Pour les juristes, Richard Abauzit rentre encore plus dans le détail de la dernière version des ordonnances

VERT : clauses favorables aux salariés

ROUGE : clauses défavorables aux salariés

LE BOULEVERSEMENT de la HIERARCHIE des NORMES

Analyse des 1ère et 4ème ordonnances

Le contrat de travail individuel puis la loi suivie des accords collectifs déterminent les droits de chaque salarié.

1/ XIXème : la loi seule (durée du travail, sécurité, santé, inspection du travail)

2/ XXème 1ère moitié : loi (durée du travail, repos hebdomadaire et annuel, salaire, sécurité, santé, représentants du personnel, inspection du travail, prud’hommes) ; conventions collectives (1936) améliorant la loi pour les salariés dans tous les domaines.

3/ XXème deuxième moitié : loi (durée du travail, repos, salaires – minimum légal et salaires minima conventionnels – , revenus de remplacement –chômage, maladie et retraites -), retraites, sécurité, santé), conventions collectives améliorant la loi pour les salariés, accords d’entreprise (1968) améliorant la loi pour les salariés dans tous les domaines.

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AVANT 2004

1/ LA LOI était un plancher absolu applicable à tous les salariés. Et la jurisprudence précisait que les dispositions d’ordre public sont celles qui garantissent aux travailleurs des avantages minimaux, lesquels ne peuvent en aucun cas être supprimés ou réduits.

2/ Un accord collectif, quel qu’en soit le niveau (national, branche, entreprise) ne pouvait donc pour les salariés faire moins bien que la loi.

Ancien Article L132-1 (version en vigueur au 23 novembre 1973) : « La convention collective de travail est un accord relatif aux conditions de travail et aux garanties sociales qui est conclu entre :

- D’une part, une ou plusieurs organisations syndicales de travailleurs reconnues les plus représentatives au plan national conformément à l’article L. 133-2 du présent code ou qui sont affiliées auxdites organisations ou qui ont fait la preuve de leur représentativité dans le champ d’application professionnel ou territorial de la convention collective.

- D’autre part, une ou plusieurs organisations syndicales d’employeurs ou tout autre groupement d’employeurs ou un ou plusieurs employeurs pris individuellement.

La convention peut comporter des dispositions plus favorables aux travailleurs que celles des lois et règlements en vigueur [*avantages sociaux*]. Elle ne peut [*interdiction*] déroger aux dispositions d’ordre public de ces lois et règlements.

Les conventions collectives déterminent leur champ d’application.

Celui-ci est national, régional, local ou limité à un ou plusieurs établissements ou à une ou plusieurs entreprises »

3/ Un accord collectif d’entreprise ne pouvait faire moins bien pour les salariés qu’une convention de niveau supérieur (nationale ou locale,  ou de branche) : et le contrat de travail individuel, intouchable, ne pouvait comporter que des dispositions plus favorables au salarié :

Ancien article L.132-3 (version en vigueur au 23 novembre 1973)

: «  Lorsqu’il n’existe pas de convention collective nationale, régionale ou locale, les conventions d’entreprise ou d’établissement peuvent déterminer les diverses conditions de travail, les garanties sociales en s’inspirant notamment des dispositions prévues à l’article L. 133-3 du présent code et fixer le taux des salaires effectifs et celui des accessoires de salaire.

Dans le cas contraire, elles peuvent adapter les dispositions des conventions collectives aux conditions particulières de l’entreprise ou de l’établissement ou des entreprises ou établissements considérés. Elles peuvent fixer, en outre, le taux des salaires effectifs et celui des accessoires de salaire, ainsi que comporter des dispositions nouvelles et des clauses plus favorables aux travailleurs.

Dans le cas où une convention collective nationale, régionale ou locale viendrait à s’appliquer à l’entreprise postérieurement à la conclusion de la convention d’entreprise, cette dernière devra [*obligation*] adapter ses dispositions moins favorables à celles de la convention nationale, régionale ou locale nouvellement signée ou étendue par arrêté ministériel »

 

Ancien Article L132-10 (version en vigueur au 23 novembre 1973) : « Sont soumis aux obligations de la convention collective tous ceux qui l’ont signée à titre personnel ainsi que ceux qui sont ou deviennent membres des organisations signataires. Sont également soumis auxdites obligations dans les conditions définies à l’article L. 132-9, les organisations adhérentes ainsi que ceux qui sont ou deviennent membres de ces dernières organisations.

Lorsque l’employeur est lié par les clauses de la convention collective de travail ces clauses s’appliquent aux contrats de travail conclus avec lui.

Dans tout établissement compris dans le champ d’application d’une convention collective, les dispositions de cette convention s’imposent sauf dispositions plus favorables aux rapports nés des contrats individuels ou d’équipe »

 

Ancien Article L132-24 (en vigueur au 14 novembre 1982) : « Les clauses salariales des conventions ou accords d’entreprise ou d’établissement peuvent prévoir des modalités particulières d’application des majorations de salaires décidées par les conventions de branche ou les accords professionnels ou interprofessionnels applicables dans l’entreprise, à condition que l’augmentation de la masse salariale totale soit au moins égale à l’augmentation qui résulterait de l’application des majorations accordées par les conventions ou accords précités pour les salariés concernés et que les salaires minima hiérarchiques soient respectés »

4/ Le contrat de travail individuel, intouchable, ne pouvait comporter que des dispositions plus favorables au salarié :

Ancien Article L132-10 (version en vigueur au 23 novembre 1973) : « Sont soumis aux obligations de la convention collective tous ceux qui l’ont signée à titre personnel ainsi que ceux qui sont ou deviennent membres des organisations signataires. Sont également soumis auxdites obligations dans les conditions définies à l’article L. 132-9, les organisations adhérentes ainsi que ceux qui sont ou deviennent membres de ces dernières organisations.

Lorsque l’employeur est lié par les clauses de la convention collective de travail ces clauses s’appliquent aux contrats de travail conclus avec lui.

Dans tout établissement compris dans le champ d’application d’une convention collective, les dispositions de cette convention s’imposent sauf dispositions plus favorables aux rapports nés des contrats individuels ou d’équipe »

 

(pour rappel : Actuel Article L2254-1 : « Lorsqu’un employeur est lié par les clauses d’une convention ou d’un accord, ces clauses s’appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables »)

 

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APRES 2004 et AVANT les ORDONNANCES MACRON

Il faut par rapport à la stricte hiérarchie des normes rappelée ci-dessus indiquer qu’une première brèche avait été introduite en 1982, dans un domaine important de la durée du travail (modulation du temps de travail) : par dérogation au principe de faveur, des accords collectifs pouvaient faire moins bien que la loi pour les salariés.

Le premier basculement d’ordre général est dû à la loi Fillon du 4 mai 2004 :

1/ les accords de branche peuvent comporter pour les salariés des dispositions moins favorables que celles d’un niveau supérieur (professionnel ou territorial), sauf si les signataires de l’accord de niveau supérieur l’ont exclu dans leur accord :

Ancien article L.132-13 (version en vigueur au 5 mai 2004) : « Une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel ne peut comporter des dispositions moins favorables aux salariés que celles qui leur sont applicables en vertu d’une convention ou d’un accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large, à la condition que les signataires de cette convention ou de cet accord aient expressément stipulé qu’il ne pourrait y être dérogé en tout ou en partie.

S’il vient à être conclu une convention ou un accord de niveau supérieur à la convention ou à l’accord intervenu, les parties adaptent celles des clauses de leur convention ou accord antérieur qui seraient moins favorables aux salariés si une disposition de la convention ou de l’accord de niveau supérieur le prévoit expressément »

2/ De même, les accords d’entreprise et les accords de groupe peuvent comporter pour les salariés des dispositions moins favorables que celles de l’accord de branche, sauf si les signataires de l’accord de branche l’on exclu dans leur accord.

Ancien article L.132-23 (version en vigueur au 5 mai 2004) : « La convention ou les accords d’entreprise ou d’établissements peuvent adapter les dispositions des conventions de branche ou des accords professionnels ou interprofessionnels applicables dans l’entreprise aux conditions particulières de celle-ci ou des établissements considérés. La convention ou les accords peuvent comporter des dispositions nouvelles et des clauses plus favorables aux salariés.

Dans le cas où des conventions de branche ou des accords professionnels ou interprofessionnels viennent à s’appliquer dans l’entreprise postérieurement à la conclusion de conventions ou accords négociés conformément à la présente section, les dispositions de ces conventions ou accords sont adaptées en conséquence.

En matière de salaires minima, de classifications, de garanties collectives mentionnées à l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale et de mutualisation des fonds recueillis au titre du livre IX du présent code, la convention ou l’accord d’entreprise ou d’établissement ne peut comporter des clauses dérogeant à celles des conventions de branche ou accords professionnels ou interprofessionnels.

Dans les autres matières, la convention ou l’accord d’entreprise ou d’établissement peut comporter des dispositions dérogeant en tout ou en partie à celles qui lui sont applicables en vertu d’une convention ou d’un accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large, sauf si cette convention ou cet accord en dispose autrement ».

Autrement dit, et pour garder en tête cet aspect essentiel, ce sont les grandes entreprises et leurs organisations professionnelles (MEDEF et sa succursale CGPME) qui vont décider, là où elles sont le plus fortes (niveau national et branches professionnelles) de ce qui va s’appliquer pour les salariés dans les entreprises plus petites : elles pourront permettre aux employeurs de ces entreprises d’appliquer des clauses moins favorables aux salariés (soit par intérêt général du patronat, soit pour retenir une main-d’œuvre dans un secteur en pénurie) ou bien le leur interdire (par exemple pour les mettre en difficulté sur un marché concurrentiel).

 

3/ La loi du 4 mai 2004 a cependant exclu quatre domaines où l’accord d’entreprise ne peut pas « déroger » aux accords de niveau supérieur (professionnel ou territorial) : seuls deux de ces domaines sont essentiels pour les salariés (salaires et classifications), les deux autres n’assurent pas ou plus de règles égales et solidaires entre les salariés (protection sociale complémentaire, qui échappe aux règles de la sécurité sociale et pour laquelle le Conseil constitutionnel en 2013 a rappelé que la libre concurrence devait pouvoir s’exercer ; fonds de la formation continue)

 

« En matière de salaires minima, de classifications, de garanties collectives mentionnées à l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale et de mutualisation des fonds recueillis au titre du livre IX du présent code, la convention ou l’accord d’entreprise ou d’établissement ne peut comporter des clauses dérogeant à celles des conventions de branche ou accords professionnels ou interprofessionnels »

 

Un grand pas en arrière sur les principes en 2007 :

 

1/ La possibilité de conclure des accords de branche plus défavorables aux salariés que les accords de niveau supérieur est encore plus explicite :

Actuel Article L2252-1 : « Une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel peut comporter des stipulations moins favorables aux salariés que celles qui leur sont applicables en vertu d’une convention ou d’un accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large, sauf si cette convention ou cet accord stipule expressément qu’on ne peut y déroger en tout ou partie.

Lorsqu’une convention ou un accord de niveau supérieur à la convention ou à l’accord intervenu est conclu, les parties adaptent les stipulations de la convention ou accord antérieur moins favorables aux salariés si une stipulation de la convention ou de l’accord de niveau supérieur le prévoit expressément »

2/ La possibilité de conclure des accords d’entreprise plus défavorables aux salariés que les accords de branche est aussi maintenue, en dehors des quatre domaines prévus en 2004 :

Actuel Article L2253-3 : « En matière de salaires minima, de classifications, de garanties collectives complémentaires mentionnées à l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale et de mutualisation des fonds de la formation professionnelle, une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ne peut comporter des clauses dérogeant à celles des conventions de branche ou accords professionnels ou interprofessionnels.

Dans les autres matières, la convention ou l’accord d’entreprise ou d’établissement peut comporter des stipulations dérogeant en tout ou en partie à celles qui lui sont applicables en vertu d’une convention ou d’un accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large, sauf si cette convention ou cet accord en dispose autrement »

Et surtout :

3/ L’ordonnance n°2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail a totalement réécrit les 5250 articles du code du travail (transformés en 8758 articles) et, outre les 718 articles modifiés au détriment des salariés contre 0 au détriment des employeurs), a jeté les bases d’une dissolution de la loi par transfert au domaine règlementaire (décrets) de ce qui relevait du pouvoir législatif.

4/ La loi du 31 janvier 2007 dite, déjà…, de « modernisation du dialogue social », a inscrit dans le code du travail à titre de « chapitre préliminaire » l’obligation que toute modification du droit du travail au niveau national doit faire l’objet d’une concertation puis d’une négociation entre les organisations syndicales de salariés et d’employeurs et que la loi ne doit avoir ensuite comme but que de transcrire le résultat des négociations. L’effacement de la loi devant les accords collectifs est ainsi inscrit dans le code du travail au mépris de la Constitution.

 

5/ Au niveau du contrat de travail individuel, la loi Macron du 6 août 2015 , , a nié la subordination du salarié en rendant applicable à celui-ci le droit civil ; ce qui permet de « régler » les litiges par un simple « accord » entre le salarié et son employeur, « accord » qui interdit dès lors le recours aux prud’hommes.

Il faut ajouter sur ce point essentiel du contrat individuel qu’en 2012 (loi du 22 mars 2012) il a été pour la première fois inscrit dans la loi qu’un accord collectif (d’entreprise) peut s’imposer, en les dégradant, aux clauses garanties dans le contrat de travail (modulation du temps de travail) !

 

 

La première application du bouleversement de la hiérarchie des normes, la loi El Khomri du 8 août 2016 :

 

1/ La loi a décidé que l’ensemble du code du travail serait réécrit sur la base d’un bouleversement de la hiérarchie des normes sur la base suivante : la loi est réduite à quelques grands principes, sans application pratique ; l’essentiel du droit du travail est décidé par accord d’entreprise ; en l’absence d’accord d’entreprise, ce droit sera décidé par accord de branche ; en l’absence de tout accord, la loi et le plus souvent un décret donnera un minimum applicable.

La loi El Khomri avait prévu qu’une commission réécrirait le code du travail sur cette base en deux ans. Les ordonnances Macron, qui suppriment logiquement cette commission devenue inutile, ont simplement accéléré cette réécriture.

 

2/ La loi a appliqué ces nouveaux principes à la « prévention de la pénibilité » et à l’égalité professionnelle hommes/femmes qui passe de la loi aux branches :

Actuel Article L2232-5-1 : « La branche a pour missions :

1° De définir, par la négociation, les garanties applicables aux salariés employés par les entreprises relevant de son champ d’application, notamment en matière de salaires minima, de classifications, de garanties collectives complémentaires mentionnées à l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, de mutualisation des fonds de la formation professionnelle, de prévention de la pénibilité prévue au titre VI du livre Ier de la quatrième partie du présent code et d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes mentionnée à l’article L. 2241-3 ;

2° De définir, par la négociation, les thèmes sur lesquels les conventions et accords d’entreprise ne peuvent être moins favorables que les conventions et accords conclus au niveau de la branche, à l’exclusion des thèmes pour lesquels la loi prévoit la primauté de la convention ou de l’accord d’entreprise ;

3° De réguler la concurrence entre les entreprises relevant de son champ d’application »

3/ La loi a appliqué ces principes à la durée du travail et aux repos, domaines pour lesquels désormais 43 domaines relèvent de la décision des employeurs par simple accord d’entreprise.

Fixation du contingent d’heures supplémentaires et conditions de son dépassement. Mise en place d’un repos compensateur de remplacement et conditions de prise du repos. Convention de forfait en heures ou en jours sur l’année. Aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine pouvant aller jusqu’à trois ans. Mise en place d’un compte épargne-temps. Choix de la date de la journée de solidarité. Règles relatives à la rémunération des temps de restauration et de pause. Contreparties au temps d’habillage et de déshabillage ou au temps de déplacement professionnel dont la durée dépasse un temps spécifique. Règles de mise en place et mode d’organisation des astreintes. Fixation d’un temps de pause supérieur au temps de pause légal. Règles de dépassement de la durée maximale quotidienne du travail. Possibilités de dépassement de la durée maximale hebdomadaire relative du travail. Définition d’une période de sept jours pour définir la semaine pour le décompte des heures supplémentaires. Fixation du taux de majoration des heures supplémentaires avec un plancher de 10 %. Mise en place d’un éventuel repos compensateur pour les heures supplémentaires accomplies dans le cadre du contingent. Limites et modalités de report d’heures dans le cadre d’horaires individualisés. Modalités de récupération des heures perdues. Règles permettant la mise en place ou l’extension à de nouvelles catégories de salariés du travail de nuit dans une entreprise ou un établissement. Fixation des possibilités de dépassement de la durée maximale quotidienne de travail des travailleurs de nuit. Fixation des possibilités de dépassement de la durée maximale hebdomadaire relative de travail des travailleurs de nuit. Mise en œuvre d’horaires de travail à temps partiel à la demande du salarié. Fixation de la limite pour accomplir des heures complémentaires pour les salariés à temps partiel jusqu’au tiers de la durée contractuelle. Possibilité de répartition des horaires de travail des salariés à temps partiel dans la journée, avec des interruptions éventuelles d’activité. Délai de prévenance en cas de modification de la répartition de la durée de travail du salarié à temps partiel avec un plancher de trois jours. Fixation des emplois permanents pouvant être pourvus par des contrats de travail intermittent. Dérogations à la durée du repos quotidien. Définition des jours fériés chômés. Fixation du début de la période de référence pour les congés payés et la majoration éventuelle en raison de l’âge, de l’ancienneté ou du handicap. Règles relatives à la période, à l’ordre des départs et aux délais pour modifier ordre et dates de congés payés. Fixation de la période de fractionnement des congés payés. Modalités de reports des congés payés au-delà de l’année. Durée des congés pour événements familiaux en respectant les minima fixés par la loi. Certaines règles relatives au congé de solidarité familiale. Certaines règles relatives au congé de proche aidant. Certaines règles relatives au congé sabbatique. Certaines règles relatives au congé de solidarité mutualiste de formation. Certaines règles relatives au congé de participation aux instances d’emploi et de formation professionnelle ou à un jury d’examen. Certaines règles relatives au congé pour catastrophe naturelle. Certaines règles relatives au congé de formation de cadres et animateurs pour la jeunesse. Certaines règles relatives au congé de représentation. Certaines règles relatives au congé de solidarité internationale. Certaines règles relatives au congé pour acquisition de la nationalité. Certaines règles relatives au congé ou période de travail à temps partiel pour création ou reprise d’entreprise.

 

 

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APRES les ORDONNANCES MACRON

 

Les règles applicables en matière de durée du travail et de repos ont bien été réécrites sur la base de l’inversion de la hiérarchie des normes : un code du travail par entreprise.

Mais pour le reste, comment l’ex DRH de Danone qui nous sert de Ministre du travail et le secrétaire d’une confédération syndicale peuvent-ils affirmer qu’il n’en est rien pour ce qui concerne les ordonnances Macron, non seulement la hiérarchie ne serait pas touchée, mais les branches seraient « consolidées » !. Ce gros mensonge mérite d’être éclairci, car au vu du champ de ruines promis par les ordonnances, il ne leur reste que cette défense abstraite pour nous les vendre comme un moindre mal. Voici ce que prévoient les ordonnances Macron :

 

Des branches pourries, au détriment de la loi et au profit des accords d’entreprise :

 

1/ Si le pouvoir des branches grandit, c’est au détriment de la loi et pour la dégrader : aux six domaines actuellement réservés à la branche (c’est-à-dire qui prévalent sur les accords d’entreprise), les ordonnances (nouvel article L.2253-1) en enlève formellement un (« prévention de la pénibilité ») et en ajoutent six :

a)    Le financement du paritarisme : d’une part il n’en pas dans l’intérêt des salariés de financer les organisations patronales (le « financement mutualisé des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d’employeurs », par le fonds paritaire créé par la loi du 5 mars 2014 -articles L.2135-9 à 18 du code du travail-, est constitué de cotisations des entreprises, autant de salaires non versés, de subventions de l’Etat, autant d’impôts en plus) ; d’autre part on ne peut croire que la compétition entre organisations syndicales pour la répartition du gâteau entre les branches constitue le moindre progrès quant à l’égalité entre salariés et l’indépendance syndicale.

b)    La durée et l’aménagement du temps de travail : outre des régressions déjà inscrites dans la loi El Khomri (fixation par accord de branche étendu des équivalences à la durée légale, rémunération des périodes « d’inaction » -L.3121-14 ; durée hebdomadaire minimale pour les contrats de travail à temps partiel – L.3123-19, taux de majoration des heures complémentaires – L.3123-21, imposition aux salariés à temps partiels d’avenants modifiant la durée de travail de leur contrat à temps partiel – L.3123-22), faut-il voir comme un progrès la fixation par accord de branche de la durée minimale de la pause quotidienne actuellement fixée par la loi à 20 minutes – L.3121-16 ?

c)    Les CDD et les contrats de travail temporaire : plusieurs domaines essentiels de la loi vont désormais être décidés par accord de branche : la durée maximale d’un CDD ou d’un contrat de mission (L.1242-8 et L.1251-12) ; le délai à compter de l’embauche pour transmettre au salarié son contrat de travail à durée déterminée (L.1242-13) ; la durée du délai de carence entre deux CDD successifs ou deux contrats de mission sur le même poste (L.1244-3 et L.1251-36) ; le nombre maximal de renouvellement du contrat de mission (L.1251-35)

d)    Les nouveaux CDI « conclu pour la durée d’un chantier ou d’une opération » : un vrai CDD pire que les CDD (nouveaux articles L.1223-8 et 9) ; un CDD dont le motif de rupture est, aux termes d’un nouvel article L.1236-8, prévu par la loi ! (« motif spécifique » ! ), rupture qui ne pourra être contestée devant les prud’hommes ( ce licenciement, est-il écrit, « repose sur une cause réelle et sérieuse » » !)

e)    Période d’essai : cette régression (conditions et durées de renouvellement de la période d’essai est déjà inscrite dans la loi du 25 juin 2008 (L.1221-21)

f)     Transfert des contrats de travail : les ordonnances laissent à la branche le soin d’organiser cette régression majeure qui met fin, en étendant à toutes les entreprises la mesure déjà intervenue pour les très grandes dans la loi El Khomri, à l’obligation de reprendre les contrats de travail en cours lors d’un changement de prestataire de service (nouvel article L.1224-3-2). Au passage, le champ de la régression est aussi étendu, l’ « exécution d’un marché » succédant au « site » pour la définition de la succession.

Article L.2253-1 nouveau : « La convention de branche définit les conditions d’emploi et de travail des salariés. Elle peut en particulier définir les garanties qui leur sont applicables dans les matières suivantes :

1° Les salaires minima hiérarchiques ;

2° Les classifications ;

3° La mutualisation des fonds de financement du paritarisme ;

4° La mutualisation des fonds de la formation professionnelle ;

5° Les garanties collectives complémentaires mentionnées à l’article L 912-1 du code de la sécurité sociale » ;

Les mesures relatives à la durée du travail, à la répartition et à l’aménagement des horaires énoncées aux articles L. 3121-14, L. 3122-16, au premier alinéa de l’article L. 3123-19 et aux articles L. 3123-21 et L. 3123-22 du présent code ;

Les mesures relatives aux contrats de travail à durée déterminés et aux contrats de travail temporaire énoncées aux articles L.1242-8, L.1242-13, L.1244-3, L.1251-12, L.1251-35 et L.1251-36 du présent code ;

Les mesures relatives au contrat à durée indéterminée de chantier énoncées aux articles L.1223-8 du présent code ;

9° L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;

10° Les conditions et les durées de renouvellement de la période d’essai mentionnés à l’article L. 1221-21 du code du travail.

11° Les modalités selon lesquelles la poursuite des contrats de travail est organisée entre deux entreprises lorsque les conditions d’application de l’article L. 1224-1 ne sont pas réunies.

Dans les matières énumérées au 1° à 11°, les stipulations de la convention de branche prévalent sur la convention d’entreprise conclue antérieurement ou postérieurement à la date d’entrée en vigueur de la convention de branche, sauf lorsque la convention d’entreprise assure des garanties au moins équivalentes ».

 

Article L.1223-8 nouveau : « Une convention ou un accord collectif de branche étendu définit les raisons permettant de recourir à un contrat conclu pour la durée d’un chantier ou d’une opération.

A défaut d’un tel accord, ce contrat peut être conclu dans les secteurs où son usage est habituel et conforme à l’exercice régulier de la profession qui y recourt au 1er janvier 2017.

Ce contrat est conclu pour une durée indéterminée »

 

Article L.1223-9 nouveau : « La convention ou l’accord collectif de branche prévu à l’article L. 1223-8 peut préciser notamment :

1° La taille des entreprises concernées ;

2° Les activités concernées ;

3° Les mesures d’information du salarié sur la nature de son contrat ;

4° Les contreparties en termes de rémunération et d’indemnité de licenciement accordées aux salariés ;

5° Les garanties en termes de formation pour les salariés concernés »

 

Article L.1236-8 nouveau : « La fin du chantier ou la réalisation des tâches contractuelles définies dans le contrat constitue un motif spécifique de rupture du contrat conclu en application de l’article

L. 1223-8 et suivants.

Le licenciement qui intervient pour les motifs énoncés au 1er alinéa repose sur une cause réelle et sérieuse.

Il est soumis à la procédure prévue aux articles L. 1232-2 à L. 1232-6 et aux dispositions des articles L. 1234-1 à L. 1234-20 du présent code »

 

Article L.1224-3-2 nouveau : « Lorsqu’un accord de branche étendu prévoit et organise la poursuite des contrats de travail en cas de succession d’entreprises dans l’exécution d’un marché, les salariés du nouveau prestataire ne peuvent invoquer utilement les différences de rémunération résultant d’avantages obtenus, avant le changement de prestataire, par les salariés dont les contrats de travail ont été poursuivis ».

 

 

2/ Des branches pour lesquelles les ordonnances ont façonné la scie : le principal intérêt des salariés réside dans le maintien dans les branches de la fixation des salaires minima et des classifications qui leur sont liées. C’est là que réside la première source de baisse des salaires et un regard sur l’Union européenne montre que cet objectif est primordial (suppression des conventions collectives en Grèce, dilution ailleurs). Que les salaires soient fixés par les entreprises et non plus par les branches figurait dans les programmes écrits de Fillon et de Macron. Désormais, s’il reste toujours écrit que les salaires minima et les classifications fixés par les branches prévalent sur les accords d’entreprise, leur contournement sera possible « lorsque la convention d’entreprise assure des garanties au moins équivalentes » (nouvel article L.2253-3). Qui dira que les « garanties » (pour qui ?) sont « équivalentes » (à quoi ?) : l’accord d’entreprise bien sur et, en ca de contestation le juge. Mais le juge ne pourra désormais être saisi d’une contestation que dans les deux mois de la signature de l’accord (nouvel article L.2262-14). La charge de la preuve de l’illégalité de l’accord reposera entièrement sur ceux qui le contestent. Charge lourde car les accords seront désormais « présumés négociés et conclus conformément à la loi » (nouvel article L.2262-13). Et travail de Sisyphe car le juge, même convaincu d’une illégalité, devra – si la rétroactivité de sa décision est « de nature à emporter des conséquences manifestement excessives » – soit ne la faire appliquer que « pour l’avenir », soit « moduler les effets de sa décision dans le temps » (nouvel article L.2262-15).

Et qu’en est-il des « accessoires de salaire », c’est-à-dire des autres éléments de la rémunération (primes, notamment prime d’ancienneté, repos supplémentaires payés). Restent-ils du domaine de la branche pour s’imposer à toutes les entreprises ? Non, en dehors des salaires minima, l’accord d’entreprise prévaut (nouvel article L.2253-3).

Et les « primes pour travaux dangereux ou insalubres » ? Sur ce point, la branche peut autoriser les accords d’entreprise à ne pas respecter l’accord de branche, et si elle ne l’autorise pas, les accords d’entreprise peuvent ne pas le respecter « lorsque la convention d’entreprise assure des garanties au moins équivalentes » (nouvel article L.2253-2).

Même chose pour la santé : pour se prémunir contre les « effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels », la branche peut autoriser les accords d’entreprise à ne pas respecter l’accord de branche, et si elle ne l’autorise pas, les accords d’entreprise peuvent ne pas le respecter « lorsque la convention d’entreprise assure des garanties au moins équivalentes ». Et aussi pour la désignation des délégués syndicaux, leur nombre et la « valorisation de leur parcours syndical ». (nouvel article L.2253-2).

 

 

Article L.2253-3 nouveau : « Dans les matières autres que celles mentionnées aux articles L.2253-1 et L. 2253.2, les stipulations de la convention d’entreprise conclue antérieurement ou postérieurement à la date d’entrée en vigueur de la convention de branche prévalent sur celles ayant le même objet prévues par la convention de branche. En l’absence d’accord d’entreprise, la convention de branche s’applique »

 

Article L. 2262-14 nouveau : « Toute action en nullité de tout ou partie d’une convention ou d’un accord collectif doit, à peine d’irrecevabilité, être engagée avant l’expiration d’un délai de deux mois à compter :

« 1° pour les accords d’entreprise, soit de la procédure de notification prévue à l’article L.

2231-5 à destination des organisations disposant d’une section syndicale, soit de la date de publicité de l’accord prévue à l’article L. 2231-5-1 pour les salariés.

« 2° pour les accords de branche, de leur date de publicité prévue à l’article L. 2231-5-1 du présent code. Ce délai s’applique sans préjudice des articles L. 1233-24, L. 1235-7 et L. 1235-7-1 du code du travail »

Article L. 2262-13 nouveau : « Les conventions ou accords collectifs répondant aux règles de validité applicables à la date de conclusion sont présumés négociés et conclus conformément à la loi.

Il appartient à celui qui conteste la validité d’une convention ou d’un accord collectif ou le déroulement de la négociation d’apporter la preuve que la convention ou l’accord n’a pas été négocié ou conclu conformément à la loi sauf dispositions légales contraires »

Article L. 2262-15 nouveau : « En cas d’annulation judiciaire de tout ou partie d’un accord ou d’une convention collective, le juge peut décider s’il apparait que l’effet rétroactif de cette annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses effets, que l’annulation ne produira ses effets que pour l’avenir ou de moduler les effets de sa décision dans le temps, sans préjudice des actions contentieuses déjà engagées à la date de sa décision sur le même fondement »

Article L.2253-2 nouveau :

« Dans les matières suivantes, lorsque la convention de branche le stipule expressément, la convention d’entreprise conclue postérieurement à cette convention ne peut comporter des stipulations différentes de celles qui lui sont applicables en vertu de cette convention sauf lorsque la convention d’entreprise assure des garanties au moins équivalentes :

1° la prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels énumérés à l’article L. 4161-1 ;

2° l’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés ;

3° l’effectif à partir duquel les délégués syndicaux peuvent être désignés, leur nombre et la valorisation de leurs parcours syndical ;

4° les primes pour travaux dangereux ou insalubres »

3/ Des branches qui cachent mal la forêt : en dehors des salaires minima et des classifications, pour lesquels on vient de mesurer les premiers reculs, tout le reste pourra être décidé par accord d’entreprise. Le reste ce sont toutes les « matières autres ». Un champ immense. Le projet de loi d’habilitation nous en fournit une liste minimale, elle qui avait pour objet principal d’ « attribuer une place centrale à la négociation collective notamment d’entreprise, dans le champ des dispositions, applicables aux salariés de droit privé, relatives aux relations individuelles et collectives de travail, à l’emploi et à la formation professionnelle ». Le reste c’est donc au minimum : la durée du travail, les repos et les congés, les droits et libertés dans l’entreprise, le contrat de travail, le droit disciplinaire, la rupture du contrat de travail, les représentants du personnel, les syndicats, la négociation collective, les conflits collectifs, l’emploi, les travailleurs handicapés, les travailleurs étrangers, le service public de l’emploi et le placement, les demandeurs d’emploi, l’apprentissage, la formation professionnelle continue.

 

Quant à la question du maintien dans les actuelles conventions de branche (ou accords professionnels ou interbranches) de clauses faisant obstacle à l’adoption par accord d’entreprise de mesures plus défavorables aux salariés que celles de ces conventions, l’article 14 de la quatrième ordonnance, d’une remarquable opacité, explique que ces clauses tomberont si elles ne sont pas renouvelées d’ici le 1er janvier 2019 pour les matières réservées à la branche et dès la publication des ordonnances pour les autres matières.

 

Article 14 de la quatrième ordonnance : « Dans les matières mentionnées à l’article L.2253-2 dans sa rédaction issue de la présente ordonnance, les clauses des conventions et accords de branche, des accords professionnels et des accords interbranches conclues sur le fondement du deuxième alinéa de l’article L. 2253-3 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la présente ordonnance faisant obstacle à des clauses dérogatoires de conventions ou accords d’entreprise ou d’établissement continuent de produire effet si les parties confirment, avant le 1er janvier 2019, leur portée au regard de la convention ou de l’accord d’entreprise ou d’établissement.

II- Dans les matières mentionnées à l’article L. 2253-2 du code du travail, les clauses des conventions et accords de branche, des accords professionnels et des accords interbranches mentionnées par l’article 45 de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social continuent de produire effet si les parties confirment, avant le 1er janvier 2019, leur portée au regard de la convention ou de l’accord d’entreprise ou d’établissement.

Pour l’application de l’article L. 2253-3, les clauses des accords de branche, quelle que soit leur date de conclusion, cessent de produire leurs effets à compter de la publication présente ordonnance. »

Article 45 de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social : « La valeur hiérarchique accordée par leurs signataires aux conventions et accords conclus avant l’entrée en vigueur de la présente loi demeure opposable aux accords de niveaux inférieurs »

 

 

4/ Des branches clairsemées et anémiées :

Lors de l’élaboration de la loi El Khomri, l’objectif de réduction du nombre de branches était de passer rapidement de 800 environ à 200 branches et la loi El Khomri a donné au Ministre des moyens d’imposer cette réduction à marche forcée.

Le programme électoral écrit de Macron prévoyait à terme entre 50 et 100 branches. Le projet de loi d’habilitation enregistre l’accélération de l’objectif (« Accélérer la procédure de restructuration des branches professionnelles »).

La fusion de branches ou l’élargissement de conventions ou parties de convention à d’autres secteurs professionnels ou territoriaux seront autant d’occasions de laminer les droits conquis par les salariés dans ces conventions. D’une part parce que les nouveaux droits seront revus à la baisse, comme à chaque fois qu’une convention est dénoncée par les employeurs et remplacée par une nouvelle. D’autre part parce que la loi El Khomri a supprimé le maintien des « avantages individuels » acquis par les salariés dans la convention abandonnée (article L.2261-13).

Enfin les droits conquis seront plus souvent remis en cause, la durée de vie des conventions collectives ayant été réduite par la loi El Khomri (article L.2222-4) : les conventions conclues pour une durée déterminée se poursuivaient au terme, sauf stipulations contraires, comme un accord à durée indéterminée ; désormais le terme prévu (5 années maximum) met fin à la convention.

 

Actuel Article L.2261-13 : « Lorsque la convention ou l’accord qui a été dénoncé n’a pas été remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans un délai d’un an à compter de l’expiration du préavis, les salariés des entreprises concernées conservent, en application de la convention ou de l’accord dénoncé, une rémunération dont le montant annuel, pour une durée de travail équivalente à celle prévue par leur contrat de travail, ne peut être inférieur à la rémunération versée lors des douze derniers mois. Cette rémunération s’entend au sens de l’article L.242-1 du code de la sécurité sociale, à l’exception de la première phrase du deuxième alinéa du même article L. 242-1.

Lorsqu’une stipulation prévoit que la convention ou l’accord dénoncé continue à produire ses effets pendant un délai supérieur à un an, le premier alinéa du présent article s’applique à compter de l’expiration de ce délai si une nouvelle convention ou un nouvel accord n’a pas été conclu. »

Ancien article L.2261-13 : « Lorsque la convention ou l’accord qui a été dénoncé n’a pas été remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans un délai d’un an à compter de l’expiration du préavis, les salariés des entreprises concernées conservent les avantages individuels qu’ils ont acquis, en application de la convention ou de l’accord, à l’expiration de ce délai.

Lorsqu’une stipulation prévoit que la convention ou l’accord dénoncé continue à produire ses effets pendant un délai supérieur à un an, les dispositions du premier alinéa s’appliquent à compter de l’expiration de ce délai. »

 

Article L2222-4 nouveau : « La convention ou l’accord est conclu pour une durée déterminée ou indéterminée.

A défaut de stipulation de la convention ou de l’accord sur sa durée, celle-ci est fixée à cinq ans.

Lorsque la convention ou l’accord arrive à expiration, la convention ou l’accord cesse de produire ses effets. »

 

Ancien Article L2222-4 : « La convention ou l’accord est conclu pour une durée déterminée ou indéterminée.

Sauf stipulations contraires, la convention ou l’accord à durée déterminée arrivant à expiration continue à produire ses effets comme une convention ou un accord à durée indéterminée.

Quand la convention ou l’accord est conclu pour une durée déterminée, celle-ci ne peut être supérieure à cinq ans. »

 

 

Des branches qui réservent cependant quelques fruits à leurs exploitants :

 

Les branches ne profitent pas à ceux qui y travaillent mais à ceux, organisations patronales et grandes entreprises, qui, dans un rapport de forces croissant depuis une quarantaine d’années, décident à leur guise de passer ou non tel ou tel accord et de le faire étendre ou non aux entreprises de plus petite taille. De ce point de vue les petites entreprises risquent de ne pas être gagnantes dans ces ordonnances et vont rester, sous-traitance ou dépendance, sous la coupe des grandes entreprises et des groupes.

 

Par l’intermédiaire des branches, les ordonnances leur donnent en effet, de nouveaux points d’appui pour imposer des mesures aux petites entreprises, au prix de nouvelles dégradations des conditions de travail des salariés de celles-ci :

 

1/ Ainsi (nouvel article L.2261-19), pour pouvoir être étendu à toutes les entreprises de la branche professionnelle, les accords de branche devront désormais pour les entreprises de moins de 50 salariés comporter des « stipulations spécifiques » (spécifiquement défavorables aux salariés ?). Ou bien elles devront « justifier des motifs pour lesquels ils ne comportent pas de telles stipulations » (dans cette hypothèse, il sera possible d’étendre les mêmes mesures aux petites entreprises, soit défavorables aux salariés, soit favorables dans un premier temps mais intenables pour des petites entreprises que les grandes souhaitent éliminer du marché).

 

2/ Les organisations patronales vont sans doute voir accroître leurs possibilités de s’opposer, si elles le souhaitent, à l’extension de clauses favorables aux salariés. En effet, l’article L.2261-19 qui prévoit les conditions de leur opposition va être modifié par décret.

 

3/ Dans ce jeu, le Ministre ne sera pas en reste. Les ordonnances (article L.2261-19) vont en effet lui permettre d’exclure de l’extension des clauses favorables aux salariés si les organisations patronales lui expliquent bien la situation de la concurrence sur la branche professionnelle, car il devra désormais s’assurer que ces clauses ne sont pas «  de nature à porter une atteinte excessive à la libre concurrence compte tenu des caractéristiques du marché concerné. »

 

4/ Dans le même sens, défavorable aux salariés, le Ministre pourra désormais (même article L.2261-19) étendre une convention collective dont les clauses sont incomplètes au regard de la loi en laissant aux accords d’entreprise le soin de faire les compléments à leur guise.

 

 

 

Article L.2261-19 nouveau : « Pour pouvoir être étendus, la convention de branche ou l’accord professionnel ou interprofessionnel, leurs avenants ou annexes, doivent avoir été négociés et conclus au sein de la commission paritaire mentionnée à l’article L.2232-9.

Cette commission est composée de représentants des organisations syndicales d’employeurs et de salariés représentatives dans le champ d’application considéré.

Pour pouvoir être étendus, la convention de branche ou l’accord professionnel ou interprofessionnel, leurs avenants ou annexes, ne doivent pas avoir fait l’objet de l’opposition, dans les conditions prévues par décret, d’une ou de plusieurs organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives au niveau considéré dont les entreprises adhérentes emploient plus de 50 % de l’ensemble des salariés des entreprises adhérant aux organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives à ce niveau.

Pour pouvoir être étendus, la convention de branche ou l’accord professionnel doivent comporter des stipulations spécifiques pour les entreprises de moins de cinquante salariés ou justifier des motifs pour lesquels ils ne comportent pas de telles stipulations. »

 

Ancien Article L2261-19 : « Pour pouvoir être étendus, la convention de branche ou l’accord professionnel ou interprofessionnel, leurs avenants ou annexes, doivent avoir été négociés et conclus au sein de la commission paritaire mentionnée à l’article L.2232-9.

Cette commission est composée de représentants des organisations syndicales d’employeurs et de salariés représentatives dans le champ d’application considéré.

Pour pouvoir être étendus, la convention de branche ou l’accord professionnel ou interprofessionnel, leurs avenants ou annexes, ne doivent pas avoir fait l’objet de l’opposition, dans les conditions prévues à l’article L.2231-8, d’une ou de plusieurs organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives au niveau considéré dont les entreprises adhérentes emploient plus de 50 % de l’ensemble des salariés des entreprises adhérant aux organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives à ce niveau. »

Ancien article L.2231-8 :   « L’opposition à l’entrée en vigueur d’une convention ou d’un accord est exprimée par écrit et motivée. Elle précise les points de désaccord.

Cette opposition est notifiée aux signataires. »

Article L.2261-25 nouveau : « Le ministre chargé du travail peut exclure de l’extension, après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective, les clauses qui seraient en contradiction avec des dispositions légales.

Il peut également exclure les clauses pouvant être distraites de la convention ou de l’accord sans en modifier l’économie, mais ne répondant pas à la situation de la branche ou des branches dans le champ d’application considéré ou de nature à porter une atteinte excessive à la libre concurrence compte tenu des caractéristiques du marché concerné.

Il peut, dans les mêmes conditions, étendre les clauses incomplètes au regard des dispositions légales sous réserve soit de l’application de ces dispositions, soit lorsque la loi renvoie leur mise en œuvre à la conclusion d’une convention de branche ou d’entreprise, que les compléments soient prévus par la convention d’entreprise. »

 

Un contrat de travail qui ne protège plus de rien :

 

C’est certainement le point qui permettra au plus grand nombre de mesurer ce qui est en jeu dans le bouleversement de la hiérarchie des normes.

 

Le contrat de travail ne pouvait être modifié unilatéralement par l’employeur dans es éléments les plus fondamentaux : rémunération, classification, durée du travail (et parfois aussi les horaires s’ils avaient été un facteur important de la signature du contrat ou lorsque les changements d’horaires sont importants), lieu de travail, poste de travail lié à la qualification professionnelle ou au métier).

 

Les ordonnances achèvent un processus engagé en 2012 et 2013. Désormais (article L.2254-2), et malgré ce qui est signé dans le contrat de travail, il suffira d’un accord d’entreprise sans motif sérieux (« Afin de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver, ou de développer l’emploi ») pour que l’employeur puisse baisser les salaires, augmenter la durée du travail, la moduler, imposer un changement de lieu de travail (« mobilité géographique interne à l’entreprise ») ou un changement de profession (« mobilité professionnelle »).

 

Le salarié ne pourra pas refuser. Sinon il sera licencié non pas pour motif économique (« ce licenciement ne constitue pas un licenciement pour motif économique ») mais pour faute (« cause réelle et sérieuse »). Il ne pourra pas sérieusement contester son licenciement aux prud’hommes car la loi affirme à la place du juge que le licenciement « repose sur une cause réelle et sérieuse ».

 

Article L.2254-2 nouveau : « I. – Afin de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver, ou de développer l’emploi, un accord d’entreprise peut :

- aménager la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition ;

- aménager la rémunération au sens de l’article L. 3221-3 ;

- déterminer les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise.

II. – L’accord définit dans son préambule ses objectifs et peut préciser :

1° les modalités d’information des salariés sur son application et son suivi pendant toute sa durée, ainsi que, le cas échéant, l’examen de la situation des salariés au terme de l’accord ;

2° les conditions dans lesquelles fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux salariés pendant toute sa durée :

– les dirigeants salariés exerçant dans le périmètre de l’accord ;

– les mandataires sociaux et les actionnaires, dans le respect des compétences des organes d’administration et de surveillance.

3° Les modalités selon lesquelles sont conciliées la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale des salariés.

Les dispositions des articles L. 3121-41, L. 3121-42, L. 3121-44 et L. 3121-47 s’appliquent si l’accord met en place notamment un dispositif d’aménagement du temps du travail sur une période de référence supérieure à la semaine.

III – Les stipulations de l’accord se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, y compris en matière de rémunération, de durée du travail et de mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise.

Le salarié peut refuser la modification de son contrat de travail résultant de l’application de l’accord.

IV – Le salarié dispose d’un délai d’un mois pour faire connaitre son refus par écrit à l’employeur à compter de la date à laquelle ce dernier a communiqué dans l’entreprise sur l’existence et le contenu de l’accord.

V. – Si l’employeur engage une procédure de licenciement à l’encontre du salarié ayant refusé l’application de l’accord mentionné au premier alinéa, ce licenciement ne constitue pas un licenciement pour motif économique et repose sur une cause réelle et sérieuse. Ce licenciement est soumis aux seules modalités et conditions définies aux articles L.1233-11 à L.1233-15 applicables aux licenciements individuels pour motif économique ainsi qu’aux articles L.1234-1 à L.1234-11 et L.1234-14, L.1234-19 et L.1234-20.

VI. – Le salarié peut s’inscrire comme demandeur d’emploi à l’issue du licenciement et être indemnisé dans les conditions prévues par les accords mentionnés à l’article L. 5422-20.

L’employeur abonde le compte personnel de formation du salarié dans des conditions et modalités définies par décret. »

 

 

 

Richard Abauzit

10 septembre 2017

 

One Commentaire

  1. Indianna
    Posted 12 septembre 2017 at 3:05 | Permalien

    Bonsoir Gérard. Félicitation à Richard Abauzit pour ce formidable travail de décryptage bien sourcé. Je remarque que l ‘opposition et les syndicats insistent beaucoup sur le plafonnement des indemnités prudhommales, la suppression du CHSCT, le CDI de chantier, le déclassement de l’organisation du CDD (renouvellement/durée) dans la branche, la gestion des primes qui bascule dans l’accord d’entreprise et la réduction du délai de recours pour saisir les prud’hommes en cas de licenciement abusif entre autres. Une chose semble absente dans ce discours la. Qu’on soit clair sur ce point précis: Est ce la fin officielle des 35 h ? Je lis dans des articles de journaux que la durée légale du temps de travail n’a pas été modifiée, mais l’article L.2254-2 nouveau dit le contraire, cette durée pouvant être modifiée via accord d’entreprise « Afin de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver, ou de développer l’emploi ». Si tel est le cas pourquoi n’en est il pas fait état à grand bruit dans la presse (quand bien même tout un tas de mesures de grandes ampleurs sont prises dans ces ordonnances, les 35 h sont en tous cas un symbole qui devrait être utilisé par les initiateurs du mouvement social non ?).

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