Le Compte Personnel de Formation, patate chaude

Le « service après-vente » de la loi du 14 juin issue de l’ANI Medef du 11 janvier continue : il a été décidé de dissoudre le droit à la formation (DIF) dans un « réceptacle » formation, le « compte personnel formation » (CPF). Ce compteur est censé résoudre nos problèmes éducatifs, accompagner les transitions professionnelles, tout en sécurisant la formation.

Mais ce CPF est devenu une patate chaude dont personne n’assume la paternité, il va au final ajouter de la complexité et de l’attentisme :

  1. Il a été bâti sur des promesses irréalistes (article 5 – Création d’un compte personnel de formation : en vue de franchir une étape supplémentaire en matière de portabilité des droits à la formation, il est instauré dans les 6 mois de l’entrée en vigueur du présent accord, un compte personnel…)
    Le compte de formation devait être créé avant l’été. Il n’en sera rien. Les pouvoirs publics évoquent désormais une loi pour le début 2014 et donc un compte de formation activé au mieux en 2015.
  2. FO et la CGT doutent des capacités de l’État à trouver les financements : « Le dispositif permet de cumuler 20 heures de formation par an plafonnés à 120 h au delà de 6 ans et de les transférer dans le sac à dos du salarié, mais ce droit est porté uniquement par le salarié, puisqu’il n’est pas finançable, ni financé », estime Thierry Le Paon secrétaire de la CGT.
  3. Les financeurs se renvoient déjà la balle. Le 21 mai, les régions ont donné leur lecture du CPF : « le compte ne doit pas s’apparenter à un chèque formation individuel. Il doit être un « droit individuel » mais « garanti et organisé collectivement ». Les régions estiment qu’il faut distinguer la notion de « titulaire » de celle de « bénéficiaire ». En fait, elles se défaussent. Les entreprises, quant à elles, ne veulent pas payer plus. Reste l’État mais en ces temps de disette budgétaire, trouvera-t-il les ressources nécessaires pour former 3 millions de chômeurs et 1 million de jeunes désocialisés sans qualification ?
  4. Le CPF n’a aucune valeur monétaire. À la différence du DIF classique qui était financé par l’employeur à son coût réel (parfois avec le concours d’un OPCA) ou du DIF portable qui valait 9,15 euros/heure, le compte personnel de formation n’est qu’un cumul d’heures de formation. On est donc passé d’une somme insuffisante à plus rien du tout.
  5. Dans la mesure où l’employeur n’aura plus à financer le DIF de son salarié et qu’il pourra refuser de le laisser partir en formation, l’obligation va disparaître de fait.
  6. Le déploiement du CPF sera plus ardu encore que celui du DIF. En 10 ans d’existence, le DIF (connu de 95 % des salariés) a permis à environ 500 000 personnes de se former tous les ans (contre 35 000 CIF annuels). Combien de temps faudra-t-il pour que le CPF permette ainsi à 500 000 personnes de partir en formation ? Dix années supplémentaires ?

C’est ça l’ANI, c’est aussi ça la loi du 14 juin.

Gérard Filoche

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