Macron qui avait hésité à confiner en mars, puis pris à la gorge, opté pour un confinement total, n’a, depuis, mis en œuvre aucun plan d’urgence pour l’hôpital, et ne veut plus, à tout prix, qu’éviter un autre confinement.
« Lejour d’après ne sera pas un retour au jour d‘avant » : le « quoi qu’il en coûte » de Macron, le 10 mars s’appliquait à « sauver la santé », le coûte que coûte aujourd’hui s’applique à « sauver l’économie » capitaliste.
Bruno Lemaire avoue dorénavant que le gouvernement met « au même niveau l’urgence économique et l’urgence sanitaire » Ca suit le discours d’investiture de Jean Castex qui avait affirmé carrément qu’il donnerait « la priorité à la police ».
Pendant la crise, Emmanuel Macron clamait son intention de réhabiliter l’État providence et « le marché ne peut pas tout ». Ler jour d’apès, il profite du Covid pour aller encore plus loin dans sa politique que le jour d’avant!
Argent magique masqué
La grande presse rend illisible les annonces multiples et à tiroirs du plan de « relance » de Macron-Castex-Lemaire. De l’argent magique hier, introuvable, surgit à la pelle. Mais on ne nous explique pas d’où il vient, où il va, ni comment il est vraiment utilisé, ni s’il sera remboursé, quand, comment et à qui.
Tantôt on nous parle d’un total de 500 milliards, soit de l’équivalent d’un budget bis.
Tantôt de 100 milliards entièrement dédiés aux investissements des chefs d’entreprise et à l’emploi, étalés tantôt sur la fin de l’année 2020, tantôt en 2021 et même jusqu’en 2025.
Selon Macron : « Pour surmonter le confinement, il a fallu indemniser les salariés qui ne pouvaient plus travailler, accompagner les entreprises qui ont dû fermer, soutenir les secteurs qui, comme l’aéronautique, l’automobile, le tourisme, l’hôtellerie- restauration, ou la culture ont le plus souffert. De l’avis de tous les observateurs, la réponse française – 470 milliards d’euros mobilisés, l’une des plus puissantes des pays développés – a été exemplaire.»
La vérité est qu’une bonne partie du plan de soutien (les fameux 470 milliards d’euros évoqués par Macron) est en réalité constituée de prêts aux entreprises garantis par l’Etat (PGE), pour un montant théorique maximal de 300 milliards. Le reste est constitué de mesures dites « budgétaires » (c’est-à-dire d’argent réellement injecté dans l’économie par l’Etat) : chômage partiel, fonds de solidarité, etc.
L’OFCE estime l’impact du plan de relance sur l’économie française, de façon mitigée. « Le plan de relance améliorerait le PIB à hauteur de 1,1 % pour 2021 et la croissance serait de 7 %. Le calibrage budgétaire des mesures de réponse à la crise sur deux ans couvre environ 30 % des pertes cumulées d’activité sur 2020-21, soit une part similaire au plan de relance de 2009-2010. » En résumé, l’ampleur du plan serait à peu près équivalente à celui de 2009, de l’après-crise des subprimes, mais dans un contexte économique bien plus dégradé.
Le budget officiel de 2021 prévoit une décroissance du PIB (1) de – 10 % en 2020 et de + 8 % en 2021, pour un déficit de 10,2 % puis de 6,7%.
Le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances 2021, prévoit un soutien à l’activité en 2021 à hauteur de 1,5 % du PIB, puis de 1 % en 2022.
L’OFCE a des estimations inférieures, respectivement 1,1 % du PIB en 2021 puis 0,9 % en 2022. Ainsi, tandis que le gouvernement prévoit que 37 milliards d’euros de ressources du plan seront engagés en 2021, l’OFCE s’attend à 32 milliards d’euros mobilisés.
Il y a pour le moins des improvisations, des délais et des zones d’ombre dans la distribution de la manne financière.
Relancer pire qu’avant
Les médias obscurcissent les annonces fluctuantes de la répartition de ces centaines de milliards : on nous dit grossièrement, un tiers pour une transition verte, un tiers pour les entreprises, un tiers pour l’innovation. Tantôt on nous dit 6 milliards pour Renault tantôt 7 milliards pour l’aéronautique, en fait c’est un plan de relance pro CAC 40 : adieu la récompense salariale du travail indispensable des « métiers essentiels »: caissières, éboueurs, manutentionnaires, professeurs, chauffeurs livreurs… Ces femmes et ces hommes« que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal ».
Un tiers pour une « relance verte », c’est de l’argent pour les capitalistes censés être « verts »
Un tiers pour les entreprises, c’est de l’argent à discrétion pour les chefs d’entreprises pas pour les salariés
Un tiers d’innovation, c’est bien vague puisqu’il s’agit surtout d’un hypothétique avion à hydrogène et du parc de voitures individuelles électriques.
C’est, comme dirait Hollande « une politique de l’offre » clairement assumée par le gouvernement : des tonnes d’argent distribuées à ceux d’en haut, en faisant croire aux naïfs que ça ruissellera vers ceux d’en bas.
« Il y a un principe absolu : nous n’augmenterons aucun impôt », martèle Bruno Le Maire. Comprendre : « On ne touchera pas aux riches » Pas de rétablissement de l’ISF, pas d’impôt exceptionnel, pas de prélèvement sur les dividendes, maintien de la suppression de la taxe d’habitation…
Relance du transfert d’argent vers les riches
Au contraire, en plus du CICE pérennisé sous forme de baisse permanente de cotisations sociales, s’ajoutera désormais une baisse de 20 milliards de l’impôt de production, 10 milliards en deux ans. Effet inégalitaire : 281 plus grandes entreprises du pays (au moins 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires) vont se partager à elles seules 2,5 milliards d’euros soit, en moyenne, un chèque de 9 millions d’euros par entreprise. À l’autre bout du spectre, 323 291 TPE vont percevoir 304 millions d’euros, soit un chèque de 940 euros. Les PME vont quant à elles toucher 2,9 milliards d’euros, soit 13 300 euros par tête de pipe en moyenne. Enfin les ETI (entreprises de taille intermédiaire) vont toucher quelque 4 milliards d’euros, soit 456 300 par entreprise environ. Selon la CGPME elle même : « Les impôts de production ne concernent que les grosses boîtes. Encore une fois, les PME sont totalement exclues du dispositif, alors qu’elles se retrouvent en grosses difficultés. »
En même temps, qu’il se refuse à baisser la TVA, Bruno Lemaire se félicite de ces baisses d’impôt qui profitent aux plus grandes entreprises et à leurs actionnaires. Ce qui fait reculer d’autant les moyens de l’état orientés vers les plus précaires, les plus pauvres et les privés d’emploi. L’impôt cesse d’être un moyen de repartir les richesses, il est un moyen d’abonder les dividendes.
La crise aurait coûté 165 milliards à l’économie, dont 50 pèseraient sur les entreprises. Celles ci ont pourtant été beaucoup aidées des mars 2020 avec le paiement du chômage partiel. Le plan de relance va encore aider davantage les mêmes sociétés. Les premiers assistés de ce pays ce sont les patrons.
Il n’y aucun contrôle, aucune contrepartie exigée à ces aides : ils encaissent et licencient, ils n’embauchent pas prétextant que « la demande n’est pas là ». Et il y a du vrai puisque les salaires sont bloqués, 12, 5 millions de salariés ont été en chômage partiel avec seulement 84 % de leur salaire, le revenu des ménages a baissé et ils ont beaucoup moins consommé.
D’où le cycle infernal qui engage une baisse de salaires, qui engage une baisse d’activité, qui engage une hausse du chômage, qui diminue les rentrées fiscales, qui provoque l’austérité.
Chômage de masse aggravé
Pour 470 milliards et 100 milliards de plus, ils annoncent… 800 000 chômeurs de plus. Le Covid a bon dos, 484 plans sociaux sont en cours qui ne sont pas causés par le Covid, mais sont des choix antérieurs des actionnaires précipités par l’effet d’aubaine : Cargill, Auchan, Bridgestone,
Macron a modifié le système de comptabilisation des chômeurs, selon les critères du BIT à la place de ceux du Pôle Emploi et de l’INSEE. Mais dans la réalité il demeure autour de 6,5 millions de personnes dans le « halo du chômage» comme ils disent.
Il se refuse à dire ce qu’il fera de la casse de l’assurance chômage légiférée depuis septembre 2019. Vont-ils vraiment enlever les 3 ou 4 milliards qu’ils prévoyaient d’enlever sur les indemnisations des salariés licencies ?
Le gouvernement annonce 160 000 créations d’emplois comme résultat du plan de relance de 100 milliards d’euros, soit seulement 20 % des pertes prévues. 160 000 uniquement avec ce plan de relance, c’est peu compte tenu des 40 milliards d’euros annoncés sur ce volet. Ça fait cher l’emploi !
Les aides à l’embauche aux 16-25 ansde 4 000 euros coûtent cher pour pas grand-chose (plus d’1 milliard en 2021 pour 450 000 contrats signés). Ca ne règle pas le problème majeur de la pauvreté dans la jeunesse ni des aides aux études. Une allocation d’autonomie inconditionnelle de la jeunesse entre 18 et 25 ans réglerait le problème.
Par contre soulignons le au passage : « l’argent magique » arrive en rafale pour le budget de l’armée qui encaisse 1,7 milliards de plus en 2021, qui sera le premier recruteur de France et disposera de 18 milliards de plus qu’en 2017 !
Cinq des points qu’ils refusent de faire :
1°) Ils se refusent à rétablir l’ISF alors qu’un rapport prouve que sa suppression n’a servi qu’a enrichir les riches et qu’on apprend qu’àl’exception des Chinois, ce sont les milliardaires français qui se sont le plus enrichis dans le monde ces dix dernières années. Le nombre de redevables de l’ISF est passé de 287 000 à 358 000 ménages. Les riches n’ont pas pu revenir… puisqu’ils n’étaient pas partis. L’ISF rapportait 5 milliards par an et Thomas Piketty estime que son rétablissement aujourd’hui rapporterait plus de 10 milliards !
2°) Annuler « la dette » (présumée) : d’ailleurs ça branle dans le manche à ce sujet : des économistes libéraux en vogue conviennent qu’il faut en faire une dette à 100 ans ! D’autres, comme Thierry Breton conviennent qu’elle sera payée de façon très différée : entre 2038 et 2058. D’autres comme François Bayrou veulent distinguer la « dette du Covid » des autres dettes, tiens pourquoi donc ? La vérité est qu’annuler la dette ne changerait rien à l’économie et la rembourser n’apporterait rien de crédible auprès des banques (celle-ci viennent d’être accusées – rapport FinCENFiles - d’avoir fraudé 2000 milliards de dollars presque autant que la dette française !)
3°) Distribuer des « aides » pour faire redémarrer toute l’économie : le Covid n’est pas une guerre, l’appareil de production est intact, seul le carburant de l’argent manque, il faut faire marcher la planche à billets, il n’y a pas d’inflation et s’il y en avait ce serait plutôt bénéfique pour la reprise. Investir massivement dans l’emploi public, les services publics, l’hôpital public, la recherche publique.
4°) mobiliser l’épargne, 55 milliards d’euros qui ont été mis provisoirement en sommeil pendant huit semaines de confinement, taxer les multinationales, les GAFAM, l’économie numérique immédiatement à un taux de 30 %, rendre aides publiques et paradis fiscaux inconciliables, traque de la fraude fiscale, contrôle du fléchage des investissements et des aides.
5°) hausser les salaires de 300 euros pour tous pour relancer la « demande et la consommation. Contrôler les licenciements par une autorisation obligatoire préalable afin de « tenir » les patrons. Stopper les abus de précarité pas plus de 5 % de non CDI par entreprise. Réduire la durée du travail, à 32 h puis 28 h la semaine, et 60 ans sur la vie seul moyen efficace contre la chômage de masse. Réguler fortement la sous-traitance et tous ses abus. Interdire l’ubérisation.
GDS a publié un document en avril dernier, « Pandémie et jour d’après », (D&S spécial n° 274) c’est ce plan de relance là qui est plus que jamais à l’ordre du jour !
(1) Un point de PIB est égal à 1% du PIB, soit, dans le cas de la France, à environ 24 milliards d’euros. 15 points représentent approximativement 360 milliards d’euros).
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