Il y a 30 ans 16 janvier 1994 manifestation géante pour l’École publique et début de la déroute de Balladur sur le CIP

Un million pour l’école publique contre Bayrou

Sur le terrain de l’école privée, Balladur et Bayrou connurent un grand malheur, pourtant prévisible. François Bayrou, alors ministre catholique de l’Éducation, crut pouvoir poursuivre, dans la lignée des lois Debré- Guermeur, les concessions accordées à l’école privée en 1984 en fonction des accords Lang-Cloupet. Il osa proposer d’abroger la loi Falloux, qui limitait les aides à l’école privée. Mal lui en prit : il se heurta à une résistance parlementaire, notamment conduite au Sénat par Jean-Luc Mélenchon, et à un appel intersyndical pour une montée nationale à Paris le 16 janvier 1994.

Même les dirigeants de la gauche ne le comprirent pas tout de suite. En appelant à cette montée sur Paris, ce dimanche 16 janvier, ils croyaient qu’il y aurait si peu de monde qu’ils choisirent la petite place de l’Opéra comme lieu de rassemblement et n’imaginèrent qu’un seul parcours. En fait, il y eut un million de manifestants, un des plus grands rassemblements nationaux de notre histoire. Paris fut paralysé de bout en bout, les Bretons à eux seuls mirent trois heures à défiler entre République et Nation, des centaines de milliers d’autres gens ne réussirent même pas à bouger en dix heures de manifestation. Le cortège s’étala du XVIIe arrondissement jusqu’à Nation en passant par Opéra et République. Le peuple laïque saisissait cette occasion pour réussir enfin cette grande manifestation nationale que le Cnal n’avait pas su organiser dix ans plus tôt. Elle fut plus grande que celle des Versaillais pour l’école libre en juin 1984. Stupeur à droite !

Entre-temps, Michel Rocard était devenu premier secrétaire du PS, succédant à Pierre Mauroy et à Laurent Fabius. Mais on vit tout de suite ses limites : il ne sut même pas exploiter cette exceptionnelle situation, il déclara que ce n’était pas une « manif de gauche » et n’exigea même pas le départ de François Bayrou !

La pétition de masse pour les 35 h sans perte de salaire

Les conflits sociaux remontaient : dans le commerce parisien avec le Sycopa (dirigé par Patrick Brody), à Chausson, à Sud Marine, à Chantelle (Nantes), aux télécoms, à Elf-Aquitaine, où l’usine de production de Lacq a fait grève pendant dix-sept jours, avec la CGT dirigée par Jean-Yves Lalanne, à Péchiney, à Tampax (Tours), à Saint-Yorre, à Steelcase-Strafor, à Canon France, à GEC-Alsthom (Le Havre), à Sopalin (Sotteville-lès- Rouen)…

Trois responsables syndicaux, Raymond Vacheron (CFDT Hacuitex Le Puy), Bruno Lemerle (CGT Peugeot-Sochaux) et Jean Louis Mourgue (FO PTT Île-de-France) lançaient un appel pour les « 35 heures sans perte de salaire » afin d’en finir avec le chômage de masse. Ils obtenaient dès le départ le soutien de 1 000 syndicalistes unitaires, 400 de la CGT, 320 de la CFDT, 130 de FO, 170 d’autres syndicats, dont les enseignants. L’appel, soutenu à fond par notre revue Démocratie et Révolution, recueillit des milliers d’autres signatures de responsables syndicalistes.

Pour nous, il fallait centrer sur une revendication unifiante et populaire capable de traduire les aspirations à la lutte contre le chômage et à la redistribution des richesses. Toutes les forces de notre modeste courant, en passe de se libérer de la tutelle de la LCR, s’investirent dans le mot d’ordre « 35 heures hebdomadaires sans perte de salaire ».

 

Le CIP de (Delors à) Balladur (avant Villepin et son CPE)

À peine un mois après la mobilisation contre la remise en cause de la loi Falloux, Édouard Balladur, s’inspirant du « livre blanc » de Jacques Delors paru quelque temps plus tôt, proposa un « smic-jeunes », le contrat d’insertion professionnelle ou CIP. Il est significatif de voir à quoi servent les sociaux-libéraux, néo-centristes : ils produisent des « livres blancs » qui servent d’alibi à la droite à mettre en route les pires projets. Il s’agissait de « lutter contre le chômage des jeunes en… les payant moins », c’est-à-dire 80 % du Smic.

 

Le CIP provoqua, à son tour, huit ans après Jacques Chirac, une vigoureuse mobilisation de la jeunesse. Elle se prépara en février et dura tout le mois de mars 1994. La montée en puissance des manifestations obligea Balladur à reculer inexorablement. Un processus bien connu depuis la loi Debré de 1973 se remit en place. Un rassemblement organisé grâce à l’Unef-ID, la FIDL et la CGT se tenait le jeudi 3 mars, puis il y avait un premier cortège de 15 000 étudiants et lycéens. Le 10 mars, 20 000 personnes manifestaient contre le CIP à Paris, et le mouvement s’étendait dans des dizaines de villes de province. Le 12 mars, la CGT mobilisait contre le chômage massivement à Paris, à Marseille, à Toulouse, à Metz. Les jeunes participèrent. Les 17, 25 et 31 mars, semaine après semaine, l’importance des manifestations allait croissant. Des coordinations s’installaient.

Le gouvernement tergiversait, consultait, laissait entendre qu’il allait revoir le projet de Smic-jeunes. Il y avait alors 23,8 % des jeunes au chômage ; 20 % du Smic en moins, cela faisait baisser le salaire de 5 886,27 francs à 4 700 francs brut. Les jeunes s’entêtaient, refusant tout compromis, ne laissant aucune issue au gouvernement.

Le 28 mars, Michel Field se souvint de sa jeunesse de 1973 : il anima une émission spéciale télévisée en direct avec 400 jeunes sur le plateau. De mémoire, ce fut une émission triomphale pour le mouvement en cours. Les jeunes crevaient l’écran, ils faisaient bloc, argumentaient, convainquaient. Ils refusaient de dénoncer les « casseurs de fin de manif » qu’on leur opposait encore : « Les casseurs sont nos copains », « Retrait du CIP ». L’émission, au lieu de désamorcer la crise, rendit son issue inévitable.

Édouard Balladur annonçait la « suspension » de son projet.

Il rencontrait les dirigeants jeunes. Sonia Samadi, présidente de la FIDL, a avec Léa Filoche, claquait la porte de Matignon, demandant le « retrait pur et simple ».

La grève continuait. L’Unef-ID et la FIDL ne lâchèrent pas prise. Le second Premier ministre de cohabitation dut, à son tour, comme Jacques Chirac et Philippe Devaquet, huit ans auparavant, prononcer le mot « retrait ».

C’était alors très significatif des rapports de force profonds dans le pays. En mars 1994, Mai 68 n’était toujours pas effacé des mémoires.

Mai 68, décembre 1986, mars 1994

Un débat s’ouvrit une fois de plus dans les médias : quelle comparaison entre Mai 68 et mars 94 ? Laurent Joffrin écrivit : « Mai 68 c’était la révolte de l’espoir. Mars 94 c’était la révolte du désespoir. En 68, on croyait à la politique, en 94, elle est objet de dérision. En 68, on croyait dans l’action collective, dans les programmes, dans les projets. En 94, on s’en défie comme de la peste. En 68, il y avait 300 000 chômeurs. En 94, il y en a dix fois plus. En 68, la drogue était une tentation pour ainsi dire poétique. En 94, elle est un fléau. En 68, selon le vocabulaire en vigueur, les jeunes avaient peur d’être intégrés par le système. En 94, ils ont peur parce qu’ils en sont exclus. » Pour la énième fois, la réécriture de Mai 68 battait son plein. Les idéologues s’efforçaient de gommer toute continuité. Pour eux, Mai 68 était unique, c’était un phénomène culturel, pas social. Il leur suffisait donc de montrer qu’en surface les mots d’ordre culturels avaient changé pour nier l’essentiel.

Le climat apparent n’était plus le même, mais, au fond, la lutte des classes, elle, reposait sur les mêmes ressorts. La grève générale massive des salariés de 68 visait à mieux répartir les fruits du travail. Les jeunes de 94 agissaient dans le même sens, contre un smic au rabais.

Le Mai 68 étudiant avait été une façon de dire : « Ne réprime pas mes camarades », et puis cela avait servi d’étincelle, de catalyseur pour les revendications de la classe salariale. Un lien profond avait été établi entre la jeunesse et le salariat. C’est à cause de ce lien si depuis les pouvoirs ont peur : Chirac en décembre 1986 et Balladur en mars 1994. Tout comme Chirac après la mort de Malik Oussekine, Balladur, en 1994, mourait de peur qu’il y ait des victimes au cours des défilés de jeunes.

En 1968, certes le gauchisme régnait, miroir opposé et reflet du stalinisme majoritaire à gauche. Mais était-ce moins bien, moins radical, moins efficace en 1994, quand la jeunesse conduisit son combat jusqu’à la victoire complète avec un grand sens de la solidarité collective ?

En mai 68 planait encore l’ombre de l’URSS sur tout mouvement social. En 1994, le capitalisme était seul face à lui-même. En 1968, on criait : « Élection-trahison ». En 1994, comme en 1986, on disait : « On s’en souviendra le jour des élections. »

En mai 68, ce fut l’explosion ; en mars 94, le refus du chantage à l’exclusion, ce qui peut provoquer une explosion plus forte.

En décembre 86, comme en mars 94, la jeunesse était pleine d’espoir, elle ne prenait pas la politique en dérision, mais au sérieux.

La façon dont la presse a valorisé Mai 68 par rapport aux mouvements ultérieurs est impudique. C’était comme un acharnement : les « vieux » soixante-huitards y contribuèrent, expliquant que, de « notre temps », on était plus révolutionnaire, plus audacieux, etc. Pour eux, 36 était-il mieux que 68 ? Non. Ils avaient leur univers borné, leur mémoire coincée sur les barricades du quartier Latin, sur les mondains de type Cohn-Bendit et Kouchner, sur les clichés abondamment cultivés par les médias…

Ils ne voyaient pas le fond, la continuité, la progression de la conscience d’une génération de jeunes à l’autre.

Vers novembre décembre 1995 :

Chaque grande crise révolutionnaire nourrit ainsi le conscient et l’inconscient des vivants qui font l’histoire. Chacune s’empile sur l’autre et, quelque part, tire profit de la précédente. Par mille liens invisibles qui sont différés, par le poids plus ou moins grand du chômage, du rapport des forces, de la peur de l’exclusion, de l’espoir du changement.

Tout comme il y a des cycles Kondratieff en économie, qui alternent récession et expansion, il y a des cycles du mouvement des masses, où s’épuisent et se succèdent des générations. Ces cycles sont mystérieux à définir et très rebelles à la théorie, parfois on ne les comprend qu’a posteriori. Mais ils n’en existent pas moins. On le verrait encore plus nettement, à peine un an plus tard, en novembre-décembre 1995, survenu en pleine période de chômage. Certains diront  « mieux qu’en 68 » – pourtant inscrit dans les Trente Glorieuses.

 

Il y a 10 ans : 14 janvier 2014 : conférence de presse, Hollande stupéfie en annonçant qu’il a choisi « la politique de l’offre »

 

François Hollande présentait au pays “son” projet de pacte de responsabilité “pour gagner la bataille de l’emploi”, avec l’objectif “d’aller plus vite, plus loin” pour retrouver la croissance selon “un principe simple: alléger les charges des entreprises, réduire les contraintes sur leurs activités et en contrepartie permettre plus d’embauches et davantage de dialogue social”.

Au Bureau national, François Rebsamen qui fut un temps aux comités rouges de la LCR, s’exclame « nous avons un grand president »

« Coup de poker », « virage historique », « tremblement de terre », l’éditocratie de droite comme de gauche frétille d’aise et dit n’importe quoi sur « le  tournant social-démocrate » l’abandon de la « vieille  gauche » égalitaire de transformation sociale, pour une gauche « moderne » et « réaliste ».

Faut-il rappeler aux « modernes » qui nous gouvernent à droite ce que recouvre historiquement l’idée sociale-démocrate qu’ils galvaudent aujourd’hui, à savoir que le parti majoritaire à gauche s’appuie sur des syndicats forts pour arracher au patronat un compromis  acceptable par les salariés ?

 

Comme l’a dit Gérard Filoche, “ce sont de beaux mots: social et démocrate:  “social”, c’est faire œuvre de redistribution des richesses aux salariés qui les créent; “démocrate”, c’est respecter le Parlement et ne pas gouverner par ordonnances et votes bloqués” ainsi que s’apprête à le faire le gouvernement sur ordre du Président pour museler les oppositions et réticences des parlementaires socialistes dignes de ce nom, parce qu’il a peur que sa majorité n’existe plus sur une proposition de reniement , et que ce soit  la droite dont il  porte ici la politique qui lui fournisse l’appoint.

 

Notre projet socialiste débattu et adopté en 2011, les 60 engagements du candidat Hollande   assorti de sa promesse du Bourget d’une guerre à la finance, la motion majoritaire au congrès de Toulouse en octobre 2012, ne mentionnaient pas la promotion du “socialisme de l’offre”, pas plus que la hausse de la TVA ou la dénonciation “des excès et abus de la sécurité sociale”.

François Hollande exige, en échange, des « contreparties « claires, précises, mesurables, vérifiables »au « Pacte de responsabilité » qu’il propose au Medef

Qui peut y croire une seconde ?

Devant l’Assemblée des secrétaires de sections du PS, Pierre Moscovici s’écrie « il n’y aura pas de pacte sans contrepartie ».

Harlem Désir appele le Medef à s’engager « très fortement » sur les contreparties.

Arnaud Montebourg : « La contrepartie devrait être la création de 1,65 million d’emplois ».

« Ni trique, ni fouet, ni conditionnalité bureaucratiquement vérifiée, en revanche, pas non plus de cadeau unilatéral », rajoute Pierre Moscovici en proposant… « d’alléger les contrôles fiscaux sur les entreprises »  – sans craindre que davantage de dividendes ne partent dans les Iles Caïman.

Le député Jean-Marc Germain, proche de Martine Aubry, plaide pour « ­conditionner les exonérations à la signature d’un accord d’entreprise ».

Michel Sapin suit Laurence Parisot en ce sens : « les contreparties ce sera entreprise par entreprise ».

Mais comment faire puisque les syndicats, avisés, n’y croient pas ?

Karine Berger vante une « montée en charge progressive des exonérations », avec « évaluation des contreparties au fur et à mesure » par le « dialogue social ».

« Je n’ai pas des engagements une conception administrative », nuance prudemment Jean-Marc Ayrault qui aura pourtant la lourde tâche de présider  « l’Observatoire des contreparties » annoncé par François Hollande le même 14 janvier.

Cerise sur le gâteau : la CGC se ravise

 

Pour des raisons qui lui sont propres,  la CFE-CGC fait machine arrière et ne signe pas le « relevé de conclusions » du 5 mars.  C’est un coup de théâtre lourd de conséquences : la CFE-CGC qui avait décidé le 10 mars 2013 de signer le relevé de conclusions sur les contreparties sociales du pacte de responsabilité, lequel prévoyait un allègement de charges de l’ordre de 30 milliards d’euros par an pour les entreprises, fait machine arrière.   »La négociation chômage a montré que la confiance n’était pas au rendez-vous (…) le patronat a trahi les signataires potentiels du pacte de responsabilité », a estimé la dirigeante de l’organisation Carole Couvert. « A la base, il s’agit d’un pacte de confiance. On a toujours dit que l’on refuserait de signer un chèque en blanc au patronat, mais que nous étions dans une logique de renvoi d’ascenseur »  confie t elle à Boursier.com. Or, lors de la négociation chômage, « ce sont les mêmes protagonistes qui étaient au tour de la table », a-t-elle ajouté.

Le relevé de conclusions concernant les contreparties au Pacte de responsabilité sera finalement signé par une minorité de syndicats.  Du coté du patronat, le Medef, la CGPME et l’UPA l’ont validé alors que, côté organisations syndicales, seules la CFDT et la CFTC le ratifieront, FO et la CGT y étant fermement opposées.

Reuters prétend que le retrait de la CFE-CGC n’empêchera pas cet accord d’entrer en vigueur car il ne s’agirait que d’un « relevé de conclusions » n’ayant pas le même statut qu’un ANI comme ceux sur la sécurisation de l’emploi ou la formation, lesquels nécessitent la signature d’au moins trois syndicats.  Mais c’est du pipeau car le « relevé de conclusions signé » selon la CFDT se voulait précisément un équivalent à un accord et soumis aux mêmes règles.

Tous ces gens piétinent le droit de leurs propres accords et désaccords, lois et contrats.

Carole Couvert veut, par ce geste, « envoyer un signal fort au gouvernement ». « Nous tirons la sonnette d’alarme pour qu’il entende le mécontentement des classes moyennes ».

 

Il n’y aura jamais de pacte !

Le secrétaire général de la CGT Thierry Lepaon confirme « Il apparaît qu’aucune contrepartie n’est aujourd’hui inscrite entre le président de la République et le Medef pour justifier les 30 milliards d’euros d’aides aux entreprises » constate

 

Gattaz et le Medef envoient le gouvernement paitre avec insolence :

« J’attends du gouvernement qu’il me précise, en mars prochain, la trajectoire de baisse de la fiscalité sur les entreprises. [...] On ne pourra avancer que si on redonne de l’oxygène et donc des marges aux entreprisesfrançaises. [...] Il faut surtout arrêter de gérer par la contrainte. Quand j’entends parler de contreparties dans ce pacte, j’entends aussi des gens qui me disent “On va vous contraindre, on va vous obliger, si vous n’y arrivez pas vous allez être punis, on va vous mettre des pénalités”. Il faut arrêter ce discours […] insupportable. On n’est pas dans une cour d’école. »

 

Même Mme Parisot, qui dit ne plus rien avoir à faire avec le Medef, est ressortie pour crier « pas de contreparties ». Elle le fera meme un jour devant moi, dans le petit « sas » avant le studio, avec deux canapés, a BFM, elle discute avec Thibault Langlade :

« - Non mais heureusement qu’on ne signe pas ce truc là, pas question ».

Non pas qu’elle soit pour « la libre concurrence », au contraire, elle menace Hollande d’alerter les capitalistes étrangers contre la gauche au pouvoir en France !

Pour Pierre Gattaz ce serait « suicidaire » de s’engager dans la voie d’objectifs chiffrés d’embauche.

Le patronat veut bien encaisser les milliards que lui propose le Président de la République mais n’a pas l’intention de rendre quoi que ce soit en retour, ni en emploi, ni en compétitivité.

Aucun engagement, rien.

Ils n’inverseront jamais la courbe du chômage.

Ce ne sont pas des amis qu’il faut séduire, mais des ennemis qu’il faut contraindre.

 

Un énorme cadeau supplémentaire au patronat :

 

Le 14 janvier 2014 Hollande annonce la suppression des cotisations  patronales pour la politique familiale.

C’est un cadeau de plus de 35 milliards.

A la fin du quinquennat cela fera 100 milliards !

Financée par une nouvelle réduction globale de la dépense publique de 55 Mds d’euros d’ici à 2017, ces exonérations impliquent de prendre ces 35 milliards dans la poche des salarié-e-s et de remettre en cause la politique familiale.

Annoncée sans prélèvement obligatoire supplémentaire, la pérennité́ de la politique familiale portée par la branche famille est ainsi remise en cause et ne sera concevable qu’en réduisant le niveau des prestations familiales, en supprimant le quotient familial, et donc in fine la réponse aux besoins des familles.

C’est un nouveau choc anti social.

Nous le dénonçons dés ce moment-là : le sacrifice de la politique familiale aura des conséquences sur la natalité́.

C’est la cohérence de la sécurité́ sociale qui est attaquée. Elle ouvre la voie à une refondation du modèle social français dont le centre de gravité ne serait plus la protection des familles et des travailleurs, mais la protection des entreprises et de leur rentabilité́ financière que le Président semble confondre avec leur compétitivité́.

D’ailleurs la droite, si prompte à se mobiliser sur la famille, approuve les propositions du Président.

Toute l’année 2014 Hollande donne des singes de recul des allocations familiales.

Hollande baisse le plafond du quotient familial.

Il module des allocations de base pour les jeunes enfants.

Il gèle plusieurs prestations familiales.

Il annonce, en se heurtant aux députés socialistes,  qu’il baissera la prime de naissance a partir du 2° enfant.

Le 17 octobre 2014, Hollande tergiverse puis confirme : il remet en cause l’universalité des allocations familiales et les soumet a la progressivité des revenus.

Contre lui, avec D&S, je défends le principe « cotisations progressives, redistribution égalitaire ».L’allocation doit être attachée à l’enfant pas à la fortune ou la misère des parents. Attribuez les mêmes allocations a toutes et tous ! Mais établissez 20 tranches d’impôts directes progressives !

 

Ce ne sera pas le moindre des revirements de ce quinquennat : les variables démographiques sont extrêmement fragiles.

Alors que la France, depuis l’an 2000, est en plein boom démographique, avec 850 000 naissances par an, le double phénomène Hollande, la déception des espoirs de la gauche, et les mesures anti-allocations familiales, vont voir pour conséquence un frein aux naissances,

Hollande n’inverse pas la courbe du chômage, il inverse la courbe des naissances.

Il n’y aura plus que 750 000 naissances à partir de l’année 2015.

Cent mille naissances en moins par an ! Bravo Hollande !

 

 

François Hollande n’a plus de majorité pour sa politique

Mécontenter son électorat ne permet pas de séduire celui d’en face.

 

A ne pas répondre aux aspirations de la gauche, on ne capte pas pour autant les adversaires de droite.

Ca déçoit les deux camps et à la fin, il n’y a ni majorité dans le pays, ni majorité dans la gauche.

Et inéluctablement ça se reflète au Parlement : il faut dorénavant tordre le bras aux parlementaires pour qu’ils.. suivent.

Cela rappelle ce moment de fin 1994 ou Jacques Delors renonça à se présenter à l’élection présidentielle en expliquant « il n’y a pas de majorité pour ma politique ».

Sauf que là, c’est le président élu qui doit dire : « pour retrouver ma majorité il faut que je ré oriente ma politique« . Remettre le cap à gauche, car dans les eaux intermédiaires, en effet, il n’y a pas de majorité, elle s’y perd.

 

A chaque Bureau national, j’ai la parole et je le dis. Et je rentre chez moi, et j’écris mon intervention et je la publie sur internet ! Je ne me contente pas de critiquer je fais des propositions concrètes alternatives. C’est vérifiable, jusqu’à la fin de quinquennat jour après jour j’aurais raison  - avec D&S, puis avec une forte opposition gauche socialistes qui atteint jusqu’à 30 %.

 

Sauf que, nous  n’avons aucune illusion,  on ne peut gagner contre le seul appareil en interne, il y faut le mouvement de masse.

 

François Hollande continue en vain de séduire et mobiliser le patronat pour que celui-ci l’aide à « inverser la courbe du chômage ». Apres le « Pacte de compétitivité » le « Pacte de responsabilité ». Il distribue des dizaines de milliards aux « entreprises ». Et il prend ces dizaines de milliards qui manquent aux retraites, aux salariés, aux services publics et à la protection sociale

C’est pareil dorénavant sur les questions dites sociétales : à vouloir concilier avec l’adversaire, on mécontente son camp. On a laissé trainer cinq mois le débat parlementaire sur le mariage pour tous, et l’extrême droite a profité de ce temps pour se mobiliser et se renforcer.

 

L’ANI est expédiée en « urgence » ne laissant pas le temps aux syndicats de mobiliser et de se faire entendre..

La loi contre les retraites n’est pas reportée alors qu’il y avait 370 000 manifestants le 7 septembre : elle est expédiée en deux mois.

 

Par contre la loi sur la famille est reportée d’un an (nous dit-on) à la suite d’une simple manifestation de quelques dizaines de milliers de traditionnalistes.

 

L’affaiblissement du Président dans les sondages vient de là, il mécontente ses électeurs et les électeurs de la droite se radicalisent contre lui.

 

Caporalisation du PS :

 

La preuve du pudding c’est quand on le mange, la preuve de l’impasse de la politique actuelle c’est qu’il n’y a plus la majorité de gauche acquise en mai juin 2012. Sentant cela, les grands médias organisent la curée et font avancer l’idéologue libérale du type « baisser le coût du travail ».

 

Sénat et Parlement reflètent cela. La belle et double majorité du Sénat et de l’AN en juin 2012 s’érode. Au Sénat, il n’y a plus guère de votes de la gauche unie sur les questions essentielles. Les parlementaires du Fg ne votent quasiment plus. Les Verts sont un élément instable de la majorité. Même les PRG se sont fait prier et ont négocié certains votes (retraites)

 

Dans le groupe PS à l’Assemblée qui a légèrement diminué, il y a eu 17 députes socialistes qui n’ont pas voté le TSCG, 41 qui n’ont pas voté l’ANI, et encore une quinzaine qui n’ont pas voté des articles de la loi anti retraites.

 

Parce que sur les retraites, cela a suffi à empêcher des articles importants (43 annuités, et baisse des petites retraites..) l’exécutif a donc imposé un vote bloqué.

C’est le début des 49-3

C’est fatal : quand vous faires une politique contre votre peuple, contre ce que vous lui avez promis, il faut nécessairement devenir antidémocratique.

 

L’exécutif prend alors des mesures contre les droits « normaux » des parlementaires :  en fait PS et députés commencent à gêner le « président normal » – interdiction des assistants parlementaires d’être présents aux réunions de groupe,

- interdiction de déposer des amendements sans les avoir soumis au bureau du groupe,

- interdiction de se coaliser pour rédiger des amendements

Le caporalisme s’intensifié dans le fonctionnement et les rappels à l’ordre se sont faits plus fréquents et plus rudes, avec menaces à la clef. Les appels à « serrer les rangs » ne se font pas sur un ton joyeux.

Certains disent « : « tout ça est la faute au PS ».  En fait non ! ce sont de mauvais observateurs – superficiels. Car dans la 5° République le parti du président peut devenir gênant s’il n’est pas suffisamment « godillot ». Et le PS tel qu’il a évolué depuis 2002, n’est pas mûr pour se « plier » à une politique droitière, blairisée, schrodérisée. Ca ne passe pareil pas en France, dans le parti où Lionel Jospin rejetait la « troisième voie » Blair Schröder et Clinton.

 

Pas encore !

 

 

Résistance dans les rangs du PS.

 

Tant que le PS et son groupe parlementaire ne seront pas « matés », Hollande a du mal a faire tout ce qu’il veut.

Début 2014, il n’y a plus de libre majorité de confiance, plus de majorité d’adhésion. Pour cadrer l’expression des parlementaires, il faut mettre la barre plus haut, et exiger leur fidélité en bloc.

Car en détail, elle n’existe plus.

Si les députés sont libres, beaucoup ne votent plus.

Ils ont été élus sur une majorité constituée sur le discours du Bourget, ils ne sont pas à l’aise dans la politique de reniement. Ca va faire ce qui s’appellera des frondeurs.

 

Confidentiellement, en douce, en aparté, des dizaines de députés nous diront qu’ils votent mais parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement.

Parce qu’ils ne veulent pas faire tomber le gouvernement.

Parce les élections municipales et européennes sont proches.

Mais pas à cause du fond des textes de loi.

Si la loi contre l’indépendance de l’inspection du travail n’était pas intégrée dans l’ordonnance sur la formation professionnelle, elle ne serait pas votée.

Si la loi contre les élections prud’hommes n’était pas intégrée dans  la loi globale sur « la démocratie sociale », et à l’intérieur de la même ordonnance, elle ne passerait pas davantage. Il n’y a pas de majorité pour.

Et s’il y en a une, c’est par ces mécanismes qui forcent la volonté des élus.

Les députés essaient de maintenir la loi famille, mais ils vont se heurter à l’agenda du gouvernement qui en a décidé autrement.

Quelques voix s’élèvent : le sénateur socialiste Jean-Pierre Michel dit clairement ce qu’il pense :

« J’attends de voir si Dominique Bertinotti va rester au gouvernement. Si j’étais à sa place, je démissionnerais tout de suite. Elle travaillait ce texte avant même la loi mariage. Il y a beaucoup de choses très utiles prévues dans la loi, comme la possibilité de connaître ses origines. Et beaucoup sont consensuelles. Or finalement, on recule… « devant une poignée de réactionnaires« , à savoir les participants à la « Manif pour tous » du 2 février. « Si le gouvernement est effrayé par quelques dizaines de milliers de manifestants qui battent le pavé, il ne faut plus gouverner. »

Mais le gouvernement se montre plus déterminé à mater sa majorité parlementaire, qu’à reprendre l’affrontement avec la droite et le patronat.

Il se montre plus zélé dans sa recherche d’accords avec le Medef, et d’apaisement avec lesdits réactionnaires. Pourtant les deux s’opposent : le Medef refuse tout « pacte », les réactionnaires se sentent pas « apaisés » par le recul du gouvernement, mais encouragés à continuer. La majorité de gauche dans le pays ne se reconnaît pas dans cette politique qu’elle n’a pas votée, pas souhaitée, pas voulue.

La majorité parlementaire d’adhésion n’existe plus : elle subit l’autorité telle qu’elle fonctionne dans la Ve République.

 

 

Battre le Medef, reprendre les dividendes ?

 

Le 5 mars un simulacre de « relevé de conclusions » est signé entre la troïka patronale Medef, CG-PME, UPA) et une autre troïka, syndicale celle-là (CFDT, CGC, CFTC). Il n’y figure aucune sorte de « contreparties claires, précises, mesurables, vérifiables » aux dizaines de milliards que vont recevoir patrons et actionnaires… Le texte est vide, il n’y a que du vent…

« Le Medef a tenu à rappeler, au cas où il y aurait un doute, qu’il n’a pris « aucun engagement chiffré juridique »

Mais derrière, de 20 milliards (CICE) à 30 à 35 milliards (de suppression des cotisations salariales et patronales pour allocations familiales) vont être distribués.

« Cela ajoute 30 milliards d’euros aux 200 milliards annuels d’exonérations sociales et fiscales en faveur des entreprises ».

En vain, on le sait d’avance puisque c’est le patronat qui fabrique le chômage pour augmenter ses marges. Ce qui leur est donné

« C’est 10 fois le déficit annuel des régimes de retraites, c’est 30 fois celui de la Caisse nationale d’assurance maladie » rappelle Thierry Le Paon pour la CGT.

Que vont-ils faire de cet argent puisque le mot « contrepartie » n’existe pas dans le « relevé de conclusion signé » – nouveau nom du « Pacte » dit de « responsabilité » ?

Immédiatement Pierre Gattaz pour le Medef met les points sur les « i » :

« - Les dividendes, c’est la rémunération d’un risque » … « Or les actionnaires, vous les rémunérez par des dividendes. Le monde entier fonctionne comme ça. Ce n’est pas le Medef ».

Pas touche à nos dividendes qui ne cessent pourtant d’augmenter au détriment des salaires et de l’emploi !

Selon l’INSEE, de 1980 à 2010, la part de dividendes est passée de 3 % de la richesse nationale à 9 %, soit une hausse de 180 milliards par an pendant trois décennies. En 30 ans, les dividendes extorqués sur notre travail ont augmenté de 200 %. Sur la même période, en euros constants, les salaires n’ont progressé que de 20 % et malgré les dizaines de milliards d’« aides », d’assistanat aux chefs d’entreprise, le chômage de masse dépasse tous les records.

En 2010, toujours selon l’INSEE, 210 milliards de dividendes ont encore été versés aux actionnaires… En reprenant seulement 50 % de ces dividendes, on sort de la « crise » à grands pas !

 

Pierre Gattaz veut y mettre le holà alors même que Jean-Marc Ayrault précise :

« Tout l’enjeu, c’est que cet argent n’aille pas aux dividendes ».

Pardi !

« Que les entreprises puissent faire des bénéfices, d’accord ; qu’elles en fassent avec de l’argent public, il n’en est pas question » souligne le député socialiste Jean-Marc Germain : « les déclarations fracassantes de Gattaz ne facilitent pas les discussions ».

C’est certain.

Cette question heurte longuement – ca durer trois ans -  les élus de la majorité socialiste et menace le vote des budgets 2015, 2016, 2017  nécessaires au pseudo « pacte » à l’Assemblée.

 

 

 

L’opposition croit au BN, CN, Parlement , Sénat

 

Au PS l’opposition grandit : maintenant 40 % des membres du Bureau national  adoptent un appel pour « un cap à gauche ».

Signataires : Paul Alliès, Pouria Amirshahi, Tania Assouline, Guillaume Balas, Marie Bidaud, Sandrine Charnoz, Pascal Cherki, Laurianne Deniaud, Stéphane Delpeyrat, Antoine Détourné, Julien Dray, Henri Emmanuelli, Anne Ferreira, Gérard Filoche, Olivier Girardin, Jérôme Guedj, Monique Herment, Liêm Hoang­Ngoc, Frédéric Hocquard, Régis Juanico, Marie-Noëlle Lienemann, Marianne Louis, Frédéric Lutaud, Emmanuel Maurel, Delphine Mayrargue, Jonathan Munoz, Nadia Pellefigue, Paul Quilès, Roberto Romero, Jean-François Thomas, Isabelle Thomas.

 

Nous aurons 8000 signatures sur les 4 sites internet qui en collectent (le site motion 4 OPVPL, le site motion 3, MLG LSAC,  le site D&S, le site UMA).

 

Jean-Marc Ayrault avait promis un « séminaire » : mais une journée de débat à la Maison de la Chimie n’a rien changé.

 

Parallèlement aux campagnes électorales en cours dans le Parti, cet appel, note appel, sans doute majoritaire à la base, est signé massivement.

Là est l’espoir pour sortir de l’impasse.

C’est aussi l’espoir pour battre la droite UMP aux élections municipales qui viennent les 23 et 30 mars : car les questions que se posent les électeurs sont partout les mêmes :

« - Que faites vous, qu’attendez vous face au chômage, aux bas salaires ? ».

Si ça bouge dans le PS, ça rapporte des voix.

Si ca pousse à gauche dans le PS, c’est bon pour toute la gauche.

Si on bat la droite, les raisons de pactiser avec elle et avec le Medef seront encore plus faibles.

L’impact de l’appel des 40 % d’opposant au BN augmentera.

Une autre perspective gouvernementale peut s’ouvrir qui ne soit pas un simple remaniement.

Nous réclamons au BN un gouvernement de la gauche unie EELV PS FDG.

Nous le disons à Hamon et Montebourg : cessez de cautionner tout cela. La base de Hamon nous a rejoint : elle le leur dit aussi.

 

Nous gardons espoir.

Toujours.

 

 

La résistible débâcle de mars 2014 :

 

On a tout fait pour mettre en garde Hollande, le PS, susciter l’espoir et éviter cela. En moins de 24 mois Hollande « bousillait » le capital électoral immense, sans précédent que la gauche avait obtenu de 2004 à 2010.

 

Les élections municipales françaises des 23 et 30 mars 2014 concernent 36 681 communes. 63 % 55 % des voix exprimées au 1er tour, 62,13 % confirmés au deuxième tour.

La droite obtient 46, 38 % puis 45, 65 %. La gauche chute à 38,20 % et 41,56 %. Le FN stagne entre 4,88 et 6,87 %.

121 villes de plus de 15 000 habitants, dont  Amiens, Angers, Argenteuil, Caen, Carcassonne, Charleville-Mézières, Colombes, Conflans, Fécamp, Evreux, Fourmies, Gisors, Limoges, Montbéliard, Montceau-les-Mines, Quimper, Reims, Roubaix, Saint-Chamond, Saint Etienne, Saint-Ouen, Toulouse, Tours, Vernon, basculent de gauche à droite.

La droite gagne une majorité des villes de plus de 10 000 habitants : elle passe de 433 à 572. La gauche descend de 509 villes de plus de 10 000 à 349. L’extrême droite gagne 14 villes, un niveau jamais atteint sous la Ve République.

51 % des inter-communautés urbaines sont modifiées : la droite obtient 62,8 % des présidences.

Avant les élections de 2014, la gauche (PSEELVFront de gauche et Pour La Réunion) détenait 29 villes de plus de 100 000 habitants contre 12 à la droite et au centre (UMP et UDI). À l’issue du scrutin, la droite détient 22 villes de plus de 100 000 habitants contre 19 pour la gauche, qui perd donc dix villes par rapport à 2008 (neuf villes en métropole et une en Outre-mer).

De quoi pleurer.

Ce n’est pas la faute aux maires ni aux électeurs de gauche, la déroute est entièrement due à la politique de Hollande.  A sa « politique » réactionnaire « de l’offre ».

Alors que deux ans plus tôt la gauche dirigeait encore 2 villes sur trois. Dans un premier temps, selon Christophe Borgel rapporteur en Bureau national :

« - C’est un vote sanction, l’électorat socialiste n’est pas passé à droite mais s’est abstenu ».

L’explication est indiscutable. Cela ramène le PS 40 ans en arrière, avant les municipales de 1977, moment historique de sa montée en puissance vers le pouvoir.

 

Croyez vous que Hollande va entendre et tirer l’évidente leçon ?

 

Non ils vont changer l’analyse des faits de façon grossière .

 

C’est la faute au peuple !

 

Ils vont modifier la première analyse à chaud, du 31 mars, de Christophe Borgel et ils vont mentir sur les causes de la défaite.

D’autres éléments de langage viennent de l’Elysée :

« C’est parce que les Français évoluent à droite »

« Il n’y a pas désir de gauche »,

« La preuve, c’est que Mélenchon ne monte pas ».

« Les Français vont vers Le Pen ».

Ainsi s’excusent-ils d’être impopulaires.

Ce ne serait pas leur faute, mais celle du peuple versatile, ingrat, inconstant qui, hier votait à gauche et qui les lâche.

Eux, ils ne font donc que « suivre en le freinant ce mouvement général » lorsqu’ils mènent une politique…  droitière.

 

Bien que ce soit très grossier comme tentative d’excuse je réponds aux arguments de ces tenants de l’aile droite du PS.

 

Un jour ils oseront prétendre que la défaite « c’est la faute aux frondeurs »  mais pas de chance, à cette date là,  les fameux « frondeurs » (« députés oppositionnels » à l’Assemblée nationale)  n’étaient pas encore apparus.

 

D’abord, mettons les choses au clair : la déroute aux municipales a bien pour origine des causes nationales et pas locales. Ce n’est pas la faute aux maires, le scrutin a pris le même sens nationalement quasiment partout.

Dans un petit village du Lubéron, Mérindol, un de nos camarades, Philippe Batoux perd sa mairie de 21 voix.  Il cherche à rencontrer ceux qui se sont abstenus, souvent des amis connus :

«  - Hé oui, Philippe, c’est pas contre toi, on t’aime toujours bien, mais fallait bien lui dire là-haut, qu’on étaient pas contents ».

 

Ensuite on observe que la droite n’a pas gagné en voix ! Elle en a même souvent perdu. Si elle gagne, c’est en pourcentage, pas en chiffres absolus. Dans nombre de villes elle perd massivement des voix et gagne au premier tour ! Les électeurs socialistes sont fidèles. Ils ne sont pas allés voter ailleurs.

Pour s’être abstenus, il faut qu’ils soient sérieusement déçus.

Le sens de leur abstention saute aux yeux : un désir de gauche non satisfait.

 

Les dirigeants du PS tentent d’objecter : « Mélenchon ne monte pas » dans les sondages. Mais c’est compréhensible. Mélenchon, avec le PG, le FdG, passe son temps à dénoncer le Parti socialiste en des termes agressifs. Il ne propose pas l’unité de la gauche, il propose la « guerre des deux gauches ». Il ne séduit donc pas l’électorat socialiste, même si celui-ci avait la velléité de se tourner vers lui.

Des millions d’électeurs qui ont voté Hollande, pensaient la même chose, sur le fond politique, que Mélenchon (sur les salaires, le chômage, le partage des richesses…) mais ne le jugeaient pas en situation de gagner ni de réaliser ce qu’il disait.

Ils votaient socialistes pour être certains de battre la droite, certains que la gauche gagne, en espérant qu’elle tienne ses promesses.

La gauche est toujours là, majoritaire dans le pays, mais stupéfaite que son gouvernement ne fasse pas une politique de gauche. C’est ce qu’on entend le plus souvent exprimer : la déception !  Que Mélenchon non unitaire ne sait pas capter.

 

Les dirigeants  PS tentent aussi d’expliquer que « les élections intermédiaires sont toujours mauvaises » :

Faux ! Sous Jospin quand on faisait les 35 h, elles étaient bonnes.

Mais, là où est le bon choix politique ? Hollande puis Valls proposent 41 milliards aux patrons, la droite leur en propose 100, c’est tout !

 

Dans cette élection « intermédiaire » le seul changement, c’est que Hollande a trahi ses promesses et va à droite. On peut retourner l’argument : si « la France se droitisait », sa nouvelle politique devrait l’emporter. Mais pas du tout Hollande se minorise, vis-à-vis de la droite qui ne veut pas de lui et vis-à-vis de la gauche qui lui reproche d’aller à droite.

 

 

Expliquer Le  Pen ?

 

Elle profite de la décomposition de la droite. Car pour l’essentiel ses voix ne viennent pas de la gauche, mais de glissements internes à l’UMP.

Elle non plus ne gagne pas de voix en chiffes absolus : du fait de l’abstention, elle est en tête aux européennes du 25 mai, avec moitié moins de voix que ce qu’elle avait à la présidentielle de mai 2012.

Sauf que cette arrivée en tête nourrit sa dynamique propre.

L’UMP fait « du Valls puissance 10 » mais ce n’est pas non plus ce que veut la partie « populaire » mécontente de la droite, alors Le Pen leur fait des propositions démagogiques qui les attirent. C’est pour cela que Le Pen a teint si fortement son programme en « social » et en anti libéralisme, elle fait d’une pierre deux coups : elle se renforce contre la gauche libérale et contre la droite libérale.

 

En fait on pourrait même dire qu’il y a une poussée, sous deux formes opposées, à droite et à gauche contre le libéralisme, les banques, l’oligarchie … au point que même à droite, les dirigeants qui épousent  l’antilibéralisme l’emportent sur ceux qui le soutiennent.

Dans tous les camps, les électeurs cherchent à se débarrasser de la tutelle du libéralisme.

En fait il n’y a guère de déplacement électoraux entre la droite et la gauche. L’électorat, à quelques variantes prés, est stable et fidèle. Deux blocs : l’expression déformée de deux classes sociales fondamentales et antagoniques, le salariat et l’actionnariat.

La gauche est et reste largement majoritaire à la base depuis plus de 30 ans. Comme l’avait dit François Mitterrand en 1981, « c’est la victoire de la majorité sociologique ».

Les « camps » droite et gauche sont installés et varient peu.

Mais ça bouge à l’intérieur de chaque camp.

A droite ça glisse de l’UMP vers Le Pen.

A gauche ça s’abstient pour protester parce que les gouvernants ne sont pas à la hauteur.

Et dans les dix dernières années face à la droite, entre 2001 et 2013, la gauche s’était même renforcée au point de donner tous les pouvoirs au parti socialiste

Si cette écrasante majorité se tasse aujourd’hui à nouveau, ce n’est parce qu’il y a un retournement d’attentes, c’est parce que ces attentes sont trahies : l’abstention a un sens politique extrêmement clair, il n’est pas difficile à interpréter, toutes les études, y compris celles officielles de la majorité du BN du PS, le 31 mars, reconnaissent les faits : pas de désir de droite, sanction du nationale du PS à cause de sa politique nationale droitière…

 

 

Cap a gauche ou suicide ?

 

 

Croyez vous qu’il va nous répondre à nous, aux 40 % du Bureau national du PS qui, avec des milliers de socialistes ont lancé l’appel « cap à gauche » ?

Pas du tout, le gouvernement Jean-Marc Ayrault démissionne.

Et c’est Manuel Valls qui est nommé à sa place.

 

C’est une provocation, un défi, cap à droite !

 

Je me rappelle avoir plaisanté :

« - Pourquoi aller choisir un premier ministre qui fait 5 % des voix du PS ? «  Pourquoi ne pas prendre comme successeur légitime de Jean-Marc Ayrault le premier secrétaire du PS qui, lui, a été élu à 61 % ?des militants  »

Mais la vérité c’est que Hollande n’a plus rien à faire du PS.

Avec la nomnation de Valls, c’est le PS qui est mis hors jeu.

La gauche est mise hors jeu.

L’Elysée dirige tout. Le président « normal » n’est pas normal. Il ne respecte  ni son parti, ni ses élus au Parlement, ni ses électeurs.

Dans le choix d’alliance avec le patronat et avec la droite,  façon SPD-Merkel, peu importe que ni les patrons ni l’UMP n’acceptent de signer un « pacte », Hollande impose seul, unilatéralement, à marche forcée ce que la droite aurait fait.

Valls est là pour ça.

Hamon et Montebourg commettent une lourde erreur. C’est de croire qu’en restant au gouvernement avec de meilleurs postes, l’éducation et l’économie, ils vont l’emporter sur Valls. La politique n’est pas une affaire de génération.

Cécile Duflot sort. Et elle a raison.

Valls en un mois va suffire à nourrir encore plus l’abstention et à pousser Marine Le Pen en tête du scrutin des Européennes, et en cinq mois, il va crier « Vive l’entreprise » devant l’université d’été du Medef.

Puis il va profiter d’un incident banal de vocabulaire dans la bouche de Montebourg à la fête de la Rose de Frangy-en-Bresse, pour forcer la main de Hollande fin août 2014, et virer les deux trublions de gauche qui avaient eu la faiblesse de croire qu’ils allaient s’incruster dans son gouvernement.

Montebourg s’en ira avec panache,

Hamon hésitera une dernière fois. Mais il suit quand même Montebourg. A t il pris le temps d’interroger Martine Aubry avant ? Les « aubrystes » jouent un jeu double, critiques sous la table mais conciliants sur la table. Ils ont pourtant un rôle central car s’ils basculent vers nous dans l’opposition comme ils le laissent parfois croire, c’est le PS qui changera de cap.

 

Le PS est toujours un  « parti ouvrier bourgeois » il devient, à son corps défendant un obstacle gênant face à la politique de Valls.

86 « frondeurs » du PS

 

Avant le discours de politique générale de Manuel Valls et le vote de confiance à son gouvernement, 86 responsables socialistes, dont des députés issus de l’aile gauche du parti, des amis de Martine Aubry et d’autres sensibilités du PS réclament, dans un texte que publie le JDD, un nouveau « contrat de majorité ».

 

Au total, plus de 80 députés et quelques figures du Parti socialiste, comme Emmanuel Maurel, Guillaume Balas, représentant du courant de Benoît Hamon, ou encore François Kalfon, l’un des fondateurs du club « La gauche populaire« .

« Ce n’est qu’une première liste, nous dépasserons bientôt les 100 signataires, notamment quand cette liste sera soumise aux sénateurs« , explique Christian Paul, proche d’Aubry et l’un des initiateurs du texte avec Laurent Baumel, Pouria Amirshahi et Marie-Noëlle Lienemann. J’en suis.

 

« Les conditions de la confiance pour un contrat de majorité

Agir et ne pas subir. La défaite d’ampleur historique que nous venons d’encaisser nous donne une responsabilité sans précédent. Bien plus qu’une protestation de circonstance, les Français ont exprimé des positions très politiques et, dans leur diversité, des demandes de justice, d’efficacité économique et d’égalité républicaine.

Depuis de longs mois, les élus locaux et les députés avaient alerté sur le fossé qui se creusait entre la gauche au pouvoir et son électorat. Cette défaite électorale ne doit pas se transformer en renoncement démocratique. Au contraire, le temps du Parlement est venu. L’affirmation de la volonté politique est encore plus à l’ordre du jour. Le dialogue avec le nouveau Gouvernement s’engage dès maintenant. La représentation nationale doit être digne de sa mission et à la hauteur de ce moment de notre histoire. Il lui revient de participer aux nouvelles orientations qu’exige cette nouvelle étape.

Dans ce but, il faut aller plus loin que les habitudes et les certitudes. Pour répondre vigoureusement à l’épuisement institutionnel, nous proposons un contrat de majorité dans la durée. En effet, pour restaurer la confiance avec les Français, il faut recréer aussi la confiance avec le Parlement. Celui-ci doit apporter sa légitimité en soutien des choix que les citoyens de tous horizons attendent de la gauche au pouvoir.

Notre première contribution au contrat de majorité privilégie les orientations ainsi rappelées :

1- Obtenir une réorientation européenne par un plan de relance contre la déflation et une révision des règles budgétaires insoutenables et ennemies de la croissance et de l’emploi.

2 – Concentrer les moyens publics sur la création réelle d’emplois et, ainsi, intensifier le redressement productif.

3- Défendre des décisions de justice et de pouvoir d’achat : des mesures en faveur des bas salaires, la réforme fiscale et la CSG progressive, l’effort en faveur des retraites les plus modestes, que nous avons demandés depuis des mois. Ces décisions convergent vers un « choc de demande », accompagnant les efforts sur l’offre, additionnant ces améliorations de pouvoir d’achat, les emplois aidés non marchands pour les jeunes et les chômeurs de longue durée, et les investissements publics.

4- Réaffirmer et amplifier les choix et les engagements de 2012 :

- Muscler les efforts de régulation des activités financières et bancaires, et leur mobilisation pour l’investissement et les territoires. Promouvoir la responsabilité sociale et environnementale des multinationales et leur « devoir de vigilance ».

-Rendre populaire la transition écologique : financement et avances pour les travaux de rénovations énergétiques, co-investissements citoyens dans les énergies renouvelables, plan de remplacement des véhicules et équipements anti-écologiques.

- Engager un mouvement de transformation de l’Etat et des collectivités locales, avec les citoyens et les agents publics. Nous soutiendrons les économies efficaces, pas les régressions sociales : non aux économies de dépense qui conduisent à des reculs pour la Sécurité sociale ou à la panne de l’investissement public!

-Défendre l’égalité des territoires par un socle de droits (le « bouclier »), une relance des économies locales, un remaillage des services publics sur deux piliers : l’éducation et la santé.

5- Pour une revitalisation exigeante de la démocratie française. Un sentiment d’abandon exaspère aujourd’hui de nombreux Français (..) Notre majorité sera plus soudée, si elle inaugure des manières modernes de préparer les grandes décisions et de délibérer.

Si nous ne laisserons pas s’installer de faux clivages entre les « cigales » et les « fourmis », nous savons aussi que jamais la France ne se redressera pas dans l’austérité et en laissant exploser le chômage et les inégalités. Nous faisons le choix d’une politique qui marche. Nous recherchons l’équilibre entre les salariés et les entreprises et entre les efforts et la justice, pour toutes les composantes de la société. Refusant la fuite en avant façon Sarkozy, nous choisissons l’efficacité pour mener les politiques d’investissement, la transformation de l’Etat, l’innovation publique.

Les Français n’ont pas changé depuis le 6 mai 2012, ils sont déçus. Ils ne sont pas versatiles, ni ralliés à l’UMP qui n’a rien d’autre à proposer que la dérégulation et l’austérité. Il est impératif d’exprimer une vision claire et offensive du futur de la France et de son rôle en Europe.

Les Français ont le sentiment que la politique qu’ils avaient choisie n’est pas assumée. Ils nous l’ont dit dans les urnes. Il faut maintenant passer des urnes aux choix et, pour nous, des mots aux actes. Les temps qui viennent sont pour tous, et pour chacun d’entre nous, une épreuve de vérité.

Le texte des Aubrystes est plus que modéré.

Mais quand on en parle, nous, on lui donne un meilleur contenu dans les médias et sur les plateaux de télévision. Comme je suis fréquemment invité depuis l’affaire Cahuzac je m’en charge en partie. Sur toutes les chaines d’info et aussi chez Ruquier un samedi soir.

 

Manuel Valls ne répond pas.

Au lieu d’aller à gauche, il accélère la fuite en avant droitière.

Il crie clairement : « Il est difficile de faire quelque chose pour les salariés » et « On baisse le coût du travail de 30 milliards ». Macron caché derrière, doit se réjouir. Il donne des dizaines de milliards au patronat, aux actionnaires, aux banquiers. Il prend des dizaines de milliards sur les petits salaires, sur les services publics, sur la santé, l’école aussi. Il pille ceux d’en bas pour enrichir ceux d’en haut, baptisés pour la circonstance du terme gourou fétichisé : « l’Entreprise »

 

Heureusement la gauche et ses syndicats résistent.

Et la résistance interne dans le parti socialiste se renforce : 40 % du BN et plus de 7000 militants ont signé l’appel pour « cap à gauche »,  88 députes ont manifesté leur opposition.

11 n’ont pas voté l’investiture.

S’il y a un moment historique pour que la gauche socialiste joue son rôle c’est maintenant.

L’extreme gauche accuse le PS en bloc, alors que c’est le PS qui est attaqué et que c’est dans le PS que la resistance s’effectue le plus.

Tout le travail qui a été fait depuis plus de 20 ans arrive à point nommé : résister, s’arque-bouter sur les exigences sociales, encourager les luttes, travailler à l’unité des syndicats, de la gauche, construire la majorité alternative qui existe au Parlement : un gouvernement rouge, rose, vert, EELV, PS FDG.

On y va.

On a tenu bon.

On a remonté la pente.

Cette fois D&S veut un front large de la gauche socialiste, assez large pour gagner !

 

 

Cambadelis nommé syndic du PS :

 

Jeux de chaises musicales, partition élyséenne.

 

François Hollande a nommé Harlem Désir secrétaire d’Etat. Harlem Désir a « demandé » à Jean-Christophe Cambadélis de devenir le Premier secrétaire du parti socialiste. Jean-Christophe Cambadélis, à son tour, s’est exprimé dans les médias pour affirmer sa volonté d’être élu par les militants. Il a parfaitement raison : un simple vote du Conseil national, élu en 2012 sur des bases politiques largement remises en question par nos électeurs lors des dernières élections municipales, ne lui donnerait que fort peu de légitimité.

L’élection par les militants d’un Premier secrétaire ne peut pas être un plébiscite. Il faut qu’il y ait la possibilité d’autres candidatures que celle du seul « candidat officiel ». Si ce n’était pas le cas, le Premier secrétaire ainsi plébiscité, perdrait, d’emblée, toute légitimité.

Cette élection doit aussi, évidemment, être l’occasion d’une discussion de fond sur l’orientation du Parti socialiste. Le « casting » n’est pas le plus important. Chaque candidat doit pouvoir publier un texte définissant les grandes orientations qu’il voudrait voir adopter par notre parti et être élu (ou non) sur la base de ce texte.

La question qui est posée est éminemment politique, c’est celle de savoir si notre parti continuera à accepter d’être considéré comme un parti de « godillots » se contentant d’approuver le Président de la République et le Premier ministre ou s’il sera capable, si les militants en décident ainsi, d’exprimer son propre point de vue pour infléchir leur politique et les aider à réussir.

Comment, après la catastrophe des municipales, pourrions-nous faire l’économie d’une telle discussion lors de l’élection de notre Premier secrétaire ?

 

Cambadelis nous propose de construire un parti des « 500 000 socialistes »  avec un  plan de développement géant projeté en grandes diapositives devant tout le Conseil national. Nous ne pouvons nous empêcher, d’être dubitatifs : avec la ligne politique de Hollande-Valls  en 2014, c’est plutôt un retour au « parti des 10 000 » pour lequel le meme Cambadelis combattait dans les années 70.

 

 

BN du PS du 9 avril 14 : sauver le quinquennat ?

J’interviens : « Comme beaucoup ici, je suis embarrassé par cette concomitance entre le remaniement ministériel, et le « remaniement » du Parti socialiste. Cela ne se passe pas sainement. Ça nous tombe dessus ce matin par la radio, on apprend que notre premier secrétaire est délogé, relogé et qu’il y en a un autre. Cela fait apparaitre un changement de Premier secrétaire du Parti socialiste comme une révolution de palais télécommandée, et c’est vraiment gênant. Pour les militants. Pour nous tous. (…)

J’entends Jean-Christophe Cambadélis dire qu’il y a « des fondamentaux qui se perdent ». (…) Sans doute. Mais je vais vous surprendre, quoique je l’ai déjà signalé cela la semaine dernière. Il y a plus grave.

Le gouvernement vient de préconiser devant l’Assemblée nationale la baisse du salaire brut pour augmenter le salaire net. On n’a jamais discuté de cela nulle part : jamais un texte, jamais une motion, jamais un rapport…

Mais c’est inquiétant : ce sont les salariés qui financeront l’augmentation de leur salaire net en voyant diminuer leur salaire brut, indirect, les cotisations sociales. C’est un tour de bonneteau. Le manque à gagner pour la Sécurité sociale sera financé par les impôts… payés par les salariés ! Ou sinon en baisse de soins.

Ce sera symboliquement le choix de diminuer le grand principe de solidarité incarné par la mutualisation d’une part des salaires redistribuée à chacun selon ses besoins.

C’est bien ainsi que nous avions combattu cette proposition qui sort tout droit depuis cinq ans …du programme de Marine Le Pen. Ça fait des années qu’elle propose de réduire le brut pour augmenter le net : nous dénonçons cela dans toutes nos brochures ! Oui, Jean Christophe, il y a des fondamentaux qui sautent ! Sans que personne ne réagisse, sans débat.

Quant à un congrès, il en faut un, anticipé, oui, mais sur le fond ! Avant fin 2014, pas pour régler des problèmes de clans, de motions, ni même de direction, ni même d’un parti de 500 000, mais un congrès nécessaire pour consulter les militants redresser la barre, faire savoir au gouvernement ce que pense la gauche, ce que pensent les socialistes, comment on doit agir, réorienter pour éviter la catastrophe aux prochaines élections.

Car il y a un grand risque sérieux que nous perdions toute la séquence électorale à venir.

Or c’est évitable, il n’y a pas fatalité absolue à aller dans le mur, à tout perdre dans une autre 21 avril en pire, mais seulement si à temps, le parti dit ce qu’il faut, à partir des souhaits démocratiquement exprimés de nos électeurs.

« Valls fera perdre le Sénat, les cantonales, les régionales, et les législatives et le Président.

Ce n’est pas une question d’hommes, c’est une question de ligne politique. L’actuelle orientation d‘austérité est suicidaire.

A la fin, ce sera pire qu’en 1993, la dégringolade va être totale, la coupe sera bue jusqu’à la lie.

La seule possibilité d’empêcher cela et de sauver le quinquennat, c’est d’en revenir à une politique de gauche capable de mobiliser l’électorat socialiste et de gauche, c’est de renoncer à céder aux libéraux, c’est de rebâtir, sur la majorité parlementaire toujours existante, un gouvernement rose rouge vert, unitaire, qui donne envie ET satisfaction à l’électorat de gauche, pour qu’il appuie et vote à nouveau de façon active contre la droite. »

Nous réclamons une direction collégiale jusqu’au congres suivant. Mais le 15 avril 2014, Cambadelis s’impose en Conseil national. Nous présentons contre lui, Sylvain Mathieu, Premier fédéral de la Nièvre, qui obtient 32,88 % des suffrages.

 

Il concède bientôt un congrès qui se tiendra tardivement à Poitiers en juin 2015.

 

Faut-il désespérer de 2024 ?

 

La liste est longue pour nourrir les pessimismes :

-le génocide en cours à Gaza doublé d’une épuration ethnique se poursuit sans que les pays fauteurs de cette guerre coloniale, Israël et US ne se voient isolés et empêchés par des mobilisations populaires suffisantes ; l’extension de la tragédie menace dans toute la région avec ses conséquences mondiales.

-la guerre de Poutine contre l’Ukraine dure depuis deux ans, sans que l’agresseur ne soit stoppé ;

-le sommet annuel de l’Otan (9 juillet) est lourd de menaces de guerres, 2500 milliards par an sont dépensés dans une course planétaire aux armements.

-au Soudan et en Éthiopie, la guerre ravage et divise les peuples qui ont, un temps, voulu se libérer ;

-la moitié de la population mondiale va voter cette année et les tendances vont plutôt à droite et à l’extrême droite que ce soit à Taïwan (13 janvier), en Inde (en avril-mai), en Europe (9 juin), aux US (5 novembre) ;

-l’Assemblée générale de l’ONU (22 septembre) celles de la Banque mondiale, et du FMI, ne semblent pas en mesure d’ouvrir une meilleure coopération internationale en temps de crise monétaire latente et de croissance des dettes ;

-après la décevante COP 28, les prévisions liées au changement climatique accumulent vagues de chaleurs plus importantes, évènements catastrophiques, incendies et inondations.

En France, les ravages destructeurs de 7 ans de libéralisme macronien nourrissent la montée, pourtant résistible, du lepenisme, et surtout la division pitoyable des appareils de la gauche semble fermer les espoirs au sursaut si souhaité et si nécessaire, au point que les hydres d’extrême droite se croient tout permis dans les gros médias dominants des milliardaires.

Voilà le noir tableau auquel nous sommes confrontés.

 

Mais alors allons-nous vivre face à tout cela en nous mortifiant et en nous désolant ?

N’y a-t-il pas dans le seul fait que nous existions et refusions ces malheurs la source du renversement de la situation ? L’existence détermine la conscience y compris celle de la lutte. L’humanité n’est jamais fatalement entrainée dans le gouffre, cela dépend de la lutte des classes, et en leur sein, des humains les plus conscients, s’ils s’organisent et s’unissent.

Quelle est la force sociale qui a le plus intérêt à combattre tous ces périls ? Celle qui produit toutes les richesses, qui n’en reçoit pas la part qu’elle mérite et a tout intérêt à ce qu’elles ne soient pas détruites mais partagées. Le salariat est désormais majoritaire sur la planète, un milliard de plus en trente ans, soit 54 % de la population active. En face de lui, 1 % de la population, l’oligarchie capitaliste, a accumulé tous les moyens de production et les privilèges, mais c’est devenu tellement ostensible, scandaleux, insupportable qu’à tout moment, dans les endroits les plus divers du monde, explosent de vastes mouvements sociaux, et des crises révolutionnaires. Un jour, forcément, les salariats des États-Unis et de la Chine capitalistes bougeront et en Europe, où il y a le plus de traditions, quand ça explosera dans un pays tous les autres seront contaminés. Un « me too » anticapitaliste.

Et pour se conforter dans cette certitude, rappelons qu’après six semaines de grève historiques cet automne 2023, les salariés des trois plus gros groupes automobiles des US, Ford, General Motors et Stellantis (regroupant, notamment, Fiat, Peugeot et Chrysler) ont obtenu 25 % d’augmentation de salaire.

Et pourtant après des décennies de recul sur le plan social, le combat n’était pas gagné.

Le secteur automobile avait réalisé des profits records réalisés après la pandémie, les ventes de véhicules s’étaient envolées. les bénéfices totaux au cours de la dernière décennie avaient atteint la somme astronomique de 250 milliards de dollars – rien qu’aux US ! - les salaires réels des travailleurs de l’automobile avaient chuté de 19 % depuis 2008.

Mais pour l’industrie automobile un arrêt total de la production de dix jours coûte 5 milliards de dollars, le compte a été vite fait. Avec le mouvement des scénaristes à Hollywood qui a duré autant de temps et d’autres qui couvent (les hôtesses de l’air et stewards : 26 000 syndiqués soit 93% ont voté à 99% en faveur de l’autorisation de la grève pour des meilleurs conditions de travail et salaires) la possibilité d’un effet d’entraînement sur d’autres à fait céder les patrons.

« Nous avons réussi ce que, voici encore quelques semaines, on nous disait impossible. »explique le président du syndicat UAW, le syndicat gagnant, Shawn Fain, qui a salué une des plus grandes victoires de l’histoire syndicale du pays. Chaque accord a été conclu sur quatre ans et demi et prévoit, sur cette période, une hausse de 25 % du salaire de base horaire, avec 11% dès la première année. Concrètement, des hausses de salaire pourront atteindre 67% pour un salaire de départ chez Stellantis sur la période par exemple. Les accords rétablissent aussi des mesures d’ajustements réguliers des salaires au coût de la vie, un objectif majeur pour le syndicat. Le syndicat a même obtenu, dans l’accord avec Stellantis, une extension du droit de faire grève, dans un pays où celui-ci est fortement restreint, avec la possibilité de grève pour contester non seulement les décisions de fermeture d’usines, mais aussi les décisions d’investissement de l’entreprise. Certaines revendications n’ont pas abouti, mais elles marquent ce mouvement comme la demande de passer au 32h hebdomadaire avec maintien du salaire de 40 h. Toyota (où aucun syndicat n’est présent) s’aligne sur les hausses de salaires concédées par Ford/GM/Chrysler au syndicat UAW par peur que le syndicat s’implante aussi à Toyota.

La leçon est là, permanente : quand les salariés se mettent en grève, toute la classe en profite. Les revendications « viennent du ventre », elles sont d’abord matérielles, et quand le capitalisme ne cède pas aux besoins qu’il engendre, c’est le système lui-même qui est mis en cause dans sa globalité, la conscience de millions de salariés augmente, l’envie d’un autre monde, celui du partage monte, et la révolution frappe à la porte.  Un « me too » anticapitaliste.

Dans les pays les plus développés, le salariat est fort, cultivé, expérimenté. Dans la France de 2023, il y a eu des milliers de conflits sociaux et de grèves, le combat pour la défense des retraites a duré six mois, il y a eu 14 manifestations de 1 à 2,8 millions de salariés, jusque dans les coins les plus reculés du pays.  Nous n’avons pas gagné, mais le feu n’est pas éteint, il couve et comme ces grèves aux US l’ont démontré, il peut gagner demain. Notre devoir est l’optimisme.

Nous sommes la voie du salariat, en France nous sommes 30 millions, ayons confiance dans cette force, mobilisons là, rassemblons là, unissons-là  et nous sauverons le monde de la barbarie capitaliste qui le menace.

Bonne année 2024 de luttes et de réussites dans les luttes, d’unité de notre classe et vive les unionistes de la gauche.

 

Gérard Filoche

 

 

 

1994, le congres de Lievin et comment et pourquoi Jacques Delors ne fut pas candidat

On dit que Jacques Delors ne voulut pas etre candidat a la présidence de la république. En fait il ne pouvait pas l’être : comme il l’expliqua, il n’y avait pas de majorité pour sa politique libérale.

 

pour le comprendre il suffit de lire le livre qu’il publia à l’époque « l’unité d’un homme » : il contenait tout ce que le patronat et les libéraux voulaient et ont fait depuis, baisse des salaires, temps partiels, CIP, CPE, casse du code du travail, retraite à 65 ans…

 

récit : (extrait de « mai 68 histoire sans fin » tome 2  Ed. Atlande )

 

 

 

Le congrès de Liévin

 

Il se tient les 18, 19 et 20 novembre 1994. Le choix du lieu du congrès n’est pas neutre. Tout est fait pour une réorientation du parti à gauche et vers sa base populaire. Le Pas-de-Calais est la plus grande fédération ouvrière du parti.

Sur place, on nous distribue une carte du département avec un détail de l’implantation des sections, ville par ville, quartier par quartier. Quelque 12 000 à 13 000 membres tiennent tout le département et la majorité des communes, environ vingt-cinq sénateurs, députés, députés européens, plus de quatre-vingts conseillers généraux et régionaux… Impressionnant, quasi soviétique !

Qui a dit que ce parti n’avait pas de base populaire ? Un soir, à Béthune, a lieu un immense banquet républicain de 1 200 couverts, où nous nous levons toutes les dix minutes pour chanter, accompagnés d’un orchestre tyrolien, « Étoile des neiges », et « Dors mon p’tit quinquin », tous debout bras en l’air liés par le petit doigt. Évidemment ce n’est pas du rap. Mais pendant ce temps-là, Jacques Mellick serre méticuleusement toutes les mains des convives : j’admire la performance, il dit un mot à chacun, et cela lui prend environ deux heures.

À ce congrès, vient François Mitterrand, encore président et qui, à ce titre, ne pouvant y assister, contourne ironiquement le protocole en tenant, juste à côté, dans la Mairie, un discours quasiment de vieux dirigeant ouvrier, philosophant sur les corons, les grèves, les coups de grisou, la solidarité et la Sécurité sociale, devant une foule recueillie, au pied des anciennes mines. Des milliers de gens militants émus sont rassemblés autour de la Mairie, trop petite, mais largement sonorisée à l’extérieur.

Deux motions sont soumises à la discussion et au vote des militants du congrès : la motion « Être socialiste », présentée par Henri Emmanuelli, recueille 92,15 % des suffrages, et l’opportuniste motion « Agir en socialistes » (Vincent Peillon) 7,85 %.

À l’issue du congrès, Henri Emmanuelli est élu officiellement Premier secrétaire par les délégués au congrès, avec plus de 87 % des voix.

 

Mais ça, c’est l’apparence.

La dispute de fond, derrière, est : Jacques Delors sera-t-il ou non candidat à la présidentielle de 1995, et dans quelles conditions ?

Les institutions de la V° République martyrisent le PS comme toute la gauche. François Mitterrand les avaient décrites comme « un coup d’État permanent » mais en 14 ans d’exercice du pouvoir il ne les avait pas changées !  Tout se concentre donc toujours dans le choix du candidat. Mais c’est cruel : comment  faire un « tournant à gauche » avec un « candidat du centre » ?

Cet écartèlement du parti va être durable.

Il règne une atmosphère un peu comparable à celle qui se reproduira 12 ans plus tard,  lors de la désignation de Ségolène Royal en 2006 : les sondages ne donnent grâce qu’à Jacques Delors, la pression des médias sur les militants et contre l’indépendance du parti est forte.

Delors, Delors !

La question présidentielle pourrit tout : dans cette Ve République si vous ne disposez pas de candidat « agréable » aux médias et à l’opinion, vous n’existez pas comme opposants. Donc quels que soient vos idées, vos projets, vos forces, il vous faut un « leader », un chef (et difficilement « une » cheffe) éligible, capable de passer le filtre du suffrage personnalisé universel, adoubé par les magazines people des grands capitalistes du pays. La couleur de la cravate ou du tailleur, le sourire à dents blanches, le profil expert notable « compétent », médiatique sont déterminants.  Les sondages bien fabriqués pèsent à la fois sur les électeurs et contre les militants.

La présidentielle maudite hante chaque parti : c’est le système le moins démocratique qui soit, c’est le plus réducteur, le plus dépolitisant, le plus pervers, le plus manipulable. On peut imaginer que nos concitoyens se réveilleront et se redresseront un jour (je serais encore obligé d’y revenir dans Macron ou la casse sociale » livre paru en 2018 !), refuseront de ployer sous cette caricature de scrutin qui consiste à se déplacer un dimanche à 44 millions afin d’élire un totem, un roi (ou une reine) « républicain » investi de tous les pouvoirs, au détriment du Parlement, des partis, des sensibilités politiques existant dans le pays.

C’est une véritable honte pour l’esprit humain rationnel, civilisé et démocrate. Un jour, je l’espère, il y a aura une prise de conscience de cette bizarrerie, de cette anomalie archaïque, ridicule, et l’on en reviendra à l’élection d’une grande Assemblée parlementaire à la proportionnelle qui détiendra vraiment le pouvoir.

Mais en attendant, c’est ainsi, à Liévin, dans les coulisses, il n’est question que de cela.

Qui ?

Qui sinon Jacques Delors ?

Henri Emmanuelli réussit à rassembler 92 % des voix du parti, mais au prix d’un grand écart ! C’est donc lui-même, dans son allocution finale, qui « demande à Jacques de  faire son devoir » ! Une curieuse demande publique, envers un homme qui n’appartient pas au PS et qui n’est pas au congrès ! Voilà donc la gauche « emmanuelliste » qui appelle la « droite socialiste » à gouverner au plus haut niveau ! Quel paradoxe ! Quel contresens ! Quelle curiosité ! D’autant que la demande va rester des semaines sans réponse et laisser prospérer toutes les suppositions.

Delors champion des sondages se fait « prier ».

Jean-Luc Mélenchon me séduit beaucoup avec son grand discours, très culotté, quand tout en développant les arguments de la Gauche socialiste, il s’écrie à propos de l’éventuelle candidature Delors :

« J’ai comme beaucoup d’entre vous avalé quelquefois des couleuvres. Mais c’est bien la première fois que la couleuvre m’annonce que c’est elle qui va m’avaler. »

Ovationné par une salle de 3 000 congressistes et invités, c’est du meilleur effet :

 

« Ce congrès hypothéquerait l’avenir s’il consentait à faire comme s’il n’avait pas compris ce qui lui a été signifié par le livre et l’entretien télévisé du candidat qu’il appelle de ses vœux. […] Maudites écuries présidentielles, et en plus on n’a pas de cheval ! Je pensais qu’en nous battant pour un candidat commun de toutes les forces de gauche nous aurions semé un grain fécond ? Les sondages en ont décidé autrement, et depuis jouez hautbois, résonnez musettes, les grands concerts des appels, le vacarme des processions couvrent tout ce qui voudrait être autre chose que don de soi ou chèque en blanc. On m’a même demandé de ne pas faire de bruit pour ne pas effaroucher. C’est un comble ! S’agit-il d’attraper un lapin par les oreilles ou bien est-ce un président pour la quatrième puissance mondiale que nous cherchons ? »

 

Éclatant discours qui nous rend tous dynamiques. À ce moment-là, comme nous, Jean-Luc était pour « un candidat commun de toutes les forces de gauche ». Nous pousserons Henri Emmanuelli à être candidat mais il refusera.

 

Mélenchon m’avait dit avant le congrès :

- « Tu te présentes, tu dis un mot à tout le monde. »

J’apprécie le conseil et fais dans le systématique. Dès que je vois une figure connue, je tends la main et j’ajoute : « Gérard Filoche. » Généralement, je vois une légère surprise dans les yeux et un petit air de défi au coin des lèvres, mais plutôt de la curiosité, pas de rejet.

J’attends qu’il y ait la presse et je me précipite vers Pierre Mauroy, qui me tend une main largement ouverte. Je la serre en lâchant :

- « Gérard Filoche. »

Il veut la retirer, une ombre rapide tombe sur son visage. Cet homme a décrit, dans Héritiers de l’avenir (Ed. Stock 1977), ses rudes batailles avec les trotskistes après la Seconde Guerre mondiale, ses démêlés vigoureux avec les uns et les autres à Montrouge.

- « Alors, Pierre, qu’est-ce qu’il y a, il y a un problème avec la IVe Internationale ? Mais voyons, j’adhère au Parti socialiste, et je sais bien que c’est la IIe Internationale, c’est donc de  la IIe Internationale que je suis adhérent. »

Je lui tiens la main, il fait un grand geste pour se dégager, bras levés, ouverts.

- « Ah, mais si c’est la IIe Internationale, alors il n’y a pas de problème, il n’y a pas de problème. »

- « Alors je suis le bienvenu ? »

« Tu es le bienvenu, pas de problème. »

J’ai fait mon travail.

 

Le dernier matin, avant le discours de clôture d’Henri Emmanuelli, je m’installe un peu en avance au cinquième ou sixième rang, et le hasard fait que s’assied à côté de moi Martine Aubry, qui ne me reconnaît pas au premier abord. C’est Éric Ghebali qui, en passant, amusé de cette proximité, nous présente. Elle ne cesse ensuite de rouspéter, comme elle fait toujours, pendant tout le discours du premier secrétaire, me prenant à partie en permanence, avec vivacité, emportement, rage parfois.

Henri Emmanuelli explique devant l’immense salle pleine, qu’il faut une « clarification politique »…

 

« Ce coup de barre à gauche dont je revendique la nécessité peut choquer, mais ce n’est pas une figure de style. La disjonction croissante entre l’économique et le social est aujourd’hui la nouvelle fracture qui sécrète toutes les autres. L’homme, le social n’occupent ???  plus la première place dans l’ordre des priorités. Le coup de barre à gauche, il doit être d’abord dans nos têtes, dans notre volonté clairement exprimée de ne pas nous soumettre à la culture dominante. »

 

Emmanuelli poursuit de façon lumineuse :

 

« Quelques exemples : nous avons adopté un certain nombre de propositions importantes sur la nécessité de prendre des initiatives en faveur de la croissance, […] sur la nécessité de réduire le temps de travail à 35 heures sans perte de salaire, dont je voudrais redire qu’elle ne constitue pas à nos yeux une recette miracle contre le chômage, mais une modalité indispensable de redistribution de la richesse supplémentaire produite grâce aux gains de productivité dont nous aurions du mal à comprendre pourquoi, pour la première fois dans l’histoire, ils iraient en totalité à l’actionnaire sans que rien aille au salarié. […]

« Il faut mettre fin au consensus entre sociaux-démocrates et démocrates-chrétiens qui sert de mode de gestion à l’Europe depuis plus de trente ans. Je veux dire par là que nous ne pouvons pas continuer à être crédibles lorsque nous disons que nous voulons une “Europe sociale” et que nous retombons dans ce compromis dont il est évident aujourd’hui qu’il ne débouche que sur la victoire sans partage du libéralisme économique… »

 

Je suis dans la salle et je bois du petit lait. Nous commençons notre action dans le PS : le congrès a repris les 35 heures hebdomadaires sans perte de salaire. Notre pétition vient de faire soudain un grand bond en avant.

Martine Aubry, à côté de moi, bout d’impatience et ne cesse de me prendre à témoin, tantôt en colère, tantôt ironiquement, de ses désaccords croissants avec l’orateur, alors que, pourtant, il appelle solennellement à la candidature de son père, Jacques Delors, à la prochaine présidentielle.

Avaler des couleuvres ou se faire avaler par une couleuvre ?

 

« Ni impasse ni grand écart, personne ne va instrumentaliser un homme ni contraindre le parti à se soumettre. Il faut que les institutions évoluent […] vers une fonction présidentielle plus arbitrale, plus conforme aux nécessités de la démocratie, garante des institutions et de la sécurité […] partisane de la solidarité et de la protection sociale […] une plate-forme présidentielle avec des orientations générales, pas un programme de gouvernement […] les militants socialistes choisiront le candidat, avec, nous l’espérons, d’autres formations de gauche… »

 

Mais la fille du candidat pressenti semble percevoir l’appel d’Emmanuelli plutôt comme une manipulation que comme une invitation sincère. Elle n’a pas l’air d’apprécier le fond du discours :

- « J’espère que tu vas aider Henri Emmanuelli à se structurer idéologiquement », me dit-elle, comme si j’étais un théoricien arrivant à pic pour insuffler de la culture et de la politique à un Premier secrétaire décidément inculte.

 

Je me garde d’approuver.

Il surgit un curieux moment où l’orateur, après avoir été très massivement et longuement applaudi, essaye de renouveler trop rapidement l’exploit à propos des « 35 heures sans perte de salaire ». Péroraison ratée. Deux rangs devant moi, Mélenchon et Dray tentent de relancer l’ovation. Raté. Quelques claques, mais c’est le bide. Je ne bouge pas.

Martine persifle avec pas mal de rage :

- « Tu n’aides pas tes camarades à ne pas être minoritaires sur ce coup-là ? »

 

Confirmation : Martine Aubry n’est décidément pas partisane des 35 heures

 

Cela ne l’empêche pas, à la fin, de m’inviter à venir la voir à sa fondation appelée « Face » rue du Cherche-Midi à Paris. Ce que je ferai consciencieusement : elle ratera trois rendez-vous, alors qu’elle les avait demandés, puis me proposera de travailler dans son think tank sur le droit du travail, avec des personnalités aussi diverses que Gilles Bélier ou Tiennot Grumbach.  J’accepte, « à la condition qu’on puisse s’y engueuler sur le fond ». Mais les interlocuteurs que j’y ai rencontrés s’étonnèrent de m’y voir, et encore plus de mes propos et analyses : ils tenaient tous un discours épouvantablement droitier et percevaient mal pourquoi Marine Aubry m’avait adjoint à eux.

 

À Liévin, nous sortons satisfaits d’avoir vu une Gauche socialiste forte et présente. La photo de groupe sur la grande tribune, faite alors que le congrès se dispersait, regroupe soixante-quinze militants venus de toute la France : ils vont jouer un rôle dans les deux décennies à venir. Je vais peu à peu m’habituer à leurs visages, réunion après réunion.

 

Moins de dix d’entre eux proviennent de la LCR, nous sommes donc dans un cercle très large, ce qui nous change agréablement la vie. Nous avons un champ immense à explorer.

 

En attendant le candidat président…

Au sortir de ce congrès, je commence une tournée de réunions dans le Parti socialiste : je me rends dans une quarantaine de départements.

 

Du Havre à Saint-Malo, de Fréjus (Alain Fortuit)  à Bordeaux, de Pau (Jean-Yves Lalanne et Pierre Ruscassie) à Caen (Marie Do et Bernard Frigout)  de Nantes (Eric Thouzeau, Catherine Touchefeu) à Amiens (Jean-Jacques Chavigné), de Strasbourg (Philippe Lewandowski) à Lyon, de Chalons–sur-Marne (Gérard Berthiot, Gérard Sigal) à Marseille, (Jean-Paul Nail), à Toulouse (Pierre Timsit, Claude Touchefeu), à Rouen (Jean-Claude Branchereau), à Nancy (Stéphane Nicot), à Tours, à Clermont (René Defroment, Bernard Grangeon), au Mans avec Guy Beauné, sans oublier les multiples visites dans la Haute-Loire, invité par le nouveau dirigeant de la section du Puy, Raymond Vacheron.  Pourquoi changement de police ???

 

J’y défends systématiquement les 35 heures hebdomadaires sans perte de salaire et toutes les réponses nécessaires contre le chômage de masse. Ce combat va durer deux ans pour en convaincre le gouvernement et puis encore cinq ans ensuite lorsque Lionel Jospin aura repris le mot d’ordre et qu’il s’agira de le mettre en pratique ! Et encore vingt ans pour le défendre après !

Extraordinaire parti ! Il reflète en effet toutes les positions en présence dans le salariat français. Certes, la moyenne d’âge est élevée, mais les militants ont leur mot à dire et n’hésitent pas à le faire. Un visage nouveau dans le parti est apprécié comme un soulagement : celui-là saura-t-il changer les choses ? Pourra-t-il peser pour qu’on s’occupe davantage de nous autres, salariés ? Que n’ai-je entendu, dans leurs bouches, comme bilan des années 1980 ? Souvent, les propos sont très sévères, les constats plus lucides et plus durs que ce que la LCR n’osait dire de l’extérieur.

Mais justement, dans ce contexte, quelle erreur d’être « à l’extérieur » ! Ne doit-on pas se confronter, se coltiner à ces dizaines de milliers de militants qui ont subi toutes les déceptions, mais qui s’accrochent encore et qui demandent apparemment un changement radical ?

 

 

Je suis souvent très applaudi dans les réunions qu’on m’invite à animer, mais Mélenchon me met en garde contre toute illusion :

« Tu sais, comme ça, au premier abord, tout le monde, il te trouve tout beau et tout gentil, on vient te dire en douce que tu as raison, mais quand il s’agit de voter, cela ne fait pas des voix. » J’entends.

Je ne suis pas naïf à ce point, je sais qu’il y a le débat d’idées d’une part et le clientélisme d’autre part. Je sais que l’appareil nous « digère ». Mais notre ambition fondamentale c’est que nous pensons pouvoir gagner grâce aux militants et si, dans le mouvement social, ça pousse ! J’insiste à ce sujet : jamais nous n’avons eu la moindre illusion sur la possibilité de faire bouger les choses en interne sans qu’il n’existe en externe une vigoureuse poussée du mouvement social.

Notre action politique est devenue d’une tout autre importance que nos éternels débats de bulletins intérieurs avec les centaines de militants, certes valeureux mais isolés, de la LCR.

 

Dans le PS, il y a obligation de tenir un langage cru, beaucoup plus sérieux, argumenté, sur les droits, les exigences des salariés et des chômeurs, sur la bonne façon économique de redistribuer les richesses, de ne pas se laisser commander par la « pensée unique » et le libéralisme, et de faire reculer le chômage de masse. Il ne faut pas un jargon sectaire, ni abstrait ni académique, on parle à des braves gens « normaux » et aussi d’un niveau culturel élevé pas seulement à des notables ou des arrivistes. Si on s’y prend bien, si on est concrets, courtois, avec des analyses et des propositions précises, on est non seulement écoutés, mais aussi très bien entendus. Il y a de la disponibilité, de l’attente mais aussi du réalisme. Quant à nos théories, issues de tout notre passé militant trotskiste, nous les conservons, apprenons à les traduire pédagogiquement, et notre revue D&S, chaque mois sert de fil à plomb, de référence théorique et pratique.

 

Henri Emmanuelli tient un langage ferme, même s’il lui est difficile de concilier les tensions contradictoires existant dans le parti. Cela donne une saine tonalité : il défend une politique bien différente de celle des années 1980, du bilan du dernier gouvernement de Pierre Bérégovoy.

 

Un jour, au cours d’un meeting un peu difficile avec des étudiants à Nanterre, je suis à la tribune avec Harlem Désir et Jean Glavany, j’utilise des mots fermes mais mesurés pour tourner la page des années 1980 et défendre un « vrai » changement pour le futur. Quelle n’est pas ma surprise d’entendre Jean Glavany, encore plus nettement que moi, dénoncer l’« échec économique et social de la précédente gestion du Parti socialiste » ! Je le prends au premier degré. Cela me rend plus fort pour répondre aux gauchistes qui, sans avoir perçu la moindre nuance, veulent nous chahuter du fond de l’amphithéâtre : ces derniers m’apparaissent alors comme déconnectés et impuissants. Je n’ai aucun regret de m’être éloigné de ces cercles agités et vains.

 

Notre revue D&S observe, fin 1994, que les mouvements grévistes sont déjà nombreux dans le pays.

La Samaritaine, Méridien, Ports et Docks, Ciments Lafarge, Crédit Lyonnais, Michelin, Case-Poclain, McDonald’s, Moulinex, Uniroyal, Lee Cooper, Dim, Fnac, arsenal de Toulon, Jeumont-Schneider, infirmières, Renault : moins de deux ans après son accession au pouvoir, le gouvernement Balladur prend l’eau. La hausse du nombre de jours de grève se confirme de 1993 à 1995. Le gouvernement est miné par la division, puisque Balladur s’apprête à trahir Chirac et à être candidat contre lui. Mais toute sa politique libérale est ressentie comme une agression, aussi bien dans le privé (les effets de la loi quinquennale) que dans le public (les privatisations continues). Chirac le comprendra à sa façon qui fera une efficace campagne « contre la fracture sociale ».

 

 

La gauche n’est pas « pour vingt ans dans l’opposition »

 

Si elle a perdu en 1993, c’est la politique de ses dirigeants – Michel Rocard, Edith Cresson, Pierre Bérégovoy – qui a été cause de sa désaffection. Il suffit qu’elle redevienne elle-même pour que le succès soit au rendez-vous plus vite que prévu.

Mais Jacques Delors vient de publier un livre pire que le livre blanc de Michel Rocard et celui de la Communauté européenne réunis.

Intitulé pompeusement « L’Unité d’un homme », il commence par une défense de la Ve République… contre Pierre Mendès France ! Delors s’y félicite 15 ans après de la pire des mesures qu’il avait prises, particulièrement de la suppression de l’indexation automatique des salaires sur les prix (1983) !

 

Le reste est un florilège : il « cogne » Jospin, « La grande erreur a été d’appeler cette période de rigueur une “parenthèse” » (p. 167). Il se dresse lui aussi contre les 35 heures : « Je dérange tout le monde. Ceux qui veulent faire rêver les gens avec la diminution du temps de travail débouchant sur la création de nouveaux emplois, et certains disent même : sans diminution de salaire ! » (p. 61). « Mon slogan, ce n’est pas les 35 heures, mais les 40 000 heures » (p. 294). (Ce qui signifie temps partiel à bas salaire sur toute la vie !) « Nous devons amener des gens de 65 ans à continuer de travailler, alors qu’actuellement la retraite est à 60 ans » (p. 119) (Il préfigure largement Fillon, Sarkozy, Macron !). Il veut « en finir avec le financement de la Sécurité sociale appuyé sur les salaires et remplacer les cotisations par l’impôt » (p. 85). Il propose la « privatisation des télécommunications » (p. 108). (Le futur gâchis d’Orange, puis de Free Bouygues est inscrit là).  Il donne à Bill Clinton un brevet de « social-démocrate » (p. 252) et prend toute l’histoire de la gauche à rebrousse-poil : « Le progrès a été considéré dans la foulée de la période des Lumières comme lié à la rationalité et au progrès scientifique. C’est une vision que je ne partage pas car je crois que tout est dans le cœur de l’homme » (p. 216).

« Dans le cœur » plutôt que dans la raison, nous voilà plongés en pleine régression obscurantiste.

« Jacques Delors est l’homme qui a évité la mise en œuvre du programme économique catastrophique de François Mitterrand » rajoute Michel Rocard pour le soutenir. Là aussi problème de police ???

 

Des millions de gens salariés sentent la chose de façon exactement opposée : leur meilleur souvenir, c’est ce que la gauche a fait en 1981-1982. Le « tournant vers la rigueur » de 1983, le monétarisme, la soumission au libéralisme de Delors-Rocard, c’est ce « programme économique catastrophique » qui a conduit la gauche à la défaite.

Si on comprend bien ce moment-là de l’histoire, on comprend les 20 années qui suivent jusqu’à Hollande.

 

Il aurait fallu, selon nous, selon D&S,  remplacer la « main invisible du marché » par « les mains visibles de la démocratie ». Mais ça, rocardiens, deloristes, principaux dirigeants cédétistes, ce n’est pas leur tasse de thé : technocratie, pas démocratie, telle est leur culture. Ils « pensent » les besoins du peuple mieux que le peuple. Selon eux, si on le laissait faire, le peuple gaspillerait tout ce qu’il produit, par conséquent il faut imposer une part qui revient au Capital bien supérieure à celle qui revient au Travail. La redistribution des richesses ne peut se faire qu’au compte-gouttes, un tiers aux salariés, un tiers aux machines, un tiers au capital. (Sarkozy au pouvoir, un court moment, évoquera ce type de « partage »). La priorité est au Capital, pas aux salariés : ce qui s’appelle, à tort ou à raison, et depuis si longtemps, « compromis social-démocrate »  est, avec eux, en voie de péremption et le « social-libéralisme » nouveau s’avance. Si libéral et si peu social.

 

Voilà de quoi alimenter le débat dans les colonnes de D&S : « Pas de candidat surnaturel ! » écrivons-nous, perfidement en « refusant de recevoir le candidat comme une hostie, bouche ouverte ».

Notre camarade Gérard Berthiot, dans L’Union de Châlons-sur-Marne du 22 décembre 1994, explique à son tour :

« Nous n’étions pas pour un candidat surnaturel. On veut gagner à gauche, pas au centre. On est pour un candidat commun de la gauche. »

Tout est déjà là.

 

 

Ce n’est pas une utopie

D&S sonne l’alerte :

 

« Le PCF a-t-il intérêt à compter 5 % des voix sur le nom de Robert Hue ? Dominique Voynet tient-elle absolument à avoir moins de voix qu’Arlette Laguiller ? Waechter et Brice Lalonde se donneront-ils le ridicule de concourir ? Bernard Tapie, plongé dans les méandres de ses affaires, ne gardera pas les voix enlevées à Michel Rocard dès lors que le PS se trouve dans une alliance dynamique et réclame les 35 heures sans perte de salaire. Le Mouvement des citoyens ne vient-il pas lui aussi d’annoncer sa participation aux “Assises de la transformation sociale” au profit de l’idée d’un candidat commun de toute la gauche ? »

 

Reconsidéré douze ans plus tard, en 2006, au moment de la désignation de Ségolène Royal, cet épisode « delorien » de 1995 en dit long : même candidature surgie hors du champ, même ton « surnaturel », même emballement organisé des sondages, même refus de débat de fond sur la recherche d’une candidature unie de toute la gauche, même engagement vers le centre, même façon d’asséner qu’il n’y a pas d’autre choix.

L’impossible candidature de Jacques Delors est surnaturellement restée au-dessus des têtes pendant vingt ans.

Mais tous ceux qui voulaient suivre cette voie en 1994, ont été contraints de se résigner – avec l’aide de Delors lui-même.

 

 

Contre la privatisation et le vente à la découpe de la Sécurité sociale Avec la NUPES, la gauche unie Promouvoir la « Grande Sécu »

 

Pendant qu’Elisabeth Borne impose le 30 novembre 2023 son vingtième « 49-3 » empêchant tout contrôle démocratique de l’Assemblée nationale sur le budget de la Sécurité sociale, Olivier Dussopt se propose de lancer les appels d’offre pour revendre la « Sécu » au privé « à la découpe ».

Jamais le patronat et la droite n’ont accepté la Sécurité sociale de 1945, version Ambroize Croizat – surtout pas le fait qu’elle soit basée sur des cotisations salariales, sur un budget séparé géré par les assurés eux-mêmes. Dès 1966, les ordonnances De Gaulle-Pompidou avaient modifié le système d’élections et de gestion pour déposséder les salariés et leurs syndicats du contrôle de la gestion des différentes caisses de Sécu. En 1995, les ordonnances Juppé avaient supprimé toute élection et gestion salariée aux caisses, et effectué un « hold up » en remettant toutes les décisions entre les mains de Bercy et d’une « LFSS » votée par le Parlement.

Les 49-3 de Borne-Dussopt visent en 2022 et 2023 à déposséder à son tour le Parlement de délibérer sur le contenu de cette « LFSS ».

Parallèlement, les pouvoirs successifs de droite (et aussi le quinquennat maudit de Hollande Valls Touraine) n’ont cessé de bloquer les cotisations salariales, d’accorder sous toutes les formes possibles des « exonérations de cotisations » aux employeurs, de diminuer ou dérembourser les prestations sociales santé, maladies, accidents, retraites… Jusqu’à Emmanuel Macron qui a fait carrément campagne pour la « suppression des cotisations sociales », et qui s’efforce, depuis, de les rogner sous toutes les formes. 

Le 17 novembre, le ministre du travail Dussopt a annoncé carrément la destruction de la protection sociale

Le gouvernement se déchaîne pour faire des économies sur la Sécurité sociale, sur la protection sociale : réforme des retraites, pillage des retraites complémentaires Agirc-Arrco, casse du RSA, casse de l’assurance chômage, menace renouvelée de quasi suppression de l’Aide Médicale d’État (AME), réduction de l’Aide Personnalisée au Logement (APL), coupes budgétaires sur le budget de la Sécurité sociale.

Selon la « Convergence nationale des collectifs de défense et développement des services publics » (CNCDDSP) qui participe à toutes les mobilisations en défense des services publics et de la protection sociale (encore récemment à Bures… et dont GDS est partie prenante) dans Les Échos du 17 novembre 2023 le ministre du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion Dussopt, a annoncé lors du congrès de la CFTC sa volonté de « repenser notre modèle social ». Il s’agit de la Sécurité sociale, de l’Unedic, de l’Agirc-Arrco. Ses objectifs sont clairs :

  • Baisser les salaires au nom du « mur de la compétitivité » (favoriser tous les éléments de salaires qui ne donnent pas matière a cotisations, intéressement, participation, primes,
  • Détruire la Sécurité sociale, par notamment la baisse des cotisations sociales « patronales » et de la part des impôts qui la finance.
  • Remettre en cause ce qui reste du paritarisme, c’est-à-dire réduire le rôle des organisations syndicales. Étatiser l’assurance chômage,
  • « Diversifier les recettes », en clair réduire la Sécurité sociale à un filet pour pauvres et ouvrir un marché aux complémentaires-santé et aux fonds de pension.
  • Faire des économies sur la protection sociale, pour ramener en 2027 le déficit en dessous du seuil des 3 % du PIB, dans un contexte où le budget de remboursement de la dette, les dépenses militaires et les aides aux entreprises flambent.
  • S’attaquer à l’Agirc-Arrco, et rendre l’assurance chômage excédentaire au détriment des chômeurs et chômeuses.

Il ne faut pas sous-estimer la déclaration du ministre : elle est faite devant le congrès d’une confédération syndicale. Elle fait suite aux déclarations d’Agnés Buzyn avant la parenthèse Covid : « Un système de santé à bout de souffle, pensé à la sortie de la 2ème guerre mondiale… », « Nous sommes arrivés au bout… », « Construire autrement notre protection sociale » vers un « nouveau filet de sécurité sociale ». C’est E. Macron qui déclarait, en opposition frontale avec la solidarité qui est l’ADN de la Sécurité sociale : « le progrès social c’est celui qu’on se paie soi-même ». Ca plait bien au RN c’est justement son programme : hausser le salaire net, supprimer le salaire brut, individualiser la protection sociale.

Dussopt, devant la CFTC a confirmé le déroulé prévu : une fois enclenché l’opération d’appel d’offres ouvert dans le privé avec l’ANI, il y aura celle sur la « Protection Sociale Complémentaire des fonctionnaires » prévue pour le 1er janvier 2025 et 1er janvier 2026 pour la prévoyance et la santé. Le plan de route est ensuite d’attaquer l’ensemble des caisses de la Sécurité sociale. Dans l’Union nationale des organismes complémentaires à la Sécurité sociale (UNOCAM regroupant la Fédération nationale de la mutualité française avec en son sein la Fédération des mutuelles de France, les instituts de prévoyance et la branche assurantielle du Medef intitulé Fédération nationale des sociétés d’assurance), ils proposent le passage aux appels d’offres ouverts pour la vente à la découpe de la Sécu par « appartement ».

Macron vise, depuis le début, « la suppression des cotisations sociales » prélevées à la source comme élément de salaire versé par les employeurs. Il veut que ce ne soit plus les patrons qui paient mais les salariés. Tout ira dans les caisses de l’état. Tout passera par l’impôt, opération facilitée par le prélèvement de celui-ci qu’il a mis en place à la source. Fin du salaire brut. Fin des cotisations pré affectées aux différentes caisses : elles seront remplacées par des prélèvements non pré-affectés – donc à la merci des majorités politiques du moment. Un seul impôt, un seul budget, la « Sécu » n’est plus un sanctuaire, ne sera plus un budget séparé.

Et comme la LFSS, le budget de la Sécu ne génère qu’environ 10 % de la dette présumée du pays alors que le budget de l’état en génère près de 80 % cela permettra de mêler le tout ans un seul budget pour mieux le soumettre indistinctement à l’austérité.

Le PLFSS, le budget de l’état génère, lui, 78,5 % de la dette publique nationale présumée : en le fusionnant avec la LFSS, ils vont pouvoir purger encore plus et réduire le volume du budget social, le vider de son « pognon de dingue ». Tout sera dans le même tonneau et il n’y aura qu’une seule tirette. Quand il y aura un budget unique ; il sera possible, sans frein, sans que ça se voit, d’utiliser les fonds sociaux pour d’autres fins. Il sera possible de construire un porte-avions nucléaire de plus à la place de 100 hôpitaux et un sous-marin de combat à la place de 1000 scanners.

Capables de tout, les ultra-libéraux prétendument, veulent « moins d’état » : la Sécu était de droit privé, et les voilà, contrairement à leurs principes affichés, qu’ils veulent l’étatiser pour mieux la contrôler, la limiter et l’étrangler en la privatisant.

Non à l’étatisation de la Sécu, oui à une seule Grande Sécu

Depuis des décennies, ils ont attaqué la montagne de la Sécu par la face nord. Ils ont installé des tickets modérateurs, des forfaits hospitaliers, puis des assurances, caisses de prévoyance ou mutuelles « complémentaires ». Ils ont modifié les normes de fonctionnement des Mutuelles, les faisant rompre avec leur esprit collectif solidaire d’origine. Ils ont bloqué les cotisations patronales, diminué les remboursements, et ont augmenté les « restes à charge » sur le dos des assurés. À l’occasion du Covid19, ils ont même inventé un « forfait urgence » payable par tous, dans le pire des cas : aux urgences et visant ceux qui n’ont pas d’autre accès aux soins. Ainsi une grande part de la cotisation s’individualise, la part des tickets modérateurs, « complémentaires » et « forfaits » (un jour une liste de médicaments, l’autre jour une hausse des soins dentaires…) ne cesse de progresser de façon inégalitaire insupportable, tandis que les restrictions s’installent dans les « paniers de soin » : tout cela rogne la « Grande sécu ».

Car cela développe, impose et substitue une double cotisation, celle, redondante, des complémentaires, prévoyance, mutuelles. Les bas et moyens salaires ont bien du mal à payer ces deux échelons, notamment les retraités qui en ont le plus besoin. Les plus pauvres sont contraints de ne pas se soigner ou de laisser des « ardoises » dans les hôpitaux. Et comment faire face aux coûts des honoraires « libres » des « spécialistes », aux examens de prévention en laboratoires, recherche, analyses, scanners, échographies, IRM ?  Et, en dépit de toutes les annonces, la lunetterie et la dentisterie sont mal couvertes, ça vous arrache une dent et ça vous coûte toujours les yeux de la tête.

Tout cela sape les principes fondateurs de la Sécu de 1945 qui voulaient éviter une santé à deux ou plusieurs vitesses, des discriminations aussi bien dans les cotisations que dans les prestations.

Alerte, alerte, alerte ! UNION, UNION, UNION

Ça coûte plus cher chacun le sait, aux États-Unis, plus de 18,5 % du PIB va à la santé (contre 11,5 % en France) mais c’est une poule aux œufs d’or pour les hôpitaux et médecins privés. Du point de vue des capitalistes, ils se moquent que tout ça coûte plus cher quand c’est eux qui gèrent, qui encaissent, qui fixent leurs marges sans contrôle. D’autant qu’ainsi ils se soignent mieux entre eux et que les discriminations face aux soins sont énormes.

En France ils ont permis déjà qu’existent plus de 400 mutuelles dérégulées qui se font une inutile concurrence, coûteuses en publicité, avec une véritable gabegie de frais de gestion dirigées par des « conseils d’administration » qui se servent des indemnités exorbitantes. En moyenne, la gestion coute 25 % tandis qu’à la Sécu, elle ne coûte que 5 %, c’est une énorme différence.

Lors du 75° anniversaire de la Sécu, 2020, à St Etienne (Loire) la gauche dans sa totalité s’était mise d’accord sur un programme commun pour la Sécu ! Il avait été signé à l’époque (c’était un exploit car la division de la gauche faisait rage) par Olivier Faure et Julien Bayou, par Fabien Roussel et Jean-Luc Mélenchon, par Benoit Hamon et Marie Noëlle Lienemann par Jean-Francois Pelissier et Gérard Filoche, par Pierre Larouturrou et Michel Jallamion. L’appel de St Etienne, plus que jamais d’actualité, disait que la Sécurité Sociale, a un but « protéger les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute natures susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité et les charges de famille qu’ils supportent ». Ses principes sont :

-       unicité (institution unique et obligatoire),

-       universalité (couvrir tous les citoyens),

-       solidarité intra et intergénérationnelle (« je cotise selon mes moyens et reçois selon mes besoins »)

-       et démocratie !

Cela s’est retrouvé en positif dans le programme partagé de la NUPES – enfin ! – en avril 2022, et cela fait la force de la gauche si … elle reste unie sur cette question comme sur les autres.

Pour 2027 union autour du projet de la grande Sécu – anti macron anti le Pen :

Voilà en quatre points, ce que ça signifie de maintenir ou de reconstruire la NUPES : pour la « sécu » il faut l’union de la gauche

1°) Financement par les cotisations salariales et patronales et modulation de celles-ci pour faire face aux besoins de santé pour tous les citoyens : une seule cotisation universelle, proportionnelle et plafonnée, pré-affectée aux différentes caisses des branches existantes : maladie, retraite, chômage, famille, logement (et aux deux caisses nouvelles à créer, formation jeunesse, dépendance dans l’âge).

2°) Augmenter massivement les rentrées de cotisations sociales par la création d’emplois, l’augmentation des salaires nets, bruts et super-bruts, l’application réelle de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, la lutte contre la souffrance, les accidents, les maladies professionnelles et contre la fraude sociale, essentiellement patronale.

3°) « 100 % sécu 100 % soins » en lien avec le refus des dépassements d’honoraires et l’exigence d’un pôle public du médicament au moment où des laboratoires s’enrichissent sur le dos de la Sécu. Allocations familiales pour tous, aides aux logements, assurance chômage pour une Sécurité sociale professionnelle, retraites par répartition, développement de la recherche et de la prévention afin d’assurer le bien-être de tous de la naissance à la mort.

4°) Gestion démocratique de toutes les caisses de la grande Sécu. Pour cela « à bas les LFSS et leurs 49 3 », retour à des élections démocratiques proportionnelles, un assuré une voix, tous les 5 ans, et la constitution ainsi d’une Chambre sociale : cela signifie une nouvelle démocratie sanitaire et sociale associant les représentants des salariés et usagers assurés dans toutes les instances décisionnelles et à tous les niveaux : la population doit avoir son mot à dire sur la définition des droits et besoins sociaux et des grands choix à opérer.

 

Note : ‘Des Assises de la santé au travail auront lieu dans la grande salle Henaff et dans 4 salles de travail à la Bourse du travail de Paris les 13 et 14 mars prochain.

www.reseaueducationpopulaire.fr
www.gaucherepublicaine.org

Bernard Teper : Co-auteur de « Néolibéralisme et crise de la dette »,  »Repenser la protection sociale du 21ème siècle » responsable pour GDS : Arno Lafaye-Moses.

 

 

 

 

 

Reconstruire l’unité de toute la gauche, une NUPES élargie, démocratique, de la base au sommet

 

À l’origine du retard (entre 2012 et 2022) à construire la NUPES, et de l’impossibilité de la faire vivre positivement depuis sa naissance, il y a la vieille théorie fantasmée, tragique, calamiteuse des « deux gauches irréconciliables ». Elle traine dans les têtes et n’a pas été éradiquée par la construction soudaine et rapide de la NUPES à la mi-avril 2022. Comme quoi, avant les tournants il vaut mieux des bilans.

Les « deux gauches irréconciliables », c’est une théorie suprématiste, hégémoniste, ancienne, selon laquelle, une gauche autoproclamée doit l’emporter et détruire l’autre. Elle remonte à loin, à l’idée qu’il faut purger la gauche de ses éléments malsains comme condition préalable pour avancer. Du temps où il fallait prétendument des conditions draconiennes pour adhérer, du temps où le « social-fascisme » était le premier et le pire des ennemis, et où « le parti se renforçait en s’épurant ». C’est une théorie répulsive, toujours perdante.

C’est l’idée qu’il y a une « gauche molle » et une « gauche dure », qu’il y a un « clivage » entre « réformistes » et « révolutionnaires », qu’il y a une surenchère entre avant-garde et une arrière-garde, une vraie gauche et une fausse gauche, une « vieille gauche » et une « nouvelle gauche ». C’est l’idée que les traitres réformistes doivent être démasqués, dénoncés, battus, éliminés comme condition préalable pour que les purs, les révolutionnaires gagnent. C’est l’idée que les partis de gauche, syndicats, associations de gauche, sont divisés, catégorisés, partagés, étiquetés et que la lutte de classes doit commencer par séparer les bons et les mauvais. Ça remplace et détourne la lutte de classe en une lutte au sein même de la classe.

Cette théorie a toujours été catastrophique dans les rangs du mouvement social. Au lieu de viser à unir dans l’action et dans le combat politique l’ensemble de la classe salariale dominée contre la classe dominante patronale, actionnariale, elle clive, divise, oppose, paralyse.

Cela provient d’un oubli, d’une erreur théorique gravissime : la gauche c’est d’abord une force sociale, une classe sociale, et les idées, partis, syndicats, associations procèdent de cette classe et non pas l’inverse. C’est l’existence qui détermine la conscience, les partis et syndicats, sont le fruit du salariat, leur genèse, leur existence, leur rôle, leur fonction, leur action dépend de leur base sociale et non pas l’inverse.

C’est parce que le salariat est pluraliste que la gauche est pluraliste.

Le salariat c’est 90 % des actifs, il n’a que sa force de travail à vendre, il produit toutes les richesses et sans en recevoir la part qu’il mérite. Nous sommes dans la France de 2023, 30 millions de salariés et évidemment, la conscience commune d’être exploités, d’appartenir à une même classe sociale, d‘avoir les mêmes intérêts ne surgit pas spontanément. D’où le fait qu’il existe de multiples partis, tendances, groupements, sensibilités, comme le PS, les PCF, les Écologistes, la LFI, Génération’s, Ensemble, GDS, POI, GES, NPA, LO, etc… Le salariat, tout en devenant puissant et majoritaire dans la société, en conquérant des statuts, et une place incontournable, a généré de multiples gauches, au moins 20 partis et 13 syndicats et des milliers d’associations et mutuelles. Toutes ces organisations ont une histoire, des implantations sociales inégales et combinées, des niveaux de conscience, différents, mais elles reflètent la réalité du salariat.

Appareils contre unité :

Elles ont produit des « appareils » dont les intérêts se sont autonomisés par rapport aux intérêts de la classe dans son ensemble : ils se disputent même entre eux, de façon boutiquière pour des « têtes » de manifestations ou pour des « places » électorales. Il n’y a pas de vaccin contre la trahison des appareils et apparatchiks quels qu’ils soient, grands et petits, anciens et nouveaux, à part la force de la mobilisation sociale. Nul ne peut ni nier ni ignorer ni contourner l’existence de ces « appareils », grands et petits, il n’y a possibilité de les empêcher de nuire qu’en les entrainant, les englobant en pratique dans un mouvement d’ensemble suffisamment puissant pour les dépasser.

Les « appareils » peuvent s’autonomiser au point de trahir en profondeur, leurs électeurs, leurs militants : ce fut le cas récent avec le quinquennat maudit de Hollande Valls Cazeneuve Cahuzac, de 2012 à 2017. L’application d’une ligne droitière par Hollande, contre la vie même et l’hégémonie du PS, a abouti à la perte de 14 millions de voix, à passer de 51,5 % des voix à 1,74 %, et de 180 000 adhérents à 20 000 adhérents. Il a suscité un tel rejet à gauche que l’abstention y est devenue majoritaire. Impossible de repartir, de reconstruire, sans rétablir la confiance à la fois par l’union et par un « programme partagé » suscitant enthousiasme et garantie de changement profond.

Salariat et conscience de classe

Chacun sait qu’on ne peut pas l’emporter contre la classe dominante, son système d’exploitation, ses institutions étatiques, ses médias, ses forces de l’ordre, sans mobiliser activement consciemment la majorité du salariat. Et pourtant jamais le salariat n’a été aussi nombreux, ni objectivement homogène (le salaire médian est à 1850 euros, 90 % des salariés gagnent moins de 3200 euros, les salaires reculent et les durées du travail et cadences augmentent, les vieilles différences « cols bleus » cols blancs » sont estompées, les droits du travail ont été rognés à tous les niveaux pour toutes et tous, la souffrance au travail n’a jamais été aussi rude). Subjectivement par contre le sentiment d’appartenance à une même classe est contre-battu – jusque là en profondeur et avec succès – par la propagande dominante.

Pour l’émergence nécessaire en force de la conscience de classe, il faut impérativement concentrer l’action militante afin de parvenir à dépasser les divisions existantes du salariat, à réaliser l’union dans les luttes et dans les élections. Pour cela, il faut réaliser un front avec le maximum de partis, de syndicats, d’associations de gauche. Cela implique échanges, respect, débats, actions communes, et construction d’une large union démocratique et militante, verticale et horizontale, de la base au sommet. La NUPES, première formule, n’a pas été cela, elle n’a pas fonctionné démocratiquement, ni à l’intérieur de chaque parti, ni, du coup, entre les différents partis, elle s’est refusée à intégrer toutes les sensibilités, elle n’a pas essayé de fonctionner à la base comme au sommet, incapable de former un vrai front de gauche.

A ne pas réaliser un front commun, même la force principale d’une coalition se voit davantage attaquée et affaiblie par les ennemis de classe (ce qui arrive à LFI) : car les dominants, eux, ont intérêt à cliver, à diviser, à cibler, et ils y réussissent d’autant plus que la volonté unitaire est superficielle.

Il aurait fallu un « conseil national » incarnant la NUPES, public, d’une trentaine (?) de personnes, 5 pour les quatre gros partis, et 2 par autres composantes, réunions régulières, comptes rendus au consensus, et décisions d’action. une formule a la base comme au sommet. Si la NUPES avait dans cet état d’esprit tenu un grand meeting à Paris pendant les grèves pour les retraites, c’est Bercy qui aurait été rempli ! Et cela aurait été un succès dans tout le pays.

 

L’union fait la force mais la force ne fait pas l’union.

L’union exige attention, conviction, persuasion, action. Pour dépasser les crispations, les réflexes identitaires, les intérêts étroits d’appareils et d’apparatchiks, il y faut de la pédagogie, du savoir-faire, constance et volonté opiniâtre.

Assez pour mobiliser la base salariale des partis et la rendre plus forte.  Cela impose que chaque composante se sente bien et « respectée dans sa personnalité antérieure » comme le disait Jean Jaurès au moment de l’unification de tous les socialistes, réalisée dans le congrès du Globe en 1905.

Nous en avons eu un exemple de janvier à juin 2023 avec l’intersyndicale agissant contre la casse par Macron des retraites repoussées à 64 ans.  Il n’existe pas de « syndicat réformistes » et de « syndicats révolutionnaires » : ils sont tous traversés par les mêmes débats lesquels sont forcément propres aux tactiques, stratégies et salariés quand ils s‘affrontent aux patrons. « Réformisme » et « révolution » ne s’opposent pas mais se complètent : le réformisme est l’apprentissage de la révolution, c’est le capitalisme qui engendre les revendications légitimes, et le chemin pour les défendre est aussi celui qui pousse à en radicaliser le contenu.

1600 euros, 60 ans, 32 h par semaine, pas de salaire supérieur à 20 fois le Smic, pas plus de 5 % de non CDI par entreprise, 50 % d’énergie renouvelables, et VI° République : avec CES OBJECTIFS, concrets, immédiats,  on démarre et on change tout. Campagne commune pour l’indexation des salaires sur les prix, campagne commune pour la défense d’une grande Sécurité sociale, campagne commune contre le pouvoir personnel de Macron, ses FDO, et pour les libertés démocratiques, c’est faisable si c’est décidé et mis en œuvre ensemble par la NUPES élargie à tous les niveaux.

Par contre l’impulsion par le haut, par  coups de boutoir, pour imposer un groupe parlementaire unique, décider en juillet 2022 d’une manifestation centrale le 16 octobre 2022, décider d’une autre le 21 janvier, décider sans appel ni vote ni débat, en dehors du Parlement du détail de la tactique parlementaire, réagir aux événements internationaux et nationaux, par décision du « leader » principal a nui à l’unité. Et du coup, les bisbilles ont été encouragés, et les appareils se sont précipités pour reprendre leurs avantages en commettant des fautes majeures, comme le refus de donner à LFI un siège aux sénatoriales et en refusant une liste commune aux européennes du 9 juin 2024.

Unionistes !

Les « unionistes » les plus conscients qui militent depuis des décennies en mettant en avant l’intérêt général du salariat, cherchent ce qui unit et repoussent ce qui divise. Ils choisissent le ou les thèmes qui font consensus, rassemblent, dynamisent et produisent des actions des campagnes communes. Ils écartent sciemment ce qui fait diversion, division. Ils savent que « unité d’action » et « front commun » aux élections ne veulent pas dire « unité de pensée » : chacun garde longtemps sa « personnalité antérieure » (ses marottes, ses traditions) forgée par l’histoire et incarnée sur son implantation sociale. Et surtout, les unionistes savent que tout ne se règle pas au « rapport de force » mais qu’il faut porter attention à chaque sensibilité quelle que soit sa taille, de façon à associer, à intégrer, à consolider : cela exige une pratique démocratique pointilleuse, méticuleuse.

Il faut partir ensemble, courir nombreux comme pour un même grand marathon, et ce n’est pas a priori, mais en vue de l’arrivée, que les meilleures idées l’emporteront.

Incompréhensibles bisbilles :

L’absence de démocratie réelle dans chacun des partis de la NUPES a joué un rôle négatif et abouti à une crise véritablement catastrophique. Car les électeurs qui commençaient à reprendre confiance sont désespérés par les bisbilles incompréhensibles.

C’est incompréhensible que Les Écologistes auxquels la tête de liste a été proposée aux européennes (avec garantie d’avoir plus d’élus que leurs sortants) refusent : c’est franchement indéfendable de laisser Le Pen caracoler une fois de plus en tête. Il n’y a aucune divergence substantielle sur l’Europe qui empêche campagne commune (lire les passages du « programme partagé » de la NUPES, lire le texte en 166 mesures des jeunes écolos, lire l’appel des 24 maires et ses 7000 signatures). Sans la gauche il n’y a pas d’écologie, l’écologie est anticapitaliste ou n’existe pas.

C’est incompréhensible que le PCF qui a zéro sortant, qui est donné à moins de 3 % dans les sondages, donc éliminé (ce qui donnera des sièges à la droite) refuse une campagne commune alors que nul ne voit de divergence qui empêche l’unité.

C’est incompréhensible, alors que Olivier Faure était en faveur d’une liste commune, qu’il se soit vu empêché par sa minorité anti NUPES (48,5 % contre 51,5 %) parce qu’empêtré dans la crise incompréhensible de toute la NUPES.

Et c’est incompréhensible que la LFI fonctionne sans débat, sans vote, sans transparence, sans congrès, par le biais d’ukases, d’exclusions, au point de susciter dans ses propres rangs des désaccords et ruptures brutales, ce qui alimente en retour la méfiance des autres partis et facilite les violentes attaques de la propagande macroniste et lepeniste.

Il n’y avait aucun enjeu à cliver la gauche le 8 octobre 2023, comme l’a fait Jean-Luc Mélenchon, sur le mot « terrorisme ». Comme l’écrit Marc Semo dans le Monde du 18 octobre 2023 : « Il n’y a pas un terrorisme mais des terrorismes, différents dans leurs modes d’action comme dans leurs objectifs. Même au pluriel, le terrorisme reste difficile à définir tant le mot est polysémique. Le terrorisme peut être un acte individuel au prix du sacrifice de sa propre vie, comme celui des anarchistes du XIXe siècle. Ou l’acte de résistance du colonisé, exemple de dissuasion du faible au fort. Ou encore une action spectaculaire de terreur de masse, tels les attentats du 11-Septembre à New York. Le terrorisme peut être d’extrême droite comme d’extrême gauche. On peut tuer au nom de Dieu. Mais le « terroriste », c’est aussi celui dont on veut délégitimer le combat. Ainsi, il n’a jamais été possible à l’ONU ni à la Cour pénale internationale de se mettre d’accord sur une définition précise, et surtout acceptée par tous, du terrorisme. ». Le « terrorisme » n’ayant pas de définition juridique internationale, à quoi bon mener une guerre sémantique à son sujet ? C’est politique. Lénine et Trotski combattaient le terrorisme comme un moyen qui échouait en nuisant à la fin poursuivie. Les moyens doivent être subordonnés à la fin. La Résistance française contre les nazis usait de terrorisme. Manouchian fut traité de terroriste et Macron accepte qu’il soit bientôt au Panthéon, c’est une question d’histoire, de peuple et de classe, d’appréciation et de reconnaissance politique. Mandela fut terroriste. Castro et Chavez furent terroristes. Le Fatah de Yasser Arafat fut terroriste et nia l’existence d’Israël avant de le reconnaitre à travers les « accords d’Oslo » (sans imposer l’inverse hélas et le négociateur israélien Premier ministre israélien Yitzhak Rabin fut assassiné le 4 novembre 1995 par le terroriste Yigal Amir au nom de ceux qui voulait l’empêcher). Le FLN algérien fut terroriste et libéra l’Algérie. L’IRA, l’ETA furent terroristes, mais comme le FLN payèrent un prix fort dans les opinions quand ils déposèrent des bombes contre les civils dans les grands magasins de Paris, Londres ou Barcelone. Nier que l’attaque du Hamas du 7 octobre était terroriste n’a aucun sens et ce fut pure folie de diviser la gauche en France sur ce mot.

Il fallait et c’était possible alors que l’enjeu était, après avoir condamné le pogrom du 7 octobre, dès le 11 octobre de construire un grand mouvement unitaire anti guerre contre la destruction de Gaza par… le terroriste Netanyahu.

Les unionistes dont nous sommes, ont démontré que l’unité de toute la gauche était possible dans les départements comme le 44, le 35, le 51, le 88, le 85, le 64, le 84… (voir ci-contre les exemples de ces textes unitaires…)

Nous avons démontré que « si on voulait on pouvait », et si les dirigeants l’avaient voulu, dès le début octobre il y a avait place, en France comme ailleurs, pour un grand mouvement de la paix, avec des centaines de milliers de manifestants pour un cessez le feu immédiat et la revendication de deux États en Palestine. Contre tous les racismes antisémites et antimusulmans. Si la gauche unie avait pris l’initiative, clairement, il n’y aurait pas eu de place pour des manœuvres (comme le 12 novembre) et des manifestations permettant au « front national » de s’incruster avec la droite.

Avec les unionistes, nous ne cédons et céderons sur rien : reconstruire une NUPES élargie, démocratique, sans reculer sur le contenu de l’excellent « programme partagé » qui lui a servi de base au départ.

 

 

 

 

 

 

Ça n’a pas commencé le 7 octobre. C’est une guerre coloniale depuis 75 ans

 

Le 7 octobre c’est une irruption sauvage, brutale, pour terroriser la partie du peuple israélien qui se trouve à portée des murailles de fer qui enferment Gaza depuis près de 20 ans. Les commandos terroristes du Hamas qui n’ont reculé devant aucune horreur, ont tué des civils, et cruellement des femmes et des enfants, ont kidnappé plus de 200 otages, pour frapper l’opinion d’Israël et du monde entier. Ils ne s’en sont pas seulement pris aux militaires mais délibérément à tous les israéliens citoyens de tous âges y compris aux centaines de jeunes qui dansaient dans une rave-party. L’ampleur du massacre qu’ils ont perpétré (1200 morts) avait pour but de briser toute paix et de provoquer de façon irréversible le retour spectaculaire de la question des droits légitimes du peuple palestinien ! L’ampleur de la condamnation que cela suscite et mérite, l’indignation humaniste considérable que cela provoque, en Israël même et dans le monde, isole les buts recherchés par les commandos du Hamas et Netanyahu s’est donné pour objectif de « raser Gaza ».

Le paradoxe est que ces terroristes se paraient d’une cause populaire et légitime qui est fondée depuis plus de 75 ans.

Ce qui a explosé le 7 octobre 2023 vient de loin et c’est le dernier né (en 1987) des mouvements successifs qui se sont réclamés des droits du peuple Palestinien qui l’a provoqué : et comme il était de l’extrême droite la plus fanatique, la plus religieuse, la plus violente, il a imposé un pogrom, avec des moyens d’action terrifiants. Cela ne peut s’expliquer que parce que le peuple de Gaza subissait un blocus féroce depuis plus de 25 ans, il n’avait aucun contrôle sur son eau, ni sur son air, ni sur sa mer, ni sa nourriture, ni sur son énergie, ni sur son travail, ni sur sa circulation. Aucune liberté : 2, 5 millions de Gazaouis, dont la moitié d’enfants, étaient étouffés dans des zones tampon, avec un no man’s land de 100 à 300 m, des doubles barrières reliées à de systèmes d’armement, des murs en béton et des métalliques souterrains, des miradors, des drones et capteurs, des double tours d’observation, des checks point interminables et humiliants, un nombre de camions insuffisants d’approvisionnement limités et inspectés chaque jour ; tout cela faisait de Gaza « une cocotte-minute explosive » (Michael Warcharski). Ceux qui avaient imposé une telle prison à ciel ouvert ne pouvaient ignorer qu’elle allait exploser, pire ils ont financé le Hamas, l’aidant et le « préférant » aux mouvements de libération palestiniens laïque comme l’OLP, le Fatah.

Netanyahu savait-il ? De nombreuses sources disent que oui. L’ancien Premier ministre israélien Yaïr Lapid, dans un tweet publié le dimanche 29 octobre, affirme avoir averti Netanyahou dès le 20 septembre de l’imminence d’une attaque. Les services Egyptiens aussi. Comment avec tous leurs drones et moyens de contrôle de Gaza la préparation d‘une attaque aussi massive que celle du Hamas a-t-elle pu échapper à Netanyahu à moins qu’il n’ait préféré ne pas protéger sa population israélienne du sud, car il était davantage motivé, avec son gouvernement d’extrême droite les colons et les soldats, par le souci de chasser tous les palestiniens de Cisjordanie au nom de de son ambitieux « Grand Israël ». L’épuration ethnique était l’œuvre principale de sa politique et force est de constater que le 7 octobre lui en donne l’occasion. En Cisjordanie depuis le 1er janvier 2023, 243 Palestiniens avaient été tués dans des opérations illégales d’expulsion.

Au total, selon l’ONU, de 2008 à 2020 dans ce genre d’opérations elles aussi terroristes mais israéliennes (condamnées par l’ONU à plusieurs reprises) il y a eu 2781 tués côté palestinien contre 61 israéliens tués.

L’Autorité Palestinienne élue en Cisjordanie était affaiblie et discréditée par ses compromis et son impuissance à résister aux brutalités des colons et des militaires de Netanyahu. Elle, qui ne pratiquait pas le terrorisme, voyait la haine de son peuple monter naturellement contre les spoliateurs occupants et contre les 720 kilomètres de « Murs » – des portions en béton de 9 m de haut – encerclant depuis 20 ans la Cisjordanie sous l’œil vigilant de la technologie de surveillance israélienne. Comme disait John Kennedy : « à vouloir étouffer les révolutions pacifiques on rend inévitable les révolutions violentes ».

C’est donc le Hamas pourtant non réélu depuis 2006, et sans doute minoritaire dans la population de Gaza selon tous les observateurs, qui a pris le dessus et imposé son programme et ses méthodes. Netanyahu l’a considérablement aidé : dès 2019 il déclarait « Quiconque veut contrecarrer la création d’un État palestinien doit soutenir le renforcement du Hamas, et transférer de l’argent au Hamas. Cela fait partie de notre stratégie ». Tout est dit là : l’extrême-droite nationaliste religieuse fanatique suprématiste raciste et sexiste autour de Netanyahu a choisi son ennemi, celui qui s’est retourné contre elle le 7 octobre.

Hamas contre Netanyahu c’est extrême droite contre extrême droite, les deux peuples sont livrés à leurs pires défenseurs.

La Charte du Hamas, refuse toute négociation et refuse deux états, elle fanatise et écrase tous les opposants.

Netanyahu prétend qu’il mène une « guerre de civilisation », une « guerre de la lumière contre les ténèbres » « qu’Israël a le droit de se défendre » en massacrant, pas seulement le Hamas, mais des milliers de palestiniens !

Mais ce n’est pas une guerre de civilisation ni de religion, encore moins une guerre pour les lumières contre les ténèbres, c’est un habillage qui est donné à une atroce et durable guerre bassement matérielle de conquêtes de terres et de biens.

Les barbares sont en compétition horrible des deux côtés : Yoav Gallant ministre de la défense israélien le crie : « Il n’y aura ni électricité ni nourriture, ni carburant, nous combattons des animaux nous agissons en conséquence » (9 octobre 2023). Ce n’est pas le seul Hamas qui est visé : « Nous sommes en train d’envoyer plusieurs centaines de bombes sur Gaza. L’accent est mis sur la destruction pas sur la précision » selon Daniel Hagari (porte-parole de l’armée israélienne le 10 octobre 2023) (tant pis pour les otages israéliens). « « Il n’y a pas de population à Gaza il y a 2,5 millions de terroristes » Eliyahu Yossian officier israélien « Lancez les missiles Jéricho, c’est mon avis. Écrasez et rasez Gaza sans pitié. N’attendez pas » selon une des dirigeantes du Likoud, Tally Gotliv (9 octobre 2023). « Nous allons faire de Gaza un champ de ruines » selon Benjamin Netanyahu le 8 octobre 2023. L’épuration ethnique est défendue explicitement : « Le nord de Gaza est plus beau que jamais ! tout faire pour exploser et tout aplatir est un régal pour les yeux. Nous allons distribuer des parcelles à tous ceux qui se sont battus pour Gaza » ose déclarer Amichai Eliyahu, ministre israélien du patrimoine en exercice.

Et pendant que Gaza est rasé en dépit de l’indignation de la planète entière (nonobstant le refus de Joe Biden d’appeler au cessez le feu, et les circonvolutions tardives de Macron), en Cisjordanie, les colons en profitent jour et nuit pour attaquer et piller les palestiniens, voler leurs terres et maisons, boucher leurs puits, tuer sans pitié tous ceux qui se défendent. En quelques jours, en aidant les colons, les soldats de Netanyahu emprisonnent plus de 1000 cisjordaniens qui vont croupir en prison aux côtés des 4500 autres prisonniers politiques dans les geôles israéliennes.

Tout cela ce sont les derniers épisodes d’une longue guerre coloniale !

Le 7 octobre c’était un moment où la question palestinienne paraissait fragilisée aux yeux de tous ceux qui voulaient l’enterrer. Les 15 millions de palestiniens étant soit exilés, soit privés de droits, soit en passe de l’être, les états arabes ayant quasiment tous, lâchement, abandonné leur cause, des « accords d’Abraham » allaient être signés et étendus pour entériner cette tragédie.

Les « accords d’Abraham » tirent leur nom du prophète des trois religions monothéistes, juive, chrétienne et musulmane, ayant pour berceau la région de Jérusalem. Ces traités, signés en septembre 2020 à l’initiative de l’administration Trump, ont accéléré un réalignement géopolitique dans le dos des Palestiniens. Le 15 septembre 2020, les Émirats arabes unis, Bahreïn et Israël signaient à Washington des traités de paix suivis par le Maroc et le Soudan. C’était un « tournant de l’histoire », d’après Netanyahou toujours soucieux de contrecarrer la reconnaissance d’un État palestinien dont il ne veut à aucun prix. À mi-2019, 138 pays sur 193 États de l’ONU reconnaissaient l’État palestinien soit la presque totalité des États africains, asiatiques, sud et Centro-Américains, de l’ancienne URSS et de l’Europe de l’Est. En revanche, les « puissances occidentales », dont les US, la GB, la France (excepté la Suède en UE) la Corée, le Japon, l’Australie, la Nouvelle Zélande ne reconnaissent pas l’État Palestinien et c’est toujours un grand enjeu politique et économique.

Il y a 9,3 millions d’israéliens. Comment un grand peuple de 15 millions de Palestiniens (3,5 en Cisjordanie, 2,3 à Gaza, 1,7 en Israël, plus de 7,5 millions de réfugiés essentiellement dans les pays arabes, dont 2,5 millions en Jordanie, 500 000 au Liban, encore des centaines de mille en Syrie etc.) peut-il être rayé de la carte, oublié, étouffé, enfermé dans des murs, spolié de ses terres et de ses maisons ? Aucune guerre ni manoeuvre diplomatique n’y est parvenu depuis 75 ans et, même inspirée d’Abraham, n’y parviendra.

C’est ce que l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023 a rappelé brutalement au monde entier.

Il n’y a aucun enjeu de discussion sérieuse sur le mot « terrorisme ». Comme l’écrit Marc Semo dans le Monde du 18 octobre 2023 : « Il n’y a pas un terrorisme mais des terrorismes, différents dans leurs modes d’action comme dans leurs objectifs. Même au pluriel, le terrorisme reste difficile à définir tant le mot est polysémique. Le terrorisme peut être un acte individuel au prix du sacrifice de sa propre vie, comme celui des anarchistes du XIXe siècle. Ou l’acte de résistance du colonisé, exemple de dissuasion du faible au fort. Ou encore une action spectaculaire de terreur de masse, tels les attentats du 11-Septembre à New York. Le terrorisme peut être d’extrême droite comme d’extrême gauche. On peut tuer au nom de Dieu. Mais le « terroriste », c’est aussi celui dont on veut délégitimer le combat. Ainsi, il n’a jamais été possible à l’ONU ni à la Cour pénale internationale de se mettre d’accord sur une définition précise, et surtout acceptée par tous, du terrorisme. ». Le « terrorisme » n’ayant pas de définition juridique internationale, à quoi bon mener une guerre sémantique à son sujet ? C’est politique. Lénine et Trotski combattaient le terrorisme comme un moyen qui échouait en nuisant à la fin poursuivie. La Résistance française contre les nazis usait de terrorisme. Manouchian fut traité de terroriste et Macron accepte qu’il soit bientôt au Panthéon, c’est une question d’histoire, de peuple et de classe, d’appréciation et de reconnaissance politique. Mandela fut terroriste. Castro et Chavez furent terroristes. Le Fatah de Yasser Arafat fut terroriste et nia l’existence d’Israël avant de le reconnaitre à travers les « accords d’Oslo » (sans imposer l’inverse hélas et le négociateur israélien Premier ministre israélien Yitzhak Rabin fut assassiné le 4 novembre 1995 par le terroriste Yigal Amir au nom de ceux qui voulait l’empêcher). Le FLN algérien fut terroriste et libéra l’Algérie. L’IRA, l’ETA furent terroristes, mais comme le FLN payèrent un prix fort dans les opinions quand ils déposèrent des bombes contre les civils dans les grands magasins de Paris, Londres ou Barcelone. Nier que l’attaque du Hamas du 7 octobre était terroriste n’a aucun sens et ce fut pure folie de diviser la gauche en France sur ce mot (alors que l’enjeu était, après avoir condamné le pogrom du 7 octobre, dès le 8 octobre de construire un grand mouvement unitaire anti guerre contre la destruction de Gaza par… le terroriste Netanyahu).

Rebondissement tragique.

La Palestine n’est pas « juive » ni une « terre promise » depuis 3000 ou 30 000 ans selon les délires ésotériques de certains illuminés. En 1900, il n’y avait que 20 000 juifs, juste après que les Britanniques aient signé une lettre ouverte (de 67 mots, datée du 2 novembre 1917) en faveur de l’établissement en Palestine d’un projet présenté comme « un foyer national pour le peuple juif ».  Comme le disait Churchill c’était fait pour assurer aux Alliés l’appui de la communauté juive dans la grande guerre en cours : « La Déclaration Balfour ne doit pas être regardée comme une promesse faite pour des motifs sentimentaux, c’était une mesure pratique prise dans l’intérêt d’une cause commune à un moment où cette cause ne pouvait se permettre de négliger aucun facteur d’assistance matérielle ou morale »

Suite à ça, le nombre de juifs en Palestine passe tout juste à 83 000 en 1923. L’Agence Juive collecte des fonds dans le monde entier pour acheter des terres, vendues ensuite aux colons juifs sous condition d’embaucher une main d’œuvre juive. 90 % des fonds proviennent des pays anglosaxons ; 90 % des colons viennent d’Europe de l’Est. Sous le mandat britannique (1922/1947) l’Agence juive gère ses propres hôpitaux ses services sociaux, ses écoles son service de renseignement. Cette première colonisation rencontre l’hostilité des populations arabes de Palestine : les années 30 connaîtront de nombreuses révoltes palestiniennes durement réprimées par l’occupant anglais.

La Shoah a vu l’extermination de 5 à 6 millions de juifs. L’émotion et la compassion envers les Juifs rescapés des camps est immense. Dès 1944 les vainqueurs de la guerre (USA, Grande Bretagne, Union Soviétique, la France) choisissent de promouvoir la création d’un état Juif en Palestine.

C’est donc après la seconde guerre mondiale, et par les effets induits de la Shoah qu’un mouvement plus ample se produit et les juifs en 1948 deviennent alors 650 000 soit 40% de la population. C’est alors que par le terrorisme, différentes milices juives comme l’Irgoun, la Haganah, le groupe Stern vont chasser les palestiniens de leurs terres, si bien qu’au moment de la résolution du conseil de sécurité de l’ONU du 29 novembre 1947, les juifs qui possédaient environ 4 % des terres en revendiquent et obtiennent 54 % de la Palestine. 1 000 000 d’arabes 60 % de la population n’en reçoivent que 46 % et 400 000 sont poussés à l’exil dans des camps de toiles ce qui va initier un cycle durable de conflits et de guerres pendant des décennies.

Vu l’exode forcé des palestiniens qui affecte chacun des pays voisins et les réactions hostiles compréhensibles des populations arabes à la spoliation des terres le vote de l’ONU est obtenu par 33 pour mais 13 contre et ce sont tous les pays arabes.

Les organisations juives ultras ne sont pas non plus satisfaites de la répartition : les États arabes abritent 1 % de juifs et l’État juif abrite 42 % de Palestiniens : encore trop nombreux selon les dirigeants sionistes. D’où le fait que les actions armées terroristes des milices juives vont encore expulser massivement Le 1er Juin 48 lorsqu’Israël est créé, 400 000 Palestiniens ont déjà fui. Israël ne déclare aucune frontière (pas plus aujourd’hui) et continue les expulsions : c’est en réaction à ça que la première guerre éclate avec l’Égypte la Syrie la Jordanie l’Irak.

Israël aidé par l’argent et les armes US l’emporte. Profitant de la défaite arabe, Israël étend le territoire juif de 54 % à 78% des terres. Des armistices sont signés avec l’Égypte qui gouverne Gaza et la Jordanie qui annexe la Cisjordanie et Jérusalem Est. 400 villages arabes sont rasés et n’existent plus sur les cartes. Sur leurs ruines on assiste à la construction de nouvelles villes et villages Juifs. Ça se conclue avec l’expulsion au total de 800 000 palestiniens de leurs terres (la Nakba, la catastrophe) qui deviendront des réfugiés dans les pays voisins habitants dans des camps provisoires. Seuls 130 000 palestiniens restent sur le territoire d’Israël

Résolution 181 (29 novembre 1947). Adoption du plan de partage : la Palestine est divisée en deux États indépendants, l’un arabe, l’autre juif, et Jérusalem est placée sous administration des Nations unies.

Résolution 194 (11 décembre 1948). Les réfugiés qui le souhaitent doivent pouvoir « rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et vivre en paix avec leurs voisins » ; les autres doivent être indemnisés de leurs biens « à titre de compensation ». Création de la commission de conciliation des Nations unies pour la Palestine.

La guerre des Six Jours du 5 au 10 juin 1967 a opposé Israél à l’Égypte, la Jordanie et la Syrie. Cette guerre fut déclenchée par Israël en réaction aux mouvements de troupes égyptiennes et à la suite du blocus du détroit de Tiran aux navires israéliens par l’Égypte le 23 mai 1967. Avec une armée, une aviation, des chars, l’aide des US, Israël l’emporta triomphalement et élargit son occupation sur la bande de Gaza, la péninsule du Sinaï, le plateau de Dolan, la Cisjordanie et Jérusalem-Est.

La résolution de l’ONU 242 (novembre 1967) demande le retrait des forces armées israélienne des territoires occupés, au contraire Israël développe la construction de colonies.

Résolution 252 (21 mai 1968) : Le Conseil de sécurité déclare « non valides » les mesures prises par Israël, y compris l’«expropriation de terres et de biens immobiliers », qui visent à « modifier le statut de Jérusalem », et demande à celui-ci de s’abstenir de prendre de telles mesures.

Résolution 267 (3 juillet 1969). Le Conseil de sécurité censure « toutes les mesures prises [par Israël] pour modifier le statut

Ce qui débouche sur la guerre du Kippour : le 6 octobre 1973, l’armée égyptienne franchit le canal de Suez à la faveur de la fête juive du Yom Kippour, le Grand Pardon, pendant laquelle se recueillent beaucoup d’Israéliens. L’Égypte est rapidement défaite par la puissance de l’armée israélienne :  d’où la

Résolution ONU 340 (25 octobre 1973). « A la suite de la guerre de Ramadan ou de Kippour, création de la deuxième Force d’urgence des Nations unies (FUNU-II) qui vise à « superviser le cessez-le-feu entre les forces égyptiennes et israéliennes » et à assurer le « redéploiement » de ces mêmes forces ».

Résolution de l’ONU 446 mars 79 : « Le Conseil de Sécurité de l’ONU exige l’arrêt des pratiques israéliennes visant à établir des colonies de peuplement dans les territoires occupés et déclare aucune validité en droit. »

La lutte contre l’implantation des colonies et contre l’occupation militaire devient à partir de là, le centre de la lutte des Palestiniens organisée par le Fatah et l’OLP. Jusqu’en 1959 les palestiniens sont subordonnés aux dirigeants arabes des pays voisins. Ce sont eux qui parlent en leur nom. Le Fatah (Conquête) est fondé en 1959 par des militants palestiniens autour de Yasser Arafat : en 1966 on assiste à la création de l’OLP avec d’autres organisations laïques (FDLP, FPLP) se réclamant du marxisme. Le Fatah et l’OLP mènent la lutte armée avec un objectif clair : « le Fatah vise à l’établissement d’un état unitaire, démocratique et non sectaire où toutes les personnes et groupes auront des droits et des obligations égales indépendamment de la race, de la couleur et de la croyance. ». Plus loin il est dit « Le Fatah n’a pas l’intention de résoudre le problème palestinien en créant un « problème juif » Mais il ne peut pas voir la paix réalisée aux dépends des Palestiniens. En 1988 le Fatha abandonne la solution à 1 état, laïque et binational, reconnait l’existence de l’État d’Israël, et négocie une « solution à 2 états » que les Israéliens ne voudront jamais accepter en pratique jusqu’à aujourd’hui. En 1988 l’OLP proclame l’État de Palestine qui est reconnu par 89 États. L’OLP obtient un siège à l’ONU en tant qu’observateur permanent sous le nom de « Palestine ».

De 1987 à 1989 c’est la 1ère intifada : un soulèvement généralisé dans les territoires occupés. En 2000, la deuxième Intifada.

Entre deux Intifada, les négociations s’engagent et deviennent officielles après l’arrivée en 1992 d’un gouvernement de gauche en Israël avec Yitzhak Rabin. Les « accords d’Oslo » sont alors conclus en 1993 et constituent le premier vrai processus de paix avancé avec promesse de reconnaissance mutuelle et l’objectif de 2 états ayant droit de vivre en paix et sécurité En réaction, l’Autorité Palestinienne basée en Cisjordanie et Gaza organise des élections d’un Parlement Palestinien. Transitoirement la Cisjordanie est découpée en 3 zones :

-       18 % dans la Zone A les villes palestiniennes sous contrôle de l’Autorité Palestinienne

-       22 % dans la Zone B les villages sous contrôle conjoint armée israélienne et Autorité Palestinienne

-       60 % dans la Zone C sous contrôle total d’Israël

Dans les accords d’Oslo était prévue une période de 6 ans jusqu’à des négociations finales en 1999. Mais en 1995 l’assassinat de Rabin met un coup d’arrêt à ce processus de paix. D’autant qu’en 1996 Netanyahu arrive au pouvoir pour la première fois et annule la décision prise sous Rabin d’empêcher le développement des colonies. La confiscation des terres et la colonisation reprennent en force, supervisées par le gouvernement israélien.

A partir de 2000 il n’y a plus de négociations de paix : en 2011 il y a bien demande d’adhésion de l’État de Palestine à l’ONU : l’assemblée générale vote pour mais les USA mettent leur véto.

Cela conduit à fermer toutes les voies aux Palestiniens, leurs terres continuent d’être grignotées illégalement, violemment, en dépit des résolutions de l’ONU. Netanyahu étouffe une à une toutes les chances de paix et de justice.

Cela débouche sur la situation d’aujourd’hui : dans le monde il y a 16 millions de Juifs (43% en Israël) et 15 millions de Palestiniens dont 7 500 000 de réfugiés. Sur le territoire de la Palestine historique : il y a 7 millions de juifs et 6,5 millions de Palestiniens. La répartition en Israël est de 9 200 000 habitants dont 21 % arabes palestiniens qui ont le passeport Israélien et la citoyenneté (ils participent aux élections) 7 000 000 de juifs et 2 000 000 de Palestiniens (85 % de musulmans)

À Gaza il y a 2 300 000 Palestiniens (dont 1,5 millions de réfugiés !) et en Cisjordanie ils sont 3 500 000.

La situation des réfugiés palestiniens est catastrophique : ils étaient 700 000 exilés en 1948/49, en 2021 ils sont 5,7 millions !

Il y a 2,3 millions de réfugiés (sur 10 millions d’habitants) en Jordanie dont 400 000 sont répartis dans 10 camps même si la plupart ont la nationalité jordanienne. Au Liban ils sont 480 000 et vivent dans 12 camps mais n’ont pas l’autorisation d’exercer certains métiers et la Fonction Publique leur est interdite. En Syrie : il y a 12 camps avec 560 000 palestiniens ils ont les mêmes droits mais sont 82 % en dessous du seuil de pauvreté.  En Cisjordanie : 880 000 déplacés de 1948, vivant dans 19 camps.

La colonisation de la Cisjordanie se fait impitoyablement et de façon terroriste : il y avait 17 colonies israéliennes en 1973, 36 en 1977, 150 aujourd’hui. En 1967 il y avait 2 000 Juifs en Cisjordanie, 100 000 colons en 1992 et 700 000 aujourd’hui (autorisés au port d’arme). Les Israéliens sous Ariel Sharon ont construit 712 km de murs de 9 mètres de haut pour découper et contrôler le territoire avec 570 « check-point » humiliants à franchir pour les palestiniens qui sont théoriquement sur leurs terres. A cela s’est ajouté le féroce blocus de Gaza et une Annexion de Jérusalem-Est (considérée comme leur capitale par les Palestiniens)

Du côté Palestinien de 1965 aux années 2000 l’OLP est le représentant incontesté du peuple palestinien avec à sa tête le Fatah et Yasser Arafat qui négocie les accords d’Oslo en 1992.  C’est à partir de 1987 que l’OLP qui s’oriente vers la reconnaissance d’Israël est contesté par le Hamas fondé en 1987 pendant la 1ère intifada. C’est le bras politique et le bras armé des frères musulmans qui compte aujourd’hui près de 30 000 combattants. C’est le « Mouvement de la Résistance Islamique ». Sa charte de 1988 appelle à la destruction d’Israël et vise à l’instauration d’un état islamique dans tout le territoire de la Palestine du mandat britannique. Cette première charte est ouvertement antisémite : « les juifs à la mer ». Elle est modérée en 2017 : elle dit que le combat n’est pas contre les juifs mais contre les sionistes et envisage une première étape : un État palestinien dans les frontières de 1967 mais elle ne reconnait toujours pas l’État d’Israël. Certains observateurs considèrent cette modification comme une sorte de plan marketing sans vrai changement d’orientation. Les caractéristiques de l’attaque du 7 Octobre confirme ce point de vue.

Le Hamas refuse le processus de paix et accords d’Oslo que l’OLP voulait et que les assassins de Rabin puis Netanyahu ont fait capoter. Le Hamas ne se présente pas aux élections palestiniennes de 1996, mais il participe à celles de 2006 qu’il emporte avec 43% des voix.  Il y a eu 2 élections au Conseil Législatif Palestinien : en 1996, le Fatha obtient 68 des 88 sièges. En 2006, sur 1 300 000 inscrits pour 132 sièges, le Hamas obtient 430 000 voix 43 % soit 74 sièges, le Fatah 403 000 voix soit 45 sièges, le FPLP  41 000 voix Le Hamas obtient à Gaza 48, 27 %. Il obtiendra le 1er ministre pour l’Autorité Palestinienne mais très vite un conflit violent s’ouvre entre le Fatha et le Hamas. Le 1er ministre Hamas est limogé en 2007. En 2007 le Hamas s’installe au pouvoir à Gaza par les armes en expulsant les représentants du Fatha (avec la bienveillance d’Israél). A partir de là, les élections prévues en 2021 sont reportées sine die parce qu’Israél refuse que les habitants de Jérusalem-Est puissent voter.

Discrédit du Fatha : émergence d’une alternative démocratique et laïque

En 1993 l’OLP et le Fatah se confondaient encore avec l’Autorité palestinienne. En 1996 elle gagne les premières élections mais se discrédite à cause de la corruption généralisée de ses dirigeants (dont beaucoup sont des ressortissants palestiniens émigrés aux USA de retour au pays sans avoir participé aux luttes). L’Autorité Palestinienne de Mahmoud Abbas en particulier se discrédite d’autant plus que les accords d’Oslo confient des pouvoirs de police conjoints à l’autorité palestinienne et à Israël et son armée dans la zone B (22 % de la Cisjordanie comprenant des petites villes, les villages et les camps de réfugiés). Cette collaboration avec l’occupant Israélien mine son prestige. Depuis la 2ème intifada une nouvelle génération commence à émerger autour de la figure de Marwan Barghouti mais celui-ci est emprisonné en Israël (avec 4500 autres prisonniers politiques !) à partir de 2002 : il fonde un nouveau parti en vue des élections prévues en 2021 « Liberté », les sondages lui donnent environ 30 % des intentions de vote et il serait vainqueur des élections présidentielles (prévues la même année) contre Mahmoud Abbas et contre un dirigeant du Hamas… si elles se tenaient ! Mais le choix de Netanyahu n’est pas du tout de favoriser une nouvelle génération ni de libérer Marwan Barghouti ! Pour être certain de n’avoir jamais deux états, il est de couler l’Autorité palestinienne et de favoriser et de financer le Hamas : ce choix est décisif jusqu’au 7 octobre 2023.

Du côté Israélien : 120 ans après la première proclamation le but du sionisme qui était de construire un état juif apportant la sécurité, la tranquillité pour le peuple juif n’a jamais été atteint. « Un peuple qui en opprime un autre ne peut pas être un peuple libre »

Après les premières révoltes arabes des années 30, Israël proclamé en juin 1948 a connu 4 guerres : en 1948/49 : la guerre civile pour chasser les Palestiniens, la guerre israélo-arabe contre l’Égypte, la Jordanie et la Syrie. En 1967 : la guerre des 6 jours contre les mêmes. En 1973 : la guerre du Kippour. En 1982 la guerre au Liban. Ce pays n’a connu que des conflits armés avec le peuple palestinien : les 2 Intifadas (1987, 2000) ont constitué de véritables soulèvements de masse des Palestiniens des territoires occupés. Jamais donc, il n’y a eu de paix ni de sécurité par l’écrasement des Palestiniens : 4 interventions armées dans la bande Gaza, missiles fréquents lancés depuis Gaza par le Hamas, guerre larvée en Cisjordanie avec affrontements permanents entre colons et l’armée Israélienne d’un côté et les Palestiniens de l’autre.

En Israël deux principaux partis se sont succédés au pouvoir : de 1948 à 1974 : la gauche sioniste, le Parti travailliste est au pouvoir. Depuis 1977 la droite israélienne, le Likoud de Begin domine la politique israélienne sauf entre 1992/96 et 1999/2001 (gouvernement travailliste/Meretz (sorte de PSU). En 2023 seulement 35 % des israéliens croient encore à la solution à 2 états.

En 2023 Netanyahu (droite, Likoud) s’allie avec des partis d’extrême droite pour se maintenir au pouvoir : Belazel Smotrich et Itamar Ben Gvir sont les 2 ministres d’extrême droite les plus connus, ce sont des fanatiques « suprématistes » juifs. Ils sont du même courant politique que l’assassin de Rabin en 1995 aujourd’hui incarné par le « Parti Sioniste Religieux » : ils croient en la suprématie de la loi divine et celle du peuple Juif et veulent l’instauration d’une théocratie (« chasser les goys »). C’est exactement le programme inversé du Hamas : remplacer Juif par musulmans, Talmud contre Coran.

La politique du gouvernement Israélien Netanyahu 2023 est marquée :

- par la réforme de la justice qui a mis des centaines de milliers d’Israéliens dans les rues pour des manifs monstres toutes ces dernières semaines. La Gauche, le Centre et même certains partisans de la droite défilant ensemble contre la Réforme et contre le gouvernement.

- par une politique palestinienne favorisant le Hamas contre l’Autorité Palestinienne développée clairement devant les députés du Likoud par Netanyahu (cf. sa célébre citation déjà évoquée au début de ce texte) : « Quiconque veut empêcher l’édification d’un État palestinien doit soutenir le renforcement du Hamas, y compris à travers le transfert d’argent [via le Qatar, ndlr]. C’est notre stratégie, c’est comme ça qu’on isolera les Palestiniens de Gaza de ceux de Cisjordanie ».

- l’autre versant c’est l’accélération de l’établissement des colonies en Cisjordanie avec le projet de Belazel Smotrich de doubler le nombre de colons (qui sont déjà 700 000) et pour ce faire, Smotrich a obtenu la Présidence de l’Autorité de planification des colonies. Ce choix de se concentrer sur la politique coloniale en Cisjordanie a été confirmé par le retrait de 23 divisions de l’armée de la zone sud (autour de Gaza) déployées en Cisjordanie occupée pour servir de protection des colons y compris dans leurs raids et provocations contre les populations palestiniennes. C’est une guerre de basse intensité que mène le gouvernement Nethanyahu-Smotrich en Cisjordanie avant le 7 Octobre (rappel, elle a causé 243 palestiniens tués en 2023). Le parti de Belazel Smotrich « Parti National Religieux » rebaptisé « Parti Sioniste religieux » vise l’annexion complète de la Cisjordanie et l’expulsion de ses habitants arabes. Itamar Ben Gvir (ministre de la Sécurité Nationale) milite aussi pour l’annexion de ces territoires avec retrait de la citoyenneté aux habitants arabes pour les inciter à l’exil (et veut instaurer la ségrégation dans les hôpitaux).

On voit à quel point la lutte pour une perspective de paix, pour deux états, est concomitante avec la lutte contre l’influence du Hamas et le renvoi du gouvernement israélien actuel. Et Israël ne connaitra jamais la paix ni la sécurité sans restaurer les droits légitimes du peuple palestinien, sans cela il y aura des décennies de « 7 octobre » toujours plus inhumains, de générations en générations.

La barbarie de la destruction de Gaza et de son peuple n’a pas de précédent à cette échelle de terreur, crimes de guerre, génocide, épuration ethnique sous les bombes. A l’heure ou cet article est finalisé, il y a 11 000 morts dont plus de la moitié de femmes et d’enfants. Plus ça dure, plus ça laisse des séquelles irréparables à court et moyen terme.

Seule une immense mobilisation partout dans le monde entier et aux US contre la complicité de Biden peut imposer le « cessez le feu immédiat ». C’est le premier devoir, sauvez des vies.

Fixer l’objectif de revenir à la libération des otages et à des négociations régionales et internationales : au plan politique seule la perspective de deux États s’impose. Il n’y a plus de solution idéale, un seul grand état ce serait une variante du « Grand Israël » avec apartheid et haines de facto. L’état binational démocratique et laïc auquel on peut rêver, est impossible au moins à court terme après ça. Viser deux états dans les frontières de 1967, c’est autant une protection immédiate pour les palestiniens indépendants et libres que pour les israéliens.  »Deux états » ce n’est pas une abstraction c’est un mot d’ordre politique, la seule issue réaliste pour tracer la voie de la restitution des droits légitimes du peuple palestinien ce qui implique d’isoler à la fois le Hamas et Netanyahu.

Cela pose la question des réfugiés : droit au retour ou à l’indemnisation, la question de la délimitation claire des territoires. À Gaza : fin du blocus, à Jérusalem : statut de la ville capitale des 2 états, question de Jérusalem Est. En Cisjordanie la fin de l’occupation et la restitution des terres illégalement occupées, la fin l’occupation militaire et des murs et checks points, fin des 3 zones et arrêt du morcellement du territoire palestinien. En Israél : égalité des droits entre Israéliens juifs et Israéliens arabes.

Gerard Filoche (à partir de travaux de Pierre Timsit)

 

Encart :  Photo +

Marwan Barghouti

Il est emprisonné en Israél depuis 2002 condamné à 5 peines de perpétuité pour des meurtres qu’il nie. Il a été l’un des principaux leaders de la Première Intifada de 87 puis de la Seconde Intifada. Le 28 septembre 2000 la visite d’Ariel Sharon sur l’esplanade des mosquées provoque la seconde Intifada : Barghouti a mené des manifestations vers des points de contrôle israéliens en Cisjordanie. Celles-ci eurent pour conséquence des émeutes et des attaques en bande organisée contre des soldats israéliens. Il condamne alors le recours à la terreur contre les Israéliens en Israël. Quand il lui fut demandé quels civils étaient des cibles légitimes, il répondit : « Et alors que moi-même ainsi que le Fatah dont je suis membre, nous nous opposons fermement aux attaques et à la prise pour cible de civils à l’intérieur d’Israël, notre futur voisin, je me réserve le droit de me protéger, de résister à l’occupation de mon pays et de me battre pour ma liberté ». Il ajouta : « Je suis encore en quête d’une coexistence pacifique entre les États égaux et indépendants que sont Israël et la Palestine, fondée sur le retrait complet d’Israël des territoires occupés en 1967. En 2001, Israël essaie de l’assassiner ». En 2002, il déclare : « Je ne suis pas un terroriste, mais pas non plus un pacifiste. Je suis simplement un gars normal de la rue palestinienne défendant la cause que tout autre oppressé défend : le droit de m’aider en l’absence de toute aide venant d’ailleurs » dans le Washington Post Les sondages ont donné près de 30 % au nouveau parti de Barghouti qui serait gagnant à une éventuelle élection présidentielle devant Mahmoud Abbas et le leader du Hamas.

 

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unité possible de la gauche

GDS a prouvé que l’unité était possible

Depuis 11 octobre dans le 44. (texte photographié et dans 10 départements… 35, 51, 88, 50, 64, 85, 43, 84…

Reproduire le texte du 84  photographie

 

Annexe :

1)    4 cartes de Palestine Israél (46,47,67, aujourd’hui)

2)    2 cartes de Palestine Israél (67 et aujourd’hui avec le tracé du mur et les 3 zones

 

 

 

 

 

Cessez le feu immédiat en Palestine

 

C’est la plus longue guerre  coloniale sur la planète : elle dure depuis 75 ans jusqu’à nos jours.

Comme le disait David Ben-Gourion, premier ministre d’Israel de 1948 à 1953 « ne nous cachons pas la vérité.. politiquement nous sommes les agresseurs et ils se défendent. Ce pays est le leur, parce qu’il y habitent, alors que nous venons nous y installer« . (tiré de la page 91 du livre « Israël Palestine États Unis ; le triangle fatidique » de Noam Chomsky 2006).

Et les gouvernements successifs d’Israël depuis 75 ans, ont progressivement par la violence et la terreur dépossédés les 15 millions de Palestiniens de leurs terres et de leurs maisons, réduisant et colonisant presque toute la Palestine entière.

La tentative des « accords d’Oslo » pour « deux états » été tuée dans l’oeuf par les extrémistes israéliens qui ont aidé leurs vis à vis extrémistes, ceux du Hamas, à percer parmi les palestiniens. Netanyahu  a carrément expliqué que « quiconque veut contrecarrer la création d’un État palestinien doit soutenir le renforcement du Hamas et transférer de l’argent au Hamas, cela fait partie de notre stratégie » filme, cite par Haaretz.com 2019)

Entre le 01 janvier 2008 et le 31 août 2023, selon l’ONU, y a eu 6 399 tués et 152 540 blessés côté Palestinien, et 308 tués et 6 307 blessés côté Israélien

Depuis début 2023, la colonisation a tué 243 palestiniens, leurs terres et leurs maisons leur étant arrachées en Cisjordanie tandis que Gaza était enfermé dans un blocus de fer.

Il est manifeste que cette guerre ne s’arrêtera jamais tant que les droits légitimes du peuple palestinien ne seront pas restaurés.

Dans ce cadre, le 7 octobre 2023, une attaque terroriste du Hamas a frappé le peuple israélien. Par sa sauvagerie, elle a fait 1300 victimes civiles, femmes et enfants, et des otages, ce qui a indigné à juste titre le monde entier. Par son programme et ses méthodes le Hamas est d’extrême-droite, religieux fanatique, raciste et sexiste : il est le vis-à-vis de l’extrême-droite au pouvoir actuellement en Israël, celle corrompue et majoritairement contestée de Benjamin Netanyahu, elle aussi suprématiste, religieuse fanatique, raciste et sexiste.

Ces deux extrêmes entraînent leurs peuples respectifs dans une guerre terrifiante et sans issue.

Le Hamas ne représente pas et de loin, la majorité des 15 millions de Palestiniens mais il se nourrit de ce contexte où les droits légitimes de ce peuple, reconnus par l’ONU, sont brutalement foulés aux pieds depuis des décennies,

C’est pourquoi le choix par Néthanyahu de la terreur de masse en représailles, avec une armée et des moyens 10 000 fois plus puissants, « raser Gaza », bombarder, affamer, assoiffer, les 2,3 millions de Gazaouis, hommes, femmes, vieillards, (la moitié sont des enfants) les traitant comme des « animaux », relève à une échelle encore supérieure à l’attaque du Hamas, d’un crime de guerre, d’un terrorisme d’état, d’un crime contre l’humanité.

Cela dure et s’aggrave depuis 12 jours.

C’est pourquoi l’Humanité ne peut laisser faire, le monde entier comme l’ONU doit dire « stop ».

Halte à cet engrenage sans fin, halte à cette barbarie IMMEDIATEMENT !

Chaque heure, chaque jour chaque nuit nous apportent des images d’horreur, de souffrance, indicibles. Des milliers de victimes, corps et cadavres mutilés, sont sous les décombres, un million d’humains sont déplacés de force et errent, séquestrés sous un déluge de feu et de mort.

C’est pourquoi la première exigence sur la planète, de tous les humains en dignité doit être de crier « cessez le feu immédiat ».

Paix et négociations internationales et régionales pour tout, les otages et deux états !

Chaque jour de plus de ce massacre abominable aiguise une haine sans issue entre les deux peuples et rallonge une situation de guerre pour des décennies !

Stop en urgence, mobilisations partout, manifestations partout, pour la paix maintenant !

 

 

Courrier Picard : « Samarium » recensé par Daniel Muraz

Publié: 11 Octobre 2023 à 10h17 Temps de lecture: 2 minPartage :

L’inspecteur du travail, un héros romanesque ? Au prime abord pas, l’association n’apparaît pas évidente. C’est pourtant ce que fait Gérard Filoche avec son personnage de Jean Carré depuis deux livres déjà (le troisième devant paraître prochainement). Après un premier tome,  Cérium (plongée dans la mafia chinoise sur fond de trafic de terres rares dans le Xe arrondissement de Paris) coécrit avec Patrick Raynal, émérite auteur de polars, l’ancien inspecteur du travail et militant de gauche (animateur de la Gauche démocratique et sociale) poursuit cette fois en solo. Son héros, lui, a été muté du Xe au Ier arrondissement de la capitale et va être confronté à un grand plan social que préparent secrètement des propriétaires prêts à tout autour du projet de rénovation d’un grand magasin parisien, la Samarium.

Il va aussi assurer en parallèle ses multiples tâches d’enquête tous azimuts, chez un géant de l’immobilier aux pratiques de voyous, sur des accidents du travail à la Grande poste de la rue du Louvre ou à la Banque de France ou encore chez un restaurant franchisé qui emploie des salariés au noir.

Roman social engagé, assumant clairement les partis pris politiques de l’auteur, plus thriller économico-social que polar comme le précédent, Samarium est basé une fois encore sur les faits et anecdotes glanés au fil de sa carrière par l’inspecteur du travail Filoche. Derrière des noms d’entreprises aux pseudonymes transparents, comme cette Samarium qui fait bien sûr fortement penser à la Samaritaine, Gérard Filoche propose aussi une balade parisienne, au cœur de ce «  Ventre de Paris », comme l’évoquait Zola, entre la Mairie et la place de la République.

L’autre intérêt de ce roman, le plus original, est son côté pédagogique, illustrant par l’exemple l’étendue des tâches, des responsabilités et l’importance du rôle de l’inspecteur du travail pour ne pas sombrer dans la jungle capitaliste. Attrayant et instructif, donc.

Samarium, Gérard Filoche. Ed. Atlande, 324 pages, 18 euros.

 

Face à l’inflation corrosive Lemaire embobine, blablate, manipule et nous coule

 

Selon les données publiées par l’Insee chaque année en janvier pour l’année précédente, l’inflation s’est établie à 1,6 % en 2021 et à 0,5 % en 2020, après 1,1 % en 2019 et 1,8 % en 2018. Au début de l’année 2022 Bruno Lemaire affirme que l’inflation sera passagère et se reviendra vite à des niveaux faibles.

Le 1er juin 2022 Bruno Lemaire reconnait que l’inflation a connu une accélération en France en mai. A ce moment-là Bruno Lemaire dit tabler sur « une baisse de l’inflation en fin d’année » 2022.

Le 31 août 2022, « Monsieur Le Maire a dit qu’il ne savait pas ce qu’était un superprofit » Des chercheurs (comme Bastien Parisot..) lui ont expliqué : La Commission européenne le sait. D’autres pays le savent. Il y a une définition simple, aussi vieille que Marx, mais qui n’est pas forcément marxiste. Ce sont des profits supplémentaires qui ne sont pas faits en raison d’un changement de politique d’investissement, mais qu’on réalise sans rien faire. Vous redistribuez les recettes aux salariés. Et tant qu’il y a des superprofits liés à l’inflation, on maintient cette taxe. »  « dans ce cas précis, “super” est utilisé comme un élément qui signifie “au-dessus”, un préfixe de renforcement marquant le plus haut degré. En gros, cher Bruno Le Maire, les “super profits”, c’est l’enrichissement. Et pas n’importe lesquels : ceux des multinationales qui profitent de la crise économique pour s’en mettre plein les poches, pendant que des millions de personnes s’appauvrissent et se serrent la ceinture partout dans le pays, subissant de plein fouet une inflation qui dépasse déjà les 6 % ».

En décembre 2022, la hausse des prix à la consommation a légèrement ralenti, selon l’Insee, pour s’établir à 5,9 % sur un an, après 6,2 % en octobre et novembre. Ce sera finalement une inflation annuelle de + 5,2 % en 2022, selon l’Insee.

« Nous avons protégé le pouvoir d’achat des ménages » ment le numéro deux du gouvernement. Même s’il affirme mesurer « à quel point la flambée des prix alimentaires qui se poursuit pénalise beaucoup de nos compatriotes, en particulier les plus modestes ». Celle-ci a atteint 12,1% en décembre 2022 selon l’Insee. Surement davantage selon de nombreux experts.

Le 5 janvier 2023, comme il n’y a pas eu la baisse qu’il avait annoncée, Bruno Lemaire dit alors viser « 5 % d’inflation début 2023 », « 4 % fin 2023 » et « 2 % courant 2024 ». Ce qui ne se produit pas davantage.

Au premier trimestre 23, ce sont portions réduites, repas supprimés, renoncements à certains achats alimentaires, 10 millions de personnes se privent de repas, dont 2 millions qui ont sérieusement faim. … L’inflation atteint 17 % dans l’alimentation et frappe les habitudes des Français dans leur manière de manger et de faire les courses.

Mentant toujours, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire répète l’objectif du gouvernement : faire baisser l’inflation en 2023. « La croissance française se maintiendra cette année et l’inflation devrait commencer à refluer mi-2023 ».

La Banque de France estime de son côté que l’inflation annuelle devrait s’élever à 5,6 % en 2023, soit une révision à la hausse par rapport à ses précédents chiffres, puis à 2,4 % en 2024.

Le 17 avril 2023, Macron met en cause « les forces de la spéculation » ou « les puissances étrangères ». Au détour d’une phrase, sans rien proposer contre.

« Nous y sommes », annonce Bruno Le Maire le 31 mai 2023. « L’inflation a ralenti en France en mai 23 pour s’établir à 5,1 % sur un an, après avoir atteint 5,9 % en avril et plus de 6 % en début d’année, selon une première estimation de l’Insee.

Mais ces prévisions sont systématiquement balayées par les faits.

 

« Comprenez bien ce que je dis : l’économie française, une fois encore, a des bons résultats. Nous créons des emplois et l’objectif est de créer des emplois toujours mieux qualifiés et mieux rémunérés », explique Bruno Lemaire. C’est encore faux, il y a toujours 6 millions de chômeurs toutes catégories confondues. Les emplois créés sont surtout des autoentrepreneurs bidons (2,4 millions ! comme le démontre François Ruffin à l’Assemblée nationale). Les seuls « bons » résultats, c’est la hausse phénoménale des marges des grandes entreprises, surtout dans la grande distribution.

 

Corrigés des variations saisonnières, les prix à la consommation ont encore augmenté de 0,8 % en août 2023. Sur un an, au final l’inflation passe ainsi de 4,3 % en juillet à 4,8 % en août 2023, relève l’Insee le 31 août.  Selon la Banque de France, elle s’établirait finalement à 5,6 % en moyenne annuelle, et à 4,4 % pour l’inflation hors énergie et alimentation. Mais les chiffres de l’inflation alimentaire s’envolent : de 17 à 19 % et à 21,5 % selon les études.

En dépit de tout ce qu’a dit Bruno Lemaire, l’inflation restera donc élevée jusqu’à la fin de l’année 2023 entre + 5,5 % et + 6,5 %.

Il faudrait maintenant attendre fin 2024 pour la voir refluer aux alentours de 3%, selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Mais qui croit cela ?

Cette forte hausse générale des prix à la consommation va affecter aussi bien le pouvoir d’achat des ménages que la croissance du PIB français et le niveau de chômage du pays., avec la hausse continue des taux d’intérêts de la BCE la récession plus grave menace.

 

Contre cela Lemaire s’est tout le temps trompé, a tout le temps menti, et a tout le temps refusé d’agir.

 

GF