomri espèrent-ils tromper avec ces  écrans de fumée ? Pensent-ils sérieusement que les demandeurs d’emploi qui ont travaillé une semaine le mois précédent ne se considèrent pas comme des demandeurs d’emploi ? C’est sur leur vécu (et celui de leurs proches) que les électeurs se décideront et, de ce point de vue, le seul qui vaille, François Hollande et Manuel Valls se sont déconsidérés.

Le changement des règles d’actualisation de Pôle emploi

L’économiste de l’OFCE, Bruno Ducoudré considère que les chiffres de septembre sont à prendre « avec des pincettes » et que « le changement des règles d’actualisation introduit beaucoup de volatilité ».

Depuis le début de l’année, le nombre de jours ouvrés pendant lesquels les demandeurs d’emploi sont tenus d’actualiser leur situation, sous peine de désinscription d’office, varie fortement d’un mois à l’autre. En septembre, 238 900 personnes n’ont plus figuré sur les listes de Pôle emploi : 66 500 de plus qu’en août. Voilà qui pourrait, peut-être, expliquer une partie de la baisse du nombre des demandeurs d’emploi de la catégorie A, en septembre 2016.

La courbe du chômage ne s’est pas inversée et ne pourra pas l’être

Si la courbe du chômage s’inversait, cela ne signifierait en rien que le nombre de chômeurs serait inférieur à celui qui existait lors de l’arrivé de François Hollande à l’Élysée en mai 2012. Il pourrait même avoir augmenté de plus d’un million. C’est donc déjà un subterfuge destiné à camoufler l’ampleur de l’augmentation du nombre de chômeurs depuis mai 2012.

Cela signifierait simplement que le nombre de chômeurs aurait commencé à diminuer. Mais pour que cette inversion ait un sens, il faudrait deux conditions.

La 1ère condition serait que toutes les catégories de chômeurs soient concernées. Or, nous venons de le voir, le nombre de chômeurs des seules catégories A, B et C a augmenté de 0,8 % au cours du dernier trimestre et de 0,9 % sur un an.

La seconde condition serait que la baisse du chômage (toutes catégories confondues) soit enregistrée pendant au moins 6 mois. Or, pour la seule catégorie A, le nombre de demandeurs d’emploi avait augmenté de 52 400 (1,4 %) en août 2016. Pour les catégories A, B et C, le nombre des demandeurs d’emploi avait, le même mois, augmenté de 1,4 % également et celui des catégories A, B, C, D et E de 1,5 %.²

Même si une baisse du nombre de demandeurs d’emploi des catégories A, B, C, D et E était enregistrée en octobre 2016, le compte serait donc très loin d’y être : cela ne ferait qu’un seul mois et non six. C’est pourtant la dernière limite pour François Hollande puisqu’il doit rendre publique sa volonté de participer (ou non) à l’élection présidentielle début décembre, avant que les chiffres du chômage de novembre soient connus.

Ces précautions sont d’autant plus indispensables que l’INSEE a revu à la baisse ses prévisions de croissances pour 2016 : 1,3 % alors qu’il faut au moins une croissance (sans même discuter de son contenu) de 1,6 à 1,7 % pour que le nombre d’emplois supplémentaires créés puissent compenser l’évolution démographique. Pôle emploi, quant à lui, estime que le nombre de demandeurs d’emplois de la seule catégorie A devrait augmenter de 79 000 en 2017.

François Hollande doit avoir l’honnêteté d’en faire le constat : la courbe du chômage ne peut plus être inversée avant décembre 2016. Il soit en tirer toutes les conclusions et (une fois n’est pas coutume) tenir son engagement de ne pas participer à la course à l’élection présidentielle, en l’absence d’inversion de cette courbe.

Quel meilleur service pourrait-il rendre à la gauche ?

 

6 Commentaires

  1. Posted 2 novembre 2016 at 19:18 | Permalien

    Bonsoir à tous,
    En complément de ce qu’a écrit notre camarade Gérard Filoche, je vous invite de nouveau à lire l’article intitulé « trois ans de dérégulation du Droit du Travail et d’augmentation du chômage », disponible à l’adresse suivante : http://www.bastamag.net/Moi-President-trois-ans-de-deregulation-du-droit-du-travail-et-d-augmentation
    Solidairement.

  2. cyril
    Posted 3 novembre 2016 at 14:17 | Permalien

    L’ économie, donc le capitalisme, c’est le chômage. Incriminer les politiques ne sert à rien. Ils ne sont que les gestionnaires du désastre quels que soient leurs tendances. Bien sûr, certains accusent l’ étranger, les délocalisations, l’assistanat, etc, mais cela ne change rien au fait que le temps de l’exploitation du capitalisme fordiste est terminé. Le travail abstrait capitaliste se meurt (tant mieux ans un sens, mais c’est une tragédie car nous sommes complètement dépendants de ce système stupide pour survivre étant donné que depuis plusieurs siècles la politique et les capitalistes ont tout fait pour que nous soyons sous la coupe de l’idole Travail et le plus souvent par la terreur et les crimes).

    Il n’ y a pas de futur dans ce système et l’ Etat aujourd’hui ne sert que de moyen de coercition pour surveiller, contrôler et contraindre les superflus du capitalisme à passer sous le joug du Travail quel que soit le type d’emploi.

    Je ne parle même pas des exclus de l’exploitation qui subissent racisme, discrimination et toutes les saloperies qu’engendrent ce système qui est né du dressage du peuple pour le Dieu Travail en exterminant les paysans, les artisans, les commerçants et de la colonisation du monde pour assouvir cette idole.

  3. cyril
    Posted 3 novembre 2016 at 14:23 | Permalien

    Un autre point: la croissance ne crée pas d’emplois. Le capitalisme aujourd’hui avec la productivité standard moyenne détruit plus d’emplois qu’il ne peut en créer depuis l’ère de la micro électronique, de la robotisation et de l’automation. D’autre part, la croissance dont vous parlez est plus dû à l’industrie financière qu’à la production de marchandises qui n’est plus rentables depuis des lustres.

    Durant les 30 piteuses, le capitalisme fordiste pouvait compenser l’augmentation de la productivité par la consommation de masse et la création d’emplois induite. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Nous assistons à la mort de l’idole Travail et de sa société. Mort lente qui ne fera qu’apporter misère, faim et ravages de toutes sortes (liens sociaux, misère, environnement, guerres, etc…).

  4. luc
    Posted 5 novembre 2016 at 11:52 | Permalien

    Le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT)a bien commencé à un peu diminuer.

    Selon un récent rapport du Sénat, les chiffres de l’INSEE, qui utilisent les critaires du Bureau international du travail, sont plus fiables.

    Ils permettent de faire des comparaisons dans le temps et entre les pays.

    Voici l’historique depuis 1975 du taux de chômage au sens du BIT en France métropolitaine.

    http://www.insee.fr/fr/bases-de-donnees/bsweb/graph.asp?idbank=001688526

    Entre le 2ème trimestre 1981 et les législatives de 1986, le taux de chômage a augmenté de 2,6 points.

    Depuis le 2ème trimestre 2012 le taux de chômage a augmenté de 0,3 point.

    Au final, le CICE semble plus efficace que la relance de 1981.

  5. Posted 5 novembre 2016 at 12:05 | Permalien

    tiens la droite libérale essaie (timidement) de défendre hollande et macron

  6. Posted 5 novembre 2016 at 15:32 | Permalien

    Bonjour à tous,
    Concernant le bilan du CICE, je vous invite à lire les trois articles suivants :
    - http://2ccr.unblog.fr/2016/10/12/le-cice-veritable-gachis-dargent-public/
    - http://www.bastamag.net/Pacte-de-responsabilite-des
    - http://www.humanite.fr/300-000-600-000-euros-par-emploi-le-gachis-du-cice-616767
    Solidairement.

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